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Dossier : 2010-3866(IT)I

ENTRE :

GÉRARD E. A. GROS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 15 novembre 2011, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Ilinca Ghibu

 

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JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté, selon les motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16 e jour de janvier 2012.

 

 

 

«Robert J. Hogan»

Juge Hogan

 

 


 

 

 

Référence : 2012 CCI 14

Date : 20120116

Dossier : 2010-3866(IT)I

ENTRE :

GÉRARD E. A. GROS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

[1]              Gérard E. A. Gros (l’« appelant ») a interjeté appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie le 4 mai 2009 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement à l’année d’imposition 2008.

 

[2]              La question en litige consiste à déterminer si, pour l’année d’imposition 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») était fondé à considérer la somme de 8 616,29 $ que l’appelant a reçue de  Fording Canadian Coal Trust (la « fiducie Fording ») comme un revenu de fiducie plutôt qu’un gain en capital imposable.

 

[3]              En établissant la cotisation en litige, le ministre s’est fondé sur les faits suivants :

 

a)                  l’appelant détenait des actions de la compagnie Canadien Pacific;

b)                  suite à une réorganisation, des unités de Fording Canadian Coal Trust furent reçus en échange;

c)                  Fording Canadian Coal Trust est une fiducie de fonds mutuel;

d)                  cette fiducie, créée le 26-03-2003, a été liquidée le 30-10-2008;

e)                  elle a attribué ses revenus aux bénéficiaires de la fiducie pour l’exercice terminé le 31-12-2008;

f)                    l’appelant détenait 87 unités de Fording Canadian Coal Trust;

g)                  un feuillet de renseignement T‑5 a été émis par la firme de courtage Scotia Capital inc. indiquant un montant de redevances de source canadienne de 8 616,29 $.

 

[4]              Il ressort des documents déposés en preuve que Teck Cominco Limited (« Teck Cominco ») a fait l’acquisition, de tous les actifs de la fiducie Fording en contrepartie d’actions de Teck Cominco et d’espèces.

 

[5]              Selon la déclaration de revenus de la fiducie Fording pour l’année d’imposition 2008, son revenu provenait presque entièrement d’un gain tiré de la disposition de biens miniers. Ce gain est entièrement imposable. La fiducie Fording n’a réalisé aucun gain en capital imposable selon la déclaration de revenus modifiée qu’elle a produite et que le ministre a acceptée.

 

[6]              La preuve révèle qu’après avoir reçu de Teck Cominco la contrepartie de l’acquisition, la fiducie Fording a distribué ce montant à ses porteurs de parts à titre de revenu imposable. Par la suite, la fiducie Fording a racheté et annulé toutes les parts de la fiducie pour une somme symbolique.

 

[7]              L’appelant a reçu de la fiducie Fording un feuillet T5 qui indique que le montant de 8 616,29 $ versé par la fiducie est composé d’un certain nombre d’actions et d’espèces reçues de Teck Cominco, et que l’appelant doit inclure ce montant dans son revenu.

 

[8]              En agissant ainsi, la fiducie Fording voulait s’assurer que tous les revenus provenant de la disposition des biens miniers de Teck Cominco soient imposables entre les mains des porteurs de parts et non entre les mains de la fiducie.

 

[9]              Le traitement fiscal des porteurs de parts découle du fait que Teck Cominco a acheté les actifs de la fiducie Fording plutôt que toutes les parts en circulation. Évidemment, si Teck Cominco avait acquis les parts, le coût fiscal des actifs de Fording serait resté le même. En achetant les actifs, Teck Cominco a acquis les biens miniers à leur juste valeur marchande.

 

[10]         Il ressort de la preuve qu’un grand nombre de porteurs de parts de la fiducie Fording n’étaient pas imposables, de sorte que la distribution du revenu de la fiducie Fording n’avait aucune conséquence pécuniaire pour eux. Évidemment, il en est autrement pour les porteurs de parts imposables, pour qui les revenus distribués par la fiducie Fording sont imposables à 100%, mais qui ne peuvent déduire le prix d’achat des parts, de sorte qu’indirectement le prix d’achat devient imposable.

 

[11]         Le but de la mise en garde dans la circulaire d’information de la direction de la fiducie Fording était d’inciter les porteurs imposables à vendre leurs parts à des acheteurs non imposables pour réaliser un gain en capital à la suite de cette transaction. L’appelant semble ne pas avoir profité de cette mise en garde et souligne que le traitement fiscal proposé par le ministre est peu favorable.

 

[12]         L’appelant affirme que la transaction n’a pas donné lieu au traitement fiscal proposé par le ministre lors de sa cotisation. Selon le contribuable, indépendamment des affirmations de la fiducie Fording et de Teck Cominco dans la circulaire d’information et dans l’entente, en bref, l’appelant a disposé des parts de la fiducie Fording en contrepartie des actions de Teck Cominco et d’un paiement en espèces lors d’une transaction à titre de capital. À ce sujet, l’appelant affirme ce qui suit dans son opposition à la cotisation :

 

En fait le contribuable avait originalement fait l’acquisition d’actions de la compagnie Canadien Pacific avec l’intention de recevoir des revenus sous forme de dividendes et de gains en capital. Les titres Fording furent reçus lors d’une autre réorganisation. Fording peut vouloir présenter la transaction sous un angle qui permet une certaine interprétation de la loi de l’impôt sur le revenu, ceci ne change en rien la véritable nature de la transaction pour le contribuable, à savoir une disposition. Il est important, par delà les détails techniques associés aux activités de Fording, de se référer à l’esprit de la loi et aux intentions des législateurs et des codificateurs de la loi, en ce qui concerne les contribuables.

 

En conséquence l’objet de ce présent appel est d’inviter Revenu Canada à analyser l’impact des décisions et interprétations de Fording sur les contribuables engagés de bonne foi dans l’achat et la vente de valeurs mobilières détenues à long terme et d’autoriser un traitement fiscal différent pour le montant de $8616.29 figurant dans les revenus du contribuable pour l’année fiscale 2008.

 

[13]         L’appelant soutient que la véritable nature de la transaction est une disposition de valeurs mobilières de la fiducie Fording. Il ajoute que, pour cette raison, les différentes étapes qu’ont suivies Teck Cominco et la fiducie Fording ne sont que des détails dont la Cour ne devrait pas tenir compte lors de la qualification des 8 616,29 $ que l’appelant a reçus. Cependant, l’approche que préconise l’appelant n’est pas conforme à la jurisprudence. En effet, en matière fiscale, il importe de tenir compte de la forme légale que prend une transaction[1]. Dans le cas présent, en s’assurant que la transaction suive un ordre précis, Teck Cominco et la fiducie Fording cherchaient avant tout à obtenir un résultat fiscal précis. En d’autres mots, les conséquences fiscales varient selon la forme que prend une transaction. C’est pourquoi la jurisprudence a établi que lorsqu’une transaction n’est ni un trompe‑l’œil ni contraire à une disposition légale, sa nature juridique ainsi que les rapports et les effets juridiques qu’elle crée doivent être respectés[2]. En l’occurrence, la transaction n’est pas un trompe‑l’œil et ne contrevient à aucune disposition légale. Par conséquent, il ne revient pas à la Cour de la qualifier à nouveau. La Cour doit plutôt respecter et donner effet à la transaction telle qu’elle est.

 

[14]         La preuve que l’appelant a présentée indique que l’entente qui a reçu l’approbation des parties à la transaction a eu lieu dans l’ordre et de la manière décrits au paragraphe 3 des présentes. Je note également que la circulaire d’information signale que le traitement fiscal sera peu favorable pour les porteurs de parts imposables :

 

[…] tout le montant versé au porteur de parts en vertu de l’entente, ou presque, notamment le dernier versement de rachat, constituera un revenu ordinaire pour celui-ci. […] Le porteur de parts résidant au Canada qui subit une perte en capital lors de l’annulation des parts en vertu de l’entente ne pourra pas déduire cette perte de son revenu ordinaire, notamment le revenu ordinaire versé ou à verser au porteur en vertu de l’entente.

 

[15]         La fiducie Fording a même signalé qu’il serait plus avantageux pour les porteurs de parts imposables de disposer de leurs parts avant la date de la conclusion de la transaction afin d’assurer un traitement plus favorable du gain en capital imposable.

 

[16]         L’appelant n’a pas tenu compte de ces renseignements et a décidé d’acquérir de nouvelles actions de Teck Cominco à partir d’une distribution entièrement imposable par la fiducie Fording.


 

[17]         Pour tous ces motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 2012.

 

 

«Robert J. Hogan»

Juge Hogan

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 14

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2010-3866(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GÉRARD E. A. GROS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 janvier 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Ilinca Ghibu

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Friedberg [1993] 4 R.C.S. 285.

[2] Tsiaprailis c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 113 et Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622.

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