Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2009-2337(IT)G

ENTRE :

JAMES G. MULLEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec lappel de James G. Mullen (2009-1944(IT)I), les 7, 8 et 9 novembre 2011, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Stephen S. Du

Avocate de l’intimée :

Me Samantha Hurst

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années 1999 et 2001 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’octobre 2012.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Dossier : 2009-1944(IT)I

ENTRE :

JAMES G. MULLEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de James G. Mullen (2009-2337(IT)G), les 7, 8 et 9 novembre 2011, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Stephen S. Du

Avocate de l’intimée :

Me Samantha Hurst

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année 1997 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’octobre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

Référence : 2012CCI139

Date : 20120430

Dossier : 2009-2337(IT)G

ENTRE :

JAMES G. MULLEN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V. A. Miller

[1]             En 1997, en 1999 et en 2001, l’appelant a reçu 43 740 $, 1 952 540 $ et 472 177 $ respectivement par suite de la levée d’options d’achat d’actions que son employeur, Bristol-Myers Squibb Co. (« BMS »), lui avait accordées. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’appelant avait reçu un avantage en raison de son emploi et il a inclus les montants susmentionnés dans le revenu de l’appelant. Conformément à l’alinéa 1l0(1)d.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), l’appelant avait droit à des déductions relatives aux options d’achat d’actions de 10 935 $, de 488 135 $ et de 236 089 $ en 1997, en 1999 et en 2001 respectivement et l’avantage inclus dans son revenu a été ramené à 32 805 $, à 1 464 405 $ et à 236 089 $ respectivement. L’appelant n’avait pas produit de déclarations de revenus pour les années 1997 et 2001 et le ministre a établi une cotisation à son égard en application du paragraphe 152(7) de la Loi. En ce qui concerne l’année d’imposition 1999, le ministre a établi une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4) et il a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’appelant a interjeté appel de ces cotisations.

[2]             Des pénalités pour production tardive ont été établies pour les années 1997 et 2001, mais l’appelant a uniquement interjeté appel de l’imposition de la pénalité pour production tardive relative à l’année 2001.

[3]             Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[4]             L’appelant et Paul Murphy, un vérificateur de l’impôt international à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), ont témoigné à l’audience.

[5]             En ce qui concerne l’année d’imposition 1997, il s’agit de savoir si l’appelant est imposable sur le montant net de 32 805 $, même s’il ne résidait pas au Canada cette année-là.

[6]             Quant aux années d’imposition 1999 et 2001, il s’agit de savoir si l’appelant résidait habituellement au Canada au cours de ces années‑là.

1997

[7]             J’examinerai d’abord la question se rapportant à l’année 1997 étant donné que les parties s’entendent de façon générale sur les faits se rapportant à cette année-là. Cependant, elles ne s’entendent pas sur l’application du droit à ces faits.

[8]             L’appelant est citoyen canadien.

[9]             De l’année 1980 à l’année 1993 inclusivement, l’appelant était employé à l’usine de Mead-Johnson Canada, une filiale de BMS, à Belleville (Ontario). Au cours de cette période, l’appelant a été promu à plusieurs reprises et, en décembre 1993, il était devenu directeur des opérations à l’usine.

[10]        En 1987, l’appelant a été désigné en vue de recevoir des options d’achat d’actions de BMS : le 5 avril 1988, il s’est vu accorder 1 683 options d’achat d’actions dont 25 p. 100 étaient acquises chaque année et qui expiraient dix années après la date à laquelle elles étaient accordées. Le prix d’octroi était de 9,5683 $US l’action et il n’en coûtait rien à l’appelant.

[11]        En 1993, BMS a offert à l’appelant une affectation à titre de directeur des opérations en vue de superviser la construction de son usine à Guangzhou, en Chine. L’affectation devait durer environ trois ans[1]. L’appelant a accepté et il s’est rendu en Chine au mois de janvier 1994. Son épouse l’a rejoint en Chine, au mois d’août 1994.

[12]        Le 22 janvier 1997, l’appelant a levé les options d’achat d’actions qui lui avaient été accordées en 1988 lorsqu’il travaillait et résidait au Canada. Il a reçu 43 740 $CAN.

[13]        L’appelant n’a pas contesté les calculs associés à la valeur de l’avantage inclus dans son revenu. Toutefois, il affirme que le montant auquel s’élevait l’avantage ne devrait pas être imposable au Canada parce qu’en 1997, il ne résidait pas au Canada.

[14]        Le ministre a reconnu qu’en 1997, l’appelant ne résidait pas au Canada.

[15]        Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

 

2(3) Impôt payable par les non-résidents – Un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi qu’il est prévu par la présente loi, sur son revenu imposable gagné au Canada pour l’année, déterminé conformément à la section D, par la personne non imposable en vertu du paragraphe (1) pour une année d’imposition et qui, à un moment donné de l’année ou d’une année antérieure, a :

a) soit été employée au Canada;

b) soit exploité une entreprise au Canada;

c) soit disposé d’un bien canadien imposable.

 

 

7(1) Émission de titres en faveur d’employés [options d’achat d’actions] – Sous réserve du paragraphe (1.1), lorsqu’une personne admissible donnée est convenue d’émettre ou de vendre de ses titres, ou des titres d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à l’un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, les présomptions suivantes s’appliquent :

 

a) l’employé qui a acquis des titres en vertu de la convention est réputé avoir reçu, en raison de son emploi et au cours de l’année d’imposition où il a acquis les titres, un avantage égal à l’excédent éventuel de la valeur des titres au moment où il les a acquis sur le total de la somme qu’il a payée ou doit payer à la personne admissible donnée pour ces titres et de la somme qu’il a payée pour acquérir le droit d’acquérir les titres;

 

 

115(1) Revenu imposable [gagné] au Canada des non-résidents – Pour l’application de la présente loi, le revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition d’une personne qui ne réside au Canada à aucun moment de l’année correspond à l’excédent éventuel du montant qui représenterait son revenu pour l’année selon l’article 3 :

 

a) si elle n’avait pas de revenu autre :

 

                        (i) que les revenus tirés des fonctions de charges et d’emplois exercées par elle au Canada et, si elle résidait au Canada au moment où elle exerçait les fonctions, à l’étranger,

 

[16]        Conformément au paragraphe 7(1), lorsque l’appelant a exercé ses droits en vertu des options d’achat d’actions, en 1997, il était réputé avoir reçu un avantage en 1997 en raison de son emploi. Cet emploi est celui que l’appelant exerçait au moment où l’option avait été accordée en 1988. (Voir l’arrêt Hurd c. La Reine, [1982] 1 C.F. 554 (C.A.F.), paragraphe 5).

[17]        L’appelant ne résidait pas au Canada en 1997, mais pour l’application de l’article 115, l’avantage reçu est un revenu imposable gagné au Canada en 1997, tiré des fonctions de l’emploi qu’il exerçait à ce moment-là lorsqu’il résidait au Canada.

[18]        En vertu du paragraphe 2(3), l’appelant est assujetti à l’impôt en 1997 sur le revenu imposable qu’il a gagné au Canada tel qu’il est déterminé à l’article 115 parce qu’il a été employé au Canada au cours d’une année antérieure.

[19]        La situation, dans l’affaire Hurd, précitée, était similaire; en effet, M. Hurd s’était vu accorder des options d’achat d’actions de son employeur. Ces options avaient été accordées pendant que M. Hurd résidait au Canada et qu’il était employé au Canada. M. Hurd a levé les options après avoir quitté le Canada alors qu’il n’était plus employé par la société qui lui avait accordé les options. Le juge Urie a dit ce qui suit :

 

9          Compte tenu de tous ces éléments, il me semble ne faire aucun doute que l’option n’a été accordée que parce que l’appelant était un employé de la société. Il est également incontestable que s’il avait été un résident canadien lorsqu’il a fait l’acquisition des actions, l’avantage qui en découle aurait été imposable durant l’année de l’acquisition, en vertu de l’alinéa a) du paragraphe 7(1). De plus, en pareil cas, l’avantage aurait été imposable entre ses mains même s’il avait cessé d’être à l’emploi de la société, puisque le paragraphe 7(4) prévoit que le paragraphe 7(1) est applicable comme si l’appelant était encore un employé et comme si l’emploi durait encore.

 

10        Pour les raisons que j’ai déjà exposées, j’admets avec le juge de première instance qu’il n’est pas essentiel d’avoir occupé un emploi au Canada durant l’année d’imposition pendant laquelle a été reçu l’avantage que le Ministre veut imposer. En conséquence, le fait que l’appelant ne résidait pas au Canada en 1973, lorsqu’il a fait l’acquisition des actions, ne rend pas sa situation différente de celle d’un résident canadien qui aurait acquis des actions dans des conditions semblables. J’estime donc que l’appelant doit succomber sur ce point de l’instance.

 

[20]        La décision dans l’arrêt Hurd a été approuvée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hale v. The Queen, [1992] 2 C.T.C. 379. En l’espèce, l’appelant ne résidait pas au Canada lorsqu’il a levé ses options, mais il continuait à être un employé de BMS. L’effet de l’application combinée du paragraphe 2(3), de l’alinéa 7(1)a) et du sous‑alinéa 115(1)a)(i) est qu’en 1997, l’appelant était dans la même situation qu’un « résident canadien qui aurait acquis des actions dans des conditions semblables ».

[21]        L’avocat de l’appelant a essayé de faire une distinction entre l’arrêt Hale et la présente affaire en se fondant sur le fait qu’en l’espèce, le ministre n’avait pas invoqué le paragraphe 7(4) en établissant la cotisation. Toutefois, le ministre n’avait pas à invoquer le paragraphe 7(4) dans ce cas‑ci parce qu’en 1997, l’appelant était encore un employé de BMS.

[22]        L’appel concernant l’année d’imposition 1997 est donc rejeté.

La résidence en 1999 et en 2001

[23]        Quant aux années d’imposition 1999 et 2001, il s’agit de savoir si l’appelant résidait habituellement au Canada au cours de ces années, suivant le paragraphe 250(3) de la Loi.

[24]        L’intimée soutient subsidiairement que, s’il est conclu que l’appelant ne résidait pas au Canada en 1999, un avantage de 851 035,89 $ a été obtenu lorsque l’appelant a levé les options d’achat d’actions qu’il avait reçues pendant qu’il était employé et qu’il résidait au Canada. Les détails concernant l’octroi et la levée de toutes les options d’achat d’actions figurent dans les tableaux de l’annexe A jointe aux présents motifs.

[25]        Il s’agit ici du second appel que l’appelant a interjeté devant la Cour au sujet de la question de la résidence. Dans la décision Mullen c. Canada, 2008 CCI 294, la juge Sheridan a conclu que l’appelant résidait habituellement au Canada pour la période allant du 1er au 7 janvier 2002, soit la seule période en cause dans l’appel dont elle était saisie.

[26]        Comme il en a déjà été fait mention, l’appelant s’est rendu en Chine au mois de janvier 1994 en vue d’occuper le poste de directeur des opérations à l’usine que BMS était en train de construire. Son épouse l’a rejoint au mois d’août 1994.

[27]        Avant qu’il se rende en Chine, on avait conseillé à l’appelant de rompre les liens qu’il entretenait avec le Canada, de façon qu’il ne soit pas considéré comme un résident et qu’il ne soit pas imposable au Canada. L’appelant et son épouse ont vendu leur maison et ont entreposé certains meubles dans leur chalet, situé sur l’Old Highway # 2, à Belleville (Ontario) (la « maison de Belleville »). Ils ont vendu leurs voitures et ils ont acheté une voiture pour chacun de leurs enfants, qui fréquentaient l’université. Ils ont loué des appartements pour leur fils et pour leur fille et ils ont loué la maison de Belleville à des enseignants du collège local du mois d’août 1994 au mois d’août 1996, moyennant un loyer mensuel de 1 200 $.

[28]        L’appelant a témoigné qu’on lui avait conseillé de louer la maison de Belleville à des personnes sans lien de dépendance, de façon qu’il n’ait pas cette maison à sa disposition sur une base continue et que l’ARC ne puisse pas invoquer la disponibilité de la maison afin de dire qu’il résidait au Canada. Toutefois, l’appelant n’a pas réussi à louer la maison de Belleville à une personne sans lien de dépendance au mois de septembre 1996 et son fils, avec l’un de ses amis, s’est installé à cet endroit. La fille de l’appelant s’est également installée dans la maison de Belleville après avoir obtenu son diplôme universitaire, à Ottawa.

[29]        Pendant qu’ils étaient en Chine, l’appelant et son épouse logeaient dans une grosse suite meublée, au Pearl Ramada Inn (l’« hôtel »), aux frais de l’employeur. L’appelant a payé un impôt sur le revenu mensuel en Chine sur le salaire qu’il gagnait pendant qu’il vivait dans ce pays. La société BMS veillait à faire préparer et produire ses déclarations pour son compte. L’appelant détenait des comptes bancaires à New York ainsi qu’un compte au Canada, à la Banque Royale du Canada (la « RBC »). En Chine, les époux ont acheté des meubles anciens chinois et ils ont peu à peu remplacé certains meubles fournis par l’hôtel par leurs propres meubles. L’appelant effectuait un grand nombre d’heures de travail et il connaissait du succès. Il a initialement été promu au poste de directeur général intérimaire et ensuite au poste de directeur général.

[30]        Néanmoins, en 1997, l’appelant a été informé qu’il [traduction] « ne représentait pas l’avenir de la société » en Asie. On lui a offert un poste chez BMS aux États-Unis, mais l’appelant a affirmé que la vie et les avantages dont bénéficiait un expatrié lui plaisaient et il a refusé l’offre de travail aux États-Unis. Il a été mis fin à son emploi au mois d’avril 1998.

[31]        Le visa d’entrée en Chine de l’appelant expirait au début du mois de mars 1998, de sorte que l’appelant a quitté la Chine le 2 mars 1998. Il a fait expédier ses meubles chinois anciens à la maison de Belleville; il a donné certains effets personnels et il a entreposé certains livres et documents à l’hôtel. L’appelant a déclaré avoir entreposé des effets à l’hôtel parce qu’il avait l’intention de continuer à résider en Chine. Au fur et à mesure de son témoignage, le nombre de boîtes qu’il affirmait avoir entreposées à l’hôtel est passé de trois à quatre, à cinq et à six.

[32]        L’appelant a déclaré avoir pris des dispositions avec l’hôtel pour qu’une petite suite soit mise à sa disposition, sans frais, jusqu’au mois d’avril 1999. L’appelant était titulaire d’un [traduction] « permis de résidence pour étranger » (le « permis de résidence ») des autorités chinoises, lequel lui permettait de voyager en Chine après avoir obtenu un visa d’entrée valide l’autorisant à entrer dans le pays. Le permis de résidence était valide jusqu’à la fin du mois de novembre 1999.

[33]        Lorsque l’appelant et son épouse ont quitté la Chine, ils sont immédiatement retournés à la maison de Belleville, au Canada, où leur fils et leur fille vivaient alors. L’appelant a acheté deux véhicules, un pour lui-même et un pour son épouse. Il a financé l’achat d’une maison pour chacun de ses enfants et il a grevé les immeubles d’une charge ne portant pas intérêt. Comme l’appelant l’a lui-même dit, la charge visait à empêcher son fils de vendre la maison et de [traduction] « partir » avec son argent.

[34]        L’appelant, qui savait que les options d’achat d’actions que BMS lui avait accordées prenaient de la valeur, a déclaré avoir demandé des conseils sur [traduction] « la façon de maximiser [s]on revenu tout en atténuant les impôts » lorsqu’il avait levé les options d’achat d’actions. Il a témoigné qu’on lui avait dit qu’il ne devrait pas lever les options pendant qu’il résidait au Canada ou pendant qu’il était possible de le considérer comme résidant au Canada.

[35]        En 1999, l’appelant et son épouse ont effectué une série d’opérations en vue de se départir de la maison de Belleville et des véhicules qui avaient été achetés à leur retour de Chine. Ces opérations sont décrites ci‑dessous.

[36]        Le 18 mars 1999, l’appelant a transféré à son épouse la part qu’il détenait dans la maison de Belleville pour la somme de deux dollars. L’épouse a quant à elle transféré la maison, le 7 septembre 1999, à leur fils et à leur fille, à titre de tenants conjoints, en échange d’une hypothèque à vue de 300 000 $, portant intérêt au taux annuel de 5 p. 100. L’appelant et son épouse étaient tous deux inscrits à titre de créanciers hypothécaires même si l’appelant n’avait plus de participation dans la maison de Belleville. L’appelant et son épouse n’ont jamais demandé le paiement du principal et des intérêts et leurs enfants n’ont rien payé. Je note qu’à ce moment-là, le fils et la fille de l’appelant possédaient chacun leurs propres maisons dans la région de Belleville.

[37]        Avant de recevoir le titre afférent à la maison de Belleville et son contenu, le fils et la fille de l’appelant ont accordé à leurs parents, le 31 août 1999, une sûreté de 100 000 $ sur le contenu et l’ameublement de la maison.

[38]        L’appelant a témoigné qu’il voulait transférer aux enfants les véhicules qui lui appartenaient ainsi qu’à son épouse. Afin d’éviter d’avoir à payer des taxes provinciales de 1 500 $ sur le transfert aux enfants, l’appelant a fait en sorte que la société 1361272 Ontario Limited (la « société ») soit constituée en personne morale le 25 août 1999, son épouse, sa fille, son fils, un tiers et lui-même étant actionnaires de la société à parts égales. L’appelant et son épouse ont ensuite transféré leurs véhicules à la société. La société ne possédait pas d’autres biens et elle n’exploitait pas d’entreprise. Son siège social était situé à la maison de Belleville.

[39]        Le 27 mars 1999, l’appelant a obtenu un visa d’entrée en Chine, qui expirait le 27 juin 1999. L’appelant a témoigné être retourné en Chine dans l’intention de recommencer à y résider. Il a payé le prix de location d’une suite à l’hôtel et il a cherché un emploi. Toutefois, ses recherches n’ont pas porté fruit parce qu’il n’a pas réussi à obtenir d’entrevues.

[40]        L’appelant a témoigné qu’au cours de la période allant du mois d’avril au 15 septembre 1999, il avait fait plusieurs voyages à travers l’Asie. Il était revenu au Canada aux mois de juillet et de décembre 1999. Chaque fois qu’il retournait en Chine, il louait une suite à l’hôtel. Au Canada, il habitait la maison de Belleville.

[41]        Je ne sais pas trop à quel moment l’appelant a décidé de renoncer aux tentatives qu’il faisait pour obtenir un emploi en Chine, mais le 22 mai 1999, il a signé une convention d’achat et de vente d’une unité condominiale meublée, à Kamala Beach, Phuket, en Thaïlande, dont la date de clôture était le 30 août 1999. L’appelant a témoigné que son épouse l’avait rejoint en Thaïlande au mois de septembre 1999 et qu’ils avaient résidé à cet endroit pendant le reste de l’année 1999 ainsi qu’en 2000 et en 2001.

[42]        En Thaïlande, l’appelant a apporté des améliorations à l’unité condominiale, il s’est abonné à un journal local et il a pris des dispositions en vue d’obtenir des services de téléphone et d’Internet. L’appelant s’est inscrit comme membre d’un hôpital local et il a ouvert un compte bancaire à Singapour et en Malaisie. En 1999, en 2000 et en 2001, au cours des mois de décembre et de janvier et des mois de mars et d’avril, l’appelant louait l’unité condominiale à des vacanciers par l’entremise du bureau d’administration du condominium, qui retenait l’impôt sur le revenu de location. Ce bureau préparait et produisait également les déclarations nécessaires pour le compte de l’appelant.

[43]        À un moment donné en 2001, l’appelant a décidé que la situation politique en Thaïlande n’était pas stable, et au mois de juin 2001, il a acheté un logement en copropriété au Costa Rica, dans l’intention de résider à cet endroit. L’appelant et son épouse ont obtenu le statut de résidents temporaires du ministère du Tourisme du Costa Rica. Toutefois, au mois de janvier 2002, le beau-père de l’appelant est tombé malade et l’appelant et son épouse sont revenus au Canada pour y vivre. L’appelant a continué à être propriétaire de l’unité condominiale en Thaïlande jusqu’en 2006.

Analyse

[44]        Le paragraphe 2(1) de la Loi prévoit qu’un impôt sur le revenu doit être payé, pour chaque année d’imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l’année. Conformément au paragraphe 250(3), une personne résidant au Canada comprend une personne qui, au moment pertinent, résidait habituellement au Canada.

[45]        La question de la résidence est une question de fait. L’arrêt de principe, en ce qui concerne la résidence d’un particulier, est celui que la Cour suprême du Canada a rendu dans Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] CTC 51 (CSC); les passages les plus souvent cités des motifs de cette décision sont les observations suivantes du juge Rand :

 

[traduction]

 

47 La progression par degrés en ce qui concerne le temps, l’objet, l’intention, la continuité et les autres circonstances pertinentes, montre que, dans le langage ordinaire, le terme « résidant » ne correspond pas à des éléments invariables qui doivent tous être présents dans chaque cas donné. Il est tout à fait impossible d’en donner une définition précise et applicable à tous les cas. Ce terme est très souple, et ses nuances nombreuses varient non seulement suivant le contexte de différentes matières, mais aussi suivant les différents aspects d’une même matière. Dans un cas donné, on y retrouve certains éléments, dans d’autres, on en trouve d’autres dont certains sont fréquents et certains autres, nouveaux.

 

48 L’expression « résidence habituelle » a un sens restrictif et, alors qu’à première vue elle implique une prépondérance dans le temps, les décisions rendues en vertu de la loi anglaise ont rejeté ce point de vue. On a jugé qu’il s’agit de résidence au cours du mode habituel de vie de la personne en question, par opposition à une résidence spéciale, occasionnelle ou fortuite. Pour appliquer le critère de la résidence habituelle, il faut donc examiner le mode général de vie.

 

49 Aux fins de la législation de l’impôt sur le revenu, il est nécessaire de considérer que chaque personne a, en tout temps, une résidence. Il n’est pas nécessaire à cet effet qu’elle ait une maison ni un endroit particulier où elle demeure, ni même un abri. Elle peut dormir en plein air. Ce qui importe seul, c’est de déterminer dans l’espace les limites dans lesquelles elle passe sa vie ou auxquelles se rattache ce mode de vie ordonné ou coutumier. La meilleure façon d’apprécier la résidence habituelle est d’en examiner l’antithèse, la résidence occasionnelle, temporaire ou extraordinaire. Cette dernière semble nettement être non pas seulement temporaire et exceptionnelle quant à ses circonstances, mais s’accompagne également d’une notion de provisoire et de retour.

 

50 Mais dans les différentes situations de prétendues « résidences permanentes », « résidences temporaires », « résidences habituelles », « résidences principales » et ainsi de suite, les adjectifs n’influent pas sur le fait qu’il y a dans tous les cas résidence; cette qualité dépend essentiellement du point jusqu’auquel une personne s’établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d’intérêts et de convenances là où elle demeure.

 

[46]        Dans la décision The Queen v. Reeder, [1975] C.T.C. 256 (C.F. 1re inst.), le juge Mahoney a énuméré ainsi certains des facteurs qui ont été jugés pertinents aux fins de la détermination de la question de la résidence :

 

13. Quoique le défendeur en l’espèce fût totalement étranger à cette vie de riche désœuvré, et à toute préméditation d’évasion fiscale, les éléments qui servaient dans ces arrêts à déterminer la question de fait de la résidence fiscale, s’appliquent aussi en l’espèce. Ces éléments sont notamment :

 

a. le genre de vie passé ou présent;

 

b. la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

 

c. les liens dans le ressort de cette juridiction;

 

d. les liens en d’autres lieux;

 

e. le caractère permanent ou autre des séjours à l’étranger.

 

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d’autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d’une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu’un individu peut avoir simultanément plus d’une résidence du point de vue fiscal.

 

[47]        L’appelant soutient que, même s’il habitait la maison de Belleville, du mois de mars 1998 au mois de mars 1999, il n’avait pas l’intention de devenir résident du Canada et il n’avait pas rétabli sa résidence au Canada. Il y faisait simplement un séjour, en cherchant sur Internet des possibilités d’emploi en Chine. L’appelant a affirmé avoir repris sa résidence en Chine lorsqu’il était retourné dans ce pays, au mois de mars 1999. Au mois de septembre 1999, il est devenu résident de la Thaïlande, où il a continué à résider en 2000 et en 2001.

[48]        Toutefois, les actions de l’appelant en 1998 et en 1999 ne corroborent pas son intention déclarée. Selon le témoignage de Paul Murphy, l’appelant a produit des déclarations de revenus au Canada pour les années 1998 et 1999 à titre de résident du Canada[2]. L’appelant affirme maintenant que ces déclarations étaient inexactes. Quoi qu’il en soit, l’intention d’un contribuable peut aider à déterminer la « vie de tous les jours », mais cela n’est pas déterminant pour ce qui est de sa résidence[3].

[49]        Contrairement à la situation qui existait dans l’affaire Reeder, j’ai conclu que l’appelant menait une vie de globe-trotter en vue d’éviter de payer des impôts au Canada. Après avoir examiné la preuve présentée dans le présent appel, je conclus que l’appelant résidait au Canada, en 1999 et en 2001. En arrivant à cette conclusion, j’ai tenu compte des éléments énoncés ci‑après.

[50]        Certains facteurs étayaient la thèse de l’appelant. Au cours de la période en cause, l’appelant n’utilisait pas l’assurance-santé de l’Ontario; il payait sa propre assurance maladie privée. Il payait la connexion Internet à l’hôtel, en Chine, lorsqu’il était dans ce pays. Il possédait une unité condominiale en Thaïlande, qu’il assurait de façon privée. En Thaïlande, il payait la connexion Internet pour son unité condominiale; il détenait une carte de membre de l’hôpital international de Phuket, il était abonné à la Phuket Gazette et il détenait une carte client de la Phucket Gazette. L’appelant détenait des comptes bancaires à New York, à Singapour et en Malaisie. Le bureau du courtier en placements de l’appelant était situé à Belleville (Ontario), mais je note que le relevé de son sommaire de transactions indiquait l’adresse postale de l’appelant en Thaïlande.

[51]        Toutefois, il n’existait aucun élément de preuve m’amenant à conclure que le mode de vie de l’appelant était centré sur la Chine ou sur la Thaïlande. Lorsqu’il est retourné en Chine en 1999, l’appelant a uniquement apporté ses vêtements et ses effets personnels. Il a loué une suite à l’hôtel et sa famille, et notamment son épouse, sont restés au Canada. L’appelant a déclaré s’être rendu de la Chine, en Malaisie et en Thaïlande à plusieurs reprises et je déduis de son témoignage que, lorsqu’il voyageait, la suite qu’il louait à l’hôtel était louée à d’autres. Il n’utilisait pas la suite d’une façon exclusive. La seule partie du passeport de l’appelant qui a été produite en preuve indiquait que l’appelant détenait un visa d’entrée en Chine qui avait été délivré le 27 mars 1999 et qui expirait le 27 juin 1999. Il indiquait également que l’appelant avait été admis en Thaïlande le 15 mai 1999, à titre de visiteur qui pouvait uniquement rester dans ce pays jusqu’au 13 juin 1999. La convention d’achat concernant l’unité condominiale en Thaïlande désignait l’appelant à titre de ressortissant canadien qui résidait dans la maison de Belleville. Cette convention était datée du 22 mai 1999. L’appelant n’a pas établi qu’il entretenait des liens avec la Chine en 1999 et je conclus qu’il ne résidait pas en Chine en 1999.

[52]        L’appelant estime avoir passé 77 jours en Thaïlande en 1999 et 140 jours en 2001. Au cours de ces années-là, il a passé presque tout son temps à voyager et, lorsqu’on lui a posé des questions au sujet de ses liens sociaux en Thaïlande, l’appelant s’est contenté de dire qu’il aidait d’autres personnes à ramasser les ordures sur la plage devant l’immeuble d’habitation condominial. En sa qualité de propriétaire de l’unité condominiale, l’appelant était automatiquement membre du club de golf adjacent à l’immeuble d’habitation condominial. Indépendamment de l’achat de l’unité condominiale, rien ne montrait que l’appelant eût établi des liens en Thaïlande, en sus de ceux qu’il devait entretenir afin de lui permettre ainsi qu’à son épouse de jouir d’un certain style de vie pendant qu’ils étaient à cet endroit.

[53]        Au cours des années en question, l’appelant entretenait des liens étroits avec le Canada. Il détenait un compte de banque conjoint avec son épouse à la RBC, à Belleville, et il était titulaire d’une carte Visa RBC. Il détenait un permis de conduire canadien, un passeport canadien, un compte Sears qui avait été ouvert en 1979 et une carte American Express qu’il avait reçue en 1982. Au mois de mars 1999, l’appelant a ouvert une ligne de crédit de 50 000 $ à la RBC, à Belleville. Un rapport de solvabilité Equifax daté du 7 avril 2005 indiquait que son adresse, à l’égard de ses cartes de crédit et de sa ligne de crédit, était celle de la maison de Belleville. Il indiquait également que l’appelant désignait comme adresse la maison de Belleville depuis le mois de mars 1998. Il utilisait son passeport canadien pour voyager; il avait conservé sa carte santé de l’Ontario même s’il ne l’utilisait pas. En 2001, le courtier en placements de l’appelant était ScotiaMcLeod, à Belleville (Ontario), et l’appelant effectuait des transactions pendant qu’il était au Canada.

[54]        En 1999 et en 2001, l’appelant a reçu un revenu en intérêts de Citibank et des dividendes de BMS par l’entremise des Chasemellon Shareholders Services. L’adresse postale de l’appelant, pour chacune de ces sociétés, était celle de la maison de Belleville. La société BMS estimait que l’appelant résidait au Canada et aucun impôt n’était retenu aux États-Unis lorsque l’appelant levait ses options d’achat d’actions.

[55]        L’appelant a déclaré que son fils s’était installé dans la maison de Belleville en 1999 et que le service de téléphone était établi au nom de son fils. Ce témoignage était intéressé et n’était pas étayé par la preuve. Le fils, Jeff, possédait sa propre maison, chemin Colonial, à ce moment-là, et, selon le témoignage de Paul Murphy, le fils désignait la résidence située sur le chemin Colonial lorsqu’il produisait ses déclarations de revenus.

[56]        L’appelant a tenté de démontrer qu’il était rarement au Canada, en 1999 et en 2001, et il a donné une liste des endroits où il était allé avec son épouse de 1998 à 2001, ainsi que les dates auxquelles il était allé à ces endroits[4]. Ces dates indiquaient que l’appelant était resté au Canada pendant environ 180 jours au cours de la période de trois ans allant de l’année 1999 à l’année 2001 inclusivement. Aucune preuve documentaire ne corrobore ces dates étant donné que l’appelant a déclaré que son passeport, pour cette période-là, avait été perdu lorsque le tsunami avait frappé la Thaïlande. Au cours du contre-interrogatoire, l’avocate de l’intimée a réussi à démontrer qu’à certains moments, l’appelant était resté au Canada plus longtemps que ce qu’indiquait le témoignage que celui‑ci avait présenté au sujet des dates.

[57]        En se départissant de ses biens immeubles et de ses véhicules, l’appelant a tenté de donner l’impression qu’il avait rompu ses liens avec le Canada et qu’il ne résidait plus dans ce pays. Toutefois, la maison de Belleville et les véhicules avaient toujours appartenu à des membres de l’unité familiale et l’appelant pouvait continuellement s’en servir lorsqu’il revenait au Canada. L’appelant a témoigné qu’il revenait au Canada à Noël, au Nouvel An et pendant l’été afin de voir sa famille et ses amis étant donné que ses liens émotionnels étaient au Canada. Je conclus que la « vie de tous les jours » de l’appelant au Canada au cours de cette période se résumait à ces séjours. Je crois que l’appelant n’a jamais rompu ses liens avec le Canada et qu’il n’avait pas non plus réellement l’intention de rompre ses liens. L’appelant a fait transférer la maison de Belleville à ses enfants, mais il a veillé à en conserver le contrôle. Il détenait une hypothèque à vue sur la maison ainsi qu’une sûreté sur son contenu et il n’a jamais exigé le paiement du principal ou des intérêts afférents à l’hypothèque. Les liens que l’appelant entretenait avec le Canada n’étaient pas simplement des liens physiques. L’appelant entretenait des liens sociaux et émotionnels avec le Canada, liens qu’il ne pouvait pas rompre. Cela étant, je conclus que l’appelant résidait habituellement au Canada en 1999 et en 2001.

[58]        L’avocat de l’appelant a soutenu qu’étant donné que l’appelant n’était resté chaque année au Canada que pendant 60 jours, il ne pouvait pas être considéré comme un résident. L’un des facteurs qu’il faut prendre en considération se rapporte à la régularité des séjours de l’appelant au Canada et au temps que celui‑ci passait au Canada, mais il ne s’agit néanmoins que l’un des nombreux facteurs dont il faut tenir compte. Dans la décision Johnson c. La Reine, 2007 CCI 288, le juge Paris faisait également face à une situation dans laquelle le contribuable était chaque année revenu au Canada trois ou quatre fois seulement au cours d’une période de deux ans. Le juge a conclu que le contribuable n’avait pas rompu ses liens avec le Canada lorsqu’il était allé travailler aux Émirats arabes unis étant donné qu’il y avait encore ses maisons, qu’il louait, ses REER, son permis de conduire, ses cartes de crédit et ses placements. Dans la décision Johnson, il a été conclu que le contribuable résidait habituellement au Canada.

[59]        L’appelant avait atteint une étape de sa vie où il avait la capacité de se déplacer. Ses enfants étaient adultes et il ne travaillait plus. Il avait décidé de prendre sa retraite. Toutefois, les observations que le juge Mahoney a faites dans la décision Reeder s’appliquent :

 

15. Le défendeur en était à une époque de son existence où les déplacements sont fréquents. Il pouvait, désirait et même tenait à voyager. En cela il ne différait pas de ses contemporains, et c’est dans ce contexte qu’il faut considérer les faits de la cause. Il est constant qu’avant le 29 mars 1972 et après le 1er décembre 1972 il résidait au Canada. Ses attaches, quelles qu’elles soient, n’ont cessé un seul moment d’être au Canada, sauf les liens contractés pendant son absence et qui devaient permettre à lui et à sa famille de jouir en France d’un mode de vie acceptable, auquel il s’attendait. Son absence était temporaire quoique, strictement parlant, de durée indéterminée. Ses liens avec la France étaient temporaires et ont disparu à son retour au Canada.

16. Je suis convaincu que si, durant son séjour en France, on avait demandé au défendeur où il habitait d’une manière régulière, normale ou habituelle, il aurait répondu au Canada. Je conclus que le défendeur résidait au Canada durant toute l’année 1972.

 

[60]        En l’espèce, lorsque l’appelant a acheté l’unité condominiale en Thaïlande en 1999, on lui a demandé où il vivait et il a donné comme adresse sa maison de Belleville, au Canada.

Les paragraphes 152(4) et 163(2)

[61]        L’année 1999 est-elle frappée de prescription étant donné que le ministre a établi la nouvelle cotisation de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation? Le sous-alinéa 152(4)a)(i) prévoit que le ministre peut établir une nouvelle cotisation si le contribuable, en produisant sa déclaration, a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Il incombe au ministre d’établir les conditions énoncées au sous-alinéa 152(4)a)(i).

[62]        Au paragraphe 19 de la décision Nesbitt v. R. (1996), 105 F.T.R. 233 (C.F. 1re inst.), le juge Heald a défini la présentation erronée des faits ainsi :

 

L’avocat de la défenderesse a soutenu qu’une déclaration inexacte équivaut à une « présentation erronée des faits » au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i), précité. Je souscris à ce point de vue.

[63]        En 1999, l’appelant a omis de déclarer les gains qu’il avait tirés de la levée de ses options d’achat d’actions, et même les gains tirés d’options qui lui avaient été accordées lorsqu’il était employé et résidait au Canada. Ces gains s’élevaient en tout à 851 035,89 $ et ils étaient imposables au Canada, même si l’appelant ne résidait pas au Canada.

[64]        L’appelant a témoigné qu’il avait demandé conseil à divers comptables au sujet de la levée de ses options d’achat d’actions. Il a affirmé sincèrement croire qu’il ne résidait pas au Canada en 1999. Il a déclaré que Price Waterhouse était chargée de préparer et de produire sa déclaration de revenus de l’année 1997 et que le cabinet n’avait pas produit cette déclaration puisqu’il ne résidait pas au Canada. Cette omission a amené l’appelant à croire que le gain tiré des options qui lui avaient été accordées lorsqu’il était employé et résidait au Canada n’était pas imposable s’il ne résidait pas au Canada.

[65]        Malgré la preuve présentée par l’appelant, j’ai conclu que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits dans sa déclaration de revenus de l’année 1999.

[66]        La présentation erronée des faits a‑t‑elle été faite par négligence, par inattention ou par omission volontaire? Je conclus qu’elle était attribuable à une omission volontaire et que le ministre a satisfait à l’obligation qui lui incombait lorsqu’il s’agissait d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. L’appelant affirme s’être renseigné auprès de nombreux comptables et avoir lu de nombreux documents portant sur la façon dont il pouvait lever ses options d’achat d’actions sans payer d’impôt sur la vente des actions qu’il avait reçues. Il a affirmé qu’on lui avait conseillé de s’établir à titre de non-résident du Canada lorsqu’il levait les options. La preuve ne révèle pas les faits que l’appelant a portés à la connaissance de ces comptables et elle ne révèle pas non plus s’il a consulté qui que ce soit au sujet des démarches qu’il devait faire afin de devenir un non-résident du Canada. Le témoignage de l’appelant était intéressé et il n’a pas été corroboré. Il suffit de dire que la question que l’appelant a posée et que les mesures qu’il a prises démontrent que l’appelant n’a jamais eu l’intention de déclarer les montants tirés de la levée de ses options. Les actions de l’appelant démontrent également qu’il n’avait pas réellement l’intention de rompre ses relations avec le Canada. L’appelant voulait maximiser son revenu en ne payant pas d’impôts sur les gains tirés de la levée de ses options d’achat d’actions. Il a organisé ses affaires en vue de donner l’impression qu’il avait rompu ses liens avec le Canada. À mon avis, le fait qu’il a créé l’impression qu’il était un non-résident démontre une omission volontaire. Bien que l’appelant ait témoigné qu’il croyait sincèrement qu’il ne résidait pas au Canada en 1999 et en 2001, je conclus que l’appelant savait qu’il n’avait pas rompu ses liens avec le Canada. Lorsque Paul Murphy l’a rencontré, pourquoi l’appelant aurait-il dit à celui‑ci qu’il avait vendu la maison de Belleville et les véhicules, sans lui dire à qui il les avait vendus? L’appelant a dit à Paul Murphy qu’il ne possédait pas de documents concernant les options d’achat d’actions et qu’il ne pouvait pas obtenir de documents de BMS parce qu’un incendie était survenu dans les locaux de la société. Toutefois, il n’a pas été difficile pour M. Murphy d’obtenir les documents de BMS. Un appel téléphonique et une lettre ont suffi. L’appelant n’a pas été sincère et n’a pas coopéré avec le vérificateur et je tire une déduction défavorable de ses actions.

[67]        Le ministre a également imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi; il incombait au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, avait fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus de l’année 1999. Compte tenu des observations qui ont ci-dessus été faites, je conclus que le ministre a satisfait à cette obligation et que l’appelant a sciemment fait une omission en produisant sa déclaration de revenus de l’année 1999.

[68]        L’appelant n’a pas invoqué le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable pour justifier son omission de produire sa déclaration de revenus de l’année 2001.

[69]        Ni l’un ni l’autre avocats n’ont invoqué un argument fondé sur un traité.

[70]        Les appels sont rejetés et les dépens sont adjugés à l’intimée dans l’appel 2009‑2337(IT)G.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour d’avril 2012.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour d’octobre 2012.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

Annexe A

 

[traduction]

 

Options d’achat d’actions qui ont été levées

 

1999

Date de l’octroi

Date de la levée

Nombre d’actions

Prix par action ($US)

Prix de levée

($US)

Taux de conversion

Revenu canadien

18 mars 91

5 avril 99

  2 314

61,1837

18,1561

1,4990

149 249,23 $

18 mars 91

19 avril 99

  2 313

56,6670

18,1561

1,4826

132 063,65 $

16 mars 93

19 mai 99

  3 155

65,7895

13,4462

1,4659

242 083,29 $

16 mars 93

30 août 99

  3 996

68,3748

13,4462

1,4927

327 639,72 $

5 avril 94

19 mai 99

  7 151

65,7895

12,2724

1,4659

561 001,08 $

7 mars 95

30 août 99

  7 151

65,3748

14,7388

1,4927

540 503,74 $

 

 

26 080

 

 

 

1 952 540,00 $

 

 

 

 

 

 

 

2001

Date de l’octroi

Date de la levée

Nombre d’actions

Prix par action ($US)

Prix de levée

($US)

Taux de conversion

Revenu canadien

5 mars 96

17 juillet 01

  7 151

50,0642

20,7412

1,5403

 322 983,62 $

4 mars 97

17 juillet 01

  5 363

50,0642

32,0034

1,5403

 149 193,57 $

 

 

12 514

 

 

 

472 144,18 $


RÉFÉRENCE :                                 2012CCI139

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2009-2337(IT)G

 

INTITULÉ :                                      JAMES G. MULLEN

                                                          c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 30 avril 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Stephen S. Du

Avocate de l’intimée :

Me Samantha Hurst

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Stephen S. Du

                                                          1650 Jin Xiu Rd, bureau 14-2803

                                                          Shanghai, Chine 200127

                                                          Tél. : +86 18930016562

                                                          Téléc. : +1 4165901700

                                                          Courriel : stephensdu@gmail.com

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Pièce A-1, onglet 1, lettre d'offre.

[2] Transcription, 9 novembre 2011, page 69, ligne 10

[3] Snow c. Canada, [2004] A.C.I. no 267, paragraphe 18.

[4] Pièce R‑1, onglet 16.

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