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Dossier : 2011-2880(IT)I

 

ENTRE :

 

ROSETTA TYSKERUD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 6 mars 2012, à Nanaïmo (Colombie-Britannique).

 

Devant : L'honorable juge T.E. Margeson

 

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

M. Graydon Tyskerud

Avocate de l'intimée :

Me Geraldine Chen

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2005 est rejeté, et la nouvelle cotisation établie par le ministre est confirmée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012.

 

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

 

Référence : 2012 CCI 196

Date : 20120605

Dossier : 2011-2880(IT)I

 

ENTRE :

 

ROSETTA TYSKERUD,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

[1]             Le présent appel se rapporte à l'année d'imposition 2005, lorsque le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l'égard de l'appelante en augmentant son revenu pour cette année-là de 41 765,58 $ et qu'il a imposé des pénalités pour faute lourde.

 

[2]             L'augmentation de revenu découlait d'un virement du compte bancaire de 647876 B.C. Ltd. (la « société ») au compte de ligne de crédit personnelle, établi chez TD Canada Trust, lequel était détenu conjointement par l'appelante et par son mari. Le montant viré correspondait au montant du découvert qui existait dans le compte à ce moment-là.

 

[3]             Une fois les fonds virés, le compte a été fermé.

 

La preuve

 

[4]             L'appelante a témoigné avoir constitué la société en personne morale et en être l'unique actionnaire et administratrice. La société a été constituée en personne morale en 2002. Au mois de décembre 2005, elle a acheté Terminal Park Stationery, qui vendait des billets de loterie, de la papeterie et de petits cadeaux.

 

[5]             La société a conclu une entente de crédit bancaire pour petite entreprise avec TD Canada Trust, qui a accordé à celle‑ci une ligne de crédit de 204 000 $.

 

[6]             L'appelante et son mari disposaient d'une ligne de crédit personnelle de 50 000 $. Le montant viré, de 41 765,58 $, était dû personnellement par l'appelante et par son mari.

 

[7]             L'appelante a identifié une inscription de 5 000 $ dans le compte bancaire de la société, pièce Al, onglet 3, comme étant le seul dépôt personnel qui avait été effectué dans le compte bancaire de la société. Tous les autres dépôts provenaient des ressources de l'entreprise.

 

[8]             L'appelante a déclaré qu'avant le 15 décembre 2005, un montant de 41 765,58 $ était dû sur sa ligne de crédit personnelle et qu'après cette date, la société avait un découvert de 17 962,71 $.

 

[9]             L'appelante n'a pas déclaré le montant de 41 765,58 $ à titre de revenu personnel. Les dépôts effectués dans le compte de la société étaient principalement composés d'argent.

 

[10]        L'intimée a cité Roberta Groenig, enquêtrice à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »). Le dossier lui avait été confié pour qu'elle vérifie les mouvements de fonds entre l'appelante et la société. La société avait viré des fonds aux fins du paiement de la ligne de crédit personnelle de l'appelante. Une cotisation a été établie à l'égard de ces fonds et des pénalités pour faute lourde ont été imposées. La ligne de crédit de 204 000 $ était utilisée par la société. Mme Groenig a dit que les fonds avaient été virés du compte de la société aux fins de la fermeture de la ligne de crédit personnelle de l'appelante. Il y avait de grosses sorties de fonds provenant du compte de la société. Ces fonds ont servi au paiement des cartes de crédit du mari.

 

[11]        Tous les documents reçus de l'appelante ont été scannés et mis sur des disques et ils ont été fournis à l'appelante.

 

[12]        Mme Groenig a recommandé que des pénalités soient imposées en vertu du paragraphe 163(2), parce que le paiement en question avait servi à la fermeture d'une ligne de crédit personnelle. La ligne de crédit de la société a été payée. Le montant élevé qui avait été viré comparativement au montant du revenu a également joué lorsqu'il s'est agi d'imposer les pénalités.

 

L'argumentation présentée pour le compte de l'appelante

 

[13]        L'appelante prend essentiellement la position selon laquelle la société ne lui avait pas conféré d'avantage en sa qualité d'actionnaire. Elle renvoie à la définition du mot [traduction] « conférer » comme voulant dire [traduction] « accorder, octroyer ou offrir ». À son avis, étant donné qu'elle est personnellement responsable du montant de 41 765,58 $, il n'y a pas d'avantage.

 

[14]        Quant aux « pénalités pour faute lourde », l'appelante affirme qu'elle sait que la banque la tient personnellement responsable de cette dette et que le montant y afférent doit être remboursé à la banque, de sorte qu'elle n'en tire aucun avantage et qu'il n'est donc pas nécessaire d'inclure le montant en question dans son revenu.

 

[15]        L'appelante demande à la Cour d'accueillir l'appel et de conclure que le montant de 41 765,58 $ n'est pas un avantage qui lui a été conféré en sa qualité d'actionnaire et que les pénalités devraient être supprimées.

 

L'argumentation présentée pour le compte de l'intimée

 

[16]        Dans le cadre de l'argumentation, l'avocate de l'intimée a soutenu que l'appelante n'avait pas prêté à la société le montant de 41 765,58 $ dont il est question dans le présent appel et qu'il ne s'agissait pas du remboursement d'un prêt d'actionnaire.

 

[17]        Aucune des exceptions établies aux alinéas 15(1)a) à d) ne s'applique. Par conséquent, l'appelante doit inclure le montant dans le calcul de son revenu. Il s'agissait d'un avantage que la société avait conféré à l'appelante en sa qualité d'actionnaire. [traduction] « L'appelante a délibérément retiré l'argent du compte bancaire de la société, qui était composé des recettes de l'entreprise et de sommes retirées de la ligne de crédit de la société, et elle a utilisé cet argent à des fins personnelles. » L'appelante a utilisé l'argent de la société afin de rembourser ses dettes personnelles, et non pour rembourser les dettes de la société. Par ses propres actions, sa dette personnelle est devenue la dette de la société.

 

[18]        L'appelante savait ou aurait dû savoir qu'elle obtenait un avantage, étant donné qu'elle utilisait l'argent de la société afin de rembourser une dette qu'elle avait personnellement contractée. Elle savait ou aurait dû savoir qu'elle retirait l'argent du compte d'entreprise et de la ligne de crédit de la société.

 

[19]        L'appelante a témoigné qu'à part le montant de 5 000 $, les 21 527,31 $ qui étaient dans le compte bancaire de la société avant le virement étaient des recettes de l'entreprise de Terminal Park Stationery. Elle était au courant de la chose et elle a affirmé ne pas avoir payé le montant à l'aide de son propre compte, parce qu'elle ne disposait pas des fonds nécessaires. Il ne s'agissait pas d'une erreur innocente comme une erreur de tenue de livres; il s'agissait d'une appropriation active. L'appelante savait ou aurait savoir ce qui se passait.

 

[20]        Contrairement à ce que l'appelante a allégué, le montant de 41 765,58 $ n'était pas du tout un prêt d'actionnaire. Il s'agissait d'une ligne de crédit accordée à la société jusqu'à concurrence d'un montant de 204 000 $. La société était responsable des paiements à effectuer sur la ligne de crédit. L'appelante a fourni une garantie à l'égard de la ligne de crédit en grevant sa résidence personnelle d'une hypothèque, mais cela ne veut pas dire qu'il s'agissait d'un prêt de l'appelante en faveur de la société. L'appelante n'a pas avancé les 204 000 $ à la société.

 

[21]        À part le montant de 5 000 $, l'appelante n'a fourni aucune preuve indiquant qu'elle avait consenti des prêts à la société[1]. Il ne s'agissait donc pas du remboursement d'un prêt d'actionnaire.

 

[22]        Le simple fait qu'un actionnaire avance de l'argent à une société ne suffit pas pour établir l'existence d'un prêt en faveur de cette dernière ni le solde de tout prêt qui aurait censément été consenti, dans la mesure où l'argent avancé devrait même être considéré comme un prêt[2].

 

[23]        L'appelante a commis une faute lourde en omettant d'inclure le montant de 41 765,58 $ dans son revenu de l'année d'imposition 2005. Elle était l'unique actionnaire de la société et elle était responsable de la tenue du livre de paie et des opérations bancaires. Elle s'occupait des activités quotidiennes de la société. Elle a personnellement retiré l'argent de la ligne de crédit de la société et elle l'a utilisé afin de rembourser une dette personnelle. Elle a remboursé sa ligne de crédit personnelle à l'aide de l'argent de la société et elle n’était plus obligée d'effectuer des paiements pour cette dette personnelle. Comment est-il possible qu'elle ne se soit pas rendu compte qu'elle avait obtenu un avantage personnel?

 

[24]        La valeur de l'avantage était élevée par rapport au revenu déclaré de l'appelante, de 12 925 $. L'appelante a intentionnellement omis de déclarer le revenu ou elle a fait preuve d'aveuglement volontaire en ce qui concerne le fait que ce montant aurait dû être inclus dans sa déclaration de revenus.

 

[25]        L'appelante n'a pas satisfait au fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer que la cotisation était erronée. L'appel devrait être rejeté.

 

La réplique

 

[26]        En réplique, l'appelante a soutenu qu'elle avait fourni une preuve indiquant qu'elle était personnellement responsable de la dette de la société.

 

[27]        L'intimée n'a pas fourni de preuve indiquant que l'appelante avait obtenu un avantage et elle n'a pas réfuté la preuve de l'appelante, lorsque celleci affirme ne pas avoir obtenu d'avantage. Le ministre n'a pas prouvé sa demande.

 

Analyse et décision

 

[28]        Étant donné qu'en réplique, l'appelante a soutenu que le ministre n'avait pas fourni de preuve en vue de contester la position qu'elle avait prise, à savoir qu'elle n'avait pas obtenu d'avantage, de sorte que l'appel devrait être accueilli, la Cour doit signaler qu'il incombe à l'appelante dans ce casci de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation est inexacte. Contrairement à ce que l'appelante allègue, le ministre n'a aucune obligation de ce genre. Il incombe au ministre de convaincre la Cour qu'il a été satisfait aux exigences du paragraphe 163(2), mais c'est la seule charge qu’il doit assumer.

 

[29]        Sur le plan des principes, la Cour est convaincue que l'appelante a obtenu l'avantage allégué. Les fonds en question étaient sans aucun doute ceux de la société, et non ceux de l'appelante.

 

[30]        L'appelante a clairement retiré ces fonds et elle les a utilisés à ses propres fins.

 

[31]        La Cour n'est pas convaincue que l'appelante a consenti un prêt à la société, au montant des fonds retirés, ou que le montant de 5 000 $ que l'appelante affirme avoir avancé à la société ait été un prêt, que l'intention était de le considérer comme un prêt, et le solde impayé n'a pas été établi. La Cour est convaincue que, par ses actions, l'appelante, lorsqu'elle a obtenu la ligne de crédit pour la société, n'a pas consenti un prêt à ce montant à cette dernière. L'appelante n'a donc pas reçu les fonds en question de la société en remboursement d'un prêt d'actionnaire.

 

[32]        Lorsqu'elle a reçu les fonds en question de la société, l'appelante a clairement obtenu un avantage en sa qualité d'actionnaire et, cela étant, l'avantage est visé par les dispositions de l'article 15 de la loi.

 

[33]        Quant à la pénalité, la Cour est convaincue que le ministre s'est acquitté de son fardeau à cet égard. L'appelante savait ou aurait dû savoir que les fonds en question constituaient un avantage obtenu de la société et elle aurait les déclarer à titre de revenu au cours de l'année en question. Le montant en question est élevé par rapport au revenu déclaré de l'appelante. L'appelante n'en était pas à ses débuts dans les affaires et elle était, de fait, responsable des comptes de la société, ainsi que des opérations bancaires et des activités de la société. L'appelante a de toute évidence toujours reçu des conseils comptables et bancaires et elle était au courant de la situation pour ce qui est des comptes bancaires de la société.

 

[34]        Dans ces conditions, la Cour doit conclure que l'appelante est passible des pénalités imposées au titre du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

[35]        L'appel est rejeté, et la nouvelle cotisation établie par le ministre est confirmée.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2012.

 

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 196

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-2880(IT)I

 

INTITULÉ :                                      ROSETTA TYSKERUD

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Nanaïmo (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 mars 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 5 juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

M. Graydon Tyskerud

Avocate de l'intimée :

Me Geraldine Chen

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        S/O

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]               Pereira c. Canada, 2009 CCI 388, 2009 DTC 1248.

[2]           Poushinsky c. Canada, 2005 CCI 463, 2006 DTC 2108.

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