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Dossiers : 2010-3252(IT)G, 2012-115(GST)I

 

ENTRE :

830480 ALBERTA INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 15 octobre 2012, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me James Yaskowich

Avocate de l’intimée :

Me Margaret M. McCabe

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée, pour les années d’imposition 2003 et 2006, et les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E‑15, dans sa version modifiée, pour les périodes de déclaration qui ont pris fin le 31 juillet 2005, le 31 janvier 2006, le 30 avril 2006, le 31 juillet 2006, le 31 janvier 2007, le 31 juillet 2009, le 31 août 2009, le 30 septembre 2009 et le 31 octobre 2009, sont rejetés, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2012.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

Référence : 2012CCI424

Date : 20121203

Dossiers : 2010-3252(IT)G, 2012-115(GST)I

 

ENTRE :

 

830480 ALBERTA INC.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

[1]             L’appelante, 830480 Alberta Inc., promotrice immobilière, a interjeté appel des cotisations selon lesquelles elle doit payer des pénalités pour production tardive en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour les années d’imposition 2003 et 2006 et des cotisations selon lesquelles elle doit payer des pénalités pour production tardive en application de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») pour les périodes de déclaration qui ont pris fin le 31 juillet 2005, le 31 janvier 2006, le 30 avril 2006, le 31 juillet 2006, le 31 janvier 2007, le 31 juillet 2009, le 31 août 2009, le 30 septembre 2009 et le 31 octobre 2009 (les « périodes de déclaration »).

 

[2]             Quand il a calculé les pénalités pour production tardive en application de la LIR à l’égard de l’appelante, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes, lesquelles sont énoncées dans la réponse à l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

10.       Quand il a établi les cotisations en cause à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2003 et 2006, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)   l’appelante aurait dû produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003 au plus tard le 30 avril 2004;

 

b)      le 26 octobre 2004, l’intimée a transmis à l’appelante une demande de production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003;

 

c)      l’intimée n’a reçu la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition 2003 que le 4 novembre 2004;

 

d)     par une lettre datée du 14 novembre 2008, le représentant de l’appelante a présenté une déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003;

 

e)      dans sa déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003, l’appelante a déclaré un revenu net de 292 232 $;

 

f)       dans sa déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003, l’appelante a déclaré devoir au fisc la somme de 28 659 $;

 

g)      dans sa déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003, l’appelante a déduit de son revenu 73 798 $ à titre de pertes autres que des pertes en capital enregistrées au cours d’exercices précédents;

 

h)      le ministre a accepté telle quelle la déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003 produite par l’appelante;

 

i)        l’appelante n’a pas payé la somme de 28 659 $ qu’elle devait au fisc quand elle a produit sa déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003;

 

j)        le ministre a calculé des pénalités pour production tardive de 3 152,49 $ à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2003 de la manière suivante :

 

Impôt non payé pour 2003

 

 

28 659,00 $

Montant non payé

x 5 %

1 432,95 $

Ajouté au

 

 

Montant non payé

x 1 %

286,59 $

 

                  x 6

1 719,54 $

Pénalité totale

 

3 152,49 $

 

k)      l’appelante devait produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006 au plus tard le 30 avril 2007;

 

l)        le 10 janvier 2008, l’intimée a transmis à l’appelante une demande de production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006;

 

m)    l’intimée n’a reçu la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition 2006 que le 27 août 2009;

 

n)      dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006, l’appelante a déclaré un revenu net de 8 485 199 $;

 

o)      dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006, l’appelante a déclaré devoir 1 409 036 $ au fisc;

 

p)      le ministre a utilisé des pertes de 2 606 345 $ enregistrées dans des années antérieures pour réduire le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2006 à 5 878 854 $;

 

q)      le ministre a établi que l’appelante avait une dette fiscale de 1 273 403 $ pour l’année d’imposition 2006;

 

r)       l’appelante n’a pas payé la somme de 1 273 403 $ qu’elle devait au fisc quand elle a produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2006;

 

s)       le ministre a calculé des pénalités pour production tardive de 216 478,51 $ à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2006 de la manière suivante :


Impôt non payé pour 2006

 

 

1 273 403,00 $

Montant non payé

x 5 %

63 670,15 $

Ajouté au

 

 

Montant non payé

x 1 %

12 734,03 $

 

                    x 12

152 808,36 $

Pénalité totale

 

216 478,51 $

 

[3]             À l’audience, l’avocat de l’appelante a concédé que les hypothèses de fait énoncées aux alinéas a), c), d), k) et m) étaient exactes.

 

[4]             Quand il a calculé des pénalités pour production tardive de déclarations de TPS à l’égard de l’appelante pour les périodes de déclaration, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

15.       Quand il a établi les cotisations en cause à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

 

a)   l’appelante est une inscrite aux fins de la TPS;

 

b)      L’appelante était une société travaillant dans le domaine de la promotion immobilière et des ventes connexes;

 

c)      pendant la période en cause, Riaz et Rukhsana Choudhry détenaient chacun 50 % des actions de l’appelante, et ils étaient mari et femme;

 

d)     pendant la période en cause, M. Choudhry était le directeur de l’appelante;

 

e)      la Loi exige de l’appelante qu’elle produise ses déclarations de TPS sur une base trimestrielle;

 

f)       pour les périodes de déclaration en cause, l’appelante devait produire ses déclarations, et a produit ses déclarations, de la manière suivante :

 

Date de fin de la période de déclaration

Date d’exigibilité de la déclaration

Date de production de la déclaration

TPS déclarée ($)

CTI demandés ($)

Taxe nette déclarée ($)

31 juil. 2005

31 août 2005

27 août 2009

3 169,60

-26 048,51

-22 878,91

 

 

 

 

 

 

31 janv. 2006

28 févr. 2006

27 août 2009

90 942,03

-135 809,59

-44 867,56

30 avr. 2006

31 mai 2006

27 août 2009

15 235,15

-26 777,40

-11 542,25

31 juil. 2006

31 août 2006

27 août 2009

0,00

-19 289,59

-19 289,59

 

 

 

 

 

 

31 janv. 2007

28 févr. 2007

27 août 2009

22 291,68

-29 880,48

-7 588,80

 

 

 

 

 

 

31 juil. 2009

31 août 2009

29 juil. 2010

13 650,00

-1 931,92

11 718,08

31 août 2009

30 sept. 2009

29 juil. 2010

58 900,00

-3 377,13

55 522,87

30 sept. 2009

31 oct. 2009

29 juil. 2010

7 400,00

-2 279,16

5 120,84

31 oct. 2009

30 nov. 2009

29 juil. 2010

29 825,00

-3 965,31

25 859,69

 

g)      pour les périodes de déclaration en cause, l’appelante devait déclarer et verser la taxe nette au plus tard à la date d’exigibilité des déclarations, de la manière suivante :

 

Date de fin de la période de déclaration

Date d’exigibilité de la déclaration et du versement

Date de production de la déclaration

Taxe nette à payer selon la cotisation ($)

 

 

 

 

31 juil. 2005

31 août 2005

27 août 2009

34 014,74

 

 

 

 

31 janv. 2006

28 févr. 2006

27 août 2009

37 789,53

30 avr. 2006

31 mai 2006

27 août 2009

258 612,24

31 juil. 2006

31 août 2006

27 août 2009

212 201,48

 

 

 

 

31 janv. 2007

28 févr. 2007

27 août 2009

4 175,77

 

 

 

 

31 juil. 2009

31 août 2009

29 juil. 2010

11 718,08

31 août 2009

30 sept. 2009

29 juil. 2010

55 522,87

30 sept. 2009

31 oct. 2009

29 juil. 2010

5 120,84

31 oct. 2009

30 nov. 2009

29 juil. 2010

25 859,69

 

h)      pour les périodes de déclaration en cause, l’appelante a omis de produire ses déclarations et d’effectuer les versements exigés par la Loi, et le ministre a eu raison d’imposer les pénalités administratives suivantes :

 

Date de fin de la période de déclaration

Date de production de la déclaration

Date de la nouvelle cotisation

Taxe nette déclarée ($)

Taxe nette à payer selon la cotisation ($)

Pénalité pour versement tardif ($)

Pénalité pour défaut de production ($)

 

 

 

 

 

 

 

31 juil. 2005

27 août 2009

9 sept. 2010

-22 878,91     

34 014,74

3 361,29

1 320,58

 

 

 

 

 

 

 

31 janv. 2006

27 août 2009

28 juil. 2010

-44 867,56

37 789,53

2 520,99

1 471,57

30 avr. 2006

27 août 2009

28 juil. 2010

-11 542,25

258 612,24

13 398,81

10 304,48

31 juil. 2006

27 août 2009

28 juil. 2010

-19 289,59

212 201,48

7 603,34

8 488,05

 

 

 

 

 

 

 

31 janv. 2007

27 août 2009

28 juil. 2010

-7 588,80

4 175,77

21,36

167,02

 

 

 

 

 

 

 

31 juil. 2009

29 juil. 2010

20 août 2010

11 718,08

11 718,08

 

410,13

31 août 2009

29 juil. 2010

20 août 2010

55 522,87

55 522,87

 

1 804,48

30 sept. 2009

29 juil. 2010

20 août 2010

5 120,84

5 120,84

 

153,61

31 oct. 2009

29 juil. 2010

20 août 2010

25 859,69

25 859,69

 

711,13

 

[5]             À l’audience, l’avocat de l’appelante a concédé que l’alinéa f) était exact.

 

[6]             Les appels ont été entendus sur preuve commune.

 

[7]             M. Riaz Choudhry, seul actionnaire de l’appelante, a été le seul témoin à comparaître pour l’appelante.

 

[8]             Avant 1999, M. Choudhry travaillait comme ingénieur civil pour la Ville d’Edmonton. La preuve a révélé que M. Choudhry détient une maîtrise en génie.

 

[9]             En 1999, ou autour de cette année, M. Choudhry a constitué l’appelante en société en vue d’entreprendre des projets d’aménagement immobilier en Alberta.

 

[10]        M. Choudhry a déclaré que l’appelante avait entrepris son premier projet dans la ville de Beaumont. L’appelante y a acheté des terrains d’une superficie totale d’une soixantaine d’acres en 1999 et en 2000. Ce projet d’aménagement immobilier était connu sous le nom de « Four Seasons Estates ».

 

[11]        L’appelante a passé l’année d’imposition 2000 à établir des plans d’aménagement pour le projet Four Seasons Estates et à obtenir des changements de zonage. M. Choudhry a affirmé que l’appelante avait engagé d’importantes dépenses et qu’elle avait donc enregistré pour cette année‑là des pertes autres que des pertes en capital à reporter à un exercice ultérieur.

 

[12]        La phase I du projet Four Seasons Estates a été lancée en 2001. Pour vendre les terrains de la phase I, l’appelante devait construire tous les services hors-sol et souterrains, y compris les routes d’accès, les systèmes de traitement des eaux usées et des eaux pluviales ainsi que les conduites de gaz et les lignes téléphoniques et électriques. À la fin de la phase I, l’appelante avait terminé les travaux de construction sur une trentaine de terrains. M. Choudhry a déclaré qu’il avait vendu seulement neuf terrains en 2001, et que l’appelante avait enregistré une perte attribuable aux importantes dépenses d’aménagement engagées cette année‑là, lesquelles ont donné lieu à des pertes pouvant être reportées.

 

[13]        Le travail d’aménagement de la phase II du projet Four Seasons Estates a commencé en 2002. Le travail a par ailleurs continué sur la phase I cette année‑là. D’après M. Choudhry, l’appelante a vendu approximativement 31 terrains cette année‑là et a enregistré une perte pouvant faire l’objet d’un report prospectif parce que ses dépenses ont continué d’excéder ses revenus.

 

[14]        M. Choudhry a déclaré que l’appelante avait entamé la phase III du projet Four Seasons Estates en 2003. Elle a vendu une trentaine de parcelles constructibles cette année-là. À l’automne 2003, l’appelante a acheté des terrains d’une superficie totale d’environ 80 acres sur Ellerslie Road et sur la 66e Rue, dans la ville d’Edmonton. Ce projet était connu sous le nom de Sunset Valley Estates. Les travaux de mise en valeur du projet Sunset Valley Estates ont été entrepris à la fin de l’année 2003. Aucune parcelle de ces terrains n’a été vendue cette année‑là.

 

[15]        M. Choudhry a déclaré ne pas s’être empressé de préparer et de produire la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition 2003 parce qu’il croyait que l’appelante avait enregistré des pertes cette année‑là. En outre, il savait que l’appelante avait des pertes autres que des pertes en capital d’années antérieures qu’elle pourrait utiliser pour compenser le revenu qu’elle pourrait avoir touché.

 

[16]        Le 26 octobre 2004, le ministre a finalement transmis à l’appelante une demande de production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2003. L’appelante a attendu jusqu’au 4 novembre 2004 pour produire sa déclaration pour 2003. La déclaration qu’elle a alors produite ne faisait état d’aucune dette fiscale. Le 14 novembre 2008, l’appelante a produit une déclaration de revenus modifiée pour l’année d’imposition 2003, qui montrait que l’appelante avait touché un revenu net de 292 232 $ et qu’elle devait toujours payer 28 659 $ d’impôt après avoir reporté des pertes d’années antérieures de 73 798 $.

 

[17]        M. Choudhry a prétendu avoir omis de tenir compte du fait que certains [traduction] « coûts accessoires » n’étaient pas déductibles quand il a produit sa première déclaration pour 2003.

 

[18]        Le comptable de M. Choudhry a préparé la déclaration modifiée et a correctement immobilisé les dépenses qui n’étaient pas immédiatement déductibles.

 

[19]        Les travaux d’aménagement ont continué relativement aux deux projets en 2005 et en 2006. D’après M. Choudhry, l’appelante a continué d’enregistrer des pertes.

 

[20]        M. Choudhry a expliqué qu’il ne s’était pas empressé de préparer la déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition 2006 parce qu’il croyait que les pertes reportées des années antérieures, qui s’élevaient à 2 606 345 $, suffiraient à compenser tout revenu gagné cette année-là, revenu qu’il estimait à environ 2 millions de dollars. Dans la déclaration de revenus qu’elle a finalement produite pour l’année d’imposition 2006, l’appelante a déclaré que son revenu net était supérieur d’au moins 5,8 millions de dollars à ses pertes reportées d’années antérieures. M. Choudhry n’a pas expliqué comment il avait pu sous‑estimer le revenu de l’appelante de plus de 5,8 millions de dollars pour cette année‑là.

 

[21]        En ce qui concerne la production tardive des déclarations de TPS de l’appelante pour les périodes de déclaration en cause, M. Choudhry a offert une explication similaire à celle qu’il a donnée relativement à la production tardive des déclarations de revenus de l’appelante. M. Choudhry a expliqué qu’il ne s’était pas empressé de produire les déclarations en cause parce qu’il croyait que le montant des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») de l’appelante pour les périodes de déclaration serait supérieur au montant de la taxe nette que l’appelante devrait payer pour ces mêmes périodes, et que la société recevrait un remboursement de TPS quand elle produirait finalement ses déclarations.

 

[22]        En l’espèce, la question en litige est de savoir si l’appelante est parvenue à démontrer qu’elle a fait preuve du degré requis de diligence raisonnable en ce qui a trait à son défaut de produire ses déclarations dans les délais prévus par la LIR en ce qui concerne les déclarations de revenus pour les années d’imposition 2003 et 2006, et par la LTA en ce qui concerne les déclarations de TPS pour les périodes de déclaration en cause. En l’espèce, pour avoir gain de cause en présentant une défense de diligence raisonnable, l’appelante doit établir qu’il a commis une erreur de fait raisonnable.

 

[23]        L’avocat de l’appelante a concédé que sa cliente n’avait pas invoqué de circonstances qui auraient pu l’empêcher de produire ses déclarations de revenus et de TPS dans les délais impartis. L’avocat de l’appelante a néanmoins soutenu que les pénalités pour production tardive qui ont été calculées à l’égard de l’appelante devraient être annulées parce que M. Choudhry avait des motifs raisonnables de croire que l’appelante n’avait pas de dette fiscale pour les périodes à l’égard desquelles les déclarations ont été produites tardivement.

 

[24]        Dans le cas de la déclaration de revenus pour 2003, l’avocat de l’appelante a souligné le fait que, dans la première déclaration qu’elle a produite, sa cliente avait déclaré un revenu net nul. Dans le cas de la déclaration de revenus pour 2006, l’avocat de l’appelante a souligné le fait que M. Choudhry avait déclaré qu’il croyait que le revenu net de l’appelante serait égal ou inférieur à ses pertes reportées des années antérieures. Pour finir, l’avocat de l’appelante a insisté sur le fait que M. Choudhry avait déclaré qu’il croyait que les CTI de l’appelante étaient supérieurs au montant de la TPS qu’elle avait perçue pour les périodes de déclaration à l’égard desquelles les déclarations de TPS ont été produites en retard.

 

[25]        L’avocat de l’appelante s’est fondé sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Corporation de l’École Polytechnique c. Canada, 2004 CAF 127, pour faire valoir qu’une erreur raisonnable de fait, comme celle que M. Choudhry aurait commise, peut servir de fondement à une défense de diligence raisonnable visant à contester les pénalités pour production tardive. L’avocat de l’appelante a cité les extraits suivants de l’arrêt en question :

 

[27]      Notre Cour a déjà statué que rien ne s’oppose à ce que le moyen de défense de la diligence raisonnable, dont une personne peut se prévaloir à l’encontre d’infractions de responsabilité stricte, puisse être invoqué à l’encontre de pénalités administratives. Plus spécifiquement, elle a décidé que l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise, par son libellé et son contenu, donne ouverture à cette défense : Canada (P.G.) c. Consolidated Canadian Contractors Inc., [1999] 1 C.F. 209 (C.A.F.). Il n’est peut-être pas inapproprié de rappeler les principes qui gouvernent la défense de diligence raisonnable avant de les appliquer aux faits de l’espèce.

 

[28]      La défense de diligence raisonnable permet à une personne d’éviter l’imposition d’une pénalité si elle fait la preuve qu’elle n’a pas été négligente. Elle consiste à se demander si cette personne a cru, pour des motifs raisonnables, à un état de fait inexistant qui, s’il eut existé, aurait rendu son acte ou son omission innocent ou si elle a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement qui mène à l’imposition de la peine? Voir La Reine c. Sault Ste-Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299; La Reine c. Chapin, [1979] 2 R.C.S. 121. En d’autres termes, la diligence raisonnable excuse soit l’erreur de fait raisonnable, soit la prise de précautions raisonnables pour se conformer à la loi.

 

[30]      La personne qui invoque une erreur de fait raisonnable doit satisfaire un double test : subjectif et objectif. Il ne lui suffit pas d’invoquer qu’une personne raisonnable aurait commis la même erreur dans les circonstances. Elle doit d’abord établir qu’elle s’est elle-même méprise quant à la situation factuelle : il s’agit là du test subjectif. Évidemment, la défense échoue en l’absence d’une preuve que la personne qui l’invoque a, de fait, été induite en erreur et que cette erreur a mené au geste posé. Elle doit ensuite établir que son erreur était raisonnable dans les circonstances : il s’agit là du test objectif.

 

[31]      Sitôt la défense de diligence raisonnable acceptée en matière d’infractions de responsabilité stricte, s’est soulevée la question de savoir si la défense d’erreur de droit pouvait, elle aussi, être invoquée pour éviter l’imposition d’une sanction pénale. Cette question ne s’est pas posée uniquement en rapport avec les infractions de responsabilité stricte, encore qu’avec l’inflation réglementaire et la multiplication des infractions statutaires, le champ de la responsabilité stricte s’est avéré le lieu le plus propice à l’éclosion de cette défense.

[Non souligné dans l’original.]

 

[26]        Je souscris aux observations de l’avocat de l’appelante selon lesquelles un contribuable peut se soustraire au versement de pénalités pour production tardive si ce contribuable peut montrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il n’avait pas d’impôt ou de taxe à payer à l’égard des déclarations produites tardivement. Le cas échéant, le fait d’avoir produit des déclarations tardivement ne porterait pas à conséquence. Pour avoir gain de cause, le contribuable doit montrer comment l’erreur a été commise et démontrer qu’il s’est fondé sur cette erreur pour prendre la décision de produire ses déclarations après la date d’échéance prévue. Cette exigence est nécessaire pour satisfaire au critère subjectif. Pour satisfaire au critère objectif, le contribuable doit démontrer qu’une personne raisonnable aurait commis la même erreur et se serait fondée sur cette erreur pour décider de repousser la date de production des déclarations.

 

[27]        Après avoir évalué l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que la preuve de l’appelante ne satisfait à aucun des deux critères. Le témoignage de M. Choudhry était largement intéressé. Par exemple, pour l’année d’imposition 2006, il a simplement déclaré avoir cru que le revenu net de l’appelante serait égal ou inférieur au montant des pertes reportées d’années antérieures.

 

[28]        En fait, quand elle a produit sa déclaration de revenus, l’appelante a déclaré un revenu net de 8 485 199 $, ce qui était supérieur d’au moins 5,8 millions de dollars à ses pertes autres que des pertes en capital de 2,6 millions de dollars des années antérieures. M. Choudhry n’a pas expliqué comment il en était arrivé à sous‑estimer autant le revenu de l’appelante pour 2006. Il n’a présenté aucun élément de preuve montrant qu’il s’était véritablement efforcé de calculer le montant de la dette fiscale de l’appelante pour cette année avant la date d’échéance de la déclaration. En outre, même si on considère qu’une erreur a été effectivement commise, M. Choudhry n’a présenté aucun élément de preuve pour expliquer comment cette erreur pouvait objectivement être considérée comme raisonnable. De même, M. Choudhry n’a pas démontré qu’il avait effectivement essayé de calculer le montant de la TPS que l’appelante devait pour les périodes de déclaration en cause.

 

[29]        Après avoir évalué l’ensemble de la preuve, je conclus que les gestes posés par M. Choudhry montrent qu’il n’a tout simplement pas considéré les obligations fiscales de l’appelante comme une priorité.

 

[30]        Pour ces motifs, les appels sont rejetés, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de décembre 2012.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 424

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2010-3252(IT)G, 2012-115(GST)I

                                                         

INTITULÉ :                                      830480 Alberta Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 3 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me James Yaskowich

 

Avocate de l’intimée :

Me Margaret M. McCabe

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

               Nom :                                 James Yaskowich

 

               Cabinet :                            Felesky Flynn LLP

                                                          Edmonton (Alberta)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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