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Dossier : 2011-2476(IT)I

ENTRE :

MAXI MAID SERVICES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 9 mai 2012 à Kelowna (Colombie‑Britannique).

 

Par : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Darren Umeris

Avocate de l’intimée :

Me Holly Popenia

 

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JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est accueilli, et la cotisation faisant état d’une pénalité est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5jour de juillet 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 178

Date : 20120529

Dossier : 2011-2476(IT)I

ENTRE :

MAXI MAID SERVICES LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge C. Miller

 

[1]             Maxi Maid Services Ltd. (la société « Maxi Maid ») interjette appel sous le régime de la procédure informelle à l’encontre de la pénalité imposée par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour le fait que la Maxi Maid avait omis de remettre des retenues à la source dans le délai prévu (paragraphe 227(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)).

 

[2]             Malheureusement, le représentant de l’appelante, l’unique actionnaire et administrateur, M. Umeris, a présenté une preuve quelque peu vague quant à la réalité des faits. Toutefois, j’ai tiré quelques points clés de la preuve qu’il a présentée.

 

[3]             Pour des raisons qui ne sont pas tout à fait claires, M. Umeris a modifié, en 2008, la façon habituelle dont la Maxi Maid le payait : au lieu de recevoir un salaire toutes les deux semaines, M. Umeris a plutôt choisi d’effectuer des retraits sur le compte de la société, retraits qu’il considérait comme des dividendes. Pour l’année 2008, ces retraits sous forme de dividendes de 1 800 $ à 2 000 $ qu’il effectuait une semaine sur deux représentaient un montant total d’un peu plus de 40 000 $. Ce montant était inférieur au salaire que M. Umeris avait reçu en 2007 ou en 2009.

 

[4]             L’exercice de la Maxi Maid se termine le 31 octobre.

 

[5]             En avril 2009, lorsqu’il s’apprêtait à produire sa déclaration de revenus des particuliers, M. Umeris a rencontré son comptable pour obtenir le formulaire T5 nécessaire relativement aux dividendes, et il a alors appris que la Maxi Maid n’était pas en mesure de verser des dividendes, et qu’elle devait plutôt lui verser un salaire. Il a été établi que le salaire approprié à attribuer à M. Umeris pour 2008 était de 50 000 $. M. Umeris a alors rempli, en avril 2009, le feuillet T4 et la déclaration T4 sommaire nécessaires, lesquels faisaient état d’un salaire de 50 000 $ en 2008. Il a ensuite, toujours en avril 2009, préparé une écriture de redressement qui contre-passait les versements de dividendes. Cette écriture se présentait de la manière suivante :

 

          [traduction]

 

Écriture de redressement                                            30 décembre 2008

 

                                                                        Débits                          Crédits

 

2680 – Prêts de l’actionnaire                          1 255,05 $

1060 – Compte bancaire (chèques)                 39 344,95 $

5745 – Retraits de l’actionnaire

 

             ou dividendes                                                                        40 600 $

 

écriture de redressement nécessaire pour éliminer les dividendes/retraits de l’actionnaire.

 

[6]             M. Umeris a aussi calculé les retenues à la source nécessaires sur le salaire de 50 000 $, soit environ 12 773 $, et il a versé ce montant au gouvernement en mai 2009.

 

[7]             L’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC »), ayant reçu la déclaration T4 sommaire de la Maxi Maid pour 2008 où figurait un salaire de 50 000 $ payé en 2008, sans pour autant avoir reçu les retenues à la source avant mai 2009, a établi une pénalité pour production tardive en application du paragraphe 227(9) de la Loi, qui est ainsi libellé :

 

227(9)  Sous réserve du paragraphe (9.5), toute personne qui ne remet pas ou ne paye pas au cours d’une année civile, de la manière et dans le délai prévus à la présente loi ou à son règlement, un montant déduit ou retenu conformément à la présente loi ou à son règlement ou un montant d’impôt qu’elle doit payer conformément à l’article 116 ou à une disposition réglementaire prise en application du paragraphe 215(4) est passible d’une pénalité : 

 

a) soit, sous réserve de l’alinéa b) :

 

(i)         si le receveur général reçoit ce montant au plus tard à la date où il est exigible, mais que le montant n’est pas payé de la manière prévue, de 3 % du montant,

 

(ii)        si le receveur général reçoit ce montant :

 

(A)       au plus trois jours après la date où il est exigible, de 3% du montant,

 

(B)       plus de trois jours, mais au plus cinq jours après la date où il est exigible, de 5 % du montant,

 

(C)       plus de cinq jours, mais au plus sept jours après la date où il est exigible, de 7 % du montant,

 

(iii)       si ce montant n’est pas payé ou remis au plus tard le septième jour suivant la date où il est exigible, de 10 % du montant;

 

b)         soit de 20 % du montant qui aurait dû être remis ou payé au cours de l’année si, au moment du défaut, une pénalité en application du présent paragraphe était payable par la personne et si le défaut a été commis sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

 

[8]             L’intimée soutient que les paiements faits aux deux semaines tout au long de l’année 2008 étaient en réalité des versements de salaire, et que les écritures de redressement comptables faites à l’égard de M. Umeris en avril 2009, qui étaient des écritures de contre-passation des dividendes versés, traduisent cette réalité. L’intimée affirme aussi que cette conclusion est davantage compatible avec les faits selon lesquels la Maxi Maid versait un salaire à M. Umeris aux deux semaines dans les années antérieures et postérieures à 2008. Ce que la position de l’intimée indique, toutefois, c’est qu’il y a une violation du paragraphe 227(8) de la Loi plutôt que du paragraphe 227(9) de la Loi. Il est évident que, selon le paragraphe 227(9) de la Loi, il faut qu’il y ait un défaut de versement de sommes qui ont été retenues, et non un défaut de versement de sommes qui n’ont jamais été retenues, mais qu’on aurait peut‑être dû retenir. Les pénalités imposées à une personne qui omet d’effectuer des retenues sont prévues au paragraphe 227(8) de la Loi, qui est ainsi libellé :

 

227(8)  Sous réserve du paragraphe (8.5), toute personne qui ne déduit pas ou ne retient pas un montant au cours d’une année civile conformément au paragraphe 153(1) ou à l’article 215 est passible d’une pénalité :

 

            a)         soit de 10 % du montant qui aurait dû être déduit ou retenu;

 

b)         soit de 20 % du montant qui aurait dû être déduit ou retenu au cours de l’année si, au moment du défaut, une pénalité en application du présent paragraphe était payable par la personne sur ce montant et si le défaut a été commis sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

 

[9]             Malheureusement, je n’ai pas abordé ce sujet avec l’avocate de la Couronne à l’audience, bien que Me Popenia ait soutenu que le paragraphe 227(9) de la Loi s’applique en cas de défaut de versement de fonds qui auraient dû être retenus. Je ne souscris pas à cet argument, et ce n’est pas ce que prévoit la disposition en question.

 

[10]        Le paragraphe 227(8) de la Loi prévoit expressément que le contribuable qui omet d’effectuer une retenue est passible d’une pénalité. Si le contribuable ne remet pas dans le délai prévu des fonds qui ont été retenus, une pénalité différente s’applique, à savoir celle prévue au paragraphe 227(9) de la Loi. En l’espèce, la Maxi Maid n’a pas omis de remettre dans le délai prévu des fonds qui avaient été retenus. La Maxi Maid a effectué des retenues en avril 2009 et elle les a versées en mai 2009.

 

[11]        Il s’agirait d’un gaspillage de temps, d’efforts et de ressources que d’accueillir l’appel au seul motif qu’une cotisation a été établie à l’égard du contribuable en application de la mauvaise disposition de la Loi, juste pour permettre à la Couronne de se raviser et d’établir une cotisation en vertu du paragraphe 227(8) de la Loi, en supposant qu’elle pourrait surmonter la difficulté posée par le délai de prescription de trois ans, ce qui exige l’existence d’une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

 

[12]        La difficulté à laquelle le ministre se heurte est que, lorsqu’il s’agit de l’imposition d’une pénalité, le fardeau de la preuve incombe au ministre. Ce dernier n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de la preuve en établissant, selon la prépondérance des probabilités, que des fonds avaient été retenus en 2008. Pour prouver que la Maxi Maid est allée à l’encontre du paragraphe 227(8) de la Loi, le ministre devrait prouver qu’un salaire a été versé en 2008. Malheureusement, M. Umeris n’a produit aucun livre ni registre de la société qui nous permette de tirer au clair ce qui s’est réellement passé en 2008. Il ne nous reste que la preuve non contredite de M. Umeris selon laquelle il a effectué des retraits sous forme de dividendes et que ce n’est qu’en avril 2009 que des mesures ont été prises pour rectifier la situation. Rien ne permet d’établir que lesdits retraits sous forme de dividendes n’étaient que le fruit de l’imagination de M. Umeris. J’admets le fait que la Maxi Maid n’a pas fait de versements de salaire aux deux semaines à M. Umeris tout au long de l’année 2008.

 

[13]        L’on est alors amené à se demander si l’écriture comptable de redressement quelque peu inhabituelle a comme par magie rétabli les choses, de sorte qu’un montant de 1 800 $ que M. Umeris avait retiré de la société en septembre 2008, par exemple, était à ce moment‑là de la nature d’un salaire, de sorte que M. Umeris aurait dû savoir qu’il devait veiller à ce que la Maxi Maid effectue des retenues à la source. Ou faut‑il se demander si, comme l’a souligné le juge en chef Bowman dans la décision VanNieuwkerk c. Canada[1], les écritures comptables créent la réalité ou ne font que refléter la réalité. J’ajouterais ceci à cette réflexion : ou ni l’un ni l’autre.

 

[14]        La situation nous amène à constater que, même si j’interprétais l’écriture comptable comme ayant donné aux sommes versées la nature de salaire dès leur versement, il serait fourni à M. Umeris le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable qui, à mon avis, peut être invoqué relativement aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 227(8) de la Loi (voir les observations du juge Bowie dans la décision 741290 Ontario Inc. c. Canada[2]). Étant donné que l’intention de la Maxi Maid et de M. Umeris, à l’époque pertinente, n’était pas que les retraits représentent des salaires, comment peut‑on imputer une faute à la Maxi Maid pour défaut d’effectuer et de remettre des retenues à la source? La société a‑t‑elle agi de manière raisonnable? Il n’est pas inhabituel pour de petites entreprises de déterminer à la fin de l’exercice la manière dont le propriétaire ou le directeur doit être rémunéré. Selon la thèse du ministre, il faudrait que cette décision soit prise au moment où tout retrait est effectué par une société en faveur de son propriétaire ou de son directeur. Cette façon de voir les choses n’est pas conforme à la réalité commerciale. M. Umeris n’a pas été d’une grande aide pour clarifier la situation, compte tenu de ses vagues connaissances comptables et du manque de documents à l’appui. Toutefois, pour ce qui est de l’espèce, je suis convaincu que le ministre n’est pas parvenu à prouver qu’un montant avait été retenu en 2008 et qu’il n’avait pas été remis dans le délai prévu.

 

[15]        La brève incursion de M. Umeris dans l’établissement d’une répartition adéquate de la rémunération entre les dividendes et le salaire s’est révélée être un fiasco. Comme je le lui ai mentionné à l’audience, et je le répète, M. Umeris aurait avantage à demander conseil à un comptable professionnel compétent afin d’éviter une pareille situation à l’avenir.

 

[16]        L’appel est accueilli et la cotisation faisant état d’une pénalité est annulée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2012.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 5jour de juin 2012.

 

Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.

 


RÉFÉRENCE :                                 2012 CCI 178

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-2476(IT)I

 

INTITULÉ :                                      MAXI MAID SERVICES LTD.

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 mai 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 29 mai 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

 

M. Darren Umeris

Avocate de l’intimée :

MHolly Popenia

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :                        s/o

      

             Nom :                                  

 

             Cabinet :                             

                                                         

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           2003 CCI 670.

 

[2]           2011 CCI 91.

 

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