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Dossier : 2011-377(IT)I

ENTRE :

JEAN-GUY MALO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 décembre 2011, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Dompierre

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2012.

 

 

 

Robert J. Hogan

Juge Hogan

 

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 75

Date : 20120307

Dossier : 2011-377(IT)I

ENTRE :

JEAN-GUY MALO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       Exposé sommaire des faits

 

[1]              Il s’agit d’un appel de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008. Pour établir les cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a tenu pour acquis les faits énoncés aux alinéas a) à s) de la réponse à l’avis d’appel. Ces alinéas se lisent comme suit :

 

a)         Durant les années en litige, les revenus de l’appelant provenaient essentiellement de pensions et s’élevaient à 36 402 $ pour l’année 2006, à 36 663 $ pour l’année 2007 et à 36 944 $ pour l’année 2008;

 

b)         l’appelant affirme exploiter une entreprise de plantations d’arbres précieux au Costa Rica, sous la raison sociale « Malo Forestales »;

 

c)                  le contrat de mandat et de services de plantation d’arbres « précieux d’avenir » soumis par l’appelant révèle les données suivantes :

 

·        « Maya Trust » représente « Maya Forestales S.A. » au Canada;

·        « Maya Trust S.A. » détiendra, au nom des producteurs, des lots « d’arbres d’avenir » qui seront désignés par GPS au moment des coupes d’éclaircie;

·        l’appelant déclare devenir producteur de bois;

·        « Maya Forestales S.A. » fournira les services de plantation suivants : la préparation des plantules, du terrain, des chemins forestiers, du repiquage des plantules en pot et sur le terrain, de la fertilisation et de l’épandage d’un herbicide, s’il y a lieu, de la désignation des lots par GPS, l’expertise et les frais administratifs;

·        l’appelant s’engage à payer 100 $ par « arbre précieux d’avenir » à planter;

·        « Maya Forestales S.A. » garanti un rendement hors impôt de 40 % par année, basé sur la croissance des arbres seulement (exception faite de l’année de la plantation);

·        « Maya Trust S.A. » détiendra les titres et les droits immobiliers ou mobiliers pour et au nom de l’appelant;

·        l’appelant mandate «Maya Forestales S.A. » de planter en son nom;

·        le nombre d’arbres est de 250 et le coût de 25 000 $.

 

d)         pour chacune des années en litige, l’appelant n’a déclaré aucun revenu provenant de l’exploitation de ladite entreprise, mais déduit des pertes d’entreprise de 25 000 $ par année;

 

e)         une facture totalisant 25 000 $, identifiant les services décrits au sous-paragraphe c) a été émise au nom de l’appelant par « Maya Trust S.A. »;

 

f)          l’appelant affirme avoir déboursé 25 000 $ par année en argent comptant pour l’achat d’arbres et pour des services de plantations. En ce qui concerne l’année 2008, il affirme avoir déboursé 20 000 $, l’autre 5 000 $ lui ayant été accordé parce qu’il avait rendu divers services à son beau‑frère Michel Maheux qui représentait « Maya Trust »;

 

g)         l’appelant a été incapable de démontrer qu’il avait déboursé les sommes qu’il affirme avoir dépensé pour l’exploitation de son entreprise;

 

h)         « Maya Trust » agissait à titre de mandataire pour Maya Forestales S.A et effectuait par l’entremise de Monsieur Michel Maheux, de la promotion d’investissement dans une plantation d’arbres précieux au Costa Rica;

 

i)          le but était de vendre une entreprise d’exploitation forestière à un investisseur, tout en lui promettant de généreuses déductions fiscales;

 

j)          l’appelant n’est jamais allé au Costa Rica;

 

k)         il n’a aucune expertise dans le domaine de l’exploitation d’arbres;

 

l)          il ne consacre aucun temps à son entreprise;

 

m)        il affirme que l’entreprise sera rentable dans environ 10 ans lorsque les arbres auront atteint leur maturité;

 

n)         selon les dires de l’appelant, c’est Michel Maheux qui s’occupera de la vente des arbres;

 

o)         il n’a aucun plan d’affaires précis et a été dans l’impossibilité de démontrer qu’il avait effectué des efforts sérieux permettant d’établir que l’activité qu’il affirme exercer avait un niveau de commercialisation suffisant;

 

p)         Michel Maheux fait face à plusieurs jugements lui interdisant d’effectuer des placements de contrats d’investissements. Dans un jugement prononcé le 17 juin 2005, la Cour du Québec, corrobore la décision du 15 octobre 2003 prononcée par la Commission des Valeurs Mobilières du Québec (CVMQ) maintenant l’Autorité des Marchés Financiers, à l’effet qu’elle interdisait Québec Forestales et Michel Maheux à effectuer des placements de contrats d’investissements. Dans cette décision, la Cour du Québec mentionne qu’il a été démontré que Québec Forestales n’exploitait aucune forêt et n’a procuré à ses membres aucun bien et service;

 

q)         en date du 11 octobre 2005, une ordonnance d’injonction permanente a été rendue par l’honorable juge Jocelyn Verrier de la Cour Supérieure du Québec qui ordonnait, entre autres, à la Coopérative de producteurs de bois précieux Québec Forestales et à Monsieur Michel Maheux de cesser et de s’abstenir d’effectuer le placement des parts privilégiées de la Coopérative de producteur de bois précieux Québec Forestales, de contrats d’investissement ou de toute autre forme d’investissement prévue à l’article 1 de la Loi sur les valeurs mobilières, par tous moyens, y compris par lettre ou par site internet;

 

r)          l’appelant a acquis un abri fiscal;

 

s)         l’appelant n’a pas soumis le numéro d’inscription requis pour déduire un montant à titre d’abri fiscal;

 

[2]              L’appelant a appelé son beau-frère, Michel Maheux, comme témoin. Les faits suivants ressortent de son témoignage et permettent de mieux comprendre l’entreprise de plantation de M. Maheux et de l’appelant :

 

a)                 La famille de M. Maheux exploite des plantations de bois précieux depuis 1981.

b)                La plantation en cause dans l’appel est située à Las Delicias, au Costa Rica. La terre a été achetée en 1991 ou 1992 avec l’argent d’un groupe d’investisseurs.

c)                 La société anonyme (S.A.) Maya Forestales a été constituée au Costa Rica.

d)                La propriété de la terre et des arbres qui y sont plantés a été démembrée. La société Maya Forestales est nue-propriétaire du fonds de terre et les arbres plantés ont été désignés comme usufruit. Chaque investisseur, tel que l’appelant, est propriétaire d’un certain nombre d’arbres désignés.

e)                 Le coût de la terre est entre 90 000 $ et 100 000 $. La plantation est effectuée par un ingénieur forestier et les contrats de plantation prévoient un nombre d’arbres par hectare. Un contrat pour 1 000 arbres par hectare donne pour résultat environ 800 arbres par hectare. À l’époque, le coût des arbres était d’environ 10 $ l’arbre. Selon M. Maheux, la valeur de l’arbre, 10 ans plus tard, s’élève à 500 $ l’arbre.

f)                  L’appelant a investi dans le projet 25 000 $ par an pendant trois ans, en 2006, 2007 et 2008, en échange de quoi il a obtenu 750 arbres de la plantation.

g)                 Les plantations génèrent des revenus par la vente de bois d’éclaircie qui est transformé en planches. Toutefois, le but de la plantation n’est pas la coupe du bois à court terme. Le profit escompté doit provenir de la revente du bois debout étant donné la forte demande pour des arbres provenant de plantations écologiques.

h)                 M. Maheux est aussi président de Maya Trust S.A., qui administre au Costa Rica l’ensemble des titres des investisseurs dans le bois précieux. Maya Trust S.A. n’agit qu’à titre de mandataire. En effet, l’appelant peut disposer des arbres ou les couper à sa guise.

i)                   Il y a eu des plantations continuelles au Costa Rica, de sorte que M. Maheux peut difficilement dire si les arbres que l’appelant a acquis ont été plantés avant ou après la signature du contrat.

j)                   Les arbres de l’appelant ont été désignés après la conclusion du contrat.

 

II.      La question en litige

[3]              La question en litige consiste à déterminer si les pertes que l’appelant a réclamées en 2006, 2007 et 2008 sont des pertes d’entreprise déductibles ou non.

 

III.     Thèse de l’intimée

[4]              L’intimée soutient que le ministre a refusé à bon droit la perte d’entreprise de 25 000 $ que l’appelant avait réclamée pour chacune des années d’imposition 2006, 2007 et 2008. À l’appui de sa thèse, l’intimée propose les quatre arguments suivants :

 

a)                 L’appelant n’a pas réellement engagé les dépenses réclamées. Je n’examinerai pas ce premier argument plus longuement. Lors de sa plaidoirie, l’avocate de l’intimée a reconnu que l’appelant avait été crédible lorsqu’il a expliqué d’où provenaient les 75 000 $ qu’il avait investis dans la plantation.

b)                L’appelant a fait un placement dans un abri fiscal. Dans ce cas, les déductions ne peuvent être réclamées, puisqu’aucun numéro d’inscription n’avait été attribué au préalable à l’abri fiscal.

c)                 Les activités des plantations ne constituent pas une entreprise. Pour cette raison, les pertes ne peuvent pas être déduites en tant que pertes d’entreprise.

d)                S’il s’agissait d’une entreprise, la dépense ne constitue pas une dépense courante, mais plutôt une dépense en capital.

 

IV.     Analyse

Notion d’abri fiscal

 

[5]              Le terme « abri fiscal » est défini comme suit à l’article 237.1 de la Loi[1] :

 « abri fiscal »

a) Arrangement de don visé à l’alinéa b) de la définition de « arrangement de don »;

b) arrangement de don visé à l’alinéa a) de la définition de « arrangement de don » ou bien (y compris le droit à un revenu), à l’exception des actions accréditives et des biens visés par règlement, pour lequel il est raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations ou d’annonces faites ou envisagées relativement à l’arrangement ou au bien, que, si une personne devait conclure l’arrangement ou acquérir une part dans le bien, le montant visé au sous-alinéa (i) serait, à la fin d’une année d’imposition qui se termine dans les quatre ans suivant le jour où l’arrangement est conclu ou la part, acquise, égal ou supérieur au montant visé au sous-alinéa (ii):

(i) le total des montants représentant chacun :

(A) un montant ou, dans le cas d’une participation dans une société de personnes, une perte qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu de la personne pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre de l’arrangement ou de la part dans le bien (y compris, si le bien est un droit à un revenu, un montant ou une perte afférent à ce droit qui est déclaré ou annoncé comme étant ainsi déductible),

(B) un autre montant qui est déclaré ou annoncé comme étant réputé, en vertu de la présente loi, être payé au titre de l’impôt payable par la personne, ou comme étant déductible dans le calcul de ses revenu, revenu imposable ou impôt payable en vertu de la présente loi, pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre de l’arrangement ou de la part dans le bien, à l’exclusion d’un montant ainsi déclaré ou annoncé qui est inclus dans le calcul d’une perte visée à la division (A),

(ii) l’excédent éventuel du montant visé à la division (A) sur le total visé à la division (B) :

(A) le coût, pour la personne, du bien acquis aux termes de l’arrangement, ou de la part dans le bien à la fin de l’année, déterminé compte non tenu de l’article 143.2,

(B) la valeur totale des avantages visés par règlement que la personne ou toute personne avec laquelle elle a un lien de dépendance pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre du bien acquis aux termes de l’arrangement ou au titre de la part dans le bien.

 

[Je souligne.]

 

[6]              L’objet de l’article 237.1 de la Loi est administratif. Il existe afin d’assurer que toute personne faisant la promotion d’un investissement pouvant s’avérer fiscalement avantageux s’inscrive et obtienne un numéro d’inscription avant même d’en faire la promotion à des investisseurs potentiels[2]. Le législateur facilite ainsi la vérification de ces stratagèmes d’investissement visés par la définition du terme « abri fiscal »; les autorités s’assurent de pouvoir cibler tous les futurs investisseurs. En effet, lorsqu’un contribuable investit dans un abri fiscal, il doit indiquer le numéro d’inscription de l’abri fiscal dans sa déclaration de revenus s’il souhaite pouvoir profiter de l’avantage fiscal annoncé[3].

 

[7]              L’article 237.1 de la Loi cherche donc à augmenter l’efficacité des autorités fiscales en leur permettant de mieux cibler les dossiers qui nécessitent un suivi ou des vérifications plus rigoureuses. Ceci explique pourquoi la définition d’un abri fiscal a été rédigée de manière à englober tous les stratagèmes ou structures d’investissement qui remplissent les deux conditions principales suivantes :

 

1)                 Un promoteur fait à un investisseur des déclarations ou annonces faisant valoir les avantages fiscaux de l’investissement avant que l’investisseur investisse dans le projet;

2)                 l’objet des déclarations ou annonces est la mise en valeur du fait que l’investisseur peut déduire un montant égal ou supérieur au coût de son investissement dans les quatre années d’imposition suivant son investissement.

 

[8]              Ces deux conditions résument la définition du terme « abri fiscal » en faisant abstraction de toutes les subtilités dont peut dépendre l’application de la définition à des faits précis.

 

[9]              Dans l’arrêt Canada c. Baxter[4] la décision de la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la notion d’abri fiscal. Dans cette décision, le juge Ryer écrit que la définition d’abri fiscal vise tout bien offert en vente à des acquéreurs éventuels[5]. Le juge ajoute que la définition exige que pour pouvoir conclure à l’existence d’un abri fiscal, des déclarations ou annonces doivent être faites à un moment donné relativement au bien offert en vente[6]. Les déclarations doivent avoir été faites avant la conclusion de la vente par la personne qui propose de vendre.

 

[10]         Toujours dans l’arrêt Baxter, le juge Ryer ajoute que les déclarations ou annonces doivent avoir eu pour objet d’indiquer le montant que l’acquéreur éventuel pourrait déduire dans le calcul de son revenu au titre de ce bien après son acquisition[7].

 

[11]         En outre, la définition ne précise pas si les déclarations ou annonces doivent prendre une forme particulière ni même si elles doivent être faites d’une manière quelconque[8]. Il est aussi généralement accepté que les communications peuvent être faites tant par l’écrit qu’oralement[9].

 

[12]         Dans le présent appel, comme M. Maheux l’explique lors de son témoignage, il n’y a pas eu de sollicitations formelles proprement dites. En fait, les discussions que M. Maheux a eues avec l’appelant au sujet du projet de plantation ont plutôt été faites personnellement et intimement, alors que l’appelant hébergeait M. Maheux. L’appelant, ainsi que toute sa famille, connaissaient bien le parcours de M. Maheux.

 

[13]         L’appelant connaissait donc l’existence du projet de plantation et savait que plusieurs personnes y avaient déjà investi des fonds. De plus, M. Maheux était dans une situation financière précaire, s’étant fait saisir tous ses biens, et il avait besoin d’aide.

 

[14]         C’est dans ce contexte que M. Maheux a discuté du projet d’investissement avec l’appelant. Selon le témoignage de l’appelant, M. Maheux lui a dit que l’acquisition d’arbres de sa plantation au Costa Rica serait pour lui un bon investissement. Les fonds investis permettraient à l’appelant d’acquérir des plantules qu’il cultiverait pour ensuite vendre des arbres une fois qu’ils auraient atteint leur taille optimale. C’est uniquement lors de la vente des arbres que l’appelant comptait réaliser les profits escomptés.

 

[15]         M. Maheux a aussi informé l’appelant qu’il pourrait déduire de son revenu les fonds investis, puisqu’il s’agissait de dépenses courantes d’entreprise. Les informations que M. Maheux a ainsi partagées avec l’appelant confirment l’existence d’un abri fiscal conformément à l’interprétation des termes « déclarations » ou « annonces » utilisés dans la définition d’un abri fiscal. Suivant les indications de l’arrêt Baxter, il suffit que M. Maheux ait discuté avec l’appelant de l’occasion d’investissement et qu’il lui ait annoncé le montant des déductions possibles pour que s’applique la définition d’un abri fiscal.

 

[16]         Il importe de rappeler que la notion d’abri fiscal est aussi vaste parce que la disposition vise avant tout à assurer que les promoteurs obtiennent un numéro d’inscription pour leurs stratagèmes d’investissement avant que des acquéreurs potentiels ne fassent l’acquisition des biens annoncés.

 

[17]         Puisque le projet de M. Maheux satisfaisait aux deux principales exigences de la définition d’un abri fiscal, soit 1) l’existence de déclarations ou d’annonces, et 2) l’exigence liée au calcul des deux montants, le projet de plantation de M. Maheux aurait dû être inscrit en tant qu’abri fiscal[10]. En l’absence d’un numéro d’inscription, l’appelant ne peut pas bénéficier de la perte annoncée comme étant déductible[11], soit les pertes d’entreprise de 25 000 $ réclamées pour chacune des années d’imposition en cause, et ce, même si les pertes étaient en fin de compte reconnues comme étant valides.

 

[18]         Comme cette conclusion est suffisante pour que je rejette l’appel de l’appelant, je me contenterai de faire des observations sommaires sur les autres arguments formulés par l’intimée.

 

[19]         Selon le troisième argument formulé par l’intimée, les dépenses réclamées par l’appelant ne sont pas déductibles puisque les arbres n’ont pas été acquis afin d’exploiter une entreprise. L’intimée soutient que la preuve démontre que l’appelant a investi dans le projet de plantation d’arbres pour des raisons personnelles. Selon l’intimée, l’appelant voulait aider son beau-frère, M. Maheux, obtenir un avantage fiscal, ou atteindre ces deux objectifs. Les dépenses n’auraient pas été faites afin d’exploiter une entreprise. En outre, selon l’intimée, les dépenses engagées par l’appelant ont un caractère de capital.

 

[20]         Je ne partage pas l’opinion de l’intimée sur ce point. La preuve démontre que l’appelant exploite une entreprise, ou du moins, que l’acquisition des arbres constitue une activité de caractère commercial. L’appelant avait comme seul but, lorsqu’il a participé au projet de M. Maheux, de revendre les 750 arbres à profit. C’est la seule façon dont il pouvait tirer profit de son investissement. Par conséquent, je conclus que les dépenses sont des dépenses d’entreprise.

 

[21]         L’appelant soutient que les 75 000 $ qu’il a dépensés sont des dépenses courantes et sont déductibles à titre de perte d’entreprise. Selon l’appelant, les factures que lui a remises M. Maheux font foi de la nature de ces dépenses.

 

[22]         Je ne partage pas l’avis de l’appelant sur ce point. Trois factures identiques ont été déposées en preuve. Chacune d’elles ventile comme suit les dépenses de 25 000 $ qui ont été engagées :

 

·        2 500 $ pour la préparation des plantules;

·        5 000 $ pour la préparation du terrain;

·        2 500 $ pour la préparation des chemins forestiers et des chemins coupe-feu;

·        5 000 $ pour le repiquage des plantules en pots et sur le terrain;

·        5 000 $ pour l’herbicide et l’engrais;

·        3 000 $ pour la désignation GPS;

·        2 000 $ pour les expertises et les frais administratifs.

Malgré les détails de ces factures, aucune autre preuve n’a pu démontrer que les fonds de l’appelant ont réellement servi à payer les dépenses indiquées. Il est peu probable que l’appelant ait engagé chaque année des dépenses dont le montant et la nature étaient identiques. D’ailleurs, lors de son témoignage, M. Maheux explique même avoir utilisé 26 000 $ des fonds que lui avait remis l’appelant pour payer les arriérés des coûts de la surveillance de la ferme[12]. Pour cette raison, les factures ne permettent pas de conclure que les 75 000 $ ont été utilisés pour acquitter les dépenses indiquées sur les factures.

 

[23]         L’examen des faits présentés en preuve indique plutôt que les 75 000 $ versés par l’appelant lui ont permis d’acquérir 750 arbres qu’il comptait faire pousser dans le but de les revendre dans une dizaine d’années.

 

[24]         Il n’existe pas dans la Loi de définitions qui permettraient de distinguer une dépense courante d’une dépense en capital. En l’absence de critères législatifs précis, la question doit être résolue au regard des faits et des circonstances précis de chaque cas[13].

 

[25]         Vues de cette façon, les dépenses sont plutôt le coût d’acquisition de l’inventaire, soit les 750 arbres que l’appelant a acquis au Costa Rica.

 

[26]         En tant qu’inventaire, le coût des arbres pourra être déduit suivant une méthode différente de celle applicable aux dépenses courantes. Je ne ferai pas de commentaire au sujet de la façon de réclamer cette dépense et du moment où on peut le faire, puisque de toute manière la somme de 25 000 $ réclamée par l’appelant pour chacune des années d’imposition en cause n’est pas déductible en raison de la conclusion antérieure.

 

[27]         Pour ces motifs, l’appel à l’encontre des cotisations établies pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de mars 2012.

 

 

 

Robert J. Hogan

Juge Hogan

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 75

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2011-377(IT)I

 

INTITULÉ :                                       JEAN-GUY MALO c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 2 décembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 mars 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Marie-France Dompierre

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] Rosemarie Wertschek et James R. Wilson, « Shelter from the Storm : The Current State of the Tax Shelter Rules in Section 237.1 » (2008) 56:2 Canadian Tax Journal, 296 (Wertschek).

[3] Loi de l’impôt sur le revenu, par. 237.1(6).

[4] 2007 CAF 172

[5] Ibid., par. 8.

[6] Ibid., par. 9.

[7] Ibid., par. 10.

[8] Ibid., par. 14.

[9] Wertschek, opt. cit. note 2, p. 303.

[10] Par. 237.1(4) de la Loi.

[11] Par. 237.1(6) de la Loi.

[12] Transcription, p. 66, par. 197.

[13] Dans la decision Rona inc. c. La Reine, 2003 CCI 121 (procédure générale) (Rona), au par. 32, le juge Archambault cite des passages importants de la décision Oxford Shopping Centres Ltd. c. La Reine., [1980] 2 C.F. 89, (C.F. 1e inst.) (Oxford), qui résume les décisions les plus pertinentes en matière de qualification des dépenses d’entreprise.

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