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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

LOI SUR LA TAXE D’ACCISE

                                      2004-3010(GST)I

ENTRE :

DAVID K. ANDERSON et WENDY ANDERSON,

                                           appelants;

- et -

SA MAJESTÉ LA REINE,

                                           intimée.

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Audience tenue devant M. le juge Teskey, au Service administratif des tribunaux judiciaires, dans la salle d’audience no 602, 701, rue West Georgia, 6e étage, Vancouver (C.‑B.), le mardi 11 janvier 2005.

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COMPARUTIONS :

M. D.K. Anderson,            Pour les appelants;

Me S. Repas,                 Pour l’intimée.

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LE GREFFIER AUDIENCER : L. Giles

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Allwest Reporting Ltd.

814, rue Richards, pièce 302

Vancouver (C.-B.)

V6B 3A7

Par : S. Leeburn

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à Vancouver (C.-B.), le 11 janvier 2005.)

LE JUGE :     Les appelants interjettent appel d’une nouvelle cotisation établie en vertu des dispositions relatives à la TPS de la Loi sur la taxe d’accise du Canada.

Les faits ne sont pas contestés. Les appelants, David Anderson et Wendy Anderson, sont époux et ils forment une société de personnes. Le seul témoignage rendu en l’espèce est celui de David Anderson (« M. Anderson ») et, comme l’avocat de l’intimée ne l’a pas contre‑interrogé sur son témoignage, les faits exposés par M. Anderson sont acceptés sans réserve par la Cour.

Les activités de la société de personnes touchent l’aménagement foncier et la construction d’habitations. La société de personnes est inscrite conformément à la Loi sur la taxe d’accise pour les fins de la TPS et elle produit ses déclarations annuellement. 

En décembre 2000, M. Anderson, à titre de locateur, a conclu un contrat écrit de location à usage d’habitation avec un locataire dénommé Tom Ball (« M. Ball »). Au moment de la conclusion de cette entente, il avait été envisagé que les appelants construisent une résidence de 3 600 pieds carrés sur une parcelle de fonds de terre déterminée. Le contrat prévoyait que le sous‑sol serait achevé et propre à la location. Ce contrat de location, qui est signé, a de toute évidence été rédigé par des profanes. Aucun plan ni cahier des charges n’y est joint. Je suis convaincu que les parties s’étaient entendues sur ce qui allait être produit, à savoir une maison achevée de 3 600 pieds carrés dont le sous‑sol pouvait être loué à des tiers.

Au début de l’an 2000, les appelants ont demandé et obtenu un permis de construire, lequel ne visait que l’exécution des travaux du rez‑de‑chaussée et du premier étage et non ceux du sous‑sol. Les travaux avançaient, mais pas de façon simple et constante. En effet, il y avait un entrepreneur général, Parkridge Homes, qui exécutait une partie des travaux de construction; les appelants participaient également aux travaux et ils avaient directement retenu les services de sous‑traitants, habituellement les mêmes que ceux auxquels Parkridge Homes avait recours. Enfin, l’éventuel locataire, M. Ball, effectuait lui aussi certains travaux.

Je tiens pour avéré que le contrat de location écrit envisageait l’exécution d’un immeuble complet, avec trois étages achevés, à savoir le sous‑sol, le rez‑de‑chaussée et le premier étage. Je tiens également pour avéré que M. Ball et son épouse ont emménagé alors que les travaux au sous‑sol n’étaient même pas encore commencés. Il n’y avait que le plancher en ciment et rien d’autre. Je tiens également pour avéré qu’aucuns travaux d’aménagement de paysage n’avaient été exécutés à ce moment. Je tiens enfin pour avéré qu’au mois d’août 2001, le rez‑de‑chaussée et le premier étage étaient à toutes fins utiles achevés en grande partie.

M. Ball a emménagé dans l’immeuble, mais il n’occupait que le rez‑de‑chaussée et le premier étage. Il n’a au préalable demandé la permission ni de l’entrepreneur général, Parkridge Homes, ni des appelants. Les appelants n’ont pas intenté d’action pour violation du droit de propriété, ni d’action pour les faire expulser des lieux; ils ont plutôt toléré l’occupation et négocié avec eux un loyer de 1 500 $ par mois jusqu’à l’achèvement de l’appartement au sous‑sol. L’entente prévoyait qu’un loyer de 2 300 $ par mois serait exigible lorsque les trois étages seraient achevés. Il importe peu de savoir s’il s’agissait d’une modification au contrat de location écrit ou simplement d’une nouvelle entente verbale. C’est ce qui a été fait.

Le sous-sol a été achevé en février 2002, et le loyer a été augmenté à 2 300 $ comme il avait été initialement convenu. À ce moment, il était entendu que la valeur du bien était de 306 000 $.

Presque un an plus tard, les parties ont conclu une nouvelle convention écrite selon laquelle M. Ball, le locataire, s’engageait à acheter la maison achevée aux appelants. La convention écrite est très explicite. Prix de la maison, 350 000 $. Appareils électroménagers et matériel, 10 000 $. Prix total maison, appareils électroménagers et matériel, 360 000 $. TPS, 25 200 $. Prix total, 385 200 $. L’alinéa 9b) de cette convention d’achat écrite est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Le prix d’achat comprend la TPS. Le vendeur paiera la TPS exigible pour la maison et le terrain. L’acquéreur signera tous les documents nécessaires établis par le vendeur afin de remplir la demande de remboursement de TPS pour maison neuve. L’acquéreur garantit que le bien constituera sa résidence principale. La présente condition figure à la convention pour le seul bénéfice du vendeur.

Il est admis que vers le 1er mars 2002, la valeur du bien était de 360 000 $. L’évaluateur qui a procédé à l’évaluation a tenu compte du fait que le paysage n’était nullement aménagé, mais le montant de l’évaluation englobe ces travaux d’aménagement comme s’ils avaient été exécutés ou s’ils allaient l’être.

Selon la thèse de l’intimée, dès que le locataire a emménagé dans l’immeuble, il y a eu une fourniture à soi‑même réputée, conformément aux dispositions du paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d’accise. Bien qu’il soit difficile de savoir quelle est la thèse avancée par les appelants, il me semble qu’elle s’énonce le mieux de la façon suivante : [TRADUCTION] « Je construisais pour M. Ball une maison qui devait lui offrir 3 600 pieds carrés une fois achevée, les 1 200 pieds carrés du sous‑sol devant constituer une habitation autonome propre à la location à un locataire et, comme les 1 200 pieds du sous‑sol ne pouvaient être occupés avant la fin février 2002, c’est à ce moment que l’immeuble a été en grande partie achevé ».

Le paragraphe 191(1), sous la rubrique intitulée « Fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation à logement unique » – Le paragraphe 191(3) porte sur la fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation à logements multiples. Je suis convaincu que le libellé de ces deux dispositions est à ce point semblable qu’elles ont toutes deux le même sens. Je crois qu’en l’espèce, la cotisation doit se fonder sur le paragraphe 191(3) et non sur le paragraphe 191(1). Dans la présente affaire, on a fourni un immeuble qui comporte deux habitations devant chacune être occupée par des locataires distincts.

En 2004, l’ADRC a publié le bulletin no 10. S’il s’agit d’une seule habitation de 3 600 pieds carrés, c’est le paragraphe 191(1) qui s’applique. S’il s’agit de deux habitations, l’affaire relève du paragraphe 191(3). Le bulletin n’a pas force de loi. La présente situation est régie par le libellé du texte législatif. Le bulletin traite des immeubles comportant plus d’une habitation, et précise qu’il y a une vente réputée lorsque la première habitation est occupée.

Je souhaite signaler que la pièce A‑5 ne prévoit aucune option d’achat. Il s’agit simplement d’une convention visant une résidence. Les acquéreurs ne jouissaient d’aucun droit exécutoire d’acheter cette résidence aux appelants tant que la convention écrite (pièce A‑7) n’a pas été signée. M. Ball et les Anderson avaient peut‑être convenu depuis le début qu’ils allaient acheter la résidence, mais M. Ball n’avait certainement aucun droit exécutoire d’acheter l’immeuble.

Plusieurs décisions ont été invoquées. La première, la décision Lawson (W.) v. Canada, 1995 CarswellNat 49, [1995] G.S.T.C. 59, a été rendue par mon ancien collègue, le juge Mogan. Dans cette affaire, le juge Mogan devait se prononcer relativement à une maison individuelle achevée en juin 1990. C’est à ce moment que le marché immobilier s’est effondré dans l’ensemble du pays, et le constructeur appelant ne réussissait pas à vendre la maison. Celle‑ci était inscrite auprès d’agents immobiliers. Bien qu’elle ait été achevée en juin, la maison avait en réalité été inscrite le mois précédent. Cela se passait en 1990 et, en octobre 1991, soit un peu plus d’un an plus tard, l’appelant, comme il n’avait toujours pas vendu la maison, a décidé de la louer à un locataire.

Il importe de signaler que le juge Mogan était saisi d’une affaire relevant de l’alinéa 191(1)a). Qu’il me soit permis de reformuler cette disposition en termes plus faciles à comprendre. Elle prévoit que, lorsqu’un nouvel immeuble d’habitation est construit, le constructeur est réputé avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie – (en l’occurrence au mois de juin 1990) – ou, s’il est postérieur, le jour où la possession de l’immeuble est d’abord transférée. Le juge Mogan a conclu que la réputée fourniture à soi‑même avait eu lieu lorsque l’immeuble a été loué pour la première fois.

Cette disposition de la Loi est sans équivoque :

[…] le constructeur est réputé […] avoir effectué et reçu, […] au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l’immeuble est transférée […].

Ce n’est pas le premier, et c’est ce que dit le juge Mogan.

Dans l’affaire Phillips (L.E.) v. Canada, 1995 CarswellNat 36, [1995] G.S.T.C. 39, il s’agissait d’un constructeur occupant, propriétaire occupant. Voici la conclusion à laquelle mon collègue, le juge Beaubier, est arrivé dans cette décision, au paragraphe 6 :

M. Johnson a témoigné que la maison était complètement renfermée et la Cour conclut, d’après son témoignage et sa description des lieux à cette époque, que la maison était complètement habitable. Les travaux restant à effectuer à l’extérieur étaient saisonniers, comme l’a déclaré M. Johnson. L’intérieur pouvait être habité pendant que l’appelant et son épouse, qui ont fait la majeure partie des travaux à l’intérieur, de même que la peinture, terminaient les menus travaux de finition restants.

Il a donc conclu que la maison était tout à fait propre à servir aux fins pour lesquelles elle avait été construite et qu’elle était occupée.

Dans la décision Kornacker (A.) v. Canada, 1996 CarswellNat 638, [1996] G.S.T.C. 21, 4 G.T.C. 3057, mon collègue le juge Sarchuk avait à se prononcer sur la question des pénalités et des intérêts et il a affirmé que le libellé de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise est fort analogue à celui de certaines dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je renvoie en particulier au passage suivant :

[…] la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant […] est passible de […]

a) une pénalité […] ;

b) des intérêts […].

Il a conclu que le mot « shall » (« droit », « est tenu de ») figurant dans la version anglaise de l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise marquait l’obligation. Donc, lorsque les conditions requises sont remplies, la pénalité et les intérêts doivent être imposés. Le ministre n’a pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard.

Mon ancien collègue, le juge Hamlyn, dans la décision Vallières v. R., 2001 CarswellNat 1689, 2001 G.T.C. 545, [2001] G.S.T.C. 97, [2001] A.C.I. no 528 (Q.L.), a mentionné ce qui suit :

Pour qu’un immeuble d’habitation soit achevé en grande partie, il doit pouvoir être utilisé pour les fins pour lesquelles il a été construit.

Afin de déterminer en quoi consistent des travaux « achevés en grande partie », […] le sens commun de ce que […] une personne raisonnable considérerait comme des travaux achevés en grande partie.

Il était en l’occurrence saisi d’une affaire intéressant un contribuable qui construisait une maison pour lui‑même. Le contribuable qui construit sa propre maison a le droit de produire une demande de remboursement. Le contribuable paye 7 % pour tout ce qu’il fait pendant la construction; il paye 7 % aux responsables du béton, 7 % au parc à bois débités, 7 % à tous ses gens de métier. Une nouvelle maison ne permet pas d’obtenir 7 % si sa valeur est inférieure à un certain seuil. La Loi prévoit qu'il faut produire la demande de remboursement dans un délai donné. Le juge Hamlyn avait à se prononcer sur une situation de ce genre.

Il ressort de toutes ces décisions portant sur le délai applicable aux demandes de remboursement de TPS que la Cour se donne beaucoup de mal pour ne pas conclure que la demande a été produite en retard. Le contribuable a droit à un remboursement d’environ 3 %.

Me REPAS :     4,48, Monsieur le juge. Je puis dire 4,48.

LE JUGE :     Oui. Nous avons tous eu l’occasion de participer à de nombreuses affaires de ce genre où l’ADRC se montrait très dure à ce sujet, et moi‑même compris, nous essayons de trouver une façon de ne pas refuser au contribuable ce remboursement de 3 % auquel il a droit. À mon sens, lorsqu’on interprète ces décisions, il faut tenir compte de ce que les juges tentaient de faire.

Bien, ma collègue la juge Louise Lamarre Proulx dans la décision Tessier v. R., 2001 CarswellNat 3791, [2001] G.S.T.C. 142, – (et je dois dire qu’elle est l’un de mes collègues pour lesquels j’éprouve le plus grand respect. Je crois que ses décisions sont tout à fait justes. Il nous arrive à tous de ne pas être d’accord les uns avec les autres, mais les jugements rendus par la juge Lamarre Proulx ont toujours concordé avec mes propres opinions) avait à se pencher sur une situation touchant un duplex. L’étage supérieur avait été loué en mai 1996. Le contribuable avait emménagé au rez‑de‑chaussée. Le ministre a estimé que la construction était en grande partie achevée et que la demande de remboursement devait donc être produite au plus tard en mai 1998, tandis qu’en l’occurrence, cette demande n’avait été produite qu’en mai 2000. La juge a accueilli l’appel. La preuve montrait que le projet initial visait la construction d’une résidence à logements multiples de deux étages et l’achèvement du sous‑sol faisait partie du projet. Elle a conclu que le délai commençait à courir uniquement quand la résidence pouvait servir aux fins pour lesquelles elle avait été construite. Ce fait n’avait pas été établi.

Je crois que, pour l’essentiel, l’affaire dont elle était saisie correspond en tous points à celle qui est devant moi. Oui, le locataire a emménagé. Oui, le locataire payait un loyer. Mais, ce n’est pas ce qui avait été convenu. Il devait y avoir un troisième étage, à savoir le sous‑sol, et celui‑ci n’a pas été achevé avant 2002. La Loi est on ne peut plus explicite :

[…] le constructeur est réputé […] avoir effectué et reçu, […] au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l’immeuble est transférée […]

Ce n’est pas le jour qui survient en premier qui régit la situation, c’est le dernier. J’arrive à la conclusion que le sous‑sol n’était pas en grande partie achevé. Les travaux le concernant n’avaient même pas commencé et n’ont été en grande partie achevés qu’en février ou mars 2002, et c’est à ce moment que le constructeur, les appelants en l’espèce, sont réputés avoir vendu l’immeuble.

L’appel est accueilli. La cotisation est renvoyée au ministre pour qu’il l’examine à nouveau et établisse une nouvelle cotisation compte tenu du fait qu’il n’y a pas eu de vente réputée de l’immeuble portant la désignation 1499 pour la somme de 306 000 $ en 2001, et il y a donc lieu de défalquer de la cotisation la somme de 21 420 $ ainsi que les pénalités et les intérêts y afférents. Votre répartiteur de l’impôt comprend‑il cela? 

Me REPAS :     Je suis certain que l’ordonnance précisera – Je comprends que l’appel a été accueilli.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de septembre 2006.

 

Sara Tasset

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