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Dossier : 2016-3578(IT)I

ENTRE :

YAEL BARBOUR,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 24 août 2017, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. David Burkes

Avocate de l’intimée :

Me Stephanie Hodge

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des deux nouvelles cotisations établies le 20 juin 2016 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) pour les années d’imposition 2012 et 2013 de l’appelante, respectivement, est rejeté sans frais, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


Référence : 2018CCI77

Date: 20180420

Dossier : 2016-3578(IT)I

ENTRE :

YAEL BARBOUR,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction

[1]  L’appelante a interjeté appel des nouvelles cotisations établies pour chacune de ses années d’imposition 2012 et 2013. Les deux nouvelles cotisations ont été établies le 20 juin 2016 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (Loi). Dans les deux, les déductions des dépenses et des pertes d’entreprise étaient rejetées.

Résumé

[2]  Pendant toute la période en cause, l’appelante était employée par l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario (Université de l’ÉADO) à Toronto, au titre de professeure, Faculté des arts, Programme de médias intégrés. Elle s’est vu accorder et a pris un congé sabbatique de son enseignement régulier et de ses responsabilités de services à l’Université de l’ÉADO au cours de la période allant de juillet 2012 à juin 2013. Par ailleurs, en 2012, après avoir entamé le congé sabbatique, l’appelante a lancé un projet visant à produire une vidéo artistique d’une demi‑heure traitant de la polygamie. Les travaux réalisés dans ce projet étaient financés en bonne partie par une subvention du Conseil des arts du Canada (CAC), qui a été octroyée en 2013.

[3]  Pendant son congé sabbatique, l’appelante a travaillé à ce projet de vidéo sur la polygamie et s’est également adonnée à d’autres activités qui étaient, semble‑t‑il, liées à ses responsabilités à l’Université de l’ÉADO. L’appelante a déduit les dépenses engagées à ce titre comme dépenses d’entreprise déductibles. Le ministre du Revenu national (ministre) a refusé ces déductions de dépenses d’entreprise, au motif que l’appelante n’avait aucune source de revenu tirée d’une entreprise et, à titre subsidiaire, que certaines de ces dépenses étaient des frais personnels ou de subsistance conformément l’alinéa 18(1)h) de la Loi.

Preuve

[4]  L’appelante a témoigné. Selon son témoignage, pendant ses années d’imposition 2012 et 2013 elle a reçu un salaire d’emploi de l’Université de l’ÉADO en qualité de professeure permanente. Elle a déclaré que son contrat de travail avec l’Université de l’ÉADO exigeait qu’elle alloue 40 p. 100 de son temps à la recherche, à la rédaction ou aux arts graphiques, une autre tranche de 40 p. 100 à ses tâches d’enseignement, et les 20 p. 100 restants de son temps à offrir des services institutionnels à l’Université de l’ÉADO. À cet égard, pendant la période en cause l’appelante présidait le Sénat de l’Université de l’ÉADO et siégeait à son conseil des gouverneurs.

[5]  Une lettre en date du 27 avril 2015, que le doyen par intérim de l’appelante, Peter Sramek, a écrite en son nom à l’Agence du revenu du Canada (ARC) (pièce R-5) indique ce qui suit :

[traduction]

[…] pour les professeurs permanents, la recherche et la production en studio constituent 40 p. 100 de leur charge de travail, alors que pendant un congé sabbatique ces activités correspondent à l’ensemble des attentes.

[6]  La clause 20.3.1 du protocole d’entente entre l’Université de l’ÉADO et son association de professeurs prévoit à l’égard de la tranche de 40 p. 100 du temps qui doit être allouée « aux recherches et pratiques professionnelles » qu’elle

[traduction]

[...] a pour but de constituer le fondement de l’engagement permanent et de la progression du professeur dans son domaine de choix et de soutenir le profil de l’Université, sa mission et ses projets de recherche, y compris la pratique artistique et/ou conceptuelle qui mène à la production de nouvelles connaissances, qui seront échangées au sein d’une vaste communauté de pairs. La pratique et les recherches professionnelles d’un professeur peuvent comprendre [...] 20.3.1.1 la pratique d’un art et/ou du design; [...] 20.3.1.10 la tenue à jour des connaissances en tant que professionnel dans les domaines de l’art et du design et/ou chercheur universitaire.

[7]  Dans sa demande de subvention au CAC, l’appelante avait demandé des fonds aux fins de la recherche, de l’élaboration et de la production des sketches et des éléments d’animation et de composition d’images d’une vidéo expérimentale d’une demi‑heure, intitulée [traduction] « Leçons à l’intention des polygames ». Au début de 2013, le CAC a avisé l’appelante qu’elle avait obtenu une subvention de 55 000 $, dont une part de 50 000 $ lui était versée le 11 février 2013, les 5 000 $ restants devant lui être versés au cours d’une année d’imposition ultérieure. En dernier ressort, les 5 000 $ restants ont été payés en 2016, à l’achèvement de ce projet. Avant de recevoir la part de 50 000 $, l’appelante avait signé un [traduction] « Formulaire d’avis de réception d’une subvention » du CAC. Il y était notamment indiqué que les subventions du CAC étaient considérées comme un revenu imposable et que des formulaires T4A seraient délivrés à cet égard.

[8]  L’appelante a déclaré qu’elle possédait une entreprise dénommée de son nom professionnel, « b.h. Yael » (Yael), qui était en exploitation pendant les années d’imposition 2012 et 2013 en cause. L’appelante a déclaré avoir déduit les dépenses qui excédaient nettement le revenu de cette entreprise, et que les profits n’étaient pas toujours réalisables immédiatement ni pour quelques années. Elle a affirmé que pendant sa carrière d’artiste visuelle, à ce jour elle avait créé six ou huit installations artistiques et douze vidéos. Elle a ajouté qu’elle n’était [traduction] « pas très prolifique » et qu’elle produisait une œuvre à quelques années d’intervalle.

[9]  Pour l’année d’imposition 2012, l’appelante a déclaré un revenu d’entreprise de 917 $, en fonction duquel elle a déduit des dépenses d’entreprise s’élevant à 17 411 $. Ces dépenses étaient rangées dans les catégories « frais de bureau » (1 380 $), « fournitures » (1 312 $), « frais de gestion et d’administration » (2 184 $), « frais de déplacement » (3 539 $), « frais de téléphone et de services publics » (2 175 $), « frais afférents à un véhicule à moteur sans compter [la
déduction pour amortissement] »
(3 579 $), « [
déduction pour amortissement] »
(63 $) et « autres frais » (3 220 $). Une perte nette totale d’entreprise de 16 534 $ a été déduite.

[10]  Pour l’année d’imposition 2013, l’appelante a déclaré un revenu d’entreprise de 50 562 $ (dont une part de 50 000 $ provenait de la subvention du CAC), en fonction duquel elle a déduit des dépenses d’entreprise de 61 153 $. Ces dépenses étaient rangées dans les catégories « achats » (8 501 $), « contrats de sous‑traitance » (2 262 $), « frais de bureau » (1 750 $), « fournitures » (1 862 $), « frais juridiques et comptables » (356 $), « frais de gestion et d’administration » (475 $), « frais de déplacement » (5 429 $), « frais de téléphone et de services publics » (1 947 $), « frais afférents à un véhicule à moteur sans compter [la déduction pour amortissement] » (1 648 $), « [déduction pour amortissement] » (44 $) et « autres frais » (47 642 $), ces derniers comprenant des frais de 1 179 $ aux fins de colloques et de congrès et un montant de 46 463 $ à titre de réserve pour la subvention de 50 000 $ du CAC non encore dépensée. Une perte nette totale d’entreprise de 21 354 $ a été déduite.

[11]  Les prétendus revenus d’entreprise négligeables de 917 $ et de 562 $ que l’appelante a déclarés pour ses années 2012 et 2013, respectivement, correspondaient aux honoraires qu’elle avait touchés lorsque ses œuvres avaient été exposées dans des universités ou lors de festivals, ainsi qu’à titre de conférencière, notamment à l’Université de l’École d’art et de design de la Nouvelle-Écosse (Université de l’ÉADNÉ) à Halifax, au début de 2013. L’appelante maintient qu’elle exploitait une entreprise, même si celle-ci n’était pas lucrative.

[12]  Les travaux à la vidéo sur la polygamie menés en 2012 et 2013 comprenaient essentiellement des recherches et des déplacements en divers lieux, notamment à Ottawa et dans les Laurentides au Québec, afin d’interviewer des personnes d’intérêt pour la vidéo et de filmer le décor. Les dépenses réelles déduites aux fins de ce projet pendant les années 2012 et 2013  étaient négligeables, puisqu’elles s’élevaient à environ 1 500 $ et 3 500 $, respectivement.

[13]  Dans l’ensemble, l’appelante a déduit comme dépenses d’entreprise les frais engagés aux fins de ses déplacements, y compris la nourriture, pendant son congé sabbatique allant de juillet 2012 à juin 2013, ce qui comprend six voyages à New York, apparemment pour effectuer des recherches dans les bibliothèques publiques, visiter des musées d’art et préparer ses cours à l’Université de l’ÉADO. Les frais d’hébergement étaient réduits du fait que l’appelante habitait généralement chez des amis ou des parents. Celle‑ci a expliqué que ces visites lui permettaient de se tenir au courant des développements dans le domaine des arts visuels aux fins de sa tâche d’enseignement. En outre, au cours de cette période elle entretenait une relation avec une personne vivant à New York.

[14]  Dans une lettre écrite au vérificateur de l’ARC (pièce R-6) le 28 avril 2014, l’appelante déclare ce qui suit :

[traduction]

une part de 40 p. 100 de mon travail habituel doit être consacrée à mon activité de création (recherche et production), et pendant un congé sabbatique, tout mon temps. À ce titre, ces dépenses, y compris les frais de déplacement, sont particulièrement pertinentes aux fins des déductions acceptables, en ce sens qu’au cours d’une année normale une part de 40 p. 100 de mon temps, et par conséquent du salaire, est consacrée à la production créative. [Je souligne.]

En l’espèce, l’appelante a proposé que les frais de déplacement soient déductibles puisqu’ils sont liés à une part de [traduction] « 40 p. 100 de [son] temps et par conséquent du salaire [qui] est consacrée à la production créative ». Autrement dit, elle a affirmé que les frais de déplacement étaient déductibles parce qu’ils étaient engagés à l’appui des fonctions de son emploi, qui englobent la [traduction] « production créative ». Dans cette affirmation, l’appelante n’a fait aucune allusion à une source de revenu d’entreprise, mais uniquement à sa source de revenu d’emploi.

[15]  La pièce R-4 est un [traduction] « Protocole d’entente entre l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario et l’association des professeurs de l’École d’art et de design de l’Ontario » pour la période allant du 1er juillet 2013 au 30 juin 2016. Ce protocole définit les conditions d’emploi de l’appelante à titre de professeure permanente, ayant pour employeur l’Université de l’ÉADO. Ces conditions sont considérées comme s’appliquant à toute la période en cause. À l’article 20.1.1 de ce protocole, sous le titre [traduction] « Responsabilités des professeurs », il est précisé ceci :

[traduction]

La principale responsabilité des professeurs est la recherche, la production et la transmission du savoir et de la compréhension, en combinant de façon appropriée les responsabilités connexes à l’enseignement, les recherches et pratiques professionnelles, ainsi que les services. (Je souligne.)

[16]  L’article 20.3, [traduction] « Pratique et recherche professionnelles » développe le deuxième des trois domaines de responsabilité qui sont énumérés. Il est ainsi rédigé en partie :

 

[traduction]

Les recherches et pratiques professionnelles ont pour but de constituer le fondement de l’engagement permanent et de la progression du professeur dans son domaine de choix et de soutenir le profil de l’Université [...] Les « recherches et pratiques professionnelles » d’un professeur peuvent englober, sans toutefois s’y limiter, les volets suivants : la pratique d’un art et/ou du design; des recherches originales ainsi que la rédaction, la publication et la diffusion des résultats; les expositions, présentations et activités médiatiques publiques et commerciales, ainsi que d’autres formes de diffusion; la conservation et la critique; les prestations en qualité de conférencier invité ou spécial, la participation à des congrès, et ainsi de suite; l’enseignement dans d’autres établissements [...]; la participation active à d’autres organismes professionnels [...]; un siège à un conseil, un jury ou un comité externe [...]; des tâches de consultation ayant trait à l’art, au design, à l’éducation, ainsi qu’au secteur privé, aux entreprises et au gouvernement; la tenue à jour des connaissances en tant que professionnel dans les domaines de l’art et du design et/ou chercheur universitaire. (Je souligne.).

[17]  L’appelante a déclaré que c’était le dernier volet – [traduction] « la tenue à jour des connaissances en tant que professionnel dans les domaines de l’art et du design et/ou chercheur universitaire » – qui constituait le fondement de ses travaux pertinents en l’espèce. Encore là, cela démontre que l’appelante s’acquitte des divers aspects des fonctions de son emploi à l’Université de l’ÉADO, en l’absence de toute allusion à l’exploitation d’une entreprise ou à une source de revenu tirée d’une entreprise.

Points en litige

[18]  Les points en litige se résument essentiellement à deux questions – celle de savoir si l’appelante exploitait une entreprise au cours des années d’imposition 2012 et 2013, et dans l’affirmative, si les dépenses déduites sont déductibles; celle de savoir si l’appelante devait déclarer la subvention du CAC conformément à l’alinéa 56(1)o) de la Loi.

Observations

[19]  On a prétendu au nom de l’appelante que celle‑ci était renommée au sein de la communauté artistique (ce dont je ne doute pas) et qu’elle avait une attente raisonnable de profit (ARP), conformément au bulletin IT-504R2 intitulé « Artistes visuels et écrivains ». (L’ARC a actualisé ce bulletin IT pour la dernière fois en décembre 2000. Depuis lors, l’ARC l’a « archivé » et ne le considère donc pas comme ayant cours.) L’appelante n’avait dépensé que mille dollars, environ, aux activités qu’elle a assimilées à des recherches concernant le projet de vidéo sur la polygamie, et les dépenses liées à ce projet se rattachaient surtout à la production. Par conséquent, on a donc prétendu que l’alinéa 56(1)o) de la Loi intitulé « Subventions de recherche » ne s’appliquait pas à sa subvention du CAC. On a reconnu que certaines dépenses personnelles pouvaient avoir été déduites à tort, y compris des choses comme les frais afférents au [traduction] « métier » (achats d’aliments et de boissons pour tout le monde à l’occasion des rencontres liées à son travail artistique) et les frais de renouvellement du passeport de l’appelante. On a prétendu que l’appelante avait été autorisée à déduire des pertes pour ses années d’imposition 2006 et 2007.

[20]  L’avocate de l’intimée a soutenu que l’appelante n’avait aucune source de revenu d’entreprise. Les tâches auxquelles elle s’adonnait consistaient simplement à s’acquitter des fonctions de son emploi. Par conséquent, les dépenses déduites comme dépenses d’entreprise n’étaient pas déductibles. La subvention du CAC n’était pas un revenu tiré d’une bourse d’études, mais plutôt un revenu au titre de l’alinéa 56(1)o). Même s’il y avait une source d’entreprise, la subvention n’aurait pas dû en faire partie, et les dépenses ne doivent être autorisées que conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi. Les activités que l’appelante a décrites (et pour lesquelles elle a demandé des déductions) ne sont en réalité que des activités d’emploi, ce qui justifie son revenu T4 de l’Université de l’ÉADO. Le contrat de travail de l’appelante prévoyait qu’à titre de professeure de médias intégrés, elle devait allouer 40 p. 100 de son temps à des initiatives de création, et que pendant un congé sabbatique elle devait consacrer tout son temps à la recherche et à la production. Un article de son contrat de travail avec l’Université de l’ÉADO prévoit que l’appelante doit créer des œuvres d’art. Celle‑ci n’est pas une entrepreneure indépendante. Les décisions citées sont notamment Stewart c. R., 2002 CSC 46; Scheinberg v. R., [1996] 2 C.T.C. 2089 (CCI) et Fleming v. M.N.R., 87 DTC 884 (CCI).

[21]  L’intimée a en outre soutenu que l’alinéa 56(1)o) n’était pas une disposition générale prévoyant les déductions (Scheinberg, supra). Le fondement légal des déductions supplémentaires, c’est‑à‑dire des sommes excédant le montant de la subvention, doit se trouver ailleurs (Ghali c. Canada, 2004 CAF 60).

Analyse

[22]  La première question à trancher est celle de savoir si l’appelante avait une source de revenu provenant d’une entreprise pendant la période pertinente. L’appelante exploitait‑elle une entreprise pendant ses années d’imposition 2012 et 2013?

A. Question de savoir s’il s’agit d’une entreprise

[23]  La décision qui a inspiré d’autres décisions semblables lorsqu’il s’agit de savoir s’il y a une source de revenu tirée d’une entreprise est celle que la Cour suprême du Canada a rendue dans Stewart, supra. Dans cette décision, la Cour a poussé l’analyse pertinente au‑delà du critère de l’« attente raisonnable de profit » (ARP) qu’elle avait élaboré dans Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480. Le représentant de l’appelante s’est fondé sur le bulletin d’interprétation maintenant archivé de l’ARC, dont j’ai déjà fait mention, qui avait été mis à jour pour la dernière fois en décembre 2000 pour ce qui était du critère de l’ARP, en alléguant qu’une entreprise existait en l’espèce. Cependant, en 2002 le critère de l’ARP a été remplacé par l’arrêt Stewart. Aux paragraphes 50 à 55 de Stewart, la Cour suprême a cerné l’approche « globale » permettant de déterminer l’existence d’une entreprise, qui consiste à évaluer la nature commerciale de son activité. Dans le contexte, la première question est celle de savoir si l’activité de la contribuable est exercée en vue de réaliser un profit, ou s’il s’agit d’une initiative personnelle. En deuxième lieu, s’il ne s’agit pas d’une initiative personnelle, il faut évaluer si la source du revenu est une entreprise ou un bien. Et même si la contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale :

[...] Il faut déterminer globalement si [la] contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale.  Cette détermination ne devrait toutefois pas servir à évaluer après coup le sens des affaires de [la] contribuable.  C’est la nature commerciale de son activité qui doit être évaluée, et non son sens des affaires. [Je souligne.]

[24]  Quant à savoir si l’appelante exerçait ses activités d’une manière commerciale, j’ai entendu au mieux des preuves très minces pour conclure que les activités de l’appelante, pour lesquelles elle a déduit ses dépenses, avaient été exercées d’une manière qui laisserait croire à l’existence d’une entreprise commerciale.

[25]  Il n’y avait aucune preuve de l’existence d’un plan d’affaires ou de quelque chose du genre, pas plus que de la commercialisation de la vidéo sur le thème de la polygamie ou de toute autre chose. La preuve a révélé que le projet de vidéo d’une demi‑heure n’avait été achevé qu’en 2016 (entamé en 2012), ce qui indique qu’il a été réalisé à un rythme détendu et de façon non entrepreneuriale. À vrai dire, aucun élément de preuve contemporain ne démontrait que l’appelante considérait ses activités comme une entreprise, plutôt que comme des aspects des fonctions de son emploi à l’Université de l’ÉADO. À cet égard, les deux allusions mentionnées ci‑dessus, aux paragraphes 14 et 17, sont pertinentes.

[26]  Même si l’appelante a un site Web personnel et professionnel, celui‑ci n’a été élaboré que récemment, en 2017, plus de trois ans après les années d’imposition en cause dans la présente affaire. Dans la brève description de ce site Web, à la deuxième phrase l’appelante est clairement identifiée comme étant professeure à l’Université de l’ÉADO et présidente du sénat de l’établissement. Il n’y a aucune allusion à une entreprise commerciale dans cette description, sauf peut‑être implicitement, dans l’énoncé selon lequel [traduction] « de nombreuses universités ont fait l’acquisition de ses œuvres […] » En l’espèce, la preuve du revenu tiré de l’achat de ses six ou huit installations et de ses douze vidéos indique qu’il s’agit d’un revenu brut de moins de moins de 1 000 $ et de 500 $ pour 2012 et 2013, respectivement. De plus, ces sommes minimes ont été au moins en partie tirées de modestes honoraires de conférencière dans deux établissements d’enseignement, peut‑être, dont une fois comme invitée au début de 2013, à l’Université de l’ÉADNÉ, qui est le pendant de l’Université de l’ÉADO dans l’Est.

[27]  Je souligne plus particulièrement les hypothèses de fait du ministre qui sont plaidées dans la réponse, aux alinéas 10w) à z), concernant l’absence d’indices d’une entreprise commerciale. Il est notamment mentionné que l’appelante : [traduction] « n’exploitait pas [la prétendue entreprise] de manière commerciale, organisée ou « systémique » [on a probablement voulu dire « systématique »]; ne tenait pas de livres adéquats à l’égard de [la prétendue entreprise] et ses écritures étaient désorganisées et incomplètes; pendant les années 2012 et 2013 [la prétendue entreprise] n’avait pas de clientèle régulière; l’appelante « ne bénéficiait d’aucun financement d’entreprise pour [la prétendue entreprise] ».

[28]  J’ai conclu, après avoir examiné la preuve, que de façon générale ces hypothèses de fait n’avaient pas été suffisamment contestées pour établir à première vue qu’elles étaient invalides. Je souligne par exemple, à cet égard, que d’après la preuve l’appelante n’avait aucune trace des personnes auxquelles elle avait rendu visite ou qu’elle avait rencontrées en corrélation avec les dépenses déduites pour ses voyages « d’affaires ». La preuve indique également que l’appelante a classé ses reçus de dépenses et autres documents au moment de la vérification de l’ARC, au lieu de les avoir gardés en ordre pendant toute la période visée, de manière commerciale.

[29]  Je souligne que je ne suis pas particulièrement influencé par l’hypothèse du ministre selon laquelle la prétendue entreprise de l’appelante n’avait pas de clientèle régulière.

[30]  Je conclus que l’appelante n’exploitait pas d’entreprise commerciale pendant ses années d’imposition 2012 et 2013. Il n’y avait guère de preuve d’une conduite laissant croire à l’exploitation d’une entreprise commerciale. L’appelante n’avait aucune source de revenu tirée d’une entreprise pendant cette période.

B. Dépenses liées à l’emploi

[31]  À mon avis, compte tenu de l’ensemble de la preuve, il s’agit d’une affaire assez simple concernant des dépenses déduites comme étant des dépenses engagées au titre d’une entreprise, qui, en réalité, dans la mesure où elles ne sont pas des dépenses personnelles, ont été effectuées au titre de l’emploi de l’appelante auprès de son employeur, l’Université de l’ÉADO.

[32]  Dans Scheinberg, supra, le juge Bowman (tel était alors son titre) s’est penché sur une situation un peu analogue, dans laquelle un contribuable – un professeur en congé sabbatique – avait déduit des dépenses comme ayant été engagées au titre d’une entreprise. La Cour a fait les observations suivantes (aux paragraphes 10 et 11) :

[traduction]

10  Selon l’essentiel de l’argumentation présentée par M. Dollinger en faveur de la position de M. Scheinberg selon laquelle les dépenses sont déductibles, il s’agit de dépenses d’entreprise déductibles dans le calcul du revenu en vertu de l’article 9. M. Scheinberg a produit un livre intitulé The Extreme Right: International Peace and Security at Risk. En réalité, il s’agit d’un rapport provisoire produit en novembre 1994. Il comprend dix essais rédigés par cinq auteurs. Deux d’entre eux ont été rédigés par M. Scheinberg, à savoir : Right-Wing Extremism in the Peaceable Kingdom et Right-Wing Extremism in the United States. Ce rapport a été préparé pour l’Institut des affaires internationales de B’nai Brith Canada. Une aide financière a été fournie par la fondation B’nai Brith et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. M. Dollinger soutient que si le livre était publié et commençait à générer des redevances, celles‑ci deviendraient un revenu d’entreprise et les dépenses engagées devraient par conséquent être déduites (c’est-à‑dire en 1991). Il soutient en outre que M. Scheinberg est un professionnel. J’en conviens – il s’agit d’une description exacte du métier de professeur. Cependant, cela ne permet pas d’établir la nature de son revenu et ne veut pas dire que les dépenses engagées, au cours d’une période pendant laquelle il est en congé sabbatique en Europe et 85 p. 100 de son salaire et une subvention de recherche sont payés par l’université, dont il est l’employé, sont des dépenses d’entreprise. En 1991, M. Scheinberg a manifestement effectué en Europe des dépenses qui excédaient le montant de la subvention qui lui avait été octroyée, et il est fondé de conclure que les recherches qu’il a menées là‑bas portaient sur un domaine du savoir dans lequel l’université s’attendait à ce qu’il effectue des recherches. Dans la mesure où ces dépenses n’étaient ni des frais personnels ni des frais de subsistance, elles ne se rattachaient pas à une entreprise qu’il exploitait, mais plutôt à son emploi à l’université. Effectuer des recherches et publier sont des composantes essentielles de la tâche d’un professeur d’université, et les frais de recherche et de publication – au moins pendant une année où le professeur est employé, qu’il soit en congé sabbatique ou qu’il enseigne à l’université et effectue des recherches dans son domaine – se rattachent à l’emploi de professeur1. L’article 8, qui réglemente très précisément la déduction des coûts d’emploi, ne vise pas de pareilles dépenses. (Je souligne.)

11  Si les livres que M. Scheinberg publie commencent à lui rapporter des redevances qu’il doit ajouter dans son revenu, les dépenses engagées au cours des années antérieures aux fins de la production des redevances seront déductibles au cours des années où les redevances seront à recouvrer. Cela semble conforme à la décision rendue dans Canderel Ltd. v. R. (sub nom. Canderel Ltd. v. Canada), [1995] 2 C.T.C. 22. (sub nom. The Queen v. Canderel Ltd.), 95 D.T.C. 5101 (C.A.F.).

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1Bien entendu, je ne parle pas du professeur de philosophie qui écrit des polars, ni du professeur de lettres classiques grecques et romaines qui écrit des histoires sentimentales campées à l’époque de la Régence, afin d’arrondir son revenu. De pareilles activités littéraires seraient, selon moi, nettement en dehors du cadre des fonctions et tâches professionnelles des professeurs.

[33]  J’estime que la situation est analogue en l’espèce pour chacune des années d’imposition 2012 et 2013. Pendant son congé sabbatique, l’appelante a engagé des dépenses aux fins de diverses visites artistiques, notamment dans de nombreux établissements new‑yorkais comme des musées, des bibliothèques et des théâtres, afin de voir les expressions artistiques qui sont en vogue sous diverses formes, tout en travaillant aussi jusqu’à un certain point à la vidéo sur la polygamie. À mon avis, ces activités se situent toutes essentiellement dans le contexte des responsabilités du poste de l’appelante à l’Université de l’ÉADO, qui consistent à se tenir au courant de l’évolution du secteur des arts visuels et à poursuivre sa création artistique. Elle recevait un salaire de l’Université de l’ÉADO pour faire expressément cela, y compris pendant son congé sabbatique, conformément aux fonctions de son poste en qualité de professeure d’art permanente dans cet établissement. Il ne s’agissait donc pas de dépenses d’entreprise. Comme l’a déclaré le juge Bowman dans Scheinberg, au paragraphe 10 :

[traduction]

[…] Dans la mesure où ces dépenses n’étaient ni des frais personnels ni des frais de subsistance, elles ne se rattachaient pas à une entreprise qu’il exploitait mais plutôt à son emploi à l’université.

[34]  J’ai conclu ci‑dessus que l’appelante n’exploitait pas d’entreprise commerciale et n’avait aucune source de revenu d’entreprise. Conformément à Stewart, il n’y avait guère d’activité, voire aucune, dont la nature commerciale était discernable. De plus, conformément à Scheinberg, les tâches pour lesquelles des dépenses ont été déduites comme dépenses d’entreprise déductibles étaient essentiellement des tâches que l’appelante devait effectuer dans le cadre des fonctions de son emploi auprès de l’Université de l’ÉADO. Par conséquent, même s’il y avait eu une entreprise commerciale, les dépenses déduites comme dépenses d’entreprise déductibles se rattachaient néanmoins aux engagements contractuels de l’appelante envers son employeur, l’Université de l’ÉADO. Cela ne rend pas ces dépenses déductibles. Je souligne par ailleurs l’absence du formulaire T2200, « Déclaration des conditions de travail », rempli et signé par l’Université de l’ÉADO.

C. Subsidiairement, s’il s’agit de dépenses déductibles

[35]  Malgré ce qui précède, en présumant qu’il y ait eu une source de revenu d’entreprise, ce qui n’était pas le cas selon ma conclusion, je me pencherai dans une certaine mesure sur les types ou catégories de dépenses d’entreprise déduites qui auraient pu être admissibles en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi. À l’audience, l’appelante n’a pas passé systématiquement en revue les dépenses qu’elle avait déduites, ce qui restreint ma capacité à les commenter ici de façon plus exhaustive.

[36]  Pour être déductibles conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi, les dépenses doivent avoir été engagées ou effectuées « en vue de tirer un revenu de l’entreprise » […] Par conséquent, si les dépenses visent un autre objectif (notamment un objectif personnel), de sorte qu’elles auraient été engagées de toute façon, il devient difficile d’affirmer qu’elles ont été engagées en vue de tirer un revenu de l’entreprise. Dans la même veine, il faut chercher un « lien direct » entre la dépense et l’activité qui consiste à gagner un revenu de l’entreprise (Maurice Henrie c. Sa Majesté La Reine, 2009 CCI 356 (paragraphe 9)).

[37]  En l’espèce, les dépenses déduites par l’appelante relativement à ses nombreux voyages à New York, afin d’admirer des œuvres d’art et d’aller au théâtre, plutôt qu’afin de mener des activités commerciales précises, par exemple pour rencontrer une ou plusieurs personnes aux fins d’une entreprise commerciale, ne sauraient être acceptables. En outre, ces voyages étaient effectués dans un contexte personnel, comme je l’ai déjà souligné.

[38]  Certaines dépenses ont été déduites au motif que l’appelante était allée à un endroit calme, p. ex., à Goderich et au lac des Baies en Ontario, ainsi qu’à un café à New York, où, selon son témoignage, elle était plus confortable pour écrire, notamment pour préparer ses conférences de cours, simplement en raison de l’esthétique générale, c’est‑à‑dire, la paix et la tranquillité ou le [traduction] « sentiment d’évasion ». Il ne s’agit pas d’un but convenable pour estimer que les frais connexes à l’aller‑retour et au séjour dans ces lieux ont été engagés « en vue de tirer un revenu de l’entreprise ». Il s’agit de dépenses personnelles. À l’audience, l’appelante a fait allusion aux nombreuses personnes qui utilisent les congés sabbatiques pour [traduction] « s’évader ». Cela est fort probable, mais en l’absence d’autre chose cela ne rend pas déductibles les frais de déplacement.

[39]  Quant aux frais afférents à un véhicule, l’appelante n’a conservé ni carnet ni autre consignation de ces dépenses. Les frais afférents à un véhicule, c’est‑à‑dire les frais de carburant et autres frais de fonctionnement analogues ne sauraient être déductibles que dans la mesure où le déplacement lui‑même justifierait la déduction. Je crois comprendre que le vérificateur du ministre a autorisé 25 p. 100 des frais afférents à un véhicule à titre de dépenses d’entreprise déductibles. Je n’ai aucune raison de ne pas souscrire à cette décision, en l’absence d’une preuve forte (un carnet automobile, peut‑être) à l’appui d’un pourcentage plus élevé.

[40]  De plus, il semble que l’appelante ait demandé la déduction de tous ses frais liés à l’utilisation de l’Internet et du téléphone cellulaire au cours de la période visée. Compte tenu de l’insuffisance de la preuve relative aux frais liés à l’utilisation de l’Internet et du téléphone cellulaire, dans le même ordre d’idées j’autoriserais la déduction de 25 p. 100 de ces frais, ainsi que la déduction de 25 p. 100 de l’utilisation de la ligne téléphonique « terrestre ». Rien dans la preuve n’indiquait que les dépenses liées à l’utilisation de ces articles ménagers ne comportait pas aussi une facette personnelle considérable. Encore là, cela repose sur l’hypothèse que l’appelante exploitait une entreprise commerciale.

[41]  Quant aux dépenses déduites à l’égard du bureau principal, l’accent n’était pas mis sur cet aspect dans la preuve. Je n’ai entendu aucun témoignage permettant d’établir que, conformément au paragraphe 18(12) de la Loi, la résidence de l’appelante était son principal lieu d’affaires, ni qu’une partie de sa maison servait exclusivement à tirer un revenu de l’entreprise, notamment afin de rencontrer régulièrement des clients ou des patients. La preuve indiquait qu’à une ou quelques occasions, deux ou trois personnes avaient pu se trouver dans la maison en plus de l’appelante, comme un adjoint et un éditeur. Je ne sais pas trop si cela s’est passé en 2012 ou en 2013, ou encore au cours des années ultérieures pendant l’achèvement des aspects techniques de la vidéo sur la polygamie, lorsque l’appelante a retenu les services de personnes possédant les habiletés techniques adéquates en matière de vidéo et d’animation.

[42]  L’intimée a fait valoir que les séjours de l’appelante chez des amis et des parents pendant ses prétendus voyages d’affaires à New York et ailleurs indiquaient que l’objectif de ces voyages était personnel, plutôt que commercial. Bien que je sois d’accord, j’estime que la force de ce facteur se trouve atténuée par l’explication raisonnable de l’appelante selon laquelle elle séjournait chez des amis et des membres de la famille afin d’épargner de l’argent.

[43]  Dans la mesure où les dépenses d’entreprise déduites qui sont en cause en l’espèce n’ont pas été explicitement « passées en revue » à l’audience, il m’est impossible d’en décider ici à la pièce, compte tenu, encore une fois, de ma conclusion principale dans la présente affaire, à savoir que l’appelante n’exploitait pas d’entreprise.

D. Subvention du CAC

[44]  L’année d’imposition 2013 met également en cause la question de l’approbation de la subvention de 55 000 $ du CAC, dont une portion de 50 000 $ a été versée à l’appelante au début de cette année‑là, aux fins des recherches liées à la vidéo sur la polygamie, de sa production et de son élaboration. Il semble que l’appelante ait déclaré le versement de 50 000 $ à titre de revenu d’entreprise et ait demandé la déduction des dépenses comme s’il s’était s’agi de dépenses d’entreprise. Mais l’alinéa 56(1)o) ne s’applique pas de cette façon.

[45]  L’alinéa 56(1)o) de la Loi prévoit ce qui suit :

Sommes à inclure dans le revenu de l’année

56 (1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition […]

Subventions de recherche

o) l’excédent éventuel de toute subvention reçue au cours de l’année par le contribuable pour la poursuite de recherches ou de tous travaux similaires sur le total des dépenses qu’il a engagées pendant l’année dans le but de poursuivre ces travaux, à l’exception :

(i) des frais personnels ou de subsistance du contribuable, sauf ses frais de déplacement (y compris le montant entier dépensé pour ses repas et son logement) engagés par lui pendant qu’il vivait hors de chez lui occupé à poursuivre ces travaux,

(ii) des dépenses qui lui ont été remboursées,

(iii) des dépenses déductibles, comme il est prévu par ailleurs, dans le calcul de son revenu de l’année;

[46]  Dans Scheinberg, le juge Bowman a évoqué l’alinéa 56(1)o) à l’égard d’une subvention de 4 000 $ que le contribuable avait reçue de son université d’attache au titre de son congé sabbatique. Cette subvention avait été octroyée en vertu d’une clause du contrat de travail du professeur avec l’université qui était son employeur, en vertu de laquelle ces subventions visaient à [traduction« promouvoir des activités scientifiques et professionnelles intensives dans le cadre de périodes soutenues de recherches et d’études polarisées ». Le juge Bowman a conclu (au paragraphe 7) que cette subvention de 4 000 $ était visée à l’alinéa 56(1)o), pour les motifs suivants :

[traduction]

L’alinéa 56(1)o) n’est pas une disposition qui autorise une déduction. Il ne prévoit l’inclusion dans le revenu du montant d’une subvention de recherche que dans la mesure où la somme dépasse les dépenses liées aux recherches. Dans un cas où les dépenses dépassent le montant de la subvention, l’alinéa n’autorise pas la déduction de l’excédent. Si ces dépenses doivent être déduites, le fondement légal de la déduction, le cas échéant, doit se trouver ailleurs. En second lieu, M. Scheinberg a prétendu que cette subvention de 4 000 $ n’était pas une subvention de recherche, mais plutôt une [traduction] « subvention de congé autorisé ». Je ne vois pas la distinction, ni, le cas échéant, son importance.

[47]  De plus, dans Ghali, supra, aux paragraphes 44 et 43, la Cour d’appel fédérale a exprimé l’avis suivant au sujet de la portée de l’expression « recherches ou tous travaux similaires », à l’alinéa 56(1)o) :

À la lumière de la jurisprudence précitée et des définitions contenues aux dictionnaires, je suis d’avis que les mots « recherches ou tous travaux similaires », que l’on retrouve à l’alinéa 56(1)o), peuvent être définis comme suit : l’ensemble des travaux et activités scientifiques, littéraires et artistiques, ayant pour but la découverte et le développement des connaissances. Je suis aussi d’avis que l’article 2.1.04 de la Convention collective énonce correctement les activités qui peuvent constituer de la recherche [ce qui inclut par conséquent le point 2.1.04b) – « la création littéraire ou artistique, c’est-à-dire la production d’œuvres ou de formes d’expression originales »].

[48]  Il est donc clair qu’à l’alinéa 56(1)o), le mot « recherche » ne doit pas être interprété strictement. Je conclus par conséquent que l’alinéa 56(1)o) s’applique à la subvention du CAC qu’a reçue l’appelante. Comme je l’ai souligné, par comparaison peu de dépenses ont été déduites aux fins du projet artistique pour lequel la subvention avait été octroyée pendant chacune des années 2012 et 2013.

[49]  Il se peut que certaines dépenses déduites (mises à part les dépenses telles que les frais personnels qui, à ce titre, auraient été refusés), aient été  déductibles comme dépenses d’emploi. L’appelante n’a ni plaidé cet aspect ni mis l’accent sur lui. J’ai déjà souligné qu’aucun formulaire T2200 signé par l’Université de l’ÉADO n’avait été déposé comme « Déclaration des conditions de travail », de façon à appuyer la déduction de dépenses d’emploi spécifiées.

[50]  Compte tenu de ce qui précède, je conclus que les nouvelles cotisations portées en appel sont appropriées. Par conséquent, le présent appel entendu sous le régime de la procédure informelle est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’avril 2018.

« B. Russell »

Juge Russell


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 77

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-3578(IT)I

INTITULÉ :

YAEL BARBOUR ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 août 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 avril 2018

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

M. David Burkes

Avocate de l’intimée :

Me Stephanie Hodge

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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