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Dossier : 2017-3051(EI)

ENTRE :

RAED KASSAWAT,

appelant,

et

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

 

Appel entendu le 19 février 2018, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Julien Dubé-Senécal

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi est rejeté et la décision que la ministre du Revenu national a rendue le 10 juillet 2017, à savoir que l’appelant, M. Raed Kassawat, n’occupait pas un emploi assurable pendant la période du 13 juin 2016 au 31 mars 2017 lorsqu’au service de Qualité 2K Plus K Ltée, est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 15e jour de mars 2018.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


Référence : 2018 CCI 54

Date : 20180315

Dossier : 2017-3051(EI)

ENTRE :

RAED KASSAWAT,

appelant,

et

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[1]  Monsieur Raed Kassawat a porté en appel devant la Cour la décision (la « Décision ») de la ministre du Revenu national (la « Ministre ») transmise par lettre datée du 10 juillet 2017 selon laquelle l’emploi de monsieur Kassawat auprès de Qualité 2K Plus K Ltée (le « Payeur ») pour la période du 13 juin 2016 au 31 mars 2017 (la « Période ») ne constituait pas un emploi assurable aux termes de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (LC 1996, ch. 23, telle que modifiée) (la « Loi »). Après avoir examiné toutes les circonstances de cet emploi, la Ministre n’est pas convaincue qu’un contrat à peu près semblable aurait été conclu si les parties n’avaient pas eu entre elles un lien de dépendance.

[2]  Toutes les références à un article de loi dans les présents motifs sont relatives à la Loi, sauf mention contraire.

II. QUESTION PRÉLIMINAIRE

[3]  Au début de l’audience, l’intimée a présenté une requête demandant la permission de présenter une réponse modifiée à l’avis d’appel, ajoutant l’allégation suivante : monsieur Kassawat aurait choisi de ne pas être actionnaire du Payeur afin d’être admissible à l’assurance-emploi et ajoutant le moyen subsidiaire suivant : l’emploi de monsieur Kassawat auprès du Payeur était exclu aux termes de l’alinéa 5(2)b) car il contrôlait plus de 40% des actions avec droit de vote du Payeur.

[4]  La doctrine de la Cour en matière de modifications a été résumée à l’occasion de l’affaire Forest Fibers Inc. c La Reine, 2013 CCI 402, [2013] ACI no 348 (QL) :

24  À l’évidence, la jurisprudence portant sur les modifications pose comme règle générale qu’il y a lieu d’autoriser une demande de modification à toute étape d’un appel en matière fiscale pour permettre de cerner les véritables questions en litige entre les parties, pour autant que cela serve les intérêts de la justice et que cela ne cause pas à la partie adverse de préjudice qui ne puisse être réparé par l’adjudication de dépens.

[5]  Toutefois, en ce qui concerne les contentieux régis par la procédure informelle, le juge Bowman est plutôt d’avis que la Cour ne doit pas nécessairement permettre le dépôt d’actes de procédure modifiés puisque les principes d’équité procédurale ne seraient pas respectés. En ce qui concerne l’affaire Poulton c La Reine, [2002] ACI no 81 (QL), le juge Bowman a ainsi refusé le dépôt d’une réponse amendée puisque cette modification avait été apportée le jour même de l’audience et modifiait les articles de loi sur lesquels la cotisation était basée :

17  [L]a Couronne ne devrait pas être autorisée à présenter à la dernière minute un tout nouvel argument à l'encontre d'un contribuable. […]

[6]  La Cour d’appel fédérale, à l’occasion de l’affaire Burton c La Reine, 2006 CAF 67, [2006] ACF no 254 (QL), a approuvé les observations du juge Bowman (para 16) et ainsi précisé :

12  Si je comprends bien son raisonnement, le juge Bowman estimait que, dans les affaires régies par la procédure informelle, la Cour de l’impôt ne devrait pas invariablement faire droit à une requête par laquelle la Couronne sollicite l’autorisation de « présenter à la dernière minute un tout nouvel argument à l’encontre d’un contribuable ». Lorsque l’ajournement aurait pour effet de retarder indûment le traitement d'appels informels portant sur un litige relativement mineur, le juge de la Cour de l'impôt doit exercer judicieusement son pouvoir discrétionnaire pour décider s’il y a lieu de permettre la modification et l’ajournement pouvant en découler. Le juge Bowman fait remarquer que, lors d’appels informels, le refus de permettre à la Couronne de faire des modifications à la dernière minute n’entraînerait pas de « catastrophe, que ce soit au plan jurisprudentiel ou financier ».

[7]  À l’audience, j’ai rejeté la requête de l’intimée et refusé le dépôt de la réponse ainsi modifiée puisque je suis d’avis qu’accepter une telle modification aurait causé un préjudice à monsieur Kassawat et ne respectait pas les principes d’équité procédurale pour les raisons suivantes : la réponse modifiée citait une autre disposition législative, soit l’alinéa 5(2)b), et exposait des faits et des moyens supplémentaires. Conséquemment, le fardeau de la preuve pour monsieur Kassawat aurait été alourdi. De plus, la réponse modifiée datée du 9 février 2018 semble avoir été envoyée à monsieur Kassawat le 9 février 2018, soit seulement 5 jours ouvrables avant la date d’audience fixée au 19 février 2018. Il serait inéquitable de permettre le dépôt de la réponse modifiée à la onzième heure, particulièrement compte tenu du fait que monsieur Kassawat se représente seul à l’audience.

III. QUESTION EN LITIGE ET PRINCIPES PERTINENTS

[8]  La Ministre a pour position que l’emploi de monsieur Kassawat auprès du Payeur n’était pas un emploi assurable aux termes de l’alinéa 5(2)i); en effet, monsieur Kassawat a un lien de dépendance avec le Payeur et la Ministre a conclu que les conditions d’exception de l’alinéa 5(3)b) ne sont pas réunies.

[9]  Il s’agit donc de rechercher si la Ministre a correctement apprécié la relation entre monsieur Kassawat et le Payeur au sens de l’alinéa 5(3)b) : Est-ce que la conclusion de la Ministre, à la lumière des preuves dont elle était saisie était raisonnable?

[10]  Le droit est bien fixé : la mission de la Cour est de qualifier, en droit, les faits sur lesquels se fonde la Ministre pour rendre sa décision. Les facteurs recensés à l’alinéa 5(3)b) sont notamment : la rétribution versée, les modalités d’emploi, la durée de l’emploi ainsi que la nature et l’importance du travail accompli.

[11]  Il est primordial de préciser que le fardeau de la preuve incombe à monsieur Kassawat. Il doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Ministre a fait une erreur ou n’a pas pris en compte tous les faits pertinents.

[12]  Dans Livreur Plus Inc c Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 68, [2004] ACF no 267 (QL), le juge Létourneau résume le rôle de la Cour lorsqu’elle est saisie de ce type d’appel :

12  Tel que déjà mentionné, le ministre suppose, au soutien de sa décision, l’existence d'un certain nombre de faits recueillis par voie d’enquête auprès des travailleurs et de l’entreprise qu’on estime être l’employeur. Ces faits sont présumés avérés. Il incombe à celui qui s’oppose à la décision du ministre de les réfuter.

13  Le rôle du juge de la Cour canadienne de l’impôt, saisi d’un appel de la décision du ministre, consiste à vérifier l’existence et l’exactitude de ces faits ainsi que l’appréciation que le ministre ou ses officiers en ont fait et, au terme de cet exercice, à décider, sous l’éclairage nouveau, si la décision du ministre paraît toujours raisonnable : Légaré c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1999] A.C.F. no. 878; Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [2000] A.C.F. no. 310; Massignani c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 172; Bélanger c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), 2003 C.A.F. 455. De fait, certains faits matériels invoqués par le ministre peuvent être réfutés ou leur appréciation peut ne pas résister à l’examen judiciaire de sorte que, à cause de leur importance, le caractère, en apparence, raisonnable de la décision du ministre s'en trouve anéanti ou sérieusement miné.

14  Dans l’exercice de ce rôle, le juge doit accorder une certaine déférence au ministre en ce qui a trait à l’appréciation initiale de ce dernier et il ne peut pas, purement et simplement, en l’absence de faits nouveaux ou d’une preuve que les faits connus ont été mal perçus ou appréciés, substituer sa propre opinion à celle du ministre : Pérusse c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), supra, paragraphe 15.

15  Le juge doit faire une analyse juridique des faits allégués par le ministre pour déterminer s’ils supportent la conclusion que ce dernier en a tirée. Je veux dire par là qu’il doit indiquer en quoi et pourquoi ces faits établissent ou tendent à établir l’existence d’un contrat de travail plutôt que d’un contrat d’entreprise entre les parties.

[Non souligné dans l’original]

[13]  Et, récemment, à l’occasion de l’affaire Lalande c MRN, 2016 CCI 33, [2016] ACI no 26 (QL), la Cour a fait un résumé des principes pertinents :

31  Les principes suivants sont tirés des affaires susmentionnées :

(a)  Lorsqu’elle examine une conclusion du ministre dans le contexte de l’alinéa 5(3)b) de la LAE, la Cour doit vérifier si les faits supposés ou retenus par le ministre sont réels et ont été appréciés correctement par le ministre.

(b)  Après avoir examiné tous les faits, la Cour doit décider si la conclusion du ministre paraît toujours raisonnable.

(c)  En vertu de la LAE, la Cour doit faire preuve d’une certaine déférence à l’égard de l’appréciation initiale du ministre.

(d)  Lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus par le ministre, la Cour ne peut substituer sa propre opinion à celle du ministre.

IV. LES FAITS

[14]  Au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel, la Ministre a recensé les présomptions de faits sur lesquelles elle s’est fondée pour rendre la Décision :

8.  Pour déterminer que l’Appelant n’occupait pas un emploi assurable auprès du Payeur durant la Période en litige, les présomptions de fait suivantes ont été considérées :

a.  le Payeur est une compagnie incorporée depuis 2003;

b.  le Payeur œuvre dans le domaine de la gérance et gestion de projet;

c.  1’Appelant est un ingénieur civil avec 32 ans d’expérience;

d.  l’épouse de l’Appelant, Kendah Abdin, détenait 100% des actions votantes du Payeur;

e. le siège social du Payeur était situé à l’adresse résidentielle de l’Appelant et son épouse;

f.  l’entente entre le Payeur et l’Appelant s’est conclue verbalement dans la province du Québec;

g.  l’intention commune du Payeur et de l’Appelant était que l’Appelant travaillerait comme employé du Payeur;

h.  l’Appelant fournissait ses services en tant que gestionnaire de projet pour le Payeur;

i.  le statut d’emploi de l’Appelant n’était pas en cause;

j.  l’Appelant a obtenu un contrat de travail avec Telus au nom du Payeur;

k.  le Payeur facturait Telus pour les services rendus par l’Appelant;

l.  l’Appelant était responsable de la gestion opérationnelle quotidienne des activités [du] Payeur;

m.  Mme Abdin se consacrait occasionnellement aux activités administratives du Payeur;

n.  l’Appelant était chargé de gérer les cédules, les sous-traitants, les paiements, les coûts et les dépenses en rapport au projet avec Telus;

o.  l’Appelant a fixé son propre salaire annuel à 75 000$ en 2016;

p.  l’Appelant a réduit son propre salaire annuel à 55 000$ en 2017;

q.  Selon l’information sur le marché du travail, un ingénieur civil recevait un salaire annuel entre 52 000$ [et] 118 560$ au Québec;

r.  l’Appelant travaillait à partir de sa résidence;

s.  l’Appelant travaillait de 8h30 à 17h, du lundi au vendredi;

t.  l’Appelant ne notait pas ses heures travaillées;

u.  l’Appelant n’était pas payé pour des heures supplémentaires;

v.  le Payeur rémunérait l’Appelant par dépôt direct dans son compte personnel;

w.  le Payeur devait payer l’Appelant le 15 de chaque mois;

x.  l’Appelant n’était pas payé régulièrement;

y.  l’Appelant était inscrit au registre de paye du Payeur;

z.  l’Appelant transférait sa propre rémunération du compte bancaire du Payeur à son compte personnel;

aa.  les montants et dates de versement de salaire mensuel à l’Appelant inscrits au registre de paye du Payeur ne correspondait pas aux montants et dates constatés dans le compte bancaire de l’Appelant;

bb.  l’Appelant n’avait pas droit à des vacances payées;

cc.  le Payeur n’offrait aucun avantage social à l’Appelant;

dd.  l’Appelant n’était pas supervisé par le Payeur;

ee.  le Payeur fournissait tous les outils nécessaires à l’Appelant pour exécuter son travail;

ff.  le Payeur payait pour le cellulaire de l’Appelant; et

gg.  l’Appelant était signataire autorisé au compte de banque du Payeur.

[15]  Ces faits présumés par la Ministre seront tenus pour avérés, sauf réfutation de la part de monsieur Kassawat ou du Payeur.

[16]  Les faits suivants ont été admis :

  • - Le Payeur appartient à 100% à l’épouse de monsieur Kassawat;

  • - Monsieur Kassawat devait exécuter le travail pour Telus en tant qu’employé d’une tierce société; et

  • - Monsieur Kassawat a obtenu le contrat de travail de Telus au nom du Payeur, à condition qu’il fournisse les services à ce dernier personnellement.

[17]  Monsieur Kassawat a témoigné à l’audience. L’épouse de monsieur Kassawat était absente et n’a donc pas témoigné.

[18]  Monsieur Kassawat est ingénieur et compte 32 années d’expérience dans le domaine du génie civil. Il a expliqué qu’il a vendu sa société en 2015 et était donc sans travail suite à cette vente.

[19]  En 2016, une amie au service de Telus à Winnipeg a communiqué avec lui pour lui offrir la gérance d’un projet de transformation d’un bâtiment commercial en vue de le rendre apte à la télédiffusion. La gérance devait être effectuée par monsieur Kassawat personnellement.

[20]  Toutefois, comme condition d’octroi de la gérance du projet, monsieur Kassawat devait offrir ses services à Telus par l’intermédiaire d’une société par actions. Telus offrait une rémunération de 65 $ l’heure, sur la base de 40 heures par semaine, et 8 heures par jour du lundi au vendredi. Telus a proposé à monsieur Kassawat d’utiliser un tiers pour la facturation et les paiements, s’il ne pouvait trouver une société pour ce faire. Aucune assurance, aucun avantage social et aucun congé n’étaient offerts par Telus. Toutefois, Telus fournissait un ordinateur portable ainsi que divers logiciels à monsieur Kassawat.

[21]  Selon monsieur Kassawat, Telus lui avait promis qu’après avoir géré 2 ou 3 projets, il pourrait entrer au service de Telus à titre d’employé mais cela ne s’est jamais concrétisé.

[22]  Ainsi, après en avoir discuté avec son épouse, monsieur Kassawat a convenu d’utiliser la société détenue par celle-ci en totalité et qui était inactive, soit le Payeur, pour offrir ses services à Telus. En effet, cette formule permettait à monsieur Kassawat de recevoir 65 $ l’heure de Telus, plutôt que 60 $ l’heure, s’il utilisait le tiers proposé par Telus.

[23]  Au cours des premiers mois suivant l’octroi du projet, monsieur Kassawat a convenu que son salaire annuel serait de 75 000 $. Quelques mois plus tard, il a décidé de réduire son salaire annuel à 55 000 $, ce qui lui permettait de réduire également les versements de déductions à la source. Aucune assurance, aucun avantage social et aucun congé n’étaient offerts par le Payeur. Monsieur Kassawat était le seul employé du Payeur.

[24]  Monsieur Kassawat a expliqué que son épouse n’était pas du tout impliquée dans l’administration du Payeur, sauf pour la signature des chèques et certaines communications avec le comptable, et ne contrôlait en rien les activités du Payeur ou de monsieur Kassawat.

[25]  Le Payeur fournissait également tous les outils nécessaires pour que monsieur Kassawat puisse rendre les services à Telus, tel le cellulaire, les imprimantes, la connexion internet, etc. Le Payeur a déduit ces dépenses dans le calcul de son revenu, de même que les dépenses de salaire de monsieur Kassawat, de loyer, de fournitures pour arriver à un revenu net de 9 290 $. Une partie de la résidence familiale faisait office de bureau pour le Payeur.

[26]  Monsieur Kassawat a expliqué qu’il comptabilisait son salaire dans le compte « Advance to Troiska by R.K. » et il se payait au moment qu’il jugeait opportun, Troiska étant un autre nom utilisé par le Payeur. Ce n’est que lorsque le Payeur avait des fonds qu’il se versait un salaire; toutefois, les sommes pouvaient varier. Il ajoute également qu’il n’encaissait pas les chèques de paie mais comptabilisait le tout dans son compte d’avances, tel que mentionné ci‑dessus.

[27]  Selon le relevé de paie du Payeur, monsieur Kassawat aurait reçu un salaire brut de 47 719 $ et aurait travaillé 1306 heures pendant la Période, soit pendant 42 semaines; ainsi, sa rémunération s’établit à 36,50 $/heure.

[28]  De plus, monsieur Kassawat a témoigné qu’il n’a pas voulu être actionnaire du Payeur puisqu’il savait qu’il ne pourrait alors recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[29]  Monsieur Kassawat a expliqué que le projet de Telus ne s’est pas concrétisé; il a été payé par Telus pendant 10 mois sans rien faire, soit du 13 juin 2016 à la fin mars 2017. Pour monsieur Kassawat, cet argent était inespéré. Personne ne le contrôlait.

[30]  Madame Chantal Pilote, fonctionnaire au service de l’Agence du revenu du Canada, a témoigné également à l’audience. Elle était chargée des cas complexes et elle était chargée du dossier de monsieur Kassawat au stade de la demande initiale de détermination d’assurabilité de l’emploi de monsieur Kassawat auprès du Payeur pour la Période.

[31]  Madame Pilote a expliqué l’analyse effectuée dans ce dossier. Elle a signalé que l’épouse de monsieur Kassawat l’a autorisée à faire valoir les faits tels que rapportés par ce dernier pour le Payeur également.

[32]  Selon madame Pilote, cet emploi n’était pas assurable aux termes de l’alinéa 5(2)i). Bien que monsieur Kassawat était employé du Payeur, elle est d’avis qu’un contrat semblable n’aurait pas été conclu entre le Payeur et monsieur Kassawat s’ils n’avaient eu de lien de dépendance. Le facteur déterminant à son avis est le salaire annuel de 75 000 $, qui ne correspond pas du tout au salaire moyen d’un ingénieur comptant l’expérience de monsieur Kassawat.

[33]  De plus, ce salaire a été réduit de 20 000 $ au cours de la Période—ainsi, selon madame Pilote, le taux horaire passait de 36,05 $/heure à 26,44 $/heure, sans aucune réduction des heures de travail ou des responsabilités de monsieur Kassawat auprès du Payeur. Selon les informations tirées du site de l’information sur le marché du travail au Québec, le salaire des ingénieurs civils est au minimum de 25 $/heure, au maximum de 57 $/heure et la médiane est de 36,81 $/heure. Également, le Payeur ne payait aucun congé, aucune assurance et aucun avantage social. Monsieur Kassawat s’occupait de toute la gestion du Payeur.

V. THÈSES DES PARTIES

1.  Monsieur Kassawat

[34]  Monsieur Kassawat soutient que la Décision est illogique et le fait que son épouse soit actionnaire du Payeur ne doit pas avoir une quelconque incidence en ce qui concerne la qualification de son emploi aux fins de la Loi. Il devait être employé d’une société par actions pour que Telus lui offre le contrat de gérance de projet. S’il n’avait pas offert ses services par l’intermédiaire du Payeur, Telus lui aurait fourni le nom d’une société tierce (un sous-traitant de Telus) qui se serait chargée de la facturation et des paiements. Il ajoute également qu’il ne pouvait être remplacé par une autre personne, puisque le contrat avec Telus était très clair : les services devaient être fournis personnellement par monsieur Kassawat. Il soutient que la Ministre n’a pas pris en considération le caractère particulier de sa situation.

2.  L’intimée

[35]  Au début de sa plaidoirie, l’intimée a soulevé la question de savoir si un contrat de louage de services avait été conclu entre monsieur Kassawat et le Payeur, compte tenu de l’admission de monsieur Kassawat portant qu’il n’avait fourni aucune prestation de travail à Telus au cours de la Période.

[36]  Toutefois, si l’on tient pour acquis qu’il y a eu contrat de louage de services entre monsieur Kassawat et le Payeur, l’intimée soutient que la Décision demeure raisonnable, compte tenu des faits constatés à l’audience.

VI. LE DROIT

[37]  Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

5(1) Sens de emploi assurable — Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[…]

5(2) Restriction — N’est pas un emploi assurable :

a) […]

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3) Personnes liées — Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

bl’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

5(1) Types of insurable employment — Subject to subsection (2), insurable employment is

(a) employment in Canada by one or more employers, under any express or implied contract of service or apprenticeship, written or oral, whether the earnings of the employed person are received from the employer or some other person and whether the earnings are calculated by time or by the piece, or partly by time and partly by the piece, or otherwise;

. . . 

5(2) Excluded employment — Insurable employment does not include

(a) . . . 

(i) employment if the employer and employee are not dealing with each other at arm’s length.

5(3) Arm’s length dealing — For the purposes of paragraph (2)(i),

(a) the question of whether persons are not dealing with each other at arm’s length shall be determined in accordance with the Income Tax Act; and

(b) if the employer is, within the meaning of that Act, related to the employee, they are deemed to deal with each other at arm’s length if the Minister of National Revenue is satisfied that, having regard to all the circumstances of the employment, including the remuneration paid, the terms and conditions, the duration and the nature and importance of the work performed, it is reasonable to conclude that they would have entered into a substantially similar contract of employment if they had been dealing with each other at arm’s length.

[Non souligné dans l’original]

VII. DISCUSSION

1.  Généralités

[38]  Tel que mentionné ci-dessus, la Loi prévoit que si l’employeur et l’employé sont liés au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (LRC (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée) (la « LIR »), ils sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si la Ministre est convaincue qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[39]  La Cour doit donc vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels s’est fondée la Ministre pour rendre sa décision, ainsi que son appréciation, et rechercher si sa décision parait toujours raisonnable. Il est primordial de préciser que le fardeau de la preuve incombe à monsieur Kassawat : il doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que la Ministre a fait une erreur ou n’a pas pris en compte tous les faits pertinents.

[40]  En outre, il faut prendre en compte la portée sociale de la Loi qui vise à aider financièrement les travailleurs qui perdent leur emploi pour des périodes dont la durée peut varier (Quincaillerie Le Faubourg (1990) inc c MRN, 2009 CCI 411 au para 8, [2009] ACI no 336 (QL)).

[41]  De plus, il faut garder à l’esprit que le but de l’alinéa 5(2)i) est de combattre les abus. À l’occasion de l’affaire Légaré c MRN, 246 NR 176, [1999] ACF no 878 (QL), la Cour d’appel fédérale s’exprimait ainsi sur l’objet et l’origine de l’exception prévue par l’alinéa 5(3)b) :

12  […] L’exclusion des emplois entre personnes liées au niveau de la Loi sur l’assurance-chômage repose évidemment sur l’idée qu’on peut difficilement se fier aux affirmations des intéressés et que la possibilité d’emplois fictifs, aux conditions farfelues, est trop présente entre personnes pouvant si facilement agir de connivence. Et l’exception de 1990 a simplement voulu diminuer la portée de la présomption de fait en acceptant d’exclure de la sanction (ce qui n’était que justice) les cas où la crainte d’abus n’avait plus raison d’être. […]

2.  Prestation de travail

[42]  À l’audience, l’avocat de l’intimée a soulevé la question de savoir si monsieur Kassawat était lié au Payeur par un contrat de louage de services compte tenu de l’admission faite par monsieur Kassawat au cours de l’audience qu’il n’a fourni aucune prestation de travail à Telus pendant toute la durée du contrat; ainsi, il n’a pas fourni de prestation de travail au Payeur pendant ce temps.

[43]  L’article 2085 du Code civil du Québec définit le contrat de travail ainsi :

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes, for a limited time and for remuneration, to do work under the direction or control of another person, the employer.

[44]  L’une des conditions essentielles à l’existence d’un contrat de travail est qu’une personne s’oblige à effectuer un travail. En effet, ce n’est pas parce qu’une personne ne fournit pas de prestation de services alors qu’elle reçoit une rémunération qu’il faut conclure à l’inexistence d’un contrat de travail (Garneau c MRN, 2006 CCI 160 au para 57, [2006] ACI no 224 (QL); Massignani c MRN, 2004 CCI 75 au para 55, [2004] ACI no 127 (QL)).

[45]  Ainsi, la Cour est d’avis que la preuve a démontré que monsieur Kassawat était lié par un contrat de travail avec le Payeur puisque tous les éléments essentiels à l’existence d’un tel contrat étaient réunis au début de la Période.

3.  La Décision rendue selon l’alinéa 5(3)b)

[46]  Compte tenu des hypothèses de fait sur lesquelles la Ministre s’est fondée pour rendre la Décision et qui n’ont pas été réfutées à l’audience par monsieur Kassawat, de même que les éléments de preuve présentés à l’audience, la Cour est d’avis que la Décision est raisonnable : la Ministre pouvait raisonnablement conclure que, si monsieur Kassawat et le Payeur n’avaient pas eu de lien de dépendance entre eux, ils n’auraient pas conclu un contrat de travail à peu près semblable à l’entente conclue entre eux.

[47]  Il est clair que monsieur Kassawat et son épouse sont liés aux termes des alinéas 251(2)a) et 251(6)b) de la LIR :

251(2) Définition de personnes liées — Pour l’application de la présente loi, sont des personnes liées ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption;

[…]

251(6) Personnes liées par les liens du sang — Pour l’application de la présente loi :

[…]

b) des personnes sont unies par les liens du mariage si l’une est mariée à l’autre ou à une personne qui est ainsi unie à l’autre par les liens du sang;

251(2) Definition of related persons — For the purpose of this Act, related persons, or persons related to each other, are

(a) individuals connected by blood relationship, marriage or common-law partnership or adoption;

. . . 

251(6) Blood relationship, etc. —For the purposes of this Act, persons are connected by

. . . 

(b) marriage if one is married to the other or to a person who is so connected by blood relationship to the other;

[48]  Également, monsieur Kassawat et le Payeur sont liés aux termes du sous‑alinéa 251(2)b)(iii) de la LIR puisque monsieur Kassawat est l’époux de l’actionnaire détenant toutes les actions émises du Payeur, soit son épouse :

251(2) Définition de personnes liées — Pour l’application de la présente loi, sont des personnes liées ou des personnes liées entre elles :

[…]

b) une société et :

i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

[…]

iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii);

[…]

251(2) Definition of related persons — For the purpose of this Act, related persons, or persons related to each other, are

. . . 

(b) a corporation and

(i) a person who controls the corporation, if it is controlled by one person,

. . . 

(iii) any person related to a person described in subparagraph 251(2)(b)(i) or 251(2)(b)(ii); and

. . . 

[49]  Conséquemment, monsieur Kassawat et le Payeur ont un lien de dépendance entre eux aux termes de l’alinéa 251(1)a) de la LIR :

251(1) Lien de dépendance — Pour l’application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

[…]

251(1) Arm’s length — For the purpose of this Act,

(a) related persons shall be deemed not to deal with each other at arm’s length;

. . . 

[50]  Donc, si les conditions d’exception prévues à l’alinéa 5(3)b) ne sont pas réunies, l’emploi de monsieur Kassawat auprès du Payeur sera un emploi exclu conformément à l’alinéa 5(2)i). Examinons les critères prévus par l’alinéa 5(3)b).

i)  La rétribution

[51]  Monsieur Kassawat a fixé lui-même le salaire annuel payable par le Payeur au montant de 75 000 $; monsieur Kassawat n’a produit nulle justification de ce montant. Après quelques mois, il a décidé de réduire son salaire de 20 000 $. Monsieur Kassawat a expliqué qu’il a décidé de réduire son salaire, puisqu’il voulait réduire les déductions à la source que le Payeur devait effectuer. Il ressort donc de la preuve que monsieur Kassawat fixait lui-même son salaire et l’ajustait comme bon lui semblait, et ce, bien que Telus continuait à verser les sommes dues au Payeur en vertu du contrat de gérance de projet.

[52]  Ainsi, le taux horaire de monsieur Kassawat suite à la réduction de son salaire passait de 36,05 $/heure à 26,44 $/heure. Tel qu’indiqué par madame Pilote, les informations tirées du site de l’information sur le marché du travail au Québec, le salaire d’ingénieurs civils est au minimum de 25 $/heure, au maximum de 57 $/heure et la médiane est de 36,81 $/heure. La Cour est d’avis qu’un ingénieur ayant l’expérience de monsieur Kassawat et n’ayant aucun lien de dépendance avec le Payeur n’aurait pas négocié un tel salaire, surtout compte tenu de l’absence de toute assurance, tout avantage social et de tout congé.

[53]  Pendant la Période, Telus a versé environ 104 500 $ au Payeur en vertu du contrat de gérance de projet (soit approximativement 11 440 $ par mois); reporté sur une base annuelle, cela représente environ 130 000 $. De plus, tel qu’indiqué ci-dessus, pour la Période, le salaire brut de monsieur Kassawat était de 47 719 $. Encore une fois, ce salaire brut qui correspond à 1306 heures (selon le relevé des salaires) équivaut à un taux horaire de 36,50 $/heure, ce qui est bien inférieur à ce qu’un ingénieur de l’expérience de monsieur Kassawat aurait conclu avec une personne sans lien de dépendance. Dans son appréciation, la Cour considère également les sommes versées par Telus au Payeur équivalant à un taux horaire de 65 $/heure.

[54]  Il a été également établi à l’audience que monsieur Kassawat prêtait son salaire au Payeur. En effet, il comptabilisait son salaire dans le compte « Advance to Troiska by R.K. » et il se payait au moment qu’il jugeait opportun. Monsieur Kassawat n’était pas payé régulièrement; de plus, il ressort de la preuve que les montants qui lui étaient payés étaient irréguliers. Monsieur Kassawat a expliqué qu’il pensait à sa famille et a décidé de fonctionner ainsi, lui permettant de payer d’autres dépenses de cette façon par l’intermédiaire du Payeur. La Cour est d’avis qu’une personne sans lien de dépendance avec le Payeur n’aurait pas accepté un tel arrangement.

ii)  Les modalités d’emploi

[55]  Monsieur Kassawat a convenu que bien que le Payeur ait été payé par Telus pendant la Période, monsieur Kassawat n’a fourni aucune prestation de travail. Selon l’intimée, il est clair que monsieur Kassawat s’est embauché lui‑même et qu’une personne sans lien de dépendance n’aurait pas pu conclure un tel contrat avec le Payeur. La Cour abonde dans le même sens.

[56]  De plus, monsieur Kassawat contrôlait toutes les décisions du Payeur. Le témoignage de monsieur Kassawat est clair : son épouse, actionnaire détenant toutes les actions du Payeur, ne prenait part à aucune décision en ce qui concerne le Payeur et le travail de monsieur Kassawat. Monsieur Kassawat se chargeait de toute la comptabilité et des affaires bancaires du Payeur. Monsieur Kassawat a confirmé à plusieurs reprises que son épouse n’était pas du tout impliquée. Il est clair que le Payeur a été utilisé par monsieur Kassawat pour obtenir le contrat de gérance de Telus, et que monsieur Kassawat prenait toutes les décisions du Payeur. Il est impossible de dégager de tous ces faits une relation sans lien de dépendance. La Cour est d’avis qu’une personne sans lien de dépendance n’aurait pu conclure une telle entente.

iii)  La durée, la nature et l’importance du travail accompli

[57]  Ces facteurs, de l’avis de la Cour, ne sont pas pertinents dans le cadre du présent appel, compte tenu du fait que monsieur Kassawat n’a pas fourni de prestation de travail pendant la Période.

VIII. CONCLUSION

[58]  Pour ces motifs, la Cour est d’avis que les faits pertinents ont été pris en compte et évalués dans leur contexte par la Ministre, et ainsi, la conclusion à laquelle est arrivée la Ministre parait raisonnable à la Cour. Monsieur Kassawat n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Ministre a fait une erreur ou qu’elle n’a pas pris en compte les facteurs pertinents.

[59]  Conséquemment, l’emploi de monsieur Kassawat auprès du Payeur durant la Période n’est pas un emploi assurable au sens de la Loi. L’appel est donc rejeté et la Décision est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, le 15e jour de mars 2018.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 54

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2017-3051(EI)

INTITULÉ :

RAED KASSAWAT ET LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 19 février 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 mars 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Julien Dubé-Senécal

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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