Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

 

Dossier : 2002‑238(EI)

ENTRE :

BEAVER HOME IMPROVEMENTS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KEVIN PATRICK O'FLYNN,

intervenant.

_______________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Beaver Home Improvements Ltd. (2002‑239(CPP)) le 28 octobre 2002 à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelante :

R. G. Allen

 

Avocate de l’intimé :

Me Amy Francis

 

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est admis et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Dossier : 2002‑239(CPP)

ENTRE :

BEAVER HOME IMPROVEMENTS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KEVIN PATRICK O'FLYNN,

intervenant.

_______________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Beaver Home Improvements Ltd. (2002-238(EI)) le 28 octobre 2002 à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge suppléant D. W. Rowe

 

Comparutions

 

Représentant de l’appelante :

R. G. Allen

 

Avocate de l’intimé :

Me Amy Francis

 

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel est admis et la décision du ministre est modifiée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Sidney (Colombie‑Britannique), ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

 

 


Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Date : 20030130

Dossiers : 2002‑238(EI)

2002‑239(CPP)

ENTRE :

BEAVER HOME IMPROVEMENTS LTD.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

KEVIN PATRICK O'FLYNN,

intervenant.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

 

[1]     L’appelante, Beaver Home Improvements Ltd., (l’entreprise Beaver), interjette appel à l’encontre des décisions toutes deux datées du 9 novembre 2002 qu’a rendues le ministre du Revenu national (le « ministre ») selon lesquelles il a décidé que l’emploi qu’exerçait Kevin Patrick O’Flynn (le travailleur ou l’intervenant) pendant la période du 14 mai 2000 au 20 avril 2001 était un emploi assurable et ouvrant droit à pension en vertu des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») respectivement. Toutes les parties ont consenti à ce que les appels soient entendus ensemble. 

 

[2]     Warren Orsted a témoigné qu’il est gestionnaire de l’exploitation de la société appelante et qu’il était engagé à ce titre pendant la période pertinente. Il a travaillé avec l’intervenant pendant quatre années et demi, soit depuis que l’entreprise a fait l’acquisition de la Crown Roofing à Vernon, en Colombie-Britannique. M. O’Flynn a été un employé de cette entreprise et a conservé son poste après que l’entreprise Beaver a pris le contrôle de l’entreprise pour laquelle il travaillait. M. Orsted a déclaré que M. O’Flynn l’avait approché et lui avait indiqué qu’il souhaitait fournir ses services à l’entreprise Beaver, à la condition qu’il soit considéré comme un entrepreneur indépendant lorsqu’il fournirait des services continus d’installation de  couvertures. M. Orsted a déclaré que, conformément à cette requête, M. O’Flynn avait signé un document intitulé [traduction] « accord de sous‑traitance » dans lequel il acceptait de travailler pour l’appelante à titre d’entrepreneur et d’être responsable de verser son propre impôt sur le revenu, des cotisations au Régime de pensions du Canada, la Taxe sur les produits et services et les droits exigibles pour une licence d’exploitation de commerce ainsi que de prendre en charge toutes les autres dépenses liées à l’exploitation de son entreprise qu’il pouvait engager en fournissant ses services à l’entreprise Beaver. Ce document de une page portant la mention [traduction] « À qui de droit » a été déposé en preuve sous la cote A‑1. Une note prise dans la partie supérieure de la page indique que cet accord s’appliquait à [traduction] « notre exercice du 1er septembre 1999 au 31 août 2000 », mais une autre écriture qui figure dans le coin inférieur gauche de la page indique que la date du 12 mai 2000 est la [traduction] « date de début ». M. Orsted a renvoyé la Cour à un autre formulaire (pièce A‑2) daté du 26 mai 2000 que M. O’Flynn a signé, comme l’exigeait l’entreprise Beaver, aux fins de paiement et qui indique que la demande de changement pour le statut de sous‑traitant prend effet le 13 mai 2000. M. Orsted a déclaré que M. O’Flynn possédait un camion et quelques outils et équipement. Il a expliqué que, dans l’industrie de la toiture, la plupart des couvreurs possèdent des échelles, des marteaux cloueurs, un compresseur ainsi que leurs propres outils à main. Pendant la période du mois d’octobre 1999 au 13 mai 2000, soit pendant laquelle M. O’Flynn était considéré comme un employé, l’appelante fournissait le compresseur et les marteaux cloueurs. 

 

[3]     Lorsque l’avocate de l’intimé l’a contre‑interrogé, Warren Orsted a déclaré qu’il n’était pas inhabituel qu’un travailleur change son statut d’employé pour celui de sous-traitant et que cela s’était produit à trois ou quatre reprises parce que certains couvreurs voulaient être libres de fournir leurs services à d’autres entreprises dans la même industrie. Selon ce que M. Orsted a pu se rappeler, M. O’Flynn, en tant que sous-traitant, n’avait exécuté qu’un seul contrat pour le bureau de l’entreprise Beaver à Kelowna, en Colombie‑Britannique, avant qu’il ne soit déménagé dans la région de Penticton.   

 

[4]     L’intervenant n’a pas contre‑interrogé le témoin.

 

[5]     John Kitsch a témoigné qu’il était gestionnaire de l’exploitation de l’entreprise Beaver à Penticton, en Colombie‑Britannique, et qu’il occupait cette fonction depuis neuf années et demi. Il a déclaré que M. O’Flynn avait été engagé pour fournir ses services à l’appelante en tant que sous-traitant et qu’après avoir terminé le travail, il soumettait des factures du montant dû, y compris la TPS appropriée. Un paquet de factures a été déposé en preuve sous la cote A‑3, et l’une d’elles indique qu’une déduction au montant de 144,04 $ avait été prélevée prétendument pour des dommages qu’avait causés M. O’Flynn à la résidence d’un client. Les coûts de la main-d’œuvre engagés pour des stagiaires étaient déduits du calcul de la somme due à M. O’Flynn pour l’exécution d’un contrat de travail, parce que l’entreprise Beaver avait engagé des travailleurs non qualifiés comme dans le cadre d’un certain programme d’apprenti. Le coût pour l’installation d’une toiture est calculé soit à la toise, soit au pied carré. M. Kitsch a déclaré qu’il ne supervisait pas le travail qu’accomplissait M. O’Flynn et se rendait sur un chantier uniquement à la demande du propriétaire. Il a fait remarquer que l’intervenant n’était pas tenu de se présenter sur le lieu d’affaire de l’entreprise Beaver tous les jours et qu’il soumettait une facture après l’achèvement des travaux puis se renseignait sur la possibilité d’éventuels contrats. À un certain moment donné, M. O’Flynn a quitté la région de Penticton et a fourni ses services à d’autres clients habitant d’autres régions en Colombie‑Britannique, et, du point de vue de l’appelante, l’intervenant a toujours conservé son droit de refuser un contrat pour l’installation de toiture.

 

[6]     Lorsque l’avocate de l’intimé l’a contre‑interrogé, John Kitsch a déclaré qu’un tarif fixe est composé du coût par toise ou par pied carré que l’entreprise Beaver est disposée à verser à un entrepreneur. Quelquefois, un entrepreneur négociait un tarif plus élevé si un contrat était particulièrement difficile, mais M. Kitsch n’a pu se rappeler si cela s’était déjà produit relativement à un contrat qu’avait exécuté l’intervenant. La déduction qui figure sur les factures contenues dans la pièce A‑3, à titre de [traduction] « main‑d’œuvre » se rapportait à une ou à plusieurs personnes qu’avait engagées l’entreprise Beaver et qui étaient rémunérées selon un taux horaire. L’entreprise Beaver assignait des travailleurs à un contrat qu’exécutait M. O’Flynn et fournissait tout l’équipement qu’utilisaient ces travailleurs. Au besoin, l’entreprise Beaver fournissait l’échafaudage nécessaire aux travaux qu’exécutait l’intervenant et envoyait un camion à benne sur le chantier pour ramasser les débris provenant d’un plus grand projet. Les divers contrats pouvaient durer jusqu’à une semaine, mais la plupart était terminé en une journée ou deux. La déduction au montant de 144,04 $ d’un paiement dû à M. O’Flynn était une somme qu’avait exigé le bureau de l’entreprise Beaver à Kelowna en vue de rembourser un client pour certains dommages qu’avait causés M. O’Flynn, et il avait été convenu que ce montant serait versé sous forme de trois déductions distinctes de 48 $ des chèques à venir. L’entreprise Beaver consistait en une entreprise de construction de nouvelles maisons, de rénovation résidentielle, de vente et d’installation de toiture, de parement et de revêtement isolant. Soit l’appelante faisait livrer les matériaux au chantier, soit le fournisseur fournissait ce service. Les chèques à verser à M. O’Flynn pour ses services lui étaient émis toutes les deux semaines.

 

[7]     L’intervenant n’a pas contre-interrogé le témoin.

 

[8]     Lorsque R. G. Allen, le représentant de l’appelante, l’a réinterrogé, M. Kitsch a déclaré que M. O’Flynn avait exécuté de nombreux contrats et que l’entreprise Beaver n’y avait assigné aucun travailleur. Pendant la période pertinente, le bureau de l’entreprise Beaver faisait appel aux services de sept sous‑traitants. Lorsque l’intervenant quittait la région pendant un certain temps, M. Kitsch ne savait pas très bien si M. O’Flynn avait demandé un congé ou s’il avait seulement mentionné qu’il prendrait quelques jours de congé.

 

[9]     Brian Beliveau a témoigné qu’il est le directeur général et le président de la société appelante. Pendant la période pertinente, environ 30 personnes travaillaient comme installateurs; certains d’entre eux étaient des employés de l’appelante, y compris les travailleurs qui étaient responsables de la construction de solariums résidentiels ou de l’installation de gouttières, de panneaux de toit et de couvertures de patio. Le rapport relativement à l’installation de toitures et de parement était de 60 p. 100 pour les sous‑traitants et de 40 p. 100 pour les employés de l’entreprise Beaver. On a renvoyé M. Beliveau à une feuille de calcul (pièce A‑4) qu’a produite le service de comptabilité de l’appelante et qui indique que des paiements ont été versés à 16 sous‑traitants, à compter du mois de septembre 1999 et y compris la période pertinente qui concerne l’intervenant. À la page 2 de ladite feuille de calcul, on constate une divergence pendant la période du mois de janvier au mois de mars 2001 parce que M. O’Flynn n’a accepté aucun contrat pendant ces mois et, par conséquent, il n’a soumis aucune facture à l’entreprise Beaver. M. Beliveau a déclaré que, selon lui, M. O’Flynn était parti à Calgary pendant cette période pour fournir ses services à un autre particulier. M. Beliveau a reconnu le questionnaire (pièce A‑5) qu’il avait rempli et renvoyé à l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Il était au courant que M. O’Flynn avait signé un formulaire demandant à ce que son statut d’employé soit changé pour celui de sous‑traitant et qu’il avait ajouté la TPS au montant des factures qui indiquaient son numéro d’inscription aux fins de la TPS. Le secteur fonctionnel des activités commerciales de l’entreprise Beaver s’étendait de Osoyoos à la limite de Enderby. Les prix étaient fixés en fonction de la nature du contrat, en tenant compte de facteurs tels que la pente du toit, l’étendue des couches de matériel à retirer et d’autres questions pertinentes, tel que l’emplacement du site. Aucune heure de travail n’était établie, et un sous‑traitant acceptait un contrat puis procédait à l’exécution des travaux. La direction de l’entreprise Beaver revoyait ce sous‑traitant lorsque ce dernier soumettait la facture appropriée au bureau. Pour des raisons d’efficacité administrative, l’entreprise Beaver a décidé que les sous‑traitants seraient payés toutes les deux semaines. Il y a eu la mise en œuvre d’un projet à Summerland dont l’exécution des travaux a pris plus de un mois. Lorsque certains stagiaires ont été engagés, l’entreprise Beaver a obtenu des conseils légaux et comptables selon lesquels ces travailleurs devaient être traités à titre d’employés. Conséquemment, lorsqu’un stagiaire ou plus étaient affectés à un contrat qu’exécutait M. O’Flynn, le montant de la valeur de leur main‑d’œuvre était calculé puis déduit de la somme versée à  M. O’Flynn. Les stagiaires ou travailleurs étaient rémunérés par chèque que leur émettait l’entreprise Beaver, conformément aux calculs habituels de la feuille de paye. Une pénurie d’installateurs au sein de l’industrie, a forcé la direction de l’entreprise Beaver à recruter et à former d’autres travailleurs de manière à former une autre équipe qualifiée. Les stagiaires qui ont notamment travaillé avec l’intervenant avaient été recommandés à l’entreprise Beaver par ce dernier. Différents tarifs étaient en vigueur, en fonction des différents sous‑traitants, et M. O’Flynn fournissait ses propres outils et équipement ainsi qu’un camion. M. Beliveau a déclaré que, lorsque l’intervenant avait fait savoir qu’il voulait changer son statut d’employé pour celui d’entrepreneur indépendant, les circonstances relatives à la prestation de ses services à l’entreprise Beaver répondaient, à son avis, aux critères établis en vertu de la jurisprudence applicable. 

 

[10]    Lorsque l’avocate de l’intimé l’a contre-interrogé, M. Brian Beliveau a admis que les clients éventuels composaient le numéro d’entreprise de l’entreprise Beaver figurant dans les pages jaunes ou étaient sollicités par le personnel vendeur qui vérifiait les permis de construction aux bureaux municipaux. Le coût de chaque contrat était établi conformément au devis, y compris la main‑d’œuvre nécessaire à l’installation. Dans l’éventualité où un client omettait de payer l’entreprise Beaver, celle‑ci payait tout de même le sous-traitant, sauf si le refus de payer était lié à la qualité des travaux. L’avocate a renvoyé M. Beliveau à une feuille (pièce R‑1) qui dresse la liste des tarifs versés aux installateurs. M. Beliveau a déclaré que ces montants se rapportaient à certains sous‑traitants, y compris M. O’Flynn. Il arrive quelquefois qu’un paiement additionnel soit versé après l’exécution des travaux si un projet en particulier s’est avéré plus difficile que prévu. M. Beliveau a également déclaré qu’il ne traitait pas quotidiennement avec les installateurs ou les opérateurs. Même si certains travailleurs étaient des sous‑traitants, l’entreprise Beaver payait toutes les cotisations à la Workers’ Compensation Board of British Columbia en vue de couvrir toutes les personnes présentes sur un chantier, peu importe leur statut. Lorsque l’installation d’une toiture ou d’autres travaux sont exécutés, la politique de la compagnie exige qu’un panneau affichant clairement le nom de l’entreprise Beaver soit installé sur le chantier. Dans le cadre de certains contrats qu’avait exécutés l’intervenant, M. Beliveau a déclaré que l’entreprise avait fourni des outils et de l’équipement plus qu’à l’habitude en raison de la présence de un ou de plusieurs stagiaires sur le chantier. L’entreprise Beaver possédait une assurance de responsabilité civile générale pour se couvrir si des problèmes survenaient au cours de l’installation, mais la garantie à l’égard des matériaux utilisés à l’exécution de tous les contrats était fournie par le fabricant, et ce, en vue de réduire considérablement les risques auxquels pouvait être exposée l’entreprise Beaver. La méthode de calcul de la rémunération pour un travail accompli était la même avant et après le changement de statut d’employé de M. O’Flynn pour celui de sous-traitant. Lorsque M. O’Flynn a travaillé pendant tout un mois sur un chantier à Summerland, il était encore rémunéré toutes les deux semaines selon une facture qu’il avait soumise pour du travail accompli jusqu’alors.  

 

[11]    L’intervenant n’a pas contre-interrogé le témoin.

 

[12]    Kevin O’Flynn, en sa qualité d’intervenant, a témoigné qu’il vit à Vernon, en Colombie-Britannique, et qu’il possède trente années d’expérience comme couvreur. Il a déclaré qu’avant la période pertinente, il avait commencé à travailler comme employé pour l’entreprise Beaver, à Vernon, mais il s’est avéré qu’il consacrait de nombreuses heures de travail à partir de la région de Penticton. Par la suite, son épouse a été transférée à Penticton en raison de son emploi et, pendant cette période de transition, certains membres de la direction de l’entreprise Beaver se sont entretenus avec plusieurs installateurs pour les informer que la compagnie préférerait traiter avec eux conformément à une entente selon laquelle ils fourniraient leurs services en tant que sous-traitants et non en tant qu’employés. M. O’Flynn a discuté avec John Kitsch, et il a convenu de changer son statut d’emploi. Puisqu’il avait toujours possédé ses propres outils de travail au cours de sa carrière, il lui semblait que les choses n’étaient pas différentes de ce qu’elles avaient été en ce sens qu’avant le 14 mai 2000, il était rémunéré à la pièce, soit à la toise, et que les mêmes taux ont par la suite été appliqués. Il a déclaré que s’il n’était pas sur le lieu d’affaire de l’entreprise Beaver à 7 h 30, son épouse recevait un appel pour savoir où il était. Avant d’accepter un contrat, on lui remettait une feuille décrivant la nature des travaux à exécuter et le taux de paiement offert. M. O’Flynn a déclaré qu’en janvier 2001, M. Kitsch l’avait informé qu’il y aurait une pénurie de travail pendant environ deux mois et, après qu’un mois s’était écoulé, il s’était rendu à Calgary en compagnie de Larry Rae, un autre couvreur figurant dans la liste des sous‑traitants déposée en preuve sous la cote A‑4, et il avait travaillé sur deux chantiers d’où il a tiré un revenu d’environ 1 100 $. Pendant toute cette période il est resté en contact avec M. Kitsch avec l’entente qu’il reviendrait à Penticton dès qu’il y aurait du travail. Lorsque M. O’Flynn entreprenait l’installation de toiture pour l’entreprise Beaver, il travaillait de 7 h 30 à 16 h 30, cinq jours par semaine. Pendant la période pertinente, tous les contrats d’installation de toiture ont été exécutés pour le compte de l’entreprise Beaver, sauf les contrats qu’il a exécutés à Calgary ou au cours de deux voyages à Quesnel, pendant la fin de semaine, pour donner un coup de main à son frère et, à une autre occasion, pour aider son beau‑père à installer une toiture. En ce qui concerne la rémunération, M. O’Flynn a déclaré qu’il était rémunéré par chèque toutes les deux semaines et qu’il pouvait recevoir un paiement additionnel à l’exécution d’un contrat après avoir discuté de la question avec M. Kitsch et lui avoir expliqué le motif de sa requête. Les factures étaient soumises le vendredi, et un chèque était émis le vendredi suivant de la période applicable, de la même manière que lorsqu’il était employé. Sur les chantiers, l’entreprise Beaver faisait installer un panneau à un endroit visible et pendant la période où M. O’Flynn était un employé, le travail était accompli par une équipe de quatre hommes composée de M. O’Flynn, de son beau‑frère, Joe Aspinall, un couvreur qualifié, ainsi que de Michelle (Missy) et de Sam qui étaient relativement de nouveaux travailleurs dans ce métier. Après la mi‑mai 2000, Missy et Sam sont demeurés des employés de l’entreprise Beaver, parce que la direction avait décidé qu’ils relevaient de la catégorie des stagiaires ou des aides, tandis que M. O’Flynn et M. Aspinall ont décidé de devenir des sous‑traitants. Il pouvait arriver quelquefois qu’un évaluateur, engagé par l’entreprise Beaver, visite le chantier afin de s’assurer que les travaux exécutés correspondaient aux spécifications du bon de travail, mais aucune inspection de la qualité des travaux n’a jamais été effectuée. En ce qui concerne la saison 2000, M. O’Flynn a déclaré que l’entreprise Beaver lui avait décerné le prix de l’entrepreneur de l’année. En ce qui concerne les outils et l’équipement, l’entreprise Beaver fournissait, au besoin, un camion à benne ou une caisse et un chariot‑palan pour soulever les bardeaux sur le toit ainsi qu’un compresseur, des pistolets goujonneurs, une échelle et un échafaudage. Ses outils personnels comprenaient une scie à chaîne, des pilles, une cisaille de ferblantier, une échelle, une ceinture de sécurité et un camion qui valaient tous moins de 1 000 $. Plus tard, il a acheté un camion plus gros pour pouvoir transporter l’équipe de quatre travailleurs et se rendre au travail, mais ce véhicule n’était requis que pour se rendre au travail et y en revenir. Personnellement, il aurait tout aussi bien pu utiliser le chariot‑palan que fournissait l’entreprise Beaver pour se rendre au chantier. M. O’Flynn ne s’est pas souvenu d’avoir été obligé de retourner sur un chantier pour corriger un défaut, mais il s’est rappelé qu’un propriétaire, à Vernon, s’était plaint que certains dispositifs d’éclairage situés le long de l’entrée avaient été endommagés, que l’entreprise Beaver avait insisté pour qu’il assume la responsabilité des dommages et qu’il avait accepté, quoique avec réticence, même s’il croyait que les dispositifs d’éclairage avaient été endommagés par des employés de l’entreprise Beaver. Une fois sur le chantier, il était impossible d’accroître les revenus, et il était payé pour son travail même si le propriétaire de la résidence omettait de payer à l’entreprise Beaver les coûts d’installation.   

 

[13]    Lorsque le représentant de l’appelante l’a contre-interrogé, M. O’Flynn a déclaré que même après avoir quitté Vernon pour effectuer des travaux d’installation de couverture à Summerland, en Colombie‑Britannique, il était encore considéré comme un employé. Le 13 mai 2000 ou vers cette date, il a reçu un avis de sa mise à pied en tant qu’employé et le jour suivant, s’est rendu au travail pour fournir les mêmes services, seulement qu’il était dorénavant un sous‑traitant. M. O’Flynn a déclaré que les aides assignés à l’équipe, soit Missy et Sam, n’avaient pas beaucoup d’expérience et il a émis le commentaire selon lequel il faut acquérir au moins deux ou trois années d’expérience dans le métier pour devenir un couvreur qualifié. Après avoir changé son statut, M. Kitsch l’a informé qu’il devait obtenir un numéro d’inscription aux fins de la TPS pour pouvoir facturer les travaux accomplis à l’entreprise Beaver. Il a demandé des renseignements au bureau de l’ADRC, et étant donné qu’il facturerait plus de 30 000 $ par année à l’entreprise Beaver, il a décidé de s’enregistrer à titre de fournisseur. Par la suite, sa méthode d’obtenir le paiement d’un contrat est demeurée inchangée, à l’exception de l’ajout de la TPS calculée sur la somme due. Les heures de travail, outre les arrêts des travaux à cause de la pluie, de la neige ou du vent, étaient assez stables et étaient calculées selon un horaire de huit ou de neuf heures par jour, cinq jours par semaine. Il était quelquefois nécessaire de faire des heures supplémentaires afin de pouvoir respecter les délais d’exécution d’un certain contrat. Lorsqu’ils entreprenaient l’exécution des travaux pour un contrat en particulier, M. O’Flynn et son beau‑frère, M. Aspinall, se partageaient le revenu qu’ils généraient selon un pourcentage de 60 p. 100 à M. O’Flynn et de 40 p. 100 à M. Aspinall. En septembre 2000, il a facturé la somme totale de 5 860,50 $ à l’entreprise Beaver pour des services que lui‑même et M. Aspinall avaient fournis. Ensuite, lorsqu’il recevait le paiement de l’entreprise Beaver, il en versait 40 p. 100 à M. Aspinall. Sinon, pour chaque contrat, la facture dressait la liste des travaux effectués et indiquait la somme due avec l’écriture indiquant que des montants distincts seraient payables par l’entreprise Beaver à M. O’Flynn et à M. Aspinall, calculés selon la répartition du revenu à 60 p. 100 et à 40 p. 100. M. O’Flynn a déclaré qu’après le mois de mai 2000, il n’avait pas acheté d’outils supplémentaires et qu’il n’avait payé que la somme de 1 000 $ pour la camionnette d’une demi‑tonne utilisée aux fins de son transport et de celui de l’équipe aux chantiers. Lorsqu’il s’agissait de contrats spéciaux, l’entreprise Beaver fournissait les outils requis, mais 90 p. 100 du temps, les travaux étaient ordinaires et il pouvait, pour sa part, installer 20 toises par jour. M. O’Flynn a admis que son expérience et son efficacité lui ont permis d’accroître le revenu généré. L’entreprise Beaver obtenait les contrats et les vendeurs ou les évaluateurs se rendaient quelquefois sur le chantier, mais en bout de ligne, c’est le propriétaire qui approuvait la qualité de l’installation. Warren Orsted, gestionnaire de l’exploitation pour l’entreprise Beaver, prenait des mesures pour s’assurer que tous les couvreurs portaient une ceinture de sécurité conformément aux règlements de la CSPAAT. John Kitsch structurait les contrats et fournissait les directives nécessaires se rapportant à des questions précises relatives à un projet en particulier. L’entreprise Beaver remboursait à M. O’Flynn et aux autres membres de son équipe les frais d’hébergement et de repas lorsqu’ils devaient exécuter un contrat à l’extérieur de la ville, mais cela ne s’est produit qu’une seule fois après le mois de mai 2000, lorsqu’il était nécessaire de séjourner dans un motel pendant quatre ou cinq jours en vue de terminer les travaux qui étaient retardés en raison d’une mauvaise température. En ce qui concerne les travaux effectués pour Larry Rae à Calgary, en mars 2001, l’intervenant ne lui a pas soumis de facture, mais il a été payé sous forme d’un dépôt direct dans son compte bancaire. Il y avait du travail en janvier et février 2001, mais en quantité insuffisante pour assurer du travail à la réserve de couvreurs. M. O’Flynn a déclaré qu’en janvier 2001, il avait déposé une demande de prestations d’assurance‑emploi (a.‑e.) et qu’il avait fourni le relevé d’emploi (RE) qu’on lui avait délivré le 12 mai 2000 lorsqu’il avait été mis à pied en tant qu’employé. Il a également déclaré qu’au cours de la procédure de changement de son statut pour celui de sous‑traitant, il avait demandé des renseignements au sujet de la façon de fonctionner des couvreurs et que d’autres entreprises d’installation de couverture de la région mettaient en application, et qu’il avait découvert que la plupart d’entre eux  fonctionnait selon le principe que les travailleurs étaient des sous-traitants plutôt que des employés, ce qui semblait correspondre aux renseignements que lui avait transmis M. Kitsch, au nom de l’entreprise Beaver. Il a ajouté que cela l’avait aidé à prendre la décision d’abandonner son statut d’employé. M. O’Flynn a déclaré que, vers la fin de 2001, il était tombé malade, qu’il avait voulu demander des prestations d’a.‑e. et qu’il avait demandé à M. Kitsch de lui délivrer un RE. Cependant, l’entreprise Beaver a refusé de lui fournir ce document, mais des prestations d’a.‑e. pour cause d’invalidité médicale ont été perçues à compter de juillet 2001, probablement en raison des périodes précédentes d’emploi assurable. 

 

[14]    L’intimé n’a produit aucun témoin.

 

[15]    Le représentant de l’appelante a soutenu que les circonstances de la relation de travail entre l’entreprise Beaver et M. O’Flynn étaient directement pertinentes à celles analysées dans une décision récente qu’a rendue la Cour d’appel fédérale et, par conséquent, la présente Cour devrait tenir compte de tous les faits pertinents et parvenir à la même conclusion, notamment, celle selon laquelle le couvreur en l’espèce, soit M. O’Flynn, était un entrepreneur indépendant pendant la période en question.

 

[16]    L’avocate de l’intimé a soutenu que la relation de travail en l’espèce comportait de nombreuses différences, notamment le fait que M. O'Flynn n’a pas engagé ses propres aides. De plus, aucun changement important n’est survenu relativement aux procédures quotidiennes après le prétendu changement de l’ancien statut d’employé de l’entreprise Beaver reconnu comme tel à celui d’entrepreneur indépendant.

 

[17]    L’intervenant a souscrit aux prétentions de l’avocate. 

 

[18]    La Cour suprême du Canada, dans un arrêt récent intitulé 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz) s’est penchée sur une question de responsabilité du fait d’autrui et, dans l’analyse de diverses questions pertinentes, la Cour a également dû se pencher sur la question de savoir ce qui constitue un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été rendu par le juge Major, qui a étudié l’évolution de la jurisprudence en ce qui concerne l’importance qu’elle accorde à la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant relativement à la responsabilité du fait d’autrui. Après avoir cité les motifs du juge d’appel MacGuigan dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200) et le renvoi qu’il y fait au critère de l’organisation de lord Denning, ainsi que la synthèse du juge Cooke dans l’affaire Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major, aux paragraphes 45 à 48 inclusivement de ses motifs, affirme ce qui suit :

 

Enfin, un critère se rapportant à l’entreprise elle-même est apparu. Flannigan ([…] [« Entreprise control: The servant‑independant contractor distinction » (1987), 37 U.T.L.J. 25, p. 29)], p. 30, énonce le [traduction] « critère de l’entreprise » selon lequel l’employeur doit être tenu responsable du fait d’autrui pour les raisons suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du travailleur, (4) le coût véritable d’un bien ou d’un service devrait être assumé par l’entreprise qui l’offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait à la régulation du risque pris par l’employeur, et le contrôle est donc toujours l’élément crucial puisque c’est la capacité de contrôler l’entreprise qui permet à l’employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi formulé un « critère du risque de l’entreprise » dans l’opinion dissidente qu’il a exposée relativement au pourvoi incident dans l’arrêt London Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a responsabilité du fait d’autrui a pour fonction plus générale de transférer à l’entreprise elle-même les risques créés par l’activité à laquelle se livrent ses mandataires. »

 

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, […] [(1952] 1 The Times L.R. 101), qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme – en citant Atiyah, […] [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967] p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 – qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

                            

                            

[traduction] [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services [] La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

 

Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches. 

 

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[19]    J’analyserai maintenant les faits en fonction des critères énoncés par le juge Major dans l’arrêt Sagaz.

 

Degré de contrôle

 

[20]    La preuve a révélé que l’intervenant et son équipe n’étaient pas supervisés et que la seule visite sur le chantier d’un représentant de l’entreprise Beaver était celle du vendeur ou d’un évaluateur pour s’assurer que les travaux étaient exécutés conformément aux demandes du client. L’entreprise Beaver offrait du travail à un chantier en particulier, à un taux établi, et M. O’Flynn était libre d’accepter ou de refuser le contrat. Il était un couvreur qualifié, et son compagnon de travail également couvreur était aussi très versé dans le métier. Les deux autres membres de l’équipe qui étaient moins qualifiés étaient en fait des employés de l’entreprise Beaver, mais qui, de toute évidence, suivaient les directives que leur transmettait M. O’Flynn au cours de la journée. De son propre chef, il tenait à jour son horaire de travail régulier organisé en fonction d’une journée normal de travail de huit ou de neuf heures, cinq jours par semaine et y apportait les rajustements nécessaires s’il y avait des retards causés par les conditions climatiques. Il a déclaré que, s’il n’était pas sur un chantier à 7 h 30, le bureau de l’entreprise Beaver téléphonait chez lui pour demander où il était, mais cela résulte tant de son propre horaire régulier que du désir de l’entreprise Beaver d’exercer un contrôle sur son heure d’arrivée au travail.

 

Fourniture de l’équipement et embauche d’aides

 

[21]    La plupart du temps, soit jusqu’à 90 p. 100 du temps, les contrats étaient assez ordinaires et pouvaient être exécutés en utilisant des outils manuels personnels et d’autre équipement que possédait l’intervenant. Lorsqu’un équipement spécialisé était requis, tel qu’un chariot‑palan, un camion à benne, la mise en place d’un conteneur à débris ou des compresseurs spécialisés et des marteaux cloueurs, ces articles étaient fournis par l’entreprise Beaver sans qu’aucun coût ne soit imputé à M. O’Flynn. Tout véhicule qu’utilisait M. O’Flynn servait à son transport pour se rendre au travail et en revenir et ne faisait pas partie intégrante de la prestation de services en soi. Cependant, il a acheté un camion pouvant transporter quatre passagers afin qu’il puisse assurer son propre transport et celui du reste de l’équipe et se déplacer d’un chantier à l’autre, et ce, pour des raisons de commodité. L’autre couvreur qualifié, soit Joe Aspinall, a été engagé par M. O’Flynn, et les deux autres aides ont déjà travaillé avec lui comme employés de l’entreprise Beaver dans le cadre d’un programme pour apprentis qui avait été élaboré en vue de produire d’autres travailleurs dans l’industrie de la toiture. La valeur du travail qu’accomplissaient les aides sur un chantier en particulier était calculée puis déduite de la somme due à M. O’Flynn étant donné qu’ils seraient rémunérés par l’entreprise Beaver selon un taux horaire. Celle‑ci fournissait également à ces aides des outils et un équipement.

 

Étendue des risques financiers et responsabilité des mises de fonds et de la gestion

 

[22]    Le travail qu’accomplissait l’intervenant ne comportait de risque financier important. Il possédait ses propres outils et équipement et n’a rien ajouté à l’ensemble des actifs pendant la période pertinente. Son véhicule valait environ 1 000 $. Il percevait un paiement, peu importait si le propriétaire de la maison payait à l’entreprise Beaver les coûts liés à l’installation de la toiture. Il n’avait aucune responsabilité relativement à la rémunération des aides puisqu’ils étaient employés de l’entreprise Beaver. Toutefois, M. O’Flynn partageait son revenu avec son compagnon de travail aussi couvreur, M. Aspinall, selon un pourcentage de 60 p. 100 et de 40 p. 100. Pendant ces périodes où l’entreprise Beaver payait la totalité de la somme facturée directement à M. O’Flynn pour des contrats qu’ils avaient tous deux exécutés, ce dernier avait la responsabilité de verser à M. Aspinall sa part de 40 p. 100 des sommes perçues, conformément à leur entente de partage du revenu. La question concernant des dommages ayant été causés à la propriété d’un client n’a été soulevée qu’à une seule occasion, et il semble que l’intervenant ait accepté de respecter la décision de l’entreprise Beaver de lui exiger une indemnisation de 144,04 $, et ce, en vue de calmer le propriétaire qui s’était plaint. En aucun autre temps pendant la période pertinente, l’intervenant a dû retourner à un chantier pour refaire l’installation de qualité inférieure ou inadéquate d’une toiture. À une ou à deux reprises, lorsque le contrat exigeait de voyager à l’extérieur de la ville et de séjourner dans des hôtels ou des motels pendant la nuit, ces coûts étaient imputés à l’entreprise Beaver au titre d’un décaissement et un paiement était versé en conséquence. 

 

Possibilité de tirer un profit dans l’exécution des tâches

 

[23]    La relation de travail qui existait entre l’entreprise Beaver et l’intervenant est un peu inhabituelle. Il est admis qu’il a été un employé de l’entreprise Beaver du mois de septembre 1999 (lorsque l’entreprise Beaver a racheté l’entreprise Crown Roofing) jusqu’à la mi‑mai 2000. Un prétendu changement de statut pour celui de sous-traitant s’est effectué le 12 mai 2001 ou vers cette date et, bien que les témoignages soient conflictuels quant à savoir si M. O'Flynn a entamé des discussions au sujet de ce changement de stature ou, plus probablement, s’il a tout simplement répondu affirmativement à une proposition qu’a soumise la direction de l’entreprise Beaver, les parties à cette entente devaient dorénavant traiter entre elles en ce sens. La méthode et le taux de rémunération sont demeurés tels qu’ils étaient avant que l’entreprise Beaver ne mette M. O’Flynn à pied, ce qu’atteste d’ailleurs un relevé d’emploi, et qu’il ne retourne au travail un ou deux jours plus tard portant dorénavant, pour employer une image, son nouveau casque de sous‑traitant. Toutefois, il y avait une différence considérable puisque les quatre travailleurs de l’équipe précédente avaient tous été des employés de l’entreprise Beaver. Plus tard, M. O’Flynn et M. Aspinall ont décidé de travailler ensemble et de se partager les revenus selon des parts de 60 p. 100 et de 40 p. 100, tandis que les deux aides ont conservé leur statut d’employés de l’entreprise Beaver. De toute évidence, M. O’Flynn a pu tirer un profit du travail qu’accomplissait M. Aspinall, lequel était aussi rémunéré à la pièce. D’où le principe fondamental de la libre entreprise, notamment cette capacité de tirer un profit du travail qu’accomplissent les autres en fournissant en échange une personnalité comptable ou une infrastructure pour y parvenir. Le véhicule que M. O’Flynn utilisait pour transporter l’équipe jusqu’au travail lui appartenait. Il pouvait décider d’accepter un contrat ou négocier un paiement additionnel si le projet s’était avéré plus difficile que prévu. Il était l’administrateur de sa propre entreprise qui avait été inscrite aux fins de la TPS et il était responsable de facturer ses services à l’entreprise Beaver puis, le cas échéant, de verser, à M. Aspinall, sa part des revenus. À de nombreuses reprises, M. O’Flynn a calculé la part de 40 p. 100 de M. Aspinall directement sur la facture, et l’entreprise Beaver a émis un chèque à M. Aspinall correspondant à ce montant. M. O’Flynn était très qualifié et il était un couvreur compétent. Il pouvait accroître son propre revenu quotidien en fonctionnant de façon efficace et en exerçant un rôle de supervision sur le chantier afin de s’assurer que l’équipe exécutait les travaux selon les règles de l’art. Pendant le mois de septembre 2000, le montant des revenus qu’avaient générés M. O’Flynn et M. Aspinall s’élevait à 5 860,50 $. L’entreprise Beaver a versé cette somme à M. O’Flynn qui, à son tour, a versé à M. Aspinall sa part de 40 p. 100, ce qui totalise 2 344 $, et a prélevé sa part de 60 p. 100, soit 3 516 $. Au cours de ce même mois, l’entente de partage des revenus qu’avaient conclue M. O’Flynn et M. Aspinall lui a permis de réaliser un profit de 1 172 $ pour lequel il a certainement engagé certaines dépenses, sans compter le temps et les efforts consacrés à négocier avec l’entreprise Beaver, à effectuer ses opérations bancaires et à tenir à jour des livres aux fins d’impôt sur le revenu ainsi qu’à verser le montant de TPS adéquat, tel que cela était exigé. Pendant la période de ralentissement des activités, sois pendant les trois premiers mois de 2001, M. O’Flynn a décidé de se rendre à Calgary (c’était en mars) et de travailler à un projet. Il a généré un revenu de 1 100 $, et Larry Rae a déposé ladite somme dans le compte bancaire de M. O’Flynn. Il a également décidé de prendre un congé pour se rendre dans d’autres villes de la Colombie-Britannique pour aider des membres de sa famille à installer des toitures. 

 

[24]    Le représentant de l’appelante s’est appuyé sur une décision récente qu’a rendue la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Precision Gutters Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 771. Dans cette affaire, la Cour a soutenu que la propriété des outils que possédaient les installateurs de gouttières était un facteur important dont il fallait tenir compte, même si l’outil le plus dispendieux, soit une machine spécialisée de mise en forme de gouttière montée sur un camion, appartenait à l’entreprise payeuse. Dans l’affaire Precision, précitée, chaque installateur utilisait son propre jugement pour décider à quel moment travailler et pour accepter ou refuser un contrat en particulier. Comme c’est le cas dans les présents appels, les installateurs étaient libres de travailler pour d’autres installateurs et pouvaient quelquefois négocier avec l’entreprise en vue d’obtenir un taux de rémunération plus élevé. Les installateurs de gouttière pouvaient choisir de travailler seul ou d’employer d’autres travailleurs pour leur donner un coup de main. De plus, le juge d’appel Sexton, écrivant au nom de la Cour, a considéré que, si les installateurs travaillaient davantage, ils pouvaient générer un revenu supplémentaire. De même, le juge d’appel Sexton a tenu compte du fait qu’il n’y avait aucune garantie de travail d’un jour à l’autre, qu’aucun taux de rémunération minimum n’était applicable, qu’il n’y avait aucun avantage social et que les installateurs étaient responsables de corriger, à leur frais, tous les défauts liés à la qualité de l’exécution. Toujours dans l’affaire Precision, tout comme dans les présents appels, l’entreprise négociait les contrats avec les clients puis engageait des installateurs pour exécuter les travaux. En tirant la conclusion selon laquelle les installateurs de gouttière étaient des travailleurs indépendants – le juge d’appel Sexton a conclu que deux entreprises distinctes étaient exploitées, soit celle de la Precision Gutters et celle des installateurs. L’une de ces entreprises consistait en la fabrication de gouttières et l’autre en l’installation du matériel. Le juge d’appel Sexton n’a pas abordé l’infrastructure opérationnelle élaborée de la Precision Gutters puisqu’il avait été établi qu’il s’agissait d’une entreprise distincte dont l’étendue et le niveau des responsabilités et le lien financier avec l’utilisateur final se distinguaient de l’aspect commercial du processus d’installation, au sens strict, tel qu’il s’appliquait aux installateurs. Tout comme la situation dans l’affaire Precision, dans les présents appels, c’est l’entreprise Beaver qui sollicitait les clients, qui commandait les matériaux nécessaires qu’elle livrait ou qu’elle faisait livrer au chantier, qui fournissait l’équipement spécialisé, au besoin, et qui fournissait en permanence deux employés à titre d’aides à M. O’Flynn et à M. Aspinall. L’entreprise Beaver offrait un contrat en particulier à un certain taux qu’elle était disposée à verser, et M. O’Flynn ainsi que l’autre installateur pouvaient accepter ou refuser. Les couvreurs, au même titre que les installateurs de gouttière, percevaient un paiement, qu’un client de l’entreprise Beaver ait omis ou non de payer. De toute évidence, seule l’entreprise Beaver subissait une perte en cas de non‑paiement, si l’on peut conclure que deux entreprises distinctes étaient exploitées dans le cadre d’une relation de travail quelque peu particulière qui existait entre l’entreprise Beaver et M. O’Flynn.

 

[25]    Dans l’affaire Ministre du Revenu national c. Emily Standing, [1992] A.C.F. no 890, le juge d’appel Stone a déclaré ceci :

 

[...] Rien dans la jurisprudence ne permet d’avancer l’existence d’une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l’arrêt Wiebe Door [...]

 

[26]    La déclaration unilatérale d’un prétendu statut (pièce A‑1) portant la mention [traduction] « À qui de droit », contrairement à un contrat conclu entre les parties et qu’a signé un représentant de la direction de l’entreprise Beaver concernant des questions pertinentes portant sur la structure de la relation de travail, n’a aucune incidence importante sur l’analyse dans son ensemble. En ce qui concerne les parties, ce mécanisme abrégé a pu s’avérer suffisant, mais il ne peut lier le ministre. Cependant, on peut examiner la conduite des parties après la prétendue déclaration de statut afin de s’assurer qu’elle est raisonnablement conforme à l’intention des parties dans le cadre de leur entente. La preuve a révélé que M. O’Flynn travaillait sans supervision et a pris les démarches pour inscrire son entreprise à propriétaire unique à titre de fournisseur aux fins de la TPS. Après l’inscription, il facturait la TPS sur chaque facture soumise à l’entreprise Beaver. Il a accepté un prix de l’entrepreneur ou peut‑être du sous‑traitant de l’année 2000 qui l’entreprise Beaver lui avait décerné. Cet honneur doit être mis en contraste avec l’autre genre de reconnaissance que l’on peut recevoir à titre d’employé de l’année. M. O’Flynn a agi en tant qu’entrepreneur de différentes façons, notamment dans le cadre de sa relation avec M. Aspinall fondée sur le partage des revenus.

 

[27]    Tout cela nous amène à la question centrale dont est saisie la Cour. Ainsi, M. O'Flynn fournissait‑il ses services à l’entreprise Beaver en tant que personne exploitant une entreprise à son propre compte ou les fournissait-il en sa qualité d’employé? Dans l’affaire en l’espèce, il ne fait aucun doute qu’au début, il a été un employé de l’entreprise Beaver et, par la suite, les deux parties ont convenu que la nature de la relation de travail devait changer pour devenir une relation qui lie deux entités qui chacune se livre à une activité particulière dans le contexte d’une industrie globale. On doit se rappeler que l’entreprise Beaver avait également ses propres employés qui étaient installateurs, hormis les stagiaires qui faisaient partie de l’équipe de M. O’Flynn. En fait, au lieu d’offrir ces contrats à la réserve de couvreurs, l’entreprise Beaver assignait environ 40 p. 100 des contrats d’installation de toiture et de parement à ses employés. L’entreprise Beaver entreprenait aussi des projets de construction de nouvelles résidences, de rénovation, de construction de terrasse, de patio et de verrières et fournissait des services d’installation de parement. Tous les travaux, à l’exception de l’installation de toiture et de parement, étaient exécutés par des travailleurs ayant indéniablement le statut d’employés.  Ces activités commerciales de fourniture de matériaux et de prestation de services constituaient l’entreprise Beaver, tandis que l’entreprise de M. O’Flynn consistait à fournir des services d’installation de matériaux précis d’une manière satisfaisante et, ce faisant, à avoir le droit de percevoir un montant convenu dont il devait rendre compte à son partenaire, M. Aspinall, aux fins du partage des revenus à 40 p. 100 attribuable à l’ensemble des travaux effectués. En un sens, M. O’Flynn, M. Aspinall et l’entreprise Beaver étaient mandataires communs puisque l’entreprise Beaver a engagé des dépenses en vue de verser les salaires aux deux aides et de leur fournir des outils et un équipement. Conformément à cette entente de travail, M. O’Flynn et M. Aspinall ont alors été en mesure de se partager la rémunération attribuable à un contrat sans avoir à la partager avec d’autres travailleurs ou partenaires qui exigeraient probablement une rémunération plus élevée pour leurs services que celle que versait l’entreprise Beaver aux aides qui étaient simplement des stagiaires.

 

[28]    Très souvent, dans ce genre d’affaire, une variation des faits apparemment mineure peut mener à une conclusion différente. Si cela n’avait pas été de la décision qu’a rendue la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Precision, j’aurais eu tendance à être d’avis que de nombreux faits menaient à la conclusion selon laquelle M. O’Flynn était toujours un employé, en dépit de ce que lui-même et l’entreprise Beaver ont prétendu faire concernant son statut d’emploi. Cependant, la situation de fait, dans l’affaire Precision, comporte trop de similarités avec celle dans les présents appels et les différences, notamment le fait de ne pas avoir engagé ses propres aides ou le fait qu’il pouvait négocier ses propres tarifs aussi souvent que le faisaient les installateurs de gouttières, ne constituent pas un contrepoids suffisamment convaincant pour faire pencher la balance en faveur d’une conclusion selon laquelle M. O’Flynn doit être considéré comme un employé. On doit aussi tenir compte du fait que le désir qu’a manifesté M. O’Flynn de reprendre son ancien statut d’employé pour des services qu’il a fournis à l’entreprise Beaver pendant la période pertinente était motivé par son intention d’obtenir des prestations en raison d’une invalidité médicale. Comme il a pu le constater, on ne peut obtenir des prestations d’assurance-emploi que si l’on est un employé. La nécessité d’y renoncer, ce qui, a-t-on précédemment admis, a été fait, donne souvent lieu à un témoignage qui, bien qu’involontairement, est sélectif en ce sens qu’avec le recul et un peu de recherche,  il comporte une nouvelle perspective puis se transforme de manière à appuyer le seul statut d’emploi capable de produire le résultat souhaité. Dans les présents appels, le fardeau de la preuve dans son ensemble incombait à l’appelante. Ce fardeau a été acquitté parce que l’appelante a pu démontrer que la conclusion adéquate à tirer, selon l’ensemble de la relation de travail, était que l’intervenant fournissait ses services en tant que personne exploitant une entreprise à son compte.

 

[29]    Les appels sont admis et les décisions du ministre sont modifiées de manière à conclure que M. O’Flynn n’exerçait pas un emploi assurable ou ouvrant droit à pension auprès de l’appelante, l’entreprise Beaver Home Improvements Ltd., pendant la période pertinente pour le motif qu’il était un entrepreneur indépendant. 

 

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 30e jour de janvier 2003.

 

 

 

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 8e jour de mars 2004.

 

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

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