Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016‑1617(GST)I

ENTRE :

ROSS A. ANDREWS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 27 octobre 2016 à London (Ontario)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelant :    Pour l’appelant :    

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Jack Warren

 

JUGEMENT

  L’appel formé contre les avis de cotisation en date du 16 mars 2012 établis au titre de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes de déclaration annuelles du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2017.

« V.A. Miller »

Juge Miller


Référence : 2017CCI23

Date : 20170213

Dossier : 2016‑1617(GST)I

ENTRE :

ROSS A. ANDREWS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Miller

[1]  La question en litige dans le présent appel est de savoir si, au cours des périodes de déclaration annuelles du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2010 (la « période »), l’appelant a fourni un « service de transport de marchandises » au sens du paragraphe 1(1) de la partie VII de l’annexe VI de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »).

Question préliminaire

[2]  Dans son avis d’appel, l’appelant a écrit que les périodes en litige étaient du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010. À l’audience, il a demandé que son avis d’appel soit modifié afin d’inclure également la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006. Sa demande a été accordée.

[3]  La taxe nette de la question en litige est comme suit :

Périodes :

Du 1er janvier au 31 décembre

Ventes

TPS/TVH percevable

Crédits de taxe sur les intrants

Taxe nette

2006

47 548 $

3 091 $

339 $

2 752 $

2007

52 244 $

3 983 $

1 965 $

2 018 $

2008

69 510 $

3 862 $

1 535 $

2 327 $

2009

65 275 $

3 476 $

1 478 $

1 998 $

2010

68 845 $

3 736 $

1 302 $

2 434 $

Total

[EN BLANC]

[EN BLANC]

[EN BLANC]

11 529 $

Faits

[4]  Durant la période, l’appelant exploitait Canadian Auto Transport (« Canadian Auto ») comme entreprise individuelle. Les activités de Canadian Auto comprenaient de prendre des mesures pour effectuer la livraison de véhicules des États‑Unis au Canada. Elle exerçait ses activités sur une base saisonnière entre novembre et avril.

[5]  L’appelant a décrit les activités de Canadian Auto. Il a d’abord indiqué que les polices d’assurances médicales et de voyage couvrent très souvent les coûts associés à retourner un véhicule au Canada lorsqu’il y a eu une urgence médicale qui empêchait le propriétaire du véhicule de le conduire. Canadian Auto a reçu des demandes de deux compagnies d’assurances pour le retour de véhicules. Les demandes ont été reçues par courriel ou téléphone. Les véhicules appartenaient à des Canadiens et étaient immatriculés au Canada. Une fois que Canadian Auto a reçu la demande de la compagnie d’assurance, toutes les communications subséquentes par rapport au retour du véhicule se faisaient entre Canadian Auto et le propriétaire du véhicule.

[6]  Canadian Auto a ensuite pris des dispositions pour que le véhicule soit rapporté au Canada. Le plus souvent, l’entreprise confiait à un particulier en sous‑traitance (le « chauffeur ») le travail de conduire le véhicule à partir du point de ramassage aux États‑Unis à sa destination au Canada. Canadian Auto remboursait au chauffeur toutes ses dépenses associées à la conduite du véhicule jusqu’au Canada. Les dépenses comprenaient les frais pour que le chauffeur se rende aux États‑Unis afin d’y récupérer le véhicule (comme un vol du Canada aux États‑Unis) en plus de tous frais engagés pour conduire le véhicule à sa destination finale au Canada. En de rares occasions, l’appelant conduisait lui‑même le véhicule.

[7]  Subsidiairement, à l’occasion, Canadian Auto accordait en sous‑traitance la cueillette et la livraison du véhicule à une entreprise de camionnage tierce. L’entreprise de camionnage ne facturait pas la TPS/TVH à Canadian Auto.

[8]  En fonction d’une entente entre Canadian Auto et le propriétaire du véhicule, il semblait que le propriétaire du véhicule ne savait pas laquelle des méthodes susmentionnées serait utilisé pour livrer le véhicule. L’entente se lisait comme suit : [traduction] « Je/Nous [nom] autorise/autorisons par la présente Canadian Auto Transport Inc. ou son représentant contractuel à prendre des dispositions pour la livraison de mon/notre véhicule décrit ci‑dessous ».

[9]  L’appelant a déclaré que Canadian Auto assumait l’entière responsabilité pour la livraison sécuritaire du véhicule seulement. Elle n’était pas responsable de son contenu et il n’était pas permis d’avoir des passagers dans le véhicule.

[10]  L’appelant a déclaré que Canadian Auto est [traduction« assurée par elle‑même ». Elle n’a pas de police d’assurance pour couvrir les dommages qui pourraient être infligés au véhicule lorsqu’il est en transit parce que l’appelant [traduction« n’était pas en mesure de trouver quiconque pour l’assurer ». Plutôt, s’il y avait des dommages à un véhicule pendant le parcours au Canada, l’appelant payait personnellement les réparations. Pour appuyer cet élément de preuve, l’appelant a produit des communications entre Canadian Auto et certains propriétaires de véhicules lorsque l’appelant a payé le propriétaire du véhicule un montant en vue de couvrir le coût des réparations lorsque des dommages ont été subis en livrant le véhicule.

[11]  L’appelant a déclaré qu’il était prêt à couvrir des dommages aux véhicules jusqu’à concurrence de 250 000 $. Toutefois, s’il y avait eu une perte de vie ou un accident catastrophique, il aurait utilisé la police d’assurance du propriétaire du véhicule parce que la plupart des polices ont une assurance pour un tiers.

[12]  Je constate qu’aucune police d’assurance de propriétaires de véhicules n’a été déposée en preuve.

[13]  La livraison du véhicule était considérée comme effectuée lorsque le véhicule était apporté au destinataire désigné ou à son représentant, qui signait le document de livraison du véhicule. En signant le document de livraison du véhicule, le destinataire reconnaissait avoir reçu le véhicule dans le même état que celui qui avait été documenté au moment de la cueillette et avec une quantité de carburant équivalente ou supérieure. À ce stade‑ci, Canadian Auto était alors exonérée de toute autre responsabilité.

[14]  La compagnie d’assurance était facturée après que le véhicule était livré à sa destination au Canada.

Position des parties

[15]  L’appelant a soutenu que les services fournis par Canadian Auto étaient détaxés. Il a déclaré que Canadian Auto fournissait un « service de transport de marchandises » puisqu’il assumait la pleine responsabilité de la prestation des services.

[16]  L’appelant a déclaré qu’au moins deux employés de l’Agence du revenu du Canada avaient conclu que les services fournis par Canadian Auto étaient détaxés. L’appelant menait ses activités sur ce fondement et ne percevait pas la TPS/TVH.

[17]  L’appelant a également soutenu qu’il est [traduction« injuste et inéquitable » de détaxer les services d’un segment de fournisseur et non d’un autre en fonction de la méthode de mouvement.

[18]  La thèse de l’intimée est que l’appelant exploitait un service de conduite.

[19]  Le terme « services de conducteurs » n’est pas défini dans la Loi. Il s’agit d’une expression utilisée dans le Guide RC4080 – Renseignements sur la TPS/TVH pour les transporteurs de marchandises. La mention de « services de conducteurs » concerne les « services de transport de marchandises » et se lit comme suit :

  [traduction]

Services de transport de marchandises

Par service de transport de marchandises, on entend le service visant le transport de produits. Dans certaines circonstances, d’autres services peuvent également être considérés comme des services de transport de marchandises. Avant de déterminer si un service de transport de marchandises est taxable à 0 %, 5 %, 12 %, 13 %, 14 %, ou 15 %, vous devez déterminer si le service que vous offrez est un service de transport de marchandises. Vous devez déterminer si les biens et services que vous fournissez sont accessoires aux services de transport de marchandises ou qu’ils en font partie.

Services de conducteurs

Le service d’un conducteur n’est habituellement pas un service de transport de marchandises. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un conducteur indépendant n’utilise pas son propre camion et qu’il n’assume pas de responsabilités pour la fourniture des services de transport de marchandises. Le conducteur fournit plutôt un service de conducteur.

Droit

[20]  Les fournitures détaxées par rapport aux services de transport sont prévues à la partie VII de l’annexe VI de la Loi. L’article 8 de la partie VII prévoit que le [traduction« fret entrant » est détaxé comme suit :

ANNEXE VI

Fournitures détaxées

PARTIE VII

Services de transport

8 La fourniture d’un service de transport de marchandises relativement au transport d’un bien meuble corporel d’un point à l’étranger à un endroit au Canada.

[21]  Il y a quatre conditions à respecter pour que la fourniture soit détaxée en vertu de l’article 8 :

a)  La fourniture était un « service » tel que défini au paragraphe 123(1). Cette condition a été respectée.

b)  Le service doit être la fourniture d’un « service de transport de marchandises ». La Cour était saisie de cette question en l’espèce.

c)  La fourniture était le « transport » d’un « bien meuble » corporel. Le terme « transport » n’est pas défini dans la Loi, mais le terme « bien meuble » est défini au paragraphe 123(1).

d)  La fourniture par rapport au transport de marchandises doit être [traduction« de l’étranger vers le Canada ». Cette condition est remplie en l’espèce.

[22]  La définition de « service de transport de marchandises » se trouve également à la partie VII de l’annexe VI de la Loi au paragraphe 1(1). En voici le libellé :

service de transport de marchandises Service de transport d’un bien meuble corporel, y compris :

a) un service de livraison du courrier;

b) tout autre bien ou service fourni à l’acquéreur du service de transport en question par la personne qui fournit celui‑ci, dans le cas où le bien ou le service fait partie du service de transport en question, ou y est accessoire, indépendamment du fait que des frais distincts soient exigés pour ce bien ou service.

N’est pas un service de transport de marchandises le service, offert par le fournisseur d’un service de transport de passagers, qui consiste à transporter les bagages d’un particulier dans le cadre d’un tel service.

[23]  On fait référence au syntagme « service de transport de marchandises » dans la définition de « transporteur » au paragraphe 123(1) de la Loi, qui se lit comme suit :

« transporteur » Personne qui fournit un service de transport de marchandises au sens du paragraphe 1(1) de la partie VII de l’annexe VI.

Discussion

[24]  L’appelant a déclaré que les services offerts par Canadian Auto n’étaient pas des « services de conducteur » comme cette expression est définie par le ministre dans le Guide RC4080. À son avis, on pouvait distinguer ses services des « services de conducteur » parce qu’il assumait la responsabilité des véhicules.

[25]  Je ne suis pas d’accord avec l’appelante. Compte tenu de la preuve qui m’a été soumise que l’appelant assumait la responsabilité pour les petites bosses ou éraflures aux véhicules qu’il livrait. Son témoignage divulguait que l’appelant n’assumait pas et n’assumerait pas la responsabilité complète des véhicules. Les services offerts par Canadian Auto ne peuvent être distingués des « services de conducteur » à cet égard.

[26]  Dans Vuruna c R, 2010 CCI 365, le juge Bedard, plus tard, a conclu qu’un camionneur qui n’utilisait pas son propre camion et qui n’assumait pas la responsabilité au titre de la fourniture d’un service de transport de marchandises fournissait un service de conduite.

[27]  La question de savoir si le service fourni par Canadian Auto était un « service de transport de marchandises » dépend de savoir s’il s’agissait d’un « [s]ervice de transport » d’un bien meuble corporel.

[28]  Quand on interprète les lois fiscales, la Cour suprême du Canada, dans Hypothèques Trustco Canada Co c La Reine, 2005 CSC 54 a énoncé au paragraphe 10 :

10 Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[29]  Pour déterminer le sens ordinaire du mot [traduction« transport », j’ai consulté deux dictionnaires. Le dictionnaire Oxford en ligne définit le verbe [traduction« transporter » comme un [traduction« moyen d’emmener (des personnes ou des marchandises) d’un endroit à un autre au moyen d’un véhicule, d’un aéronef ou d’un navire ». Le Black’s Law Dictionary (10th Edition) définit [traduction« transporter » comme [traduction« emporter ou transmettre (une chose) d’un endroit à un autre ». En raison de ces définitions, j’ai conclu qu’un « service de transport de marchandises » signifie un service particulier de transport d’un bien meuble d’un endroit à un autre. Le bien meuble peut être transporté au moyen d’un véhicule, d’un aéronef ou d’un navire. Toutefois, il doit y avoir un moyen pour transporter le bien meuble. Contrairement aux arguments de l’appelant, le véhicule ne peut pas être à la fois un bien meuble et le moyen de le transporter.

[30]  Je suis d’avis que le service fourni par Canadian Auto n’était pas un « service de transport » et, par conséquent, il ne s’agissait pas d’un « service de transport de marchandises ». Ses services n’étaient pas détaxés. Canadian Auto fournissait un service de conduite aux compagnies d’assurance et aux propriétaires des véhicules.

[31]  L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de février 2017.

« V.A. Miller »

Juge Miller


RÉFÉRENCE :

2017CCI23

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016‑1617(GST)I

INTITULÉ :

ROSS A. ANDREWS ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

London (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 octobre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 février 2017

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :    Pour l’appelant :    

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Jack Warren

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney 

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.