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Dossier : 2010-1901(IT)G

ENTRE :

NRT TECHNOLOGY CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu les 22, 23, 24, 25 et 26 octobre 2012 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me David W. Chodikoff

Me Tarsem Basraon

 

Avocats de l’intimée :

Me Arnold H. Bornstein

Me Rita Araujo

 

 

 

JUGEMENT

L’appel relatif à la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition ayant pris fin le 30 septembre 2007 est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 420

Date : 20121130

Dossier : 2010-1901(IT)G

ENTRE :

NRT TECHNOLOGY CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]             NRT Technology Corp. (« NRT ») interjette appel de la cotisation relative à son année d’imposition ayant pris fin le 30 septembre 2007, par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a rejeté les pertes autres qu’en capital reportées prospectivement à titre de pertes de Telepanel Systems Inc. (« Telepanel »), une société dont NRT a pris le contrôle en janvier 2006. NRT fait valoir que les pertes de 4 609 026 $ sont entièrement déductibles de ses autres revenus, car elles sont conformes aux dispositions du paragraphe 111(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), en ce sens que :

a)                 dans l’année d’imposition 2007, elle a exploité tout au long de l’année l’entreprise de Telepanel en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit;

b)                le revenu à l’encontre duquel elle a déduit les pertes découlait de la vente de biens semblables à celui de Telepanel, soit le système d’étiquettes d’étagère électroniques (le « système d’EEE »).

Les faits

[2]             J’ai entendu les témoignages de M. Chris Skillen, l’ancienne âme dirigeante de Telepanel, de M. McArthur, un ancien employé de Telepanel passé par la suite au service de NRT (où il est aujourd’hui directeur des ventes), de M. Mazza, un cadre de Wincor Nixdorf, distributeur d’une entreprise rivale dans l’industrie des systèmes d’EEE, de M. Grundy, le directeur financier de NRT, de M. Dominelli, le président et l’âme dirigeante de NRT, ainsi que d’un expert, M. Perrier, qui a expliqué la technologie qui sous-tend le système d’EEE de Telepanel.

[3]             Je vais commencer par décrire le produit qui constituait l’entreprise de Telepanel, c’est-à-dire le système d’EEE. Comme son nom l’indique, l’EEE – l’étiquette d’étagère électronique – est un module recouvert de plastique et d’une taille relativement petite que l’on fixe à une étagère d’un magasin d’alimentation : il est muni d’un écran-afficheur à cristaux liquides (ACL) qui affiche le prix des produits et qui offre la possibilité, par l’intermédiaire d’un ordinateur central, de changer automatiquement le prix affiché. L’expert s’est lancé dans des explications nettement plus détaillées sur les nombreux éléments que comporte la technologie du système d’EEE : le module d’affichage des prix, l’antenne du magasin, le transmetteur/récepteur de base relié par des points d’accès sans fil à l’ordinateur proprement dit et à l’application logicielle, ainsi que l’ordinateur central. M. Perrier a mis en lumière un certain nombre d’éléments uniques que comporte le système d’EEE de Telepanel : le boîtier de plastique de grande qualité, le mécanisme de fixation durable, le processus permettant d’assurer la longévité des piles et, par-dessus tout, la fonction radio bidirectionnelle, grâce à laquelle le module ne fait pas que recevoir les informations relatives aux prix, mais signale aussi à l’ordinateur qu’il les a reçues.

[4]             Telepanel a vu le jour en 1983, a atteint son point culminant au milieu des années 1990 et s’est mise ensuite à décroître progressivement jusqu’à ce que NRT finisse par en faire l’acquisition en 2006. M. Skillen a décrit que la société, à son apogée, c’est-à-dire au milieu des années 1990, avait un chiffre d’affaires de plusieurs millions de dollars; elle était le chef de file du marché et, avec son produit, elle faisait affaire avec plus de magasins (150 environ) que n’importe qui d’autre. À cette époque, la société comptait aussi cinquante employés, et elle avait conclu une entente avec IBM afin que celle-ci agisse comme distributrice de son produit, une entente qui s’est poursuivie jusqu’en 2002.

[5]             M. Skillen a quitté la barre de Telepanel en 2000 après avoir aidé à recueillir pour la société, au moyen d’un prospectus, la somme de 5 000 000 $ en vue, comme il l’a dit, de permettre à la société de poursuivre son entreprise. Malgré l’injection de fonds, l’entreprise de Telepanel a commencé à décliner en 2000 à cause de la concurrence, de l’implantation de terminaux à autobalayage qui ont privé les systèmes d’EEE d’investissement de capitaux ainsi que du malaise général dans lequel s’est retrouvé le secteur technologique. En fait, dans les notes relatives aux états financiers de Telepanel pour les années terminées en janvier 2000 et 2001, PricewaterhouseCoopers a signalé :

[traduction]

Les états financiers consolidés ci-joints ont été établis au moyen des principes comptables généralement reconnus au Canada, qui s’appliquent à une entreprise en exploitation. Il est possible que ces principes ne conviennent pas, car, en date du 31 janvier 2001, il y avait de sérieux doutes que la société soit en mesure de continuer ses activités en tant qu’entreprise en exploitation. Si jamais l’hypothèse de la continuité d’exploitation ne convenait pas aux présents états financiers consolidés, il faudrait dans ce cas rajuster de manière importante la valeur comptable des actifs et des dettes, les revenus et les dépenses déclarés ainsi que les classifications de bilan utilisées.

[6]             Après 2002, il est devenu encore plus difficile de financer l’entreprise, les commandes ont diminué et, en 2003, Telepanel a commencé à licencier des employés. L’effectif est passé de vingt à trente employés en 2003 pour tomber ensuite à douze en 2004 et, après cela, à une poignée seulement. Les quelques employés restants ont été embauchés à titre d’entrepreneurs indépendants et ils ne travaillaient que quelques heures par semaine : il n’y avait aucun employé à proprement parler.

[7]             Le nombre de magasins munis du système d’EEE de Telepanel a atteint son point culminant en 1995, soit 150, pour tomber ensuite à 134 en 2000, à 100 en 2004 et à 60 en 2005; toutefois, M. Dominelli, au moment où il a convenu de faire l’acquisition de l’entreprise de Telepanel, croyait qu’il y avait nettement moins de magasins que Telepanel le laissait entendre.

[8]             M. Skillen a déclaré que Telepanel, durant toute son existence, n’avait jamais été rentable. Les revenus de Telepanel découlaient de la vente des modules, des interfaces, des émetteurs-récepteurs et des antennes, de la vente de logiciels, ainsi que des frais de remise en état et des droits de licence. À la fin de 2004, même après avoir injecté plus de son argent personnel dans l’entreprise, M. Skillen s’est rendu compte qu’il fallait que la société trouve un acheteur. À la fin de 2004, il est entré en contact avec d’éventuels acheteurs, Symbol Technologies, Pricer et Retail Store Systems (une société affiliée d’IBM), disant qu’il s’attendait à ce que les offres débutent à 2 500 000 $. Il n’y a eu aucun enchérisseur.

[9]             Par l’intermédiaire de ses avocats, M. Skillen a été mis en contact avec NRT, qui, a-t-il décrit, présentait un certain nombre de caractéristiques idéales :

-                     une expérience de la vente au détail;

-                     une connaissance de l’environnement du balayage électronique;

-                     une équipe de vente aux États-Unis;

-                     une connaissance de la technologie des EEE;

-                     une installation de fabrication à Toronto, qui serait un excellent endroit où utiliser les ressources de Telepanel.

[10]        M. Skillen a rencontré pour la première fois M. Dominelli, de NRT, en avril 2005, dans les locaux de Telepanel. Ce dernier s’est rendu compte que, du point de vue physique, il n’y avait pas grand-chose sur place. Il a toutefois vu une technologie intéressante, une technologie qui pouvait compléter son système Scanvue (un scanneur destiné aux magasins de détail) et convenir à ses clients, tels que Canadian Tire et Petrocan. Il a également envisagé pour cette technologie des usages différents dans l’industrie du jeu, laquelle constituait le volet le plus important de l’entreprise de NRT. M. Dominelli s’est souvenu que M. Skillen demandait pour son entreprise une somme de plusieurs millions de dollars, ce qui, selon lui, était trop élevé.

[11]        Lors d’une deuxième réunion, M. Skillen et M. Dominelli ont discuté de la technologie et du nombre des magasins. M. Dominelli a été mis au courant des pertes de Telepanel, mais, comme il l’a dit, les chiffres changeaient tout le temps à mesure que les années passaient. Telepanel, principalement par l’entremise de M. McArthur, a fait un exposé à M. Dominelli, qui a été impressionné par la connaissance qu’avait M. McArthur de l’entreprise. Il s’est rendu compte qu’il allait faire l’acquisition d’une société en faillite, mais il avait le sentiment de savoir comment la remettre sur les rails. Il a fait une offre de 1 000 000 $, que M. Skillen a acceptée. M. Dominelli a reconnu qu’il aurait probablement payé plus que cela. Son intention était d’acquérir la technologie et il avait l’impression que les pertes fiscales constituaient une prime. Le montant des pertes n’était pas fixé, car Telepanel n’avait pas produit de déclarations depuis un certain nombre d’années. L’acquisition a été retardée jusqu’à ce que des déclarations soient établies et produites. Il a fallu aussi s’occuper des créanciers de Telepanel au moyen d’une proposition aux créanciers. À l’automne de 2005, Telepanel avait un passif de plus de 22 000 000 $ et un actif de 225 000 $ seulement.

[12]        Avant de faire une offre en novembre 2005, M. Dominelli a convenu de laisser les vestiges de l’entreprise de Telepanel prendre place dans ses propres locaux, car Telepanel avait des problèmes avec son locateur. Il a déclaré qu’il avait vu une entreprise en difficulté et qu’il était dans sa nature de donner un coup de main. Il craignait aussi de perdre la technologie s’il ne le faisait pas. NRT a donc procuré à Telepanel trois « cubicules », plus de la place pour le stock et un espace de travail. Elle a également embauché M. McArthur, car, selon M. Dominelli, celui-ci avait l’expérience sur le plan technologique et sur le plan des relations avec la clientèle dont il avait besoin. Il a aussi embauché M. Cheung, principalement pour réparer des modules, ce que celui-ci a commencé à faire à l’automne de 2005, quoique la vente n’ait pas été conclue avant le début de 2006.

[13]        NRT a présenté son offre d’acquisition de Telepanel le 4 novembre 2005. Voici certaines des clauses qu’il convient de signaler :

[traduction]

NRT Technology Corporation (« NRT ») offre par la présente, conformément aux clauses qui y sont exposées et sous réserve des conditions qui y sont précisées, de souscrire ou de faire en sorte que sa société filiale ou affiliée désignée souscrive la totalité des nouvelles actions ordinaires qui seront émises dans le capital-actions de Telepanel Systems Inc. (« TSI »), et ce, de la manière décrite à l’annexe A ci‑jointe (les « nouvelles actions ordinaires »), en échange de la somme de 1 000 000 $CAN (la « contrepartie »). La contrepartie sera payée, à la conclusion fructueuse de la présente entente, à Mintz & Partners Limited (le « syndic »), le syndic auprès duquel TSI, aussitôt après la signature de la présente entente, déposera une proposition en vertu de la partie III, section I de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (Canada) (la « LFI »), au bénéfice des créanciers de TSI.

[…]

1.                  La proposition

1.1              TSI s’engage, à ses propres frais, à :

a)         solliciter l’autorisation des créanciers et celle de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, siégeant en matière de faillite et d’insolvabilité (la « Cour ») de […], y compris l’ordonnance requise de la Cour qu’autorise l’article 191 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »);

[…]

1.3       À la suite de la mise en œuvre de la proposition et de la conclusion de la présente entente :

a)         à l’exception de ce dont NRT conviendra expressément par écrit, TSI n’aura aucune obligation de quelque nature, type ou priorité que ce soit, ce qui inclut les obligations auxquelles TSI peut devenir assujettie au moment du dépôt de la proposition ou par la suite (collectivement, les « obligations »), et elle sera propriétaire des biens et des éléments d’actif suivants :

(i)                 les biens et les éléments d’actif (y compris les livres et registres) décrits à l’annexe C ci‑jointe;

(ii)               le plein avantage et le droit à l’utilisation sans restriction de reports prospectifs de pertes autres qu’en capital à des fins fiscales d’un montant d’au moins 15 millions de dollars, évalué comme si la fin d’exercice de TSI, à des fins fiscales, était immédiatement antérieure à la conclusion de la transaction et après que les reports prospectifs des pertes fiscales ont été réduits ou par ailleurs rajustés par toute remise de dette ou d’autres mesures découlant de la transaction, y compris la proposition (collectivement, la totalité de ces reports prospectifs de pertes fiscales constitue les « pertes fiscales »);

[…]

7.2       La contrepartie servira uniquement et exclusivement à :

a)         payer les frais et les débours juridiques, de consultation et de syndic de TSI qui se rapportent à la présente entente, à la proposition, aux procédures fondées sur la LFI et à la transaction, jusqu’à concurrence de 200 000 $;

b)         faire payer, par le syndic, les distributions aux créanciers de TSI que prévoit la proposition.

[…]

8.1       […] À la conclusion de l’entente, TSI remettra à NRT, aux conditions que cette dernière jugera satisfaisantes :

d)         un engagement de la part de Christopher Skillen à procurer à NRT l’aide et la collaboration que NRT peut demander, en vue de soutenir et de faciliter le plein avantage et le droit de NRT à l’égard de l’utilisation sans restriction des pertes fiscales, dont, notamment, le fait de donner à NRT accès à la totalité des documents, des livres, des registres, des informations et des faits qui se rapportent aux pertes fiscales ou aux montants non inclus dans les éléments d’actif.

[14]        M. Skillen a touché 90 000 $ par suite de la vente de Telepanel.

[15]        Peu après la vente, M. McArthur a rédigé une annonce sous forme de communiqué de presse pour le site Web de NRT :

[traduction]

NRT Technology Corp. entend continuer de fabriquer, de soutenir et de perfectionner la gamme de produits de Telepanel. Les anciens clients de Telepanel Systems Inc. pourront bénéficier des services de soutien et d’entretien de NRT Technology Corp.

M. McArthur a reconnu que, à cette époque, il estimait qu’au moment approprié, on commencerait à fabriquer les modules.

[16]        Quand NRT a fait l’acquisition de Telepanel, en janvier 2006, elle comptait parmi son effectif deux anciens employés de Telepanel : M. McArthur et M. Cheung. M. McArthur avait été licencié par Telepanel en 2004 et il était, comme il l’a déclaré, emballé à l’idée que l’entreprise allait reprendre vie grâce à NRT. Chez Telepanel, il avait tout fait, depuis la technologie de conception jusqu’à la gestion de projets en passant par le service à la clientèle et, quand les activités avaient diminué, c’était lui qui constituait l’effectif de vente tout entier.

[17]        M. McArthur a expliqué que Telepanel avait installé des systèmes d’EEE en Europe, aux États-Unis et au Canada, mais que, à cause d’exigences strictes dans les magasins d’alimentation du Connecticut, cet État était le principal client et, en 2000, ce dernier avait atteint le point de saturation. Avant de passer en revue ce que MM. McArthur et Dominelli ont fait après que NRT eut acheté en janvier 2006 l’entreprise d’EEE, il est important d’établir quelle était l’entreprise de NRT.

[18]        Après avoir passé de nombreuses années chez Eaton, où il s’occupait indirectement de systèmes de terminaux de point de vente, M. Dominelli est entré au service de PIP Retail Systems, où il a œuvré dans la technologie des terminaux de point de vente, ce qui a mené en fin de compte à l’établissement de NRT en 1993. M. Dominelli en est l’unique actionnaire. Le sommaire du plan d’activités et de mise en marché de NRT pour 2007 décrit l’entreprise en ces termes :

[traduction]

NRT Technology Corp. est un important fournisseur et intégrateur de systèmes transactionnels automatisés. NRT se spécialise dans des solutions novatrices destinées à l’industrie du jeu et de la vente au détail. NRT est actuellement en passe de connaître une croissance marquée de ses ventes, décrite ci-après, au cours des trois prochaines années. Cette croissance se fera dans l’industrie du jeu, où NRT est reconnue comme le chef de file de l’industrie en matière de traitement des opérations de libre-service axées sur la clientèle.

[19]        Les principaux terminaux de point de vente que NRT a mis au point au fil des ans, jusqu’à ce qu’elle fasse l’acquisition de la technologie de Telepanel, étaient destinés à deux secteurs : le jeu et la vente au détail. Ces produits sont décrits comme suit :

a)       QuickJack. Il s’agit d’une forme de guichet automatique utilisée au départ dans les casinos, mais qui s’étend maintenant aux hippodromes, aux terminaux de jeux radio présents dans les bars et aux postes de paris, et qui permet à des particuliers d’encaisser, dans un délai très court, leurs gains ou leurs bordereaux. Ce produit oblige NRT à obtenir des licences de jeu dans les nombreux pays du monde où elle le vend. Ce produit connaît un immense succès et représente clairement la plus grande part des revenus de NRT.

b)      Claviers Cary. Il s’agit de claviers spécialisés vendus sur le marché de la vente au détail et des stations-service. NRT a acquis les actifs de Cary Peripherals Inc. en 1999, en rachetant la position de la banque. M. Dominelli a déclaré que c’était la capacité de programmation du clavier qui faisait que ce produit était spécial.

c)       Scanvue. Il s’agit d’un scanneur de vérification de prix que M. Dominelli a pris des années à mettre au point. Il est vendu principalement à Canadian Tire.

[20]        En 2007, NRT s’occupait aussi de la mise au point de plusieurs nouveaux produits, dont le QuickChip, décrit dans le plan d’affaires de 2007 en ces termes :

[traduction]

Le QuickChip étend la fonction d’encaissement du QuickJack à l’environnement des jeux sur table. Le système accepte, valide et évalue les jetons, et il les range ensuite dans un coffre de sûreté. Il est possible d’utiliser à la fois les jetons de type RFID et les jetons classiques.

Le client présente les jetons des jeux sur table à l’appareil QuickChip, ces derniers sont validés et l’appareil affiche au client la valeur des jetons acceptés. […]

[21]        J’ai eu la nette impression que NRT était principalement axée sur l’industrie du jeu et que c’était dans cette dernière que résidaient les destinées de l’entreprise. Ce sentiment a été confirmé par un article, extrait d’une revue de l’industrie du jeu publiée en 2008, que l’appelante a présenté à l’instruction. Il y était dit que cette industrie représentait 95 p. 100 des activités de NRT.

[22]        Voyons maintenant les circonstances entourant les activités relatives au système d’EEE de Telepanel après que NRT eut pris le contrôle, c’est-à-dire à compter de janvier 2006. Il va sans dire que, pour le présent appel, la période la plus importante est l’année en question, qui s’étend du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, mais il est utile d’examiner les activités qui ont eu lieu avant cela pour situer les activités postérieures dans leur juste perspective.

[23]        Comme il a été indiqué, M. Dominelli a embauché deux anciens employés de Telepanel avant même la prise de contrôle : M. McArthur et M. Cheung. Ce sont ces trois hommes, MM. Dominelli, McArthur et Cheung, qui ont continué à s’occuper des vestiges de l’entreprise de Telepanel. M. Dominelli croyait que le système d’EEE cadrerait bien avec le système Scanvue en particulier, ainsi qu’avec ses clients, Canadian Tire et Petrocan. Il se disait aussi qu’il serait possible d’utiliser la technologie des EEE dans l’industrie du jeu, par exemple en intégrant une EEE dans une machine à sous afin d’effectuer des lectures électroniques ou en mettant au point un jeton de casino contenant une puce d’identification par radiofréquence (RFID). M. Dominelli a reconnu qu’après la prise de contrôle, chaque fois qu’il s’entretenait avec M. McArthur, il était évident qu’ils perdaient plus de clients du système d’EEE, des clients qu’il avait espéré garder.

[24]        M. Dominelli a fait des démarches auprès de Canadian Tire et de Petrocan. Je conclus que cela a eu lieu avant le 30 septembre 2006. Canadian Tire n’avait pas de budget pour le système d’EEE. Comme l’a déclaré M. Dominelli, l’intérêt s’émoussait, les clients n’achetaient pas. Il a déclaré que des efforts avaient été faits pour trouver des acheteurs, mais il n’a pas décrit ces efforts en détail, hormis les contacts qu’il avait eus avec Canadian Tire et Petrocan ainsi que les démarches que M. McArthur avait faites auprès des magasins d’alimentation. De la même façon, M. McArthur s’est peu étendu sur l’ampleur des activités de prospection de clientèle, et je conclus qu’après quelques mois, et certainement avant le 30 septembre 2006, M. Dominelli s’est rendu compte que le marché des EEE était quasi mort et que son plan a consisté simplement à attendre et à voir ce qui allait se passer. Il n’allait pas investir sur-le-champ des sommes considérables dans le système d’EEE; selon lui, le moment n’était tout simplement pas propice. Il croyait que, si le marché finissait par s’éveiller, NRT serait en mesure de réagir rapidement. Toutefois, en décembre 2007 (après l’année en question), l’expert de Telepanel, M. McArthur, a indiqué ce qui suit dans un courriel adressé à M. Dominelli :

[traduction]

Pour « relancer » entièrement la gamme de produits de Telepanel, j’estime qu’il faudrait un engagement d’au moins 500 000 $ pour continuer d’offrir le produit actuel (programmeurs, soutien, ingénieurs en électricité, équipe d’installation, etc. + activation de la fabrication) et de 1 à 2 000 000 $ pour la mise au point d’un produit de nouvelle génération. Je pense qu’il faudrait de 5 à 9 mois pour être fin prêt à mettre en marché le produit existant, et de 12 à 18 mois pour mettre au point une version pilote de la prochaine génération.

[25]        M. Dominelli a également déclaré que le fait d’être obligé de payer à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») les montants fixés par les nouvelles cotisations l’ont amené à réfléchir; cependant, c’était longtemps après les années d’imposition 2006 et 2007.

[26]        C’était réellement M. McArthur qui, maintenant au service de NRT, agissait comme point de contact pour les activités liées au système d’EEE. C’était M. McArthur qui contrôlait tout ce qui était venu de chez Telepanel, qui organisait et formait le personnel de NRT et qui consolidait les activités avec celles de NRT, tout en essayant de comprendre la façon dont NRT faisait ses affaires. C’était M. McArthur qui connaissait le marché de l’alimentation au détail, qui connaissait la technologie des EEE, qui connaissait les clients de Telepanel et qui avait clairement foi en la technologie des EEE. Il avait [traduction] « l’espoir que les choses reprendraient ». M. McArthur a déclaré que, même aujourd’hui, il n’avait pas renoncé et espérait toujours que NRT puisse relancer le produit; ces dernières années, rien n’allait, mais, selon lui, l’avenir offrait un terreau fertile. En fait, M. McArthur a découvert tout récemment qu’un concurrent s’occupait d’installer un système d’EEE au Canada. M. Mazza, un représentant de Wincor Nixdorf, a déclaré que sa société avait implanté le système dans quinze magasins et s’attendait à servir trente magasins de plus en 2013 au Canada, mais qu’il y avait 5 000 magasins dans le monde entier qui étaient dotés d’un système d’EEE.

[27]        M. McArthur a recommandé à NRT d’embaucher M. Paul Cheung en octobre 2005, dans le but précis d’assurer des services de soutien en matière de réparation et de remise en état de modules d’EEE. La preuve a été vague quant à l’ampleur de ces services, s’il y en a eu, qui ont été fournis au cours de l’année terminée le 30 septembre 2007.

[28]        Selon M. McArthur, les activités de promotion des ventes se sont poursuivies de 2006 jusqu’à 2008 par la prise de contact avec les clients existants ainsi qu’avec deux grandes sociétés de vente au détail, Canadian Tire et Petrocan. M. McArthur est allé jusqu’à laisser entendre qu’au cours de l’exercice 2007, il consacrait encore 40 p. 100 de son temps au système d’EEE. Je ne puis que présumer que ce temps a servi à examiner la possibilité de transformer la technologie des EEE en vue de s’en servir dans l’industrie du jeu, et non à promouvoir la vente de modules d’EEE. J’ai conclu que, quelques mois après la prise de contrôle, M. Dominelli a déterminé que la mise en marché du système d’EEE n’était pas viable. Vu la direction que les choses prenaient, il aurait été peu logique que M. McArthur déploie des efforts quelconques à cet égard. En fait, une lettre ultérieure (courriel de décembre 2007) confirme que les activités relatives aux EEE étaient en veilleuse.

[29]        Quelles preuves concrètes a-t-on présentées à l’instruction au sujet de la poursuite, par M. McArthur, des activités relatives au système d’EEE après la prise de contrôle? Comme je l’ai indiqué, il y a deux périodes précises : l’exercice 2006 et l’exercice 2007. Tout d’abord, voyons les preuves concrètes d’activité au cours de l’année d’imposition 2006 :

a)       Février 2006. M. McArthur a répondu par courriel à une demande de renseignements concernant la distribution d’EEE au Venezuela, en Colombie et dans les Caraïbes, indiquant que NRT cherchait à ce stade-ci à conclure des ententes de distribution et qu’elle se concentrait sur le marché intérieur.

b)      Février 2006. M. McArthur a envoyé les lettres d’annonce déjà mentionnées.

c)       Mars 2006. M. McArthur a envoyé le courriel interne suivant :

[traduction]

John D. estime qu’avant de commencer à faire la mise en marché et à pratiquer la vente de Telepanel, nous devons être prêts à fabriquer le produit et à assurer le soutien nécessaire. Afin d’améliorer nos plans, j’ai créé une série de documents de Telepanel sur le serveur NAS de NRT. Un projet a été entrepris en vue de présenter une partie de ces documents sous un format Web d’ici une à deux semaines.

Je vous saurais gré d’examiner ces informations. J’aimerais vous rencontrer quand il vous plaira afin que nous puissions planifier la meilleure façon d’aller de l’avant avec le produit.

d)      Mars 2006. M. McArthur présente à M. Dominelli un tableau de ventilation établi plusieurs années plus tôt et prévoyant un nombre de 500 magasins par année.

e)       Avril 2006. Deux employés de NRT (Middlestadt à Orr – 10 avril 2006) se sont échangé le document suivant :

[traduction]

Terry, le plan de travail initial concernant les services de Telepanel était de réparer/remettre en état les modules envoyés par les clients. Seule une faible part du nombre total des modules réparés a été renvoyée aux clients et facturée. Nous avons continué de remettre en état les modules que les clients nous renvoyaient. Le travail terminé n’a pas été expédié et facturé, car on ne disposait pas d’un bon de commande de la part des clients. On a découvert en fin de compte que les clients restants n’utilisaient plus le produit, et les produits réparés sont donc devenus la propriété de NRT.

À ce stade, il semble que les futurs travaux de réparation des modules de Telepanel seront un gaspillage de ressources. Le technicien embauché pour ce travail, Paul, procède actuellement à un inventaire. Il a fini de compter les pièces dans son secteur, et l’étape suivante consiste à faire descendre les palettes une par une et à poursuivre le comptage.

M. Dominelli s’est enquis de cela auprès de M. McArthur, qui a répondu en partie :

[traduction]

[…] A&P a donc décidé de remplacer les systèmes Telepanel par des systèmes tout neufs de NCR. Ce remplacement se déroule actuellement, et on s’attend à ce qu’il soit terminé d’ici l’été. A&P a indiqué que nous pouvions garder les modules que nous avions. Ces derniers pourraient servir à répondre aux commandes futures de pièces de rechange au sein de la base de clientèle existante.

[…] Il semble, en pratique, qu’ils se débarrassent tout simplement des modules, ayant vraisemblablement réduit leur valeur comptable. Il sera donc très difficile de vendre de nouveaux modules et il faudra attendre que NCR épuise son stock de modules ou fixe le prix de ses produits à un niveau qui lui permette de réaliser un profit.

[30]        Pour l’exercice 2007, je dispose des preuves suivantes :

a)       Février 2007. Le supermarché Stop & Shop paie annuellement la somme de 9 625 $ à NRT pour une assistance logicielle, mais M. McArthur reconnaît qu’il s’agit là du seul renouvellement de licence sur six ans.

b)      Février 2007 à avril 2007. Un client, M. Butler, qui travaille auprès d’Island Park Duty Free, entre en contact avec M. McArthur parce que les piles à durée de conservation prolongée posent des problèmes. M. McArthur tente de trouver des piles de rechange à un prix raisonnable.

c)       Mai 2007. M. McArthur transmet des informations à M. Butler afin que ce dernier puisse programmer le système avec des piles de rechange, tout en s’excusant du temps qu’il a mis pour lui répondre.

[31]        À l’époque de l’acquisition, c’est-à-dire en janvier 2006, les pertes de Telepanel qui pouvaient faire l’objet d’un report prospectif s’élevaient à 12 520 548 $. Au départ, NRT s’en est servie en partie pour compenser ses revenus de 2006, mais une cotisation établie par la suite a fait droit à des primes à la direction considérables, ce qui signifiait que NRT n’avait plus besoin des pertes de Telepanel pour l’année 2006. Elle a toutefois eu un revenu imposable de 4 609 026 $ dans l’année d’imposition 2007, grâce principalement au volet « QuickJack » de l’entreprise, revenu que NRT a tenté d’appliquer à l’encontre des pertes de Telepanel. Le ministre a rejeté l’utilisation de ces pertes.

La question en litige

[32]        NRT peut-elle procéder au report prospectif de pertes autres qu’en capital de 4 609 026 $ que Telepanel a subies et que NRT a acquises en les appliquant à l’année d’imposition terminée le 30 septembre 2007 de NRT, en vue de déduire un montant égal du revenu imposable de NRT? Cette question comporte deux éléments :

a)       NRT a-t-elle exploité l’entreprise de Telepanel en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit tout au long de l’année terminée le 30 septembre 2007?

b)      Dans l’affirmative, le revenu de NRT à l’encontre duquel cette dernière a déduit la perte de 4 609 026 $ a-t-il été tiré de la vente de biens semblables au système d’EEE?

Analyse

[33]        Les dispositions législatives applicables figurent à l’alinéa 111(5)a) de la Loi :

111(5)              En cas d’acquisition, à un moment donné, du contrôle d’une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital ou d’une perte agricole pour une année d’imposition se terminant avant ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d’une perte autre qu’une perte en capital ou d’une perte agricole pour une année d’imposition se terminant après ce moment n’est déductible par la société pour une année d’imposition se terminant avant ce moment. Toutefois :

a)         la fraction de la perte autre qu’une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d’imposition se terminant avant ce moment qu’il est raisonnable de considérer comme résultant de l’exploitation d’une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu’une perte en capital qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l’alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année, ne sont déductibles par la société pour une année d’imposition donnée se terminant après ce moment :

(i)                 que si, tout au long de l’année donnée, cette entreprise a été exploitée par la société en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii)               qu’à concurrence du total du revenu de la société provenant de cette entreprise pour l’année donnée et — dans le cas où des biens sont vendus, loués ou mis en valeur ou des services rendus dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise avant ce moment — de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables;

a)       L’exploitation de l’entreprise de Telepanel en vue d’en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit

[34]        Manifestement, la Loi envisage non seulement l’exploitation de l’entreprise, en l’occurrence l’entreprise relative au système d’EEE de Telepanel, mais aussi son exploitation dans une attente raisonnable de profit tout au long de l’année : en fait ce sont deux obstacles que NRT doit surmonter.

(i)      L’exploitation de l’entreprise en 2007

[35]        Premièrement, dans l’année d’imposition 2007, NRT exploitait-elle l’entreprise relative au système d’EEE de Telepanel? Pour dire les choses clairement, l’entreprise de Telepanel était la vente du système d’EEE : telle était l’entreprise dans laquelle la perte a pris naissance. Naturellement, cela impliquait la mise au point, la fabrication, la mise en marché et l’entretien constant des EEE.

[36]        Quelles activités NRT a-t-elle accomplies dans l’année d’imposition 2007 qui constituaient l’exploitation de cette entreprise? Fort peu. Mais assez, dit l’appelante, pour exploiter cette entreprise en tant qu’« entreprise en activité ». L’appelante se fonde sur un commentaire qu’a fait la Cour d’appel fédérale dans un jugement d’une seule page : Garage Montplaisir Ltée v. Canada 2000[1], à l’appui de l’argument selon lequel l’existence d’une « entreprise en activité » est le critère auquel il convient de satisfaire en vue de l’application de l’alinéa 111(5)a) de la Loi. La Cour d’appel fédérale a déclaré :

[3]        Par contre, dans ses motifs, la juge de première instance a cité avec approbation un passage de la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans la présente affaire à l’effet que le but du paragraphe 111(5) « […] n’est pas en soi le report de pertes mais le renforcement ou la survie d’une entreprise en déclin ».

[4]        Nous ne croyons pas que le texte du paragraphe 111(5) donne ouverture à une telle affirmation. Tout à ce que l’on peut dire, c’est que l’entreprise d’une société assujettie à une prise de contrôle doit toujours être « en activité » après la prise de contrôle pour que la société issue de la fusion ait accès aux pertes accumulées.

[Non souligné dans l’original.]

[37]        Me Chodikoff a fait valoir qu’une entreprise, pour être considérée comme étant « en activité », requiert fort peu d’activités, citant à cet égard la définition suivante, extraite du Black’s Law Dictionary, 9e édition : [traduction] « entreprise commerciale exploitant activement ses activités avec une expectative de durée indéterminée ». Il se fonde également sur la définition d’une [traduction] « entreprise en activité » (« going concern »), tirée du Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés :

[traduction]

Une hypothèse qui sous-tend l’établissement des états financiers d’une manière conforme aux principes comptables généralement reconnus est que, dans un avenir prévisible, l’entreprise sera en mesure de réaliser ses actifs et de s’acquitter de ses dettes dans le cours normal de ses activités. C’est ce que l’on appelle habituellement l’hypothèse de la continuité d’exploitation.

L’appelante prétend que tant que l’on n’est pas sur le point de disposer des actifs de l’entreprise, cette dernière est en activité. Il s’agit peut-être là d’un principe comptable valable, mais ce n’est pas le droit. Ceci étant dit avec égards, dans l’arrêt Duha Printers (Western) Ltd. c. R.[2], la Cour suprême du Canada a défini de manière simple l’exigence que contient le paragraphe 111(5) :

Toutefois, cela est assujetti à au moins une condition importante: le par. 111(5) prévoit que, lorsque le « contrôle » d’une société a été acquis par une autre personne (l’« acheteur »), les pertes autres qu’en capital subies par cette société dans l’exploitation d’une entreprise ne sont déductibles par l’acheteur, au cours d’une année d’imposition subséquente, que si, tout au long de cette année et après cette date, l’entreprise en question était exploitée par la société dans une expectative raisonnable de profit – c’est-à-dire en tant qu’entreprise en activité.

Tel est le critère applicable. Je ne souscris pas à la thèse de l’appelante, à savoir que l’expression « entreprise en activité » a un quelque autre sens, un sens qui comporte une exigence moins stricte quant à l’exploitation d’une entreprise pour l’application de l’alinéa 111(5)a) de la Loi. Le texte de cette disposition ne peut pas être supplanté par l’expression « entreprise en activité » : cette dernière, d’après la Cour suprême du Canada, n’est rien de plus qu’un moyen abrégé d’exprimer l’exigence qui est prévue au sous-alinéa 115(1)a)(i) de la Loi. L’étiquette que l’on appose à l’exigence importe peu. Ce qui importe, c’est le fait de savoir si NRT exploitait bel et bien l’entreprise d’EEE de Telepanel au cours de l’année d’imposition 2007.

[38]        L’appelante soutient que NRT a continué de chercher des sources de revenus possibles de deux façons : (i) par la vente du système d’EEE ou (ii) par l’éventuelle application de la technologie des EEE dans l’industrie du jeu. Cette seconde source n’est toutefois pas l’entreprise de Telepanel dans laquelle les pertes ont été enregistrées. Le fait que M. Dominelli, qui est peut-être un visionnaire dans l’application de la technologie à l’industrie du jeu, a pu percevoir un usage possible pour une technologie semblable à celle des EEE, ne transforme pas rétroactivement, d’une façon quelconque, cet objectif en l’entreprise de Telepanel. Ce fait peut être pertinent pour la question entourant le sous-alinéa 111(5)a)(ii) de la Loi, mais pas pour ma réflexion entourant le sous-alinéa 111(5)(a)(i) de la Loi. Donc, NRT cherchait-elle à réaliser de nouvelles ventes du système d’EEE auprès de détaillants au cours de l’année d’imposition 2007? Je conclus que non.

[39]        Au cours de l’année d’imposition 2006, M. Dominelli s’est bel et bien enquis auprès de Canadian Tire et de Petrocan si les EEE les intéressaient. Ce n’était pas le cas. Il ressort très clairement de la preuve que, dans les quelques mois qui ont suivi l’acquisition, l’absence complète de ventes potentielles a donné lieu à ce que j’appellerais une attitude attentiste. Ce n’était tout simplement pas le moment propice. On ne m’a présenté aucune preuve de l’existence d’un plan concerté de mise en marché pour vendre le système d’EEE au cours de l’année d’imposition 2007. Il a été question dans le plan d’activités de 2007 de diverses possibilités, mais il n’y a pas eu de plan proprement dit pour les concrétiser. Non, au cours de l’année d’imposition 2007, NRT ne cherchait pas à vendre le système d’EEE.

[40]        L’appelante fait valoir qu’elle a embauché plusieurs employés de Telepanel qui ont continué à travailler pour NRT durant les années 2006 et 2007. En fait, il y en a eu deux, M. McArthur et M. Cheung. Ce dernier a été embauché au départ pour s’occuper de la remise en état des modules d’EEE. Dans l’année d’imposition 2007, cette tâche ne représentait presque plus rien. M. McArthur, aux yeux de M. Dominelli, était un élément phare, qui était bien intégré à l’entreprise de NRT dans l’année d’imposition 2007. J’ai des doutes au sujet de ce que M. McArthur a laissé entendre, c’est-à-dire qu’il consacrait encore 40 p. 100 de son temps à l’entreprise de Telepanel dans l’année d’imposition 2007. Le système d’EEE ne générait tout simplement pas ce niveau-là d’activité. Ce n’est qu’en tenant compte de l’orientation de la technologie vers l’industrie du jeu, qui, l’ai-je indiqué, n’est pas l’entreprise dans laquelle les pertes ont été enregistrées, qu’il est possible d’expliquer ce chiffre estimatif de 40 p. 100.

[41]        L’appelante tenait un stock de modules d’EEE. Cela est aussi cohérent avec l’exploitation d’une entreprise qu’avec le fait de mettre l’entreprise en suspens pendant un temps indéterminé.

[42]        NRT fait valoir qu’elle disposait de fournisseurs au cas où la demande augmenterait. Cela concorde davantage avec un espoir futur qu’avec l’exploitation continue d’une entreprise.

[43]        L’appelante soutient que NRT a continué d’assurer un soutien technique aux clients existants de Telepanel tout au long des années 2006 et 2007. Je conclus qu’il y a eu, et cela se comprend, une plus grande part de cette activité-là en 2006 qu’en 2007. En 2007, la seule activité qu’il y a eu à cet égard a été le problème qu’a eu Island Park Duty Free, problème que M. McArthur a pris un certain temps à régler. Je ne doute pas de la prétention que NRT était prête à aider un client de Telepanel si le besoin s’en faisait sentir. C’est juste que ce besoin ne s’est jamais fait sentir.

[44]        L’appelante laisse entendre que M. Dominelli était prêt à engager les capitaux nécessaires si le moment était propice, ce qui sous-entend qu’il surveillait de près le marché. Cela ne semble pas concorder avec le fait que, aussi récemment que cette année-ci, M. McArthur a découvert par hasard qu’un concurrent installait des EEE en Ontario et qu’il comptait d’ailleurs des systèmes dans 5 000 magasins situés dans le monde entier. Cela ne m’a pas donné à penser que, cinq ans après l’année en question, NRT surveillait de près le marché. De plus, l’idée que NRT était prête à engager des capitaux n’est, en fait, rien de plus que cela, une idée. Selon la preuve, il était possible de relancer les systèmes d’EEE avec un investissement d’aussi peu qu’un demi-million de dollars. NRT était en bonne posture financièrement, et un tel engagement n’aurait pas été contraignant. Elle ne l’a jamais fait.

[45]        Tout cela m’amène à conclure que M. Dominelli a décidé, avec le bon sens commercial qu’il avait, qu’il n’était pas opportun de poursuivre l’entreprise relative au système d’EEE. Peu après l’acquisition de Telepanel - une entreprise en faillite, comme l’a déclaré M. Dominelli - les efforts de vente des EEE ont cessé. Cette entreprise-là a, en pratique, pris fin.

[46]        Me Chodikoff m’a orienté vers une décision de la Commission de révision de l’impôt, datée de 1964, qui semble souligner le peu d’activité qui est exigé pour que l’on puisse dire que l’on exploite une entreprise. Dans la décision Carland (Niagara) Ltd. v. Minister of National Revenue[3], la Commission a mentionné ceci :

[traduction]

[…] Autrement dit, c’est une entreprise d’une certaine envergure, réduite certes, mais la même, qui a été exploitée. Il ne doit pas nécessairement y avoir une activité soutenue pour pouvoir affirmer qu’une entreprise est exploitée; dans presque n’importe quelle entreprise commerciale, il peut y avoir – et il y a souvent – des périodes d’accalmie. Les décisions citées dans l’ouvrage de Hannan et Farnsworth intitulé The Principles of Income Taxation, aux pages 162 et suivantes, illustrent que de telles situations ne sont pas considérées comme incompatibles avec l’exploitation d’une entreprise. Un exemple de cela est la décision The Commissioners of Inland Revenue v. The South Behar Railway Co., Ltd., (1925) 12 T.C. 657, à la page 712 du recueil, dans laquelle le lord juge Sumner a fait remarquer :

[traduction]

[…] il semble être présumé que tant que ses dettes commerciales ne sont pas acquittées, une société continue d’exploiter son entreprise tant qu’elle s’occupe de recouvrer les créances qui deviennent périodiquement exigibles dans le cadre de son entreprise antérieure. L’entreprise ne doit pas nécessairement être occupée; bien des entreprises connaissent de longs intervalles d’inactivité.

Je ne prétends pas que la société en cause ici n’a rien fait de plus que cela, mais l’affaire South Behar Railway dénote le peu d’activité qui est nécessaire pour qu’il y ait exploitation d’une entreprise. Je tiens pour avéré que, dans une certaine mesure, qu’elle soit plus ou moins grande, l’entreprise n’a jamais cessé d’être exploitée à toutes les époques en cause. Les lieux ont toujours été ouverts à tout client qui pouvait se présenter. À cet égard, on peut signaler que, durant toute la période décrite, l’entreprise lancée au départ par M. Macklem s’est trouvée au même endroit, dans le même bâtiment, avec les mêmes salle d’exposition, service des pièces et atelier. À aucun endroit que l’on a porté à mon attention y a-t-il eu un changement physique quelconque.

[47]        Par ailleurs, dans la décision Garage Montplaisir Ltée de la Cour canadienne de l’impôt, la juge Lamarre-Proulx a déclaré :

29.       L’avocat de l’appelante suggère à bon droit que de la jurisprudence, les principes suivants se dégagent : c’est l’entreprise qui a généré les pertes qui doit être continuée et non pas nécessairement l’entité corporative; la réduction des activités, de l’inventaire et des actifs ne suffit pas à faire conclure qu’il y a eu cessation de l’entreprise; un minimum d’activité peut suffire pour amener à la conclusion qu’il y a continuation de l’entreprise; une entreprise peut avoir deux exploitations différentes et il s’agit essentiellement d’une question de faits et d’appréciation de la preuve, à savoir si l’entreprise a été continuée ou non.

[48]        Enfin, dans la décision Canadian Dredge and Dock Co. v. MNR[4], la Commission de révision de l’impôt a écrit :

[traduction]

Les tribunaux s’accordent pour dire que la société ne pourra pas déduire des pertes subies dans des années antérieures si elle a connu un changement de contrôle et si elle a clairement interrompu, arrêté et modifié l’entreprise dans laquelle les pertes ont été subies. Ces deux conditions sont des questions de fait.

[49]        Je ne suis pas en désaccord avec les principes énoncés dans ces décisions, mais c’est le degré d’activité et la nature de l’activité qu’il faut prendre en considération. J’ai conclu qu’il y a eu si peu d’activité au cours de l’année d’imposition 2007 (un reçu et un appel d’entretien) que l’entreprise n’a pas été exploitée tout au long de l’année. Les activités n’ont pas seulement été interrompues et modifiées; elles ont arrêté en pratique. Attendre qu’un ancien client téléphone pour faire réparer un module n’est pas ce que l’on appelle exploiter une entreprise.

(ii)     Dans une attente raisonnable de profit

[50]        Aurais-je conclu le contraire, c’est-à-dire qu’une activité sporadique aussi minime signifiait que la société était simplement en veilleuse tout au long de l’année, et non pas défunte, et que l’on pourrait de ce fait considérer, selon une interprétation des plus généreuses, qu’elle exploitait une entreprise, il aurait fallu qu’elle le fasse en vue de tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit tout au long de l’année.

[51]        Premièrement, l’entreprise a-t-elle été exploitée en vue de tirer un profit au cours de l’année d’imposition 2007? L’appelante a fait valoir, quoique brièvement, qu’une certaine part du droit de licence de 9 600 $ reçu en 2007 constituait un profit, et qu’elle satisfaisait donc au critère. Même en allouant un minimum de frais généraux à l’entreprise de Telepanel, ainsi qu’une part des 40 p. 100 de salaire de M. McArthur, ce chiffre serait rapidement éclipsé. L’appelante, par cet exercice, ne m’a pas convaincu qu’une part quelconque des 9 600 $ constituait un profit. Je conclus que l’entreprise n’a pas été exploitée en vue de tirer un profit.

[52]        Pour ce qui de l’attente raisonnable de profit, il s’agit là d’un concept qui a été souvent dénigré dans le contexte de la détermination d’une source de revenus, et qui a finalement mené à l’arrêt Stewart c. R.[5], dans lequel la Cour suprême du Canada a rejeté définitivement à cette fin le critère de l’attente ou de l’expectative raisonnable de profit :

47.       En résumé, au cours des dernières années, le critère de l’[expectative raisonnable de profit ou ERP] établi dans l’arrêt Moldowan est devenu un outil d’application générale dont se servent le ministre et les tribunaux dans toutes sortes de situations où l’on considère que le contribuable n’a pas un espoir raisonnable de tirer profit de l’activité en cause. L’on en déduit que le contribuable n’a aucune source de revenu et, partant, aucune assiette dont il peut déduire des pertes et des dépenses relatives à l’activité. Le critère de l’ERP a été appliqué indépendamment des dispositions de la Loi pour évaluer après coup des décisions commerciales prises de bonne foi par le contribuable, ce qui constitue une dérogation au principe selon lequel les tribunaux devraient éviter d’établir des règles en matière de droit fiscal : voir Ludco, précité; Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411; Canderel, précité; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622. Le critère de l’ERP pose également un problème en raison de son imprécision et de l’incertitude qui règne au sujet de son application; il en résulte un traitement inéquitable et arbitraire des contribuables. En conséquence, l’« expectative raisonnable de profit » ne devrait pas être acceptée comme le critère applicable pour déterminer si les activités d’un contribuable constituent une source de revenu.

[53]        Je n’ai pas à établir de règles, pas plus qu’à déterminer s’il existe ou non une source de revenus. J’ai affaire à une disposition de la Loi qui adopte explicitement le critère de l’expectative raisonnable de profit pour ce qui est de déterminer à quel moment il est possible de se servir de pertes subies après un changement de contrôle. Pour ce qui est de la détermination d’une source de revenus, la Cour suprême du Canada se demande d’abord s’il s’agit clairement d’une activité commerciale et indique que, dans l’affirmative, de telles démarches « comportent nécessairement la recherche d’un profit ». Il ne peut s’agir là du critère par lequel la Loi même exige la présence des deux éléments : l’exploitation d’une entreprise de pair avec une attente ou une expectative raisonnable de profit. Dire que l’on exploite une entreprise et qu’il va donc de soi que l’on a une expectative raisonnable de profit ne peut pas être suffisant. Non, il me faut examiner l’élément « attente ou expectative raisonnable de profit » du critère et, pour ce faire, il est utile de tenir compte des facteurs objectifs qui sont énoncés dans la jurisprudence. Il s’agit là d’une question qui a été résumée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tonn c. R.[6] :

65.       Je suis maintenant prêt à trancher le litige. Au fil des années, plusieurs facteurs servant à prouver qu’une activité est objectivement raisonnable ont été proposés. Dans l’arrêt Moldowan, ces facteurs ont été énumérés comme suit :

On doit alors tenir compte des critères suivants : l’état des profits et pertes pour les années antérieures, la formation du contribuable et la voie sur laquelle il entend s’engager, la capacité de l’entreprise, en termes de capital, de réaliser un profit après déduction de l’allocation à l’égard du coût en capital. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

66.       Une autre liste de facteurs a été proposée dans l’arrêt Sipley (P.D.) c. Canada :

Le critère objectif comporte un examen de l’état des profits et pertes pour les années antérieures, un examen du plan opérationnel et des circonstances qui ont donné lieu à sa mise en œuvre, y compris de la voie sur laquelle le contribuable entend s’engager. Le critère comporte également un examen du temps consacré à l’activité, ainsi que des antécédents, de la formation et de l’expérience du contribuable.

67.       Enfin, dans Landry (C.) c. Canada, l’examen des facteurs suivants est proposé :

Outre les critères énumérés par le juge Dickson, ceux dont la jurisprudence a tenu compte, à ce jour, pour déterminer s’il y avait espoir raisonnable de profit, comprennent les suivants: le temps requis pour rentabiliser une activité de ce genre, la présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits, l’état des profits et pertes pour les années postérieures aux années en litige, le nombre d’années consécutives pendant lesquelles des pertes ont été enregistrées, l’accroissement des dépenses et la diminution des revenus au cours des périodes pertinentes, la persistance des facteurs qui causent les pertes, l’absence de planification, et le défaut d’ajustement. Par ailleurs, il ressort de ces mêmes arrêts que la bonne foi et la réputation du contribuable, la qualité du résultat obtenu, le temps et l’énergie consacrés, ne suffisent pas, en eux-mêmes, à transformer en entreprise l’exercice d’une activité.

68.       Ces citations indiquent que la liste de facteurs pertinents s’allonge et que d’autres facteurs pourront être ajoutés. Un examen approfondi de l’entreprise dans le contexte de ses activités est donc nécessaire et le caractère raisonnable d’une activité doit être évalué en fonction de tous les facteurs pertinents, tant ceux qui ont déjà été énumérés que les nouveaux qui pourraient être utiles.

[54]        Avant de traiter de certains de ces facteurs, j’aimerais résumer quelle est, selon moi, la situation de NRT vis-à-vis de l’entreprise relative au système d’EEE de Telepanel ainsi que de ses perspectives d’avenir. M. Dominelli a vu chez Telepanel une technologie qui l’impressionnait, il a fait une offre peu élevée pour l’acheter et il l’a obtenue. Je crois qu’il a perçu que cette technologie comportait une valeur future possible, principalement en rapport avec des innovations dans l’industrie du jeu, mais aussi en rapport avec le système d’EEE lui-même. Peu après avoir fait l’acquisition de Telepanel, il s’est rendu compte que le marché ne se prêtait pas à la poursuite de l’entreprise relative au système d’EEE. Dans cette entreprise, il n’a plus consacré de temps, a déployé peu d’efforts et n’y a pas injecté d’argent. Elle a été mise en suspens. Je suis convaincu que, lorsqu’il a fait l’acquisition de Telepanel, M. Dominelli, et donc NRT, espérait qu’à un moment donné, à l’avenir, la vente des modules d’EEE permettrait de réaliser un profit. Cet espoir reposait presque exclusivement sur des conditions de marché ultérieures. Cet espoir peut-il être considéré comme une attente ou une expectative raisonnable de profit? Examinons certains des facteurs applicables.

i)       L’état des profits et pertes pour les années antérieures

[55]        L’appelante soutient que ce facteur ne devrait pas être déterminant et que, au lieu de cela, la possibilité de réaliser un profit ultérieurement devrait éclipser les antécédents du système d’EEE et de Telepanel. Un examen rétrospectif et prospectif doit être fait de manière équilibrée. Rétrospectivement, le fait est qu’aucun profit n’a jamais été tiré de l’entreprise relative aux EEE. Prospectivement, le fait est que l’un des employés clés de l’exploitation antérieure de l’entreprise, M. McArthur, aurait été l’employé clé de la future entreprise relative aux EEE, si jamais celle-ci était relancée. La preuve ne m’a pas convaincu que le marché ultérieur potentiel serait différent de ce qu’il avait été dans le passé : il y a toujours eu, et il continue d’y avoir, des milliers de magasins d’alimentation qui pourraient avoir recours à la technologie des EEE.

[56]        Les facteurs qui avaient influencé le résultat net auquel Telepanel avait été confrontée dans le passé étaient les mêmes que ceux qui allaient influencer l’avenir du système d’EEE en 2007 : la concurrence et la récession économique. En fait, à l’époque où l’économie était florissante et où M. Skillen avait été en mesure d’accroître considérablement ses revenus, il lui avait tout de même été impossible de réaliser un profit.

[57]        L’appelante soutient que NRT avait déjà des clients assez importants, Canadian Tire et Petrocan. Le fait est que des démarches ont été faites auprès de ces deux sociétés et que celles-ci ne se sont pas montrées intéressées.

[58]        Le seul facteur susceptible d’amoindrir le lamentable état des profits et des pertes de Telepanel, pour ce qui est de la détermination d’une expectative raisonnable de profit, est la vigueur de M. Dominelli lui-même sur le plan commercial. Ce dernier a réussi à faire faire un revirement à l’entreprise de Cary Peripherals Inc. et il a manifestement bien réussi dans l’industrie du jeu. Cependant, après avoir déployé des efforts restreints peu après l’acquisition, il n’a rien fait pour planifier l’avenir de l’entreprise relative aux EEE : cela ne concorde pas avec une expectative, raisonnable ou non, de profit.

[59]        La possibilité de profit, sans aucun plan de match quant à la manière de la concrétiser, à part une attitude attentiste, ne m’a pas convaincu de faire abstraction du fait que Telepanel n’a jamais pu réaliser un profit. Ce facteur milite contre une conclusion d’expectative raisonnable de profit.

(ii)     La formation

[60]        Certes, hormis M. McArthur et M. Cheung, NRT comptait des employés bien formés et compétents, mais pas précisément dans le secteur des systèmes d’EEE. Ce facteur amène toutefois à considérer qu’une telle équipe pourrait avoir l’expertise technique et commerciale voulue pour réaliser un profit à partir de l’entreprise relative aux EEE.

(iii)    La voie envisagée ou la planification

[61]        Comme je l’ai clairement indiqué, dans l’année d’imposition 2007, la seule voie envisagée consistait à « attendre et voir ». Aucun plan concret n’avait été établi sur ce que NRT ferait une fois que le marché reprendrait vie. Il n’y avait aucun échéancier – il n’y a certainement pas eu d’injection de fonds dans le système d’EEE. L’attitude de NRT a été simplement la suivante : à un stade inconnu dans l’avenir, en prenant quelques mesures non encore déterminées en vue de relancer le système d’EEE, il y aurait peut-être une possibilité de réaliser un profit. Pour l’avenir prévisible, la voie envisagée était l’inaction.

(iv)    La capacité en termes de capital

[62]        Il ressort clairement de la preuve que la décision n’était pas d’injecter des capitaux dans l’entreprise relative aux EEE, ni à hauteur de un ou deux millions de dollars, ni même à hauteur d’un demi-million de dollars. Là encore, il s’agit là d’un fait qui aurait pu, ou non, se produire à l’avenir. Ce facteur ne s’applique pas.

(v)     Le temps consacré à rendre l’activité profitable

[63]        L’activité, avant l’acquisition, et après de nombreuses années d’existence, n’a jamais été rentable. Après l’acquisition, jamais les activités minimes que NRT a consacrées au système d’EEE n’auraient été suffisantes pour réaliser un profit, et il est donc impossible de prédire combien de temps il faudrait pour rendre l’activité rentable.

(vi)    La présence des ingrédients nécessaires à la réalisation éventuelle de profits

[64]        Les ingrédients nécessaires, d’après ce que je puis tirer du témoignage de MM. Skillen et McArthur, sont les suivants : volume supérieur, c’est-à-dire de très nombreux autres magasins, coût de production inférieur et mise en marché efficace. Là encore, sans un plan, il est impossible de dire si NRT disposerait de ces ingrédients nécessaires le jour où elle déciderait de mettre en marché le système d’EEE.

(vii)   La persistance des facteurs qui causent les pertes

[65]        Ce facteur, mieux que tout autre, tape directement dans le mille. Aucune preuve n’a donné à penser qu’en 2007, ainsi que dans l’avenir prévisible, la conjoncture économique qui ne causait que des pertes était sur le point de changer.

(viii)  Le défaut d’ajustement

[66]        Ce qu’il y a d’ironique dans la situation de NRT, c’est qu’elle s’est bel et bien ajustée. Elle s’est ajustée en mettant pratiquement un terme à l’exploitation du système d’EEE et, peut-être, en orientant les efforts vers l’utilisation de la technologie des EEE dans un jeton de casino, mais, comme je l’ai indiqué, il ne s’agit pas là de l’entreprise dans laquelle les pertes ont été enregistrées. MM. McArthur ou Dominelli n’ont pas donné non plus beaucoup de détails sur le type de travail qui a été effectivement fait en rapport avec l’application de la technologie des EEE à un jeton de casino.

[67]        En résumé, NRT a fait l’acquisition d’une entreprise en faillite, elle a pris le minimum de mesures à court terme (pas dans l’année en question) pour déterminer quelle était la viabilité de cette entreprise et elle a jugé que le moment n’était pas propice. Il ne s’agit pas là d’une critique. Comme on peut facilement le comprendre, il n’y a pas eu d’injection de capitaux, aucun plan n’a été dressé et, sans une boule de cristal, on n’avait aucune idée de ce que serait le moment propice. Dans ces circonstances, je conclus qu’une expectative de profit quelconque est un vœu pieux, voire une illusion, mais sûrement pas raisonnable. Pour s’attendre raisonnablement à une expectative de profit, il faut s’ancrer d’une certaine façon dans la réalité économique. La réalité économique à laquelle NRT était confrontée n’étayerait pas l’existence d’une expectative raisonnable de profit. Sans projection définie quant à une date de relancement du produit, il est impossible de savoir ce que faisaient peut-être les concurrents, jusqu’où la technologie aurait pu évoluer, ou quels pourraient être les coûts de main-d’œuvre et de fabrication : en fait, il y avait trop d’inconnus pour qu’il y ait une expectative raisonnable de profit.

[68]        Comme j’ai conclu que NRT n’exploitait pas l’entreprise relative aux EEE avec une expectative ou dans une attente raisonnable de profit tout au long de l’année 2007, il est inutile de traiter du second élément du paragraphe 111(5) de la Loi, soit la détermination du revenu de NRT dont les pertes pourraient être déduites. Je n’ai cependant aucune difficulté à conclure que le revenu tiré du système Scanvue de NRT était suffisamment semblable : marché semblable et mécanisme de fixation des prix semblable. Je ne pourrais toutefois pas tirer la même conclusion au sujet du système QuickJack de NRT : marché différent et fonction différente.

[69]        L’appel est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de novembre 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 420

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-1901(IT)G

 

INTITULÉ :                                      NRT TECHNOLOGY CORP. ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Les 22, 23, 24, 25 et 26 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 30 novembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me David W. Chodikoff

Me Tarsem Basraon

 

Avocats de l’intimée :

Me Arnold H. Bornstein

Me Rita Araujo

 

AVOCATS INSCRITS AU
DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

Noms :                    David W. Chodikoff et
Tarsem Basraon

 

Cabinet :                 Miller Thomson LLP

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada



[1]           2001, D.T.C. 5366 (C.A.F.).

[2]           [1998] 1 R.C.S. 795.

[3]           (1964), 24 Tax A.B.C. 386 (Commission de révision de l’impôt).

[4]           81 D.T.C. 154 (Commission de révision de l’impôt).

[5]           2002 CSC 46.

[6]           [1996] 2 CF 73 (CAF).

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