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Dossier : 2009-2519(IT)G

ENTRE :

KHEDIDJA MESSAR-SPLINTER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 15 novembre 2012, à Ottawa (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Charles Gibson

Me Ian Houle

 

Avocate de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel à l'encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu par le ministre du Revenu national en date du 8 mai 2008 relativement à l'année d'imposition 2006 est admis avec dépens et la nouvelle cotisation est annulée selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2012.

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 72

Date : 20120308

Dossier : 2009-2519(IT)G

ENTRE :

KHEDIDJA MESSAR-SPLINTER,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s'agit d'un appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi ») par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 8 mai 2008 relativement à l'année d'imposition 2006 de l'appelante. En vertu de cette nouvelle cotisation, le ministre a cotisé l'appelante pour inclure, dans le calcul de son revenu, son revenu d'emploi gagné à l'étranger à titre de résidente du Canada.

 

[2]              La question en litige consiste à déterminer si l'appelante était, au cours de l'année 2006, réputée être résidente du Canada en vertu du sous-alinéa 250(1)c)(i) de la Loi.

 

[3]              Pour fixer l'impôt payable par l'appelante pour l'année 2006, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants énoncés au paragraphe 7 de la réponse à l'avis d'appel :

 

a)      alors résidents du Canada, l'appelante et son conjoint, Peter Splinter, ont quitté le Canada pour Genève en Suisse au mois d'août 1994;

b)      Peter Splinter était alors affecté à la Mission permanente du Canada auprès de l'Office des Nations Unies à Genève en Suisse (la « Mission») par son employeur, le Gouvernement du Canada;

c)      M. Splinter est entré en fonction à la Mission au mois d'août 1994 et ce à titre de fonctionnaire du Canada;

d)      M. Splinter a quitté son emploi à la Mission le ou vers le 17 août 1998 et par le fait même a cessé d'être employé du Gouvernement du Canada à titre de fonctionnaire à ce moment;

e)      entretemps, en 1997, l'appelante s'est vue offrir par le Gouvernment du Canada un poste de fonctionnaire au sein de la Mission à titre de membre du personnel administratif et technique ce qu'elle a accepté;

f)       l'appelante a débuté son emploi auprès de la Mission en janvier 1997 et elle a occupé celui-ci jusqu'à, au moins, la fin de l'année d'imposition 2006;

g)      les revenus d'emploi de l'appelante payés par le Gouvernement du Canada au cours de l'année d'imposition 2006 faisaient l'objet d'une exemption d'impôts en Suisse;

h)      à tout moment pertinent, l'appelante et Peter Splinter sont demeurés conjoints; et

i)       l'appelante n'a pas rompu ses liens de résidence avec le Canada.

 

[4]              Madame Splinter a témoigné à l'audience. Elle a déclaré être née en Tunisie et détenir des passeports algérien et tunisien. Elle est mariée à monsieur Peter Splinter depuis 1987 et deux enfants sont nés de ce mariage. Elle a immigré au Canada en 1988 et elle y a résidé jusqu'au mois d'août 1994, date à laquelle elle a quitté le Canada en compagnie de son conjoint pour s'établir à Genève en Suisse.

 

[5]              Lorsqu'ils ont quitté le Canada, l'appelante et son conjoint n'ont pas rompu tous leurs liens de résidence avec le Canada puisqu'ils ont gardé leurs permis de conduire, leurs passeports canadiens et leur résidence qui a été louée à une tierce-partie suite à leur départ.

 

[6]              L'appelante et son conjoint ont quitté le Canada au mois d'août 1994 parce que l'employeur de son conjoint, le ministère des Affaires extérieures, l'a affecté à la Mission. Monsieur Splinter est entré en fonction à la Mission au mois d'août 1994 en tant que consul et premier secrétaire pour une période de quatre ans.

 

[7]              Le 17 janvier 1997, l'appelante s'est vue offrir un poste dans le cadre d'une nomination d'urgence auprès de la Mission, en tant qu'employée recrutée sur place. Il s'agissait d'un poste non permanent à durée indéterminée. L'appelante a accepté l'offre et les conditions d'emploi et est entrée en fonction dès le 17 janvier 1997.

 

[8]              Le 3 novembre 1997, l'appelante s'est vue offrir par la Mission un poste permanent à titre d'adjointe de programme. Il était spécifié dans l'offre d'emploi, qu'en tant que conjointe d'un fonctionnaire du gouvernement fédéral, l'appelante était assujettie aux retenues d'impôt à la source, au régime de pensions du Canada et à l'assurance-chômage. L'appelante a accepté l'offre et les conditions de cet emploi et elle est entrée en fonction à compter du mois de novembre 1997.

 

[9]              Pour les années d'imposition 1997 et 1998, l'appelante a produit ses déclarations de revenu comme une personne réputée être résidente du Canada en vertu de l'alinéa 250(1)e) de la Loi, à titre de conjointe d'une personne visée par l'alinéa 250(1)c) de la Loi, soit un fonctionnaire du gouvernement fédéral.

 

[10]         Le ou vers le 17 août 1998, l'affectation de monsieur Splinter à la Mission a pris fin et il a alors cessé d'être un employé du Gouvernement du Canada.

 

[11]         En 2000, l'appelante s'est séparée de son conjoint, qui a alors quitté Genève pour retourner vivre au Canada dans la résidence du couple qui avait été louée à une tierce-partie.

 

[12]         Au 1er janvier 2004, l'appelante et son conjoint ont repris leur cohabitation et ils ont acheté un appartement à Genève. De 2000 à 2004, l'appelante est demeurée à Genève avec ses deux enfants et elle a continué d'occuper son emploi auprès de la Mission jusqu'à présent. À l'audience, l'appelante a affirmé, qu'en vertu des lois de la Suisse, elle aurait pu demander le divorce après un an de séparation, mais elle ne l'a pas demandé.

 

[13]         Selon le témoignage de l'appelante, elle est devenue admissible à la citoyenneté suisse en 2006. Elle a indiqué qu'elle a fait sa demande en 2009 et qu'elle est devenue citoyenne de la Suisse le 17 octobre 2011.

 

[14]         L'appelante a produit sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 2006 comme personne non-résidente et elle a reçu, le 20 septembre 2007, un remboursement d'impôt de 28 605,90 $ avec des intérêts de 464,51 $. L'appelante a réclamé dans ladite déclaration de revenu une exonération d'impôt à l'égard du salaire qu'elle a gagné pendant l'année en vertu de son emploi auprès de la Mission au motif que le salaire n'était pas imposable au Canada en vertu de l'article 19 de la Convention entre le gouvernement du Canada et le Conseil fédéral suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

 

[15]         L'appelante et son conjoint ont également produit une déclaration fiscale conjointe pour l'année 2006 auprès des autorités fiscales suisses.

 

[16]         Pour les années d'imposition 1999 à 2005, l'appelante a produit des déclarations de revenu à titre de personne réputée résider au Canada en raison des opinions émises par l'Agence du Revenu du Canada (l'« ARC »).

 

[17]         L'appelante a en effet tenté à maintes reprises d'obtenir de l'ARC une détermination de sa résidence aux fins de l'impôt canadien. Les démarches de l'appelante en ce sens et les réponses de l'ARC sont décrites aux paragraphes 6, 7 8, 10, 11, 12 et 13 de l'avis d'appel de la façon suivante :

 

6.            Le 5 mars 1999, l'Appelante a communiqué par écrit avec le Bureau international des services fiscaux de l'Agence du revenu du Canada pour obtenir une détermination de sa résidence pour fins de l'impôt canadien à partir du 17 août 1998.

 

7.            En réponse à la lettre de l'Appelante du 5 mars 1999, le Bureau international des services fiscaux de l'Agence du Canada (sic) a émis une opinion, par voie d'une lettre en date du 27 août 1999, à l'effet que l'Appelante n'avait pas conservé de liens de résidence importants avec le Canada, mais que, compte tenu du but de son séjour en Suisse, elle était une résidence réputée du Canada.

 

8.            Le programme international de l'impôt, du Bureau des services fiscaux d'Ottawa de l'Agence du revenu du Canada a fait parvenir une lettre à l'Appelante en date du 18 novembre 1999, dans laquelle le programme international de l'impôt confirme l'opinion émise par le Bureau international des services fiscaux et indique que l'Appelante est considérée une résidente réputée du Canada en vertu du sous-alinéa 250)1)c)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

10.    Le 2 janvier 2006, l'Appelante a communiqué de nouveau par écrit avec le Bureau international des services fiscaux de l'Agence du revenu du Canada pour demander qu'une détermination de son statut de résidence pour fins de l'impôt canadien soit faite de nouveau.

 

11.    Le 6 mars 2007, l'Appelante a communiqué de nouveau par écrit avec le Bureau international des services fiscaux pour demander d'être relevée de l'obligation de payer des impôts au Canada en raison des dispositions de la Convention entre le Canada et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune.

 

12.    Le 3 mai 2007, le Bureau international des services fiscaux avisait l'Appelante par écrit qu'elle était non-résidente du Canada à partir du 16 août 1994 parce qu'elle n'avait pas maintenu de liens de résidence significatifs avec le Canada.

 

13.    Le 1er novembre 2007, le Bureau international des services fiscaux a fait parvenir une lettre à l'Appelante pour l'aviser qu'elle était une résidente réputée du Canada aux fins de l'impôt depuis son arrivée en Suisse, jusqu'à ce que les facteurs décisifs de sa situation actuelle changent.

 

[18]         L'appelante a déposé à l'audience un rapport d'expert de Me Pietro Sansonetti daté du 3 octobre 2011 et intitulé « Avis de droit relatif à votre exonération fiscale en Suisse ». Le contenu du rapport d'expert a été admis en preuve par l'avocate de l'intimée.

 

[19]         Les avocats de l'appelante ont décrit de la façon suivante les conclusions du rapport d'expert aux paragraphes 24 et 25 de l'avis d'appel :

 

24.        L'Appelante a droit à une exemption de l'impôt sur le revenu payable par ailleurs en Suisse relativement au salaire qu'elle reçoit au titre de son emploi auprès de la Mission, en vertu de la Loi fédérale sur l'impôt direct de la Suisse, la Loi sur l'imposition des personnes physiques du canton de Genève, les décisions du Conseil fédéral aux missions permanentes et aux membres de leur personnel du 31 mars 1941 et du 20 mai 1958 qui appliquent la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques, par analogie, aux Missions permanentes et aux membres de leur personnel, ainsi qu'en vertu des décisions du Conseil fédéral de politique extérieure de la Suisse et la pratique des autorités aménageant le système des privilèges et immunités.

 

25.        Les décisions du Conseil fédéral aux missions permanentes et aux membres de leur personnel et du Conseil fédéral de politique extérieure de la Suisse ne sont pas des accords ou des conventions conclus avec un ou plusieurs pays étrangers et n'ont pas force de loi au Canada.

 

Position de l'intimée

 

[20]         L'intimée soutient que l'appelante était, au cours de l'année d'imposition 2006, réputée être résidente du Canada en vertu du sous-alinéa 250(1)c)(i) de la Loi puisqu'elle résidait au Canada immédiatement avant son emploi à la Mission en janvier 1997 en vertu de la version applicable de l'alinéa 250(1)e) de la Loi.

 

Position de l'appelante

 

[21]         Puisque l'appelante a rompu l'ensemble de ses liens personnels, économiques et de résidence avec le Canada lorsqu'elle a quitté le Canada au mois d'août 1994, elle ne résidait pas au Canada immédiatement avant d'entrer en fonction à la Mission en janvier 1997. Par conséquent, l'alinéa 250(1)c) de la Loi ne s'applique pas et l'appelante ne peut être réputée avoir résidé au Canada au cours de l'année d'imposition 2006.

 

Analyse

 

[22]         Le paragraphe 250(1) de la Loi se lisait comme suit dans la version applicable à l'année d'imposition 2006 :

 

Personne réputée résider au Canada

 

250.(1)       Pour l'application de la présente loi, une personne est réputée, sous réserve du paragraphe (2), avoir résidé au Canada tout au long d'une année d'imposition si :

 

                  a)      elle a séjourné au Canada au cours de l’année pendant une période ou des périodes dont l’ensemble est de 183 jours ou plus;

                  b)      elle était, à un moment donné au cours de l’année, membre des Forces canadiennes;

                  c)      elle était, à un moment donné au cours de l’année :

               (i)      un ambassadeur, un ministre, un haut-commissaire, un fonctionnaire ou un représentant du Canada,

               (ii)     un agent général, un fonctionnaire ou un représentant d’une province,

               et

               résidait au Canada immédiatement avant sa nomination ou son emploi par le Canada ou la province ou recevait des frais de représentation pour cette année;

                              d)      elle exerçait des fonctions, à un moment donné au cours de l’année, dans un pays étranger, dans le cadre d’un programme d’aide au développement international visé par règlement, établi ou souscrit par le gouvernement du Canada, et a résidé au Canada à un moment donné au cours de la période de 3 mois qui a précédé la date de son entrée en fonctions;

                              d.1)   elle était, à un moment donné au cours de l’année, membre du personnel scolaire des Forces canadiennes d’outre-mer et a produit sa déclaration pour l’année comme si elle avait résidé au Canada tout au long de la période au cours de laquelle elle était membre de ce personnel;

                              e)      [Abrogé, 1999, ch. 22, art. 82(1) ]

                              f)       elle était, au cours de l’année, l’enfant d’un particulier auquel s’appliquent les alinéas b), c), d) ou d.1), et financièrement à la charge de celui-ci, et son revenu pour l’année n’a pas dépassé le montant applicable pour l’année selon l’alinéa 118(1)c);

                              g)      elle avait droit à un moment de l’année, aux termes d’un accord ou d’une convention conclu avec un ou plusieurs pays étrangers et ayant force de loi au Canada, à une exemption de l’impôt sur le revenu payable par ailleurs dans l’un de ces pays au titre du revenu provenant d’une source quelconque (sauf si la totalité ou la presque totalité de son revenu de toutes sources n’était pas ainsi exemptée), du fait qu’à ce moment elle était liée à un particulier (sauf une fiducie) résidant au Canada ou était membre de sa famille.

 

[23]         L'alinéa 250(1)e) de la Loi se lisait comme suit dans la version antérieure au 24 février 1998, soit la date à laquelle cet alinéa a été abrogé :

 

                              f)       elle a résidé au Canada au cours d'une année antérieure et a été, à un moment donné au cours de l'année, le conjoint d'une personne visée à l'alinéa b), c), d) ou d.1) vivant avec cette personne;

 

[24]         Les articles 82(1), (3), (5) et (7) des Lois du Canada 1999, c. 22 intitulé « Loi de 1998 modifiant l'impôt sur le revenu »se lisait comme suit :

 

82.(1)   L'alinéa 250(1)e) de la même loi est abrogé.

 

82.(3)   Le paragraphe 250(1) de la même loi est modifié par adjonction, après l'alinéa f), de ce qui suit :

 

g)      elle avait droit à un moment de l'année, aux termes d'un accord ou d'une convention conclu avec un ou plusieurs pays étrangers et ayant force de loi au Canada, à une exemption de l'impôt sur le revenu payable par ailleurs dans l'un de ces pays au titre du revenu provenant d'une source quelconque (sauf si la totalité ou la presque totalité de son revenu de toutes sources n'était pas ainsi exemptée), du fait qu'à ce moment elle était liée à un particulier (sauf une fiducie) résidant au Canada ou était membre de sa famille.

 

82.(5)   Le paragraphe (1) s'applique à compter du 24 février 1998. Toutefois, dans les cas où les conditions suivantes sont réunies :

 

            a)      n'eût été l'alinéa 250(1)e) de la même loi, une personne aurait été une personne non-résidente à un moment antérieur au 24 février 1998 et ne serait pas devenue un résident du Canada après ce moment et avant le 24 février 1998,

            b)      la personne ne choisit pas, dans un document présenté au ministre du Revenu national avec sa déclaration de revenu en vertu de la partie I de la même loi pour l'année d'imposition 1998, de se prévaloir du paragraphe(1) après le 23 février 1998,

 

            le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'égard de la personne avant le premier moment, postérieur au 23 février 1998, où elle cesserait, si ce n'était l'alinéa 250(1)e) de la même loi, de résider au Canada.

 

82.(7)   Le paragraphe (3) s'applique à compter du 24 février 1998.

 

[25]         Pour faciliter la compréhension des concepts applicables au présent litige, il y a lieu de reproduire les notes explicatives du budget de 1998 concernant l'abrogation de l'alinéa 250(1)e) de la Loi.

 

27 octobre 1998, NE: Le paragraphe 250(1) fait référence à certaines personnes qui sont réputées avoir été des résidents du Canada.

 

L'alinéa 250(1)e) s'applique au conjoint d'une personne qui est réputée être résidente du Canada en application de certaines des autres règles énoncées dans le paragraphe. Dans un tel cas, le conjoint est réputé avoir lui aussi été un résident du Canada s'il a vécu avec la personne à un moment de l'année et qu'il a résidé au Canada au cours d'une année antérieure quelconque.

 

L'alinéa 250(1)e) est abrogé; cette modification s'applique aux personnes qui cessent de résider au Canada après le 23 février 1998. Les personnes qui, si ce n'était de l'alinéa 250(1)e), auraient cessé d'être résidents du Canada avant le 24 février 1998 et qui ne seraient pas revenues résider au Canada avant cette date peuvent exercer un choix afin que l'abrogation s'applique à elles après le 23 février 1998.

 

Budget, février 1998, AMVM : Résidence réputée

 

L'alinéa 250(1)e), selon lequel le conjoint d'un fonctionnaire ou de certaines autres personnes est réputé résider au Canada, sera abrogé pour ce qui est des conjoints qui, si ce n'était cet alinéa, cesseraient de résider au Canada après le 23 février 1998 et des conjoints qui, n'eût été cet alinéa, auraient cessé d'y résider avant le 24 février 1998 mais choisissent de ne pas être assujettis à cet alinéa après le 23 février 1998.

 

Budget, février 1998, RS : Résidence réputée

 

La distinction entre un résident et un non-résident aux fins de l'impôt est d'importance. Les résidents du Canada paient l'impôt du Canada sur leur revenu de toutes provenances, tandis que les non-résidents paient l'impôt canadien uniquement sur leur revenu gagné au Canada.

 

Dans la plupart des cas, le lieu de résidence sera établi selon la situation propre à (sic) particulier, ses liens au Canada et ses intentions. Toutefois, il arrive que, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, un particulier soit un résident réputé du Canada, peu importe que les critères applicables soient remplis.  

 

En vertu de l'une des règles sur la résidence réputée, les membres des Forces canadiennes, le personnel scolaire et les fonctionnaires du gouvernement du Canada ou d'une province (y compris les ambassadeurs, les ministres et les hauts commissaires) sont des résidents du Canada, peu importe l'endroit où ils sont en poste. Sous la règle actuelle, les conjoints et les enfants à charge de ces particuliers sont également des résidents réputés du Canada.  

 

Le budget propose d'éliminer cette règle particulière pour les conjoints. À sa place, il propose une nouvelle règle, en vertu de laquelle les particuliers qui, en vertu de leurs liens avec un résident du Canada, sont exonérés d'impôt dans un autre pays en vertu d'une convention fiscale ou d'une entente internationale, seront des résidents réputés.  

 

Cette modification s'appliquera aux particuliers qui, si ce n'était de l'application de la règle actuelle, cesseraient d'être des résidents du Canada après le 23 février 1998. Les particuliers qui, si ce n'était de la règle actuelle, auraient cessé d'être résidents après le 24 février 1998 pourront exercer un choix afin que la nouvelle règle s'applique à eux après le 23 février 1998. S'ils font ce choix, on considérera qu'ils ont cessé d'être résidents du Canada le 24 février 1998.

 

[26]         Au moment où l'appelante est entrée en fonction à la Mission le 17 janvier 1997, elle ne résidait pas au Canada immédiatement avant sa nomination ou son emploi par le Canada et ce, même si l'appelante a maintenu certains liens avec le Canada après le mois d'août 1994. La même situation a prévalu lorsque l'appelante s'est vue offrir un poste permanent à la Mission au mois de novembre 1997, elle résidait alors en Suisse. Par conséquent, l'appelante ne pouvait être considérée avoir résidé au Canada en vertu de l'alinéa 250(1)c) de la Loi.

 

[27]         Par contre, les conditions d'application de l'alinéa 250(1)e) de la Loi étaient rencontrées du fait que l'appelante a résidé au Canada au cours d'une année d'imposition antérieure et a été, à un moment donné au cours de l'année, la conjointe d'une personne visée à l'alinéa 250(1)c), avec qui elle vivait. Par conséquent, l'appelante est réputée avoir résidé au Canada tout au long de l'année d'imposition 1997. Il en a été de même pour l'année d'imposition 1998 parce qu'à un moment quelconque au cours de l'année, l'appelante a été la conjointe d'une personne visée à l'alinéa 250(1)c) avec qui elle vivait.

 

[28]         L'alinéa 250(1)e) a été abrogé à compter du 24 février 1998 et cette modification s'applique aux personnes qui cessent de résider au Canada après le 23 février 1998, ce qui n'est certes pas le cas de l'appelante car cette dernière a cessé de résider au Canada en 1994.

 

[29]         Par contre, comme l'appelante est une personne qui, si ce n'était de l'alinéa 250(1)e) aurait cessé d'être résidente du Canada avant le 24 février 1998 et qui ne serait pas revenue résider au Canada avant le 24 février 1998, elle aurait pu exercer un choix afin que l'abrogation s'applique à elle après le 23 février 1998.

 

[30]         Selon la preuve déposée au dossier, l'appelante n'a pas exercé ce choix dans sa déclaration de revenu en vertu de la Partie I de la Loi pour son année d'imposition 1998. Si un tel choix avait été exercé, l'appelante aurait cessé d'être considérée comme résidente au Canada le 24 février 1998 avec les conséquences fiscales que cela aurait pu entraîner pour elle.

 

[31]         En vertu de la disposition mettant en vigueur l'abrogation de l'alinéa 250(1)e), soit le paragraphe 82(5) des Lois du Canada 1999, C-22, l'abrogation de l'alinéa 250(1)e) ne s'applique pas à l'égard de l'appelante avant le premier moment, postérieur au 23 février 1998, où elle cesserait, si ce n'était de l'alinéa 250(1)e) de la Loi, de résider au Canada. Par conséquent, l'alinéa 250(1)e) a continué de s'appliquer à l'appelante après le 23 février 1998. La question est de savoir jusqu'à quand?

 

[32]         Le conjoint de l'appelante a cessé d'être un fonctionnaire du Canada le ou vers le 17 août 1998. Comme l'appelante n'a, à aucun moment au cours de l'année d'imposition 1999, été la conjointe d'une personne visée par l'alinéa 250(1)c), l'alinéa 250(1)e) a cessé d'être applicable à l'appelante au cours de ladite année d'imposition. Par conséquent, l'appelante est devenue non-résidente du Canada au cours de l'année d'imposition 1999, à moins qu'elle ne soit réputée résider au Canada en vertu d'une autre disposition du paragraphe 250(1) de la Loi.

 

[33]         La détermination du statut fiscal de l'appelante au cours des années d'imposition 1999 à 2005 ne fait pas l'objet du présent litige. Seule l'année d'imposition 2006 de l'appelante est concernée par le présent appel.

 

[34]         L'avocate de l'intimée a argumenté que l'alinéa 250(1)c) s'appliquait à l'appelante à l'égard de son année d'imposition 2006 parce qu'elle était, en vertu de l'alinéa 250(1)e), réputée résider au Canada immédiatement avant son emploi auprès de la Mission. Selon cette interprétation, l'appelante serait réputée résider au Canada tant et aussi longtemps qu'elle conserverait son emploi auprès de la Mission parce qu'immédiatement avant sa nomination, elle était réputée résider au Canada.

 

[35]         Malgré la savante argumentation de l'avocate de l'intimée concernant les effets d'une présomption légale, je ne suis pas d'accord avec l'interprétation qu'elle a faite de l'alinéa 250(1)c) car l'alinéa 250(1)c) n'a jamais été applicable à l'appelante.

 

[36]         Il ne fait pas de doute que l'appelante ne résidait pas au Canada immédiatement avant sa nomination à la Mission et que l'alinéa 250(1)c) ne s'appliquait pas alors à l'appelante. L'appelante était réputée résider au Canada de 1994 à 1998 en vertu de l'alinéa 250(1)e). Il était d'ailleurs spécifié, dans son offre d'emploi de novembre 1997, que l'appelante serait assujettie aux retenues à la source pour les fins de l'impôt canadien en tant que conjointe d'un fonctionnaire du gouvernement canadien.

 

[37]         L'alinéa 250(1)e) a été abrogé à compter du 24 février 1998 mais il a continué d'être applicable à l'appelante jusqu'à l'année d'imposition 1999.

 

[38]         Pour l'année d'imposition 2006 de l'appelante, l'avocate de l'intimée applique rétroactivement à l'année d'imposition 1997 la présomption de l'alinéa 250(1)e) à l'alinéa 250(1)c) qui n'était pas applicable par lui-même à l'appelante pour l'année d'imposition 1997, et ce, même si l'alinéa 250(1)e) était en 2006 abrogé et n'était plus applicable à l'appelante à compter de 1999.

 

[39]         Il m'apparaît être assez évident que l'intention du législateur était de référer aux critères usuels du concept de « résidence » lorsqu'il utilise à la fin du dernier paragraphe de l'alinéa 250(1)c) l'expression « et résidait au Canada immédiatement avant sa nomination ou son emploi par le Canada ». D'ailleurs, le fait que le législateur ait précisé que la détermination de la résidence au Canada était celle qui existait « immédiatement avant sa nomination ou son emploi » confirme, à mon avis, son intention de référer aux critères usuels du concept de « résidence » et non pas à une présomption de résidence.

 

[40]         Il ne m'apparaît pas être logique d'appliquer à l'année d'imposition 2006, une double présomption, soit celles des alinéas 250(1)c) et e) alors que, pour l'année d'imposition 1997, seule la présomption de l'alinéa 250(1)e) était nécessaire pour établir la résidence de l'appelante au Canada.

 

[41]         Pour ces raisons, l'appel est admis avec dépens et la nouvelle cotisation est annulée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2012.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 72

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-2519(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Khedidja Messar-Splinter et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 15 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 8 mars 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelant :

Me Charles Gibson

Me Ian Houle

 

Avocate de l'intimée :

Me Sara Chaudhary

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Noms :                          Me Charles Gibson

                                                          Me Ian Houle

 

                 Cabinet :                           Vincent, Dagenais, Gour, Gibson

                                                          Ottawa (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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