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Dossier : 2012-116(GST)I

ENTRE :

PIERRE LABRECQUE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 22 août 2012, à Québec (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Éric Labbé

 

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JUGEMENT

        L’appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, est accueilli, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’octobre 2012.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 339

Date : 20121016

Dossier : 2012-116(GST)I

ENTRE :

PIERRE LABRECQUE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]             Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Il s’agit de déterminer si, en tant qu’administrateur de 9197‑6613 Québec Inc. (la « société »), l’appelant doit être tenu, solidairement avec la société, de payer 2 512,06 $, soit le montant de taxe nette que la société a omis de verser, les intérêts et les pénalités.

 

Thèse de l’appelant

 

[2]             L’appelant reconnaît avoir été l’administrateur de la société pendant la période pertinente. Cependant, l’appelant prétend avoir perdu tout pouvoir administratif et décisionnel au sein de la société au profit de criminels pour le moins dangereux. Par conséquent, il soutient qu’en l’absence de contrôle effectif sur les affaires de la société, il doit échapper à l’application de l’article 323 de la LTA. En d’autres termes, il faudra répondre notamment à la question suivante : est‑ce que l’absence de contrôle effectif sur les affaires d’une entreprise constitue, en soi, un moyen de défense pouvant être invoqué par un administrateur de jure qui souhaite échapper à l’application de l’article 323 de la LTA?

 

[3]             L’appelant a témoigné. Par ailleurs, monsieur Matthieu Bourgeois (agent de recouvrement à l’Agence du revenu du Canada) et monsieur Jean‑Noël Lacroix ont témoigné à l’appui de la position de l’intimée.

 

[4]             Le témoignage de l’appelant pourrait se résumer ainsi : j’ai perdu tout contrôle sur les affaires de la société au profit de dangereux criminels, la raison étant que ces derniers m’ont bien fait comprendre que je ferais l’objet de représailles si je n’obtempérais pas à leurs ordres. Étant donné que le témoignage de l’appelant a consisté au bout du compte à réitérer les faits qui apparaissent dans la déclaration solennelle qu’il a faite aux policiers de la Ville de Québec, (déclaration faisant état notamment des circonstances dans lesquelles des criminels auraient pris le contrôle de la société et lui auraient fait des menaces), il m’apparaît utile de la reproduire intégralement. Cette déclaration solennelle se lit comme suit :

 

Lors d’une première rencontre (juillet 2008) avec Jean‑Noël Lacroix (Sarto) avec mon associé Michel Bruyère et en présence de André Leclerc (bras droit de Jean‑Michel Lacroix selon ses paroles), Michel Bruyère a demandé à Lacroix de l’aide pour avoir du financement pour investir sa part dans le marché au puce « La Riposte Inc. » au montant de 50,000.00 dollars car il avait été convenu que chaque associé devait injecter cette somme. Pour obtenir ce montant, la femme de Michel Bruyère avait une maison qui une fois vendu permettrait à Michel Bruyère d’avoir son 50,000.00 pour investir dans le marché au puce. Cette maison était situer au Lac St‑Charles. Avant cette rencontre je n’avais jamais entendu parler de qui était Jean‑Noël Lacroix ou autre membre de son entourage. Cette première rencontre s’est dérouler à la résidence de Lacroix dans le secteur Lebourneuf dans une maison très cossu, avec une Mercedez noir sport à la porte. C’est alors que Lacroix c’est offert pour vendre la maison pour que Michel Bruyère puisse avoir son argent avec le profit de la vente pour investir dans le marché au puce, lors de cette rencontre, Lacroix m’a dit qui il était en se disant le plus grand crosseur et fraudeur de Québec, qu’il s’était mis en riche en flouant Lamidor, les pros du chauffage et Sécurex. Il avait gagner ses procès contre la police et qu’il était plus fort que le système. À la fin de cette rencontre j’ai dit à Bruyère qu’il était libre de faire ce qu’il veut mais moi je ne voulais pas de problème avec ce gars là, que moi j’avais les fonds pour ouvrir seul le marché au puce et que s’il ne trouvait pas l’argent nécessaire comme convenu lors de notre entente, je trouverais quelqu’un d’autre mais par respect pour tout le travail effectuer par Bruyère (contact, négociation, effort pour le local des puces) j’ai attendu qu’il finalise ses négociations avec Jean‑Noël Lacroix.

 

Suite au retrait de M. Roland Bernier (investisseur) et le délai des garanties exiger par le locateur qui avançait rapidement, Michel Bruyère s’est entendu avec Lacroix pour que celui‑ci vende sa maison afin d’obtenir son 50,000.00 pour investir. De plus, lors des discussions concernant les modalités d’entente avec le locateur du local des puces, Lacroix à offert de mettre lui‑même la garantie banquaire exigé soit 100,000.00 dollars, somme prêter pour la durée demander soit 180 jours à partir de la date de commencement qui était le 23 juin 2008 à la remise des clés du local. En plus d’avancer le 50,000.00 de Bruyère qu’il récupérerait à la vente de la maison de celui‑ci. Sur les bonnes paroles de Lacroix, celui‑ci m’a dit qu’il n’avait pas de temps à passer aux puces, qu’on devraient s’en occuper nous-mêmes car il était trop occuper dans les autres projets (marketing, panneaux solaires, chauffage, etc…).

 

Encore une fois j’ai dit à Bruyère tu es sûr de vouloir travailler avec Lacroix car moi j’ai pas besoin de lui et maintenant que le délai pour ouvrir le puce avance rapidement il faut les montant promis car moi mon 50,000.00 est déjà actif è la Banque T.D. Bruyère m’a dit qu’il ne fallait pas s’inquiéter et que s’il devait agir pour enlever Lacroix de notre entente, il pouvait le faire, alors je lui ai dit devant Lacroix que c’était lui qui avait besoin de Lacroix et que moi en ce qui me concerne je n’avais aucun llien d’affaire ou de prêt avec Jean‑Noël et que l’argent qu’il lui empruntais était personnel. Jean‑Noël Lacroix m’a fait remettre un chèque de 100,000.00 non‑certifié pour couvrir la garantie banquaire exigé par le locateur. Ce chèque daté de juillet 2008 était fait à mon nom personnel au lieu du nom du locateur et inscrit prêt temporaire pour six mois. Ce chèque provenait d’une compagnie à numéro au nom de Léger Lavoie et nous avons dû payer des intérêts de 2,000.00 par mois sur les 6 premiers mois à partie d’août 2008, somme qui était pris par Jacques Pelletier à même les recettes de la collecte des loyers des commerçants du marché au puce La Riposte. Pour enregistrer la compagnie à numéro j’ai dû prendre le comptable que Jean‑Noël Lacroix avait choisi soit M. Conrad Bouchard situé à Charlesbourg près de la 76e rue.

 

Par la suite, Jean‑Noël Lacroix me confirme que tout devra être à mon nom car à cause de sa réputation et de la non‑solvabilité de lui et de Bruyère, il est préférable vu mon bon nom et mon bon crédit de ne pas nuire au marché au puce. À partir de la fin juillet, Jean‑Noël Lacroix est de plus en plus présent au marché au puce La Riposte avec ses gardes rapprochés soit : André Leclerc et Jacques Pelletier. De plus il est souvent arrogant avec des nouveaux commerçants, clients et fournisseurs. Par la suite il a piqué une sainte colère quand il a appris que Michel Bruyère lui mentait sur le taux de location des espaces et à partir de ce moment là il a pris sous son contrôle les décisions du marché au puce. Il m’a dit que jamais il n’avait perdu d’argent en affaire et que son 100,000.00 il ne le perdra pas avec Bruyère et moi. Je lui ai dit que le 100,000.00 de dépôt ne provient pas de lui et que le 50,000.00 de Bruyère n’était pas encore déposé. Il me dit que avec mon 50,000.00 déjà en banque il y en a assez pour commencer et je vais le gérer pour que ça roule. Je me suis opposer à cela et il m’a dit : « T’as intérêt à faire ce qu’on te diras parce que si je perds mon argent ça risque de te coûter cher et longtemps ». J’ai dit à Bruyère que ses menaces ne font pas mon affaire et que comme il m’a dit (Bruyère) : je peux le tasser et bien fais-le et parle lui. Réponse de Bruyère : « Tu tasses pas un gars comme lui si facilement que ça ».

 

Surprise, Jean‑Michel Lacroix vient m’apprendre que Michel Bruyère à accepter de racheter ses parts du marché au puce. (Fin août, début sept) Cette conversation s’est déplacer dans mon kiosque arrière dans le marché au puce. Je lui ai dit qu’il n’avait aucune part car il n’a investit aucun argent dans le puce et qu’on payait même des intérêts sur le prêt de 100,000.00. Il me dit que c’est non‑négociable et que maintenant le prix est de 200,000. payable de la façon suivante : pour le bon contrôle des lieux et de la collecte Jack (Jacques Pelletier) ferait la collecte des revenus et garderais 800,00 par semaine pour son salaire et 5,000.00 par semaine pour rembourser la dite dette. Si les mois deviennent tranquille on réduira à 2,500.00/sem. Je refuse catégoriquement et il me dit que j’ai rien à dire ou décider, de ferme ma gueule et de faire mon temps dans mon commerce de C.D. et D.V.D » sinon ça pourrait aller très vite et très mal pour moi ou mon entourage proche.

 

À chaque fois qu’il me menaçait où faisait du chantage, il était seul avec moi mais par la suite, c’est comme si les gars qui travaille avec ou pour lui, était au courant des discussions que j’avais eu car ils me disaient : « nous on connaît Sarto, laisse‑nous lui parler, on va arranger cela pour pas que ça s’aggrave etc… ») De plus, Jean‑Noël Lacroix m’apprends qu’il a maintenant un associé à 50 % de sa part : surnommé le « Flo » Jean‑Judes ou Eudes Faucher, membre en règle des H.A. (Hells Angels).

 

Lacroix m’explique que dorénavant les loyers des kiosques de ces 2 garçons (les jumeaux), le kiosque de la mère de Faucher, le kiosque de Max (produits protéines, vitamines de gym), le 666 de Marco Roberge, un autre kiosque d’accomodement seront gratuits. Jean‑Noël Lacroix me présente par la suite un dénommé Yannick qui viendra à 2 ou 3 reprises au marché au puce avec collier, bague identifier au Hells Angels.

 

Au mois de janvier ou février 2009 Michel Bruyère m’annonce qu’il démissione du marché puce, que la pression est trop forte. Il me remet ses clés et quitte. J’ai eu à subir ces gens jusqu’à 2 semaines de la fermeture du marché au puces. J’ai rencontrer à la demande de Michel Bruyère avant sa démission au restaurant le Rascal à St‑Foy deux personnes qui devait l’aider à résoudre le problème de tasser Lacroix du marché au puce mais ils n’ont pu rien faire. Lors de cette rencontre Mario « Banane » Auger et Demers m’ont été présenter. Je leur ai dit que ce n’était pas mon problème mais celui de Bruyère. Je me suis lever et je suis parti.

 

Lors qu’une autre rencontre au St‑Hubert de L’Ancienne-Lorette en présence de : Jean‑Noël Lacroix Jacques Pelletier et Yannick, ce dernier m’a demander pourquoi Bruyère avait démissionner et s’il était menteur. Cette rencontre a été demander par Lacroix.

 

Par la suite lors de la dernière rencontre avec : Jean‑Noël Lacroix, Jean‑Judes ou Eudes Faucher, Yannick, moi-même et Marcel Boisin, il à été convenu que étant donner que les revenus était quasi inexistant et que nous nous en allions vers la faillite, Jean‑Judes ou Eudes Faucher a dit que c’était terminer mais Lacroix à essayer de dire que je devais payer jusqu’au bout mais Faucher à insister en disant que non tout s’arrêtait là, que je n’aurais pas à continuer de payé, ce qui n’a pas semblé faire l’affaire de Lacroix.

 

            Par la suite j’ai revue Lacroix, Leclerc, Pelletier car j’ai ouvert un magasin de disque et C.D. aux Galleries Charlesbourg et que ces gens s’entraînent à cet endroit.

 

            En plus du stress, pertes monétaires, subir les Hells, perte de ma crédibilité d’être associé à ces gens, je dois croisés ces gens encore aujourd’hui et vivre avec la peur de représaille de leur part.

 

            Pour conclure, les sommes perdus par moi et mon entreprise qui était à mon nom

 

Personnels (Mise de fonds, avance)

environ

 

150,000.00

Agent collecter par Pelletier

pour Lacroix, Faucher, etc…

Loyer :

117,500.00

 

Intérêt du :

12,000.00

 

100,000.00

 

 

Moitié-moitié environ

(Pelletier)

1,600.00

 

Salaire Pelletier : environ

12,000.00

 

Ces sommes sont basé sur les montants versés par semaine à Lacroix et Pelletier provenant de la collecte des loyers de nos commercants au marché au puce La Riposte

 

 

[5]             Par ailleurs, monsieur Lacroix a essentiellement nié lors de son témoignage tous les faits que l’appelant lui reproche.

 

Analyse et conclusion

 

[6]             La preuve de l’appelant à l’égard de sa perte de contrôle sur les affaires de la société reposait essentiellement sur son témoignage qui, je le répète, a été contredit en tous points par le témoignage de monsieur Lacroix. En l’espèce, j’ai retenu la version de l’appelant plutôt que celle de monsieur Lacroix. En effet, le témoignage de l’appelant m’a paru crédible. J’ai vu la peur et la frayeur dans les yeux de l’appelant quand il a su que monsieur Lacroix témoignerait. J’ajouterais que les commentaires du procureur de l’intimée lors de sa plaidoirie à l’égard de la délinquance de monsieur Lacroix en matière de fiscalité, la mine de ce dernier et ses explications pour le moins nébuleuses n’ont fait qu’ajouter à mes doutes à l’égard de sa crédibilité.

 

[7]             Maintenant, la question qui se pose est la suivante : est‑ce que l’absence de contrôle effectif constitue, en soi, un moyen de défense pouvant être invoqué par les administrateurs de jure qui souhaitent échapper à l’application de l’article 323 de la LTA?

 

[8]             À mon avis, la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. McKinnon [2001], 2 C.F. 203 (CAF) a établi clairement que le simple fait que des contraintes extérieures limitent la discrétion d’un administrateur de jure ne saurait l’exonérer automatiquement de toute responsabilité prévue au paragraphe 323(1) de la LTA. Cette décision nous enseigne aussi que cet administrateur couvert par le régime de l’article 323 de la LTA ne pourra se libérer de sa responsabilité personnelle que s’il peut démontrer avoir agi avec le même degré de soin, de diligence et d’habileté qu’une personne raisonnablement prudente dans les circonstances comparables afin de prévenir les défauts de la société de verser la taxe sur les produits et services (« TPS »).

 

[9]             Or, bien qu’insuffisante en soi pour exonérer un administrateur, l’imposition de telles contraintes externes sur l’exercice de la discrétion d’un administrateur fait toutefois partie, à mon avis, des circonstances devant être prises en considération lors de l’analyse de la norme de soin, de diligence et d’habileté raisonnables.

 

[10]        Cette norme a d’ailleurs récemment été réexaminée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Buckingham c. La Reine, 2011 CAF 142. Selon cette Cour, il s’agit d’une norme objective, comme l'a énoncé la Cour suprême du Canada dans Magasins à rayons Peoples inc (Syndic de) c. Wise, [2003] 3 R.C.S. 461. Voici ce que le juge Mainville, rédigeant les motifs de la Cour d’appel fédérale, a dit au sujet de cette norme :

 

38        Cette norme objective écarte le principe de common law selon lequel la gestion d'une société par un administrateur doit être jugée suivant les compétences, les connaissances et les aptitudes personnelles de celui-ci : Magasins à rayons Peoples, aux paragraphes 59 à 62. Si l'on qualifie cette norme d'objective, il devient évident que ce sont les éléments factuels du contexte dans lequel agissent l'administrateur qui sont importants, plutôt que les motifs subjectifs de ces derniers : Magasins à rayons, au paragraphe 63. L'apparition de normes plus strictes force les sociétés à améliorer la qualité des décisions des conseils d'administration au moyen de l'établissement de bonnes règles de régie d'entreprise : Magasins à rayons Peoples, au paragraphe 64. Des normes plus strictes empêchent aussi la nomination d'administrateurs inactifs choisis pour l'apparence ou qui ne remplissent pas leurs obligations d'administrateurs en laissant aux administrateurs actifs le soin de prendre les décisions. Par conséquent, une personne nommée administrateur doit activement s'acquitter des devoirs qui s'attachent à sa fonction, et il ne lui sera pas permis de se défendre contre une allégation de malfaisance dans l'exécution de ses obligations en invoquant son inaction : Kevin P. McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 2e édition (Markham, Ontario: LexisNexis Canada, 2007), à la page 11.9.

 

39        Une norme objective ne signifie toutefois pas qu'il ne doit pas être tenu compte des circonstances propres à un administrateur. Ces circonstances doivent être prises en compte, mais elles doivent être considérés au regard de la norme objective d'une "personne raisonnablement prudente". […]

 

[…]

 

52        Le Parlement n'a pas requis des administrateurs qu'ils soient assujettis à une responsabilité absolue relativement aux versements de leurs sociétés. En conséquence, le Parlement accepte qu'une société puisse, dans certaines circonstances, ne pas effectuer des versements sans que la responsabilité de ses administrateurs ne soit engagée. Ce qui est requis des administrateurs, c'est qu'ils démontrent qu'ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu'ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et d'habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

 

[11]        Ainsi, l’impossibilité pour un administrateur de jure d’exercer sa discrétion fait partie des circonstances devant être prises en considération lors de l’analyse de la norme objective de soin, de diligence et d’habilité raisonnables.

 

[12]        Il importe de rappeler que chaque décision est étroitement liée aux faits de chaque affaire. Le juge Rothstein a d’ailleurs jugé pertinent de préciser dans les motifs concordants qu’il a rendus dans McKinnon, précité :

 

1.         […] Je tiens cependant à souligner que le moyen de défense de la diligence raisonnable est étroitement lié aux faits du cas d'espèce, c'est-à-dire qu'il faut toujours comparer ce qu'ont fait les administrateurs dans un cas donné pour prévenir le défaut, à ce qu'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables. […]

 

[13]        Le fait de n’avoir entrepris aucune action positive pour tenter de prévenir le défaut de versement n’est pas, à mon avis, fatal s’il est déterminé que les contraintes externes (telles emprises psychologique, économique et sociale) étaient telles qu’une personne raisonnable victime de la même emprise n’aurait rien fait.

 

[14]        En l’espèce, la preuve a révélé que l’appelant n’avait pas entrepris d’action positive afin d’éviter le défaut de versement. Dans le cas où aucun acte positif n’est entrepris, il faut alors se rabattre sur les commentaires précités du juge Rothstein selon lesquels le moyen de diligence raisonnable est clairement lié aux faits du cas d’espèce. À mon avis, une personne raisonnable victime de l’intimidation qu’a subie l’appelant aurait probablement agi de la même façon, c’est‑à‑dire en s’effaçant complètement des décisions financières concernant la société.

 

[15]        Pour ces motifs, l’appel est accueilli.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’octobre 2012.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 339

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-116(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            PIERRE LABRECQUE ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 22 août 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                 le 16 octobre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Éric Labbé

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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