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Dossier : 2007-2199(IT)I

ENTRE :

ROSEMARY ASSINEWE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 12 janvier 2012, à Sudbury (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Ashleigh Akalehiywot

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Aucuns dépens ne sont accordés à l’intimée.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2012.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2012.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 24

Date : 20120118

Dossier : 2007-2199(IT)I

ENTRE :

ROSEMARY ASSINEWE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]              En l’espèce, la question est de savoir si le revenu d’emploi reçu par l’appelante en 2001 de Native Leasing Services (NLS) est exempté d’impôt fédéral sur le revenu parce qu’il constituait un bien meuble situé sur une réserve, au sens de l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les indiens[1].

[2]              L’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les indiens est ainsi rédigé :

 

87(1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation :

            […]

            b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

[3]              L’exemption prévue par la Loi sur les Indiens est incorporée à la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») par l’alinéa 81(1)a) de celle-ci. La partie pertinente de cette disposition est libellée ainsi :

 

81(1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

a) une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, […]

 

Faits

[4]              L’avis d’appel et la réponse à l’avis d’appel donnent tous deux la description générale suivante de NLS.

[5]              NLS est une agence de placement dont le siège social est situé dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand (la réserve des Six Nations). Ses activités consistent à louer les services de ses employés à des organismes autochtones situés hors réserve.

[6]              NLS est une entreprise individuelle qui est détenue et exploitée par Roger Obonsawin, un Indien inscrit.

[7]              L’appelante est membre de la Première Nation Sagamok Anishnawbek.

[8]              Le but, l’appelante a été engagée comme aide-comptable par le Native Canadian Centre de Toronto (le NCC).

[9]              Le but du NCC était d’aider les Autochtones vivant à Toronto. Selon son acte constitutif, le NCC avait les objectifs suivants :

 

[traduction]

 

1.      Élaborer et offrir des programmes culturels visant à promouvoir et à rétablir chez les Autochtones vivant à Toronto, surtout les jeunes Autochtones, une conscience aiguë de leur identité et de leur valeur.

 

2.      Fournir aux Autochtones un endroit où ils peuvent se rencontrer et s’aider mutuellement à préserver la culture et l’identité autochtones à Toronto.

 

3.      Fournir des programmes éducatifs permettant aux Autochtones d’en apprendre plus sur les modes de vie traditionnels de leurs ancêtres et d’honorer leurs ancêtres et leurs aînés.

 

4.      Fournir des programmes éducatifs visant à aider les Autochtones à s’adapter au milieu urbain et à s’y débrouiller.

 

5.      Favoriser l’émergence de dirigeants forts et dynamiques au sein de la communauté autochtone, et attirer et conserver du personnel très dévoué et motivé qui formera les autres membres de l’organisation afin que le Centre puisse pourvoir ses postes vacants avec des Autochtones compétents et capables de répondre aux exigences de leur poste.

 

6.      Créer un lieu où les Autochtones et les non-Autochtones peuvent se rencontrer et, ce faisant, en apprendre davantage sur leur patrimoine et leur culture respectifs.

 

7.      Prendre en charge les programmes et les projets visant à combattre les sentiments d’aliénation et d’isolement par rapport à la communauté, et à donner aux Autochtones des occasions de participer à des activités sociales et récréatives valables.

 

8.      Aider les personnes d’ascendance autochtone qui viennent vivre dans le milieu urbain de Toronto à devenir de bons membres autosuffisants de la collectivité en leur offrant des services de consultation, des renseignements, des conseils et en les aidant par tout moyen approprié, notamment en les aidant à trouver un emploi et un logement convenable et en leur fournissant un endroit convenable et des moyens convenables afin qu’ils puissent se réunir, se divertir et consacrer leur temps et leurs énergies à des activités créatives.

 

9.      Fournir à la communauté autochtone de Toronto des installations et l’accès à des services dans tous les aspects importants de l’aide juridique et des services de santé.

 

10.  Établir un système efficace de communication, de relations publiques et de diffusion de renseignements aux Autochtones et au grand public de Toronto.

 

11.  Voir à obtenir un financement suffisant pour la mise en œuvre des programmes et des projets dont le Centre est responsable.

[10]         L’appelante relevait du comptable du NCC et ses tâches incluaient l’administration générale du bureau, le bingo, la paye et la tenue des comptes créditeurs et comptes débiteurs. Lorsque cela était nécessaire, elle aidait aussi à la réalisation des divers programmes offerts par le NCC aux Autochtones vivant à Toronto.

[11]         Le 5 juillet 1999, l’appelante a signé un contrat de travail avec NLS. Elle a continué à accomplir les tâches d’aide-comptable pour le NCC, mais elle était désormais employée de NLS. Elle était rémunérée par virement automatique dans son compte bancaire à une succursale du centre-ville de Toronto.

[12]         Tout au long de la période pertinente, l’appelante résidait dans le centre-ville de Toronto. Elle maintenait des liens culturels et familiaux avec la réserve de Sagamok Anishnawbek.

 

Le critère des facteurs de rattachement

[13]         Le critère des facteurs de rattachement énoncé dans l’arrêt Williams c. Canada[2] a été utilisé par les tribunaux pour décider si le revenu d’emploi reçu par un Indien était situé dans une réserve[3].

[14]         Dans l’arrêt Bastien (Succession) c. Canada[4], le juge Cromwell a confirmé que, dans les cas comme celui-ci, lorsqu’il faut déterminer si le bien meuble d’un Indien est situé dans une réserve et lorsque ce bien meuble est un bien immatériel, il faut effectuer une analyse en deux étapes. Il a dit :

 

D’abord, on relève les facteurs potentiellement pertinents qui tendent à rattacher le bien à un emplacement, puis on détermine le poids qui doit leur être accordé pour établir l’emplacement du bien, en tenant compte de trois éléments : l’objet de l’exemption fiscale, le genre de bien et la nature de l’imposition du bien[5].

[15]         Comme l’a expliqué le juge La Forest dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis[6], l’exemption d’impôt vise à empêcher « qu’un palier de gouvernement, par l’imposition de taxes, puisse porter atteinte à l’intégrité des bénéfices accordés par le palier de gouvernement responsable du contrôle des affaires indiennes ». Toujours au sujet de l’objectif de l’exemption, le juge Laforest a ajouté ceci :

 

Le fait que la loi contemporaine, comme sa contrepartie historique, prenne tant de soin pour souligner que les exemptions de taxe et de saisie ne s’appliquent que dans le cas des biens personnels situés sur des réserves démontre que l’objet de la Loi n’est pas de remédier à la situation économiquement défavorable des Indiens en leur assurant le pouvoir d’acquérir, de posséder et d’aliéner des biens sur le marché à des conditions différentes de celles applicables à leurs concitoyens[7].

[16]         En l’espèce, le bien meuble en cause est immatériel. Il s’agit du revenu d’emploi reçu par l’appelante de NLS.

[17]         Parmi les facteurs qui ont été mentionnés comme potentiellement pertinents lorsqu’il s’agit de déterminer si le revenu d’emploi d’un Indien est situé sur une réserve, il y a notamment : l’emplacement de l’employeur ou son lieu de résidence; la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail est accompli par l’employé, et notamment la nature de tout avantage qu’en tire la réserve; le lieu de résidence de l’employé[8].

[18]         En l’espèce tous les facteurs de rattachement indiquent que le revenu d’emploi de l’appelante est situé hors réserve.

[19]         L’employeur, NLS, est situé sur une réserve. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été présenté à l’audience au sujet de M. Obonsawin, de l’entreprise de NLS ou des activités de cette dernière. Tout comme dans l’affaire Shilling, aucun des éléments de preuve présentés ne permet de conclure que la réserve des Six Nations, ou quelque réserve que ce soit, a tiré un avantage du travail de l’appelante.

[20]         L’appelante travaillait et vivait à Toronto.

[21]         La nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles le travail était accompli sont tous des facteurs importants et, en l’espèce, ils révèlent que le revenu d’emploi de l’appelante était situé hors réserve.

[22]         L’appelante a affirmé qu’en aidant dans la réalisation des programmes du NCC elle se rendait parfois sur des réserves. Cependant, elle a été incapable de se souvenir si, parmi ces visites, il y en avait qui avaient eu lieu en 2001.

[23]         J’ai conclu du témoignage de M. Ramirez que, si l’appelante effectuait certaines de ses tâches sur une réserve, cela était rare et inhabituel.

[24]         Tous les éléments de preuve présentés à l’audience indiquent que, en 2001, le revenu d’emploi de l’appelante était situé hors réserve.

[25]         L’appel est rejeté.

[26]         Compte tenu de toutes les circonstances, aucuns dépens ne sont accordés à l’intimée.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2012.

 

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de février 2012.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur



RÉFÉRENCE :

2012 CCI 24

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2007-2199(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Rosemary Assinewe c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Sudbury (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 janvier 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 janvier 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Ashleigh Akalehiywot

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l’intimée :

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 

 

 



[1] L.R.C. 1985, ch. I-5.

2 [1992] 1 R.C.S. 877.

3 Shilling c. M.R.N., 2001 CAF 178.

4 2011 CSC 38.

5 Ibid., au paragraphe 2.

6 [1990] 2 R.C.S. 85.

7 Ibid., à la page 131.

8 Shilling c. M.R.N., précité à la note 3, paragraphe 31.

 

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