Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2015‑3545(GST)G

ENTRE :

JAYCO, INC.,

appelante,

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 16, 17, 18 et 19 mai 2017,
à Vancouver (Colombie‑Britannique).

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Jonathan Ip

Me David Douglas Robertson

Avocate de l’intimée :

Me Donna Tomljanovic

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des cotisations datées du 26 mars 2012 et établies au titre de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes allant du 1er avril au 31 décembre 2007, du 1er janvier au 31 décembre 2008 et du 1er janvier au 31 décembre 2009 est accueilli et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

  L’appelante n’était pas tenue de facturer et de percevoir la TPS/TVH en ce qui concerne ses fournitures de véhicules récréatifs aux concessionnaires canadiens pendant les périodes visées par l’appel;

  Tous les autres éléments des cotisations demeurent inchangés;

  Les dépens sont accordés à l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 2018.

« Johanne D’Auray »

La juge D’Auray

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2018 CCI 34

Date : 20180216

Dossier : 2015‑3545(GST)G

ENTRE :

JAYCO, INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge D’Auray

I. INTRODUCTION

[1]  L’appelante Jayco, Inc. (« Jayco ») interjette appel des avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national (le « ministre ») à son égard pour la TPS/TVH due en vertu de la Loi sur la taxe d’accise [1] (la « LTA ») sur la vente de véhicules récréatifs (« VR ») et de pièces envoyés des États‑Unis à des concessionnaires canadiens du 1er avril 2007 au 31 décembre 2009.

[2]  Jayco s’est vu imposer une cotisation de 14 178 034,81 $ composée de la TPS/TVH non perçue sur les ventes de VR et sur le service de transport de marchandises ainsi que de la composante provinciale de la TVH non perçue sur les pièces. Une somme supplémentaire de 589 149,38 $ en intérêts lui a été imposée. Jayco a par la suite versé une somme de 50 000 $, plus les intérêts sur ce montant, relativement à certains redressements détaillés qui figuraient dans la cotisation et qu’elle ne contestait plus. Par conséquent, le montant total visé par le présent appel est de 14 717 184,19 $.

[3]  Jayco allègue que les VR et les pièces ont été « livré[s] à l’acquéreur à l’étranger ou [...] mis à sa disposition à l’étranger » aux termes de l’alinéa 142(2)a) de la LTA. Par conséquent, elle n’avait pas à percevoir ni à verser la TPS/TVH sur les VR. De plus, comme les pièces n’étaient pas des fournitures taxables, ayant également été livrées à l’étranger, Jayco n’avait pas à percevoir la composante provinciale de la TVH à leur égard.

[4]  L’intimée allègue que les VR et les pièces ont été « livré[s] à l’acquéreur au Canada ou y [ont été] mis à sa disposition » aux termes de l’alinéa 142(1)a) de la LTA. Par conséquent, Jayco aurait dû percevoir et verser la TPS/TVH sur les VR et les pièces.

[5]  Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que les VR ont été livrés ou mis à la disposition de l’acquéreur à l’étranger, soit à l’établissement de Jayco aux États‑Unis. Ils ne sont donc pas des fournitures taxables.

[6]  En ce qui concerne les pièces, j’ai décidé qu’elles ont été livrées ou mises à la disposition de l’acquéreur au Canada. Elles sont donc des fournitures taxables.

II. LES FAITS

A. Les VR

[7]  Jayco a appelé trois témoins :

  • M. John Wolf, vice‑président à la direction et dirigeant principal des finances de Jayco. M. Wolf travaille au siège social de Jayco à Middlebury, en Indiana;

  • M. Dale Wesley Howe, l’unique actionnaire et président de Traveland Leisure Vehicles Inc. (« Traveland Vehicles »), concessionnaire de VR de Langley, en Colombie‑Britannique, et concessionnaire autorisé de Jayco depuis 1995;

  • Me Paul D. Borghesani, avocat et membre du barreau de l’Indiana. Me Borghesani a témoigné en tant qu’expert du droit applicable à la vente d’objets en Indiana.

[8]  L’intimée a appelé un témoin : Mme Janice Cohoe. Mme Cohoe est vérificatrice de dossiers importants à l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). C’est elle qui était responsable de la vérification de Jayco. Elle est comptable professionnelle agréée.

[9]  Jayco est constituée en personne morale en vertu des lois de l’État de l’Indiana. Son siège social et son principal lieu d’affaires se trouvent à Middlebury, en Indiana. Elle a une autre installation de fabrication en Idaho, aux États‑Unis.

[10]  L’entreprise de Jayco consiste à fabriquer et à vendre divers modèles de VR et des pièces à des concessionnaires partout aux États‑Unis et au Canada.

[11]  Pendant les périodes visées par l’appel, la plupart des ventes de Jayco ont été faites à des concessionnaires des États‑Unis.

[12]  Pendant les périodes visées par l’appel, Jayco était inscrite aux fins de la TPS/TVH.

[13]  Pour qu’un concessionnaire devienne un concessionnaire autorisé, Jayco lui demandait de remplir un [TRADUCTION] « Formulaire de demande pour devenir concessionnaire [2]  », que Jayco devait approuver.

[14]  Après son approbation, le concessionnaire devait signer avec Jayco une entente intitulée [TRADUCTION] « Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire [3]  ».

[15]  Après la signature par Jayco et le concessionnaire de l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire, ce dernier devenait un concessionnaire autorisé de Jayco. Le concessionnaire pouvait alors vendre des VR et des pièces fabriqués par Jayco à ses clients.

[16]  L’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire était régie par les lois de l’Indiana.

[17]  Les concessionnaires autorisés commandaient des VR de Jayco en utilisant sa [TRADUCTION] « Feuille de prix et formulaire de commande » (le « Formulaire de commande [4]  »).

[18]  Le Formulaire de commande permettait au concessionnaire de choisir entre deux options pour l’expédition du VR, à savoir l’option de la [TRADUCTION] « cueillette par le concessionnaire » (« CC ») ou l’option [TRADUCTION] « autre moyen de transport » (« AMT »).

[19]  Selon la méthode d’expédition de la CC, le concessionnaire devait cueillir le VR à l’un des établissements de Jayco aux États‑Unis ou prendre des dispositions pour faire livrer le VR par un transporteur public.

[20]  Selon la méthode d’expédition par AMT, Jayco prenait des dispositions pour qu’un transporteur public transporte le VR depuis les États‑Unis chez le concessionnaire, que ce soit aux États‑Unis ou au Canada.

[21]  Sur le Formulaire de commande, le prix de vente du VR était indiqué en dollars américains et il ne comprenait pas les frais de transport de marchandises.

[22]  Lorsqu’une commande était acceptée par Jayco, cette dernière envoyait un [TRADUCTION] « Formulaire d’accusé de réception de commande » au concessionnaire [5] . Si le concessionnaire avait indiqué une méthode d’expédition sur le Formulaire de commande, elle était mentionnée dans le Formulaire d’accusé de réception de commande. Le Formulaire d’accusé de réception de commande contenait les mêmes renseignements, peu importe si l’option de la CC ou l’option AMT avait été choisie.

[23]  Les concessionnaires payaient les VR au moyen d’un financement obtenu auprès de sociétés de financement sur stocks. Pour faciliter le financement pour les concessionnaires, Jayco concluait des ententes, appelées ententes de financement du fabricant (« EFF ») [6] , avec des sociétés de financement sur stocks, y compris Transamerica Financing Corporation et GE Commercial Distribution Finance Corporation.

[24]  Avant d’apporter la touche finale à la fabrication d’un VR, Jayco envoyait un avis à la société de financement sur stocks du concessionnaire pour obtenir l’approbation et la confirmation qu’elle lui paierait le VR au nom du concessionnaire [7] .

[25]  Si la société de financement sur stocks approuvait la demande de Jayco, elle lui envoyait un numéro d’approbation qui confirmait qu’elle avancerait les fonds en vue du paiement du VR à la réception d’une facture de Jayco. Le numéro d’approbation de la société de financement devait figurer sur la facture [8] .

[26]  Jayco Enterprise Transportation Inc. (« JET ») était une société de transport de marchandises et une filiale à cent pour cent de Jayco. M. Wolf a indiqué dans son témoignage qu’une fois le VR fabriqué, si l’option AMT avait été choisie, le VR était transféré au lot AMT de JET en vue d’être expédié. Par contre, si la méthode d’expédition de la CC était choisie par le concessionnaire, après sa fabrication, le VR était transféré au lot de la CC. JET louait le lot AMT de Jayco.

[27]  Selon M. Wolf, seuls les employés de JET avaient accès aux lots de la CC et de l’AMT.

[28]  Le rôle principal de JET consistait à agir comme le transporteur public principal pour l’expédition aux concessionnaires des États‑Unis et du Canada des produits libérés par Jayco. M. Wolf a déclaré que, parfois, JET embauchait d’autres transporteurs publics pour transporter les produits de Jayco. JET offrait également des services de transport de marchandises à des tiers.

[29]  Par conséquent, lorsqu’une société de financement sur stocks du concessionnaire confirmait qu’elle paierait pour un VR, que la fabrication du VR était terminée et que le VR était prêt à être expédié, peu importe l’option d’expédition choisie par le concessionnaire (CC ou AMT), Jayco prenait les mesures suivantes :

a)   elle préparait et envoyait une facture à la société de financement sur stocks du concessionnaire [9] ;

b)   elle déplaçait le RV directement de sa chaîne de production ou de son lot d’inventaire de produits finis vers le lot CC ou le lot AMT, sous la supervision de JET, aux fins de l’expédition;

c)   elle avisait le concessionnaire que le VR était prêt à être expédié en transmettant par voie électronique un [TRADUCTION] « Avis au concessionnaire – VR prêt(s) à être expédié(s) [10]  ». Sur ce formulaire, Jayco écrivait ce qui suit : [TRADUCTION] « les unités susmentionnées sont maintenant prêtes. Elles ont été libérées en vue de l’expédition ».

[30]  Pour ce qui est des factures préparées et envoyées à la société de financement sur stocks du concessionnaire :

a)   peu importe si l’option de la CC ou l’option AMT était choisie par un concessionnaire canadien, les factures portaient la mention [TRADUCTION] « FACTURÉ À » la société de financement sur stocks du concessionnaire et, à la rubrique [TRADUCTION] « EXPÉDIÉ À », l’adresse de destination était celle du concessionnaire au Canada;

b)   si le concessionnaire choisissait la méthode d’expédition de la CC, la facture envoyée par Jayco pour le VR indiquait le prix de vente du VR en dollars américains;

c)  si le concessionnaire choisissait la méthode d’expédition AMT, la facture envoyée par Jayco pour le VR indiquait le prix de vente du VR en dollars américains et les coûts du service de transport de marchandises étaient aussi en dollars américains. Ces derniers coûts étaient indiqués séparément du prix du VR.

[31]  M. Wolf a décrit les frais de transport à plusieurs occasions comme des frais de [TRADUCTION] « transfert » qui, selon lui, visaient purement à compenser les dépenses pour Jayco. Il a qualifié ainsi l’approche adoptée par Jayco [11]  :

[TRADUCTION] 

La position de notre société a toujours été que nos activités principales consistaient en la fabrication et la vente de véhicules récréatifs et de pièces. Notre but n’était pas de faire des profits sur le transport de marchandises. Nous le faisions simplement par souci de commodité pour nos concessionnaires. C’était plus simple pour nous du point administratif de faire un simple transfert.

[32]  M. Wolf a indiqué dans son témoignage que c’est Jayco qui établissait le coût du service de transport de marchandises, puisqu’au moment où la facture était envoyée, elle ne connaissait pas exactement le prix que JET lui facturerait. Il a déclaré que les frais de transport de marchandises étaient composés de trois éléments : des frais d’expédition de base (les [TRADUCTION] « frais de destination »), un supplément carburant et un supplément canadien.

[33]  M. Wolf a expliqué que les frais de destination de base étaient fondés sur le kilométrage et qu’un taux fixe s’appliquait donc à chaque zone. Le supplément carburant était fondé sur le prix moyen du carburant diesel national indiqué sur le site Web eia.gov toutes les semaines. Le supplément canadien était un taux par mille négocié par JET et les conducteurs. De plus, certaines dépenses des conducteurs leur étaient remboursées.

[34]  M. Wolf a déclaré que Jayco tentait de récupérer auprès des concessionnaires tous les frais relatifs au transport des marchandises qu’elle versait à JET. Cela étant dit, ce n’était pas toujours possible sur les ventes individuelles. Par conséquent, Jayco pouvait seulement tenter d’établir un système de transfert à l’échelle de la société. M. Wolf a déclaré que Jayco ne réalisait pas de bénéfice provenant de l’exploitation du service de transport de marchandises. Il a indiqué que la raison pour laquelle les frais du service de transport de marchandises figuraient sur la facture de Jayco et non sur celle de JET était pour permettre aux concessionnaires de financer ces coûts par l’entremise de leur société de financement sur stocks. Les frais de transport étaient élevés et c’était une façon d’aider les concessionnaires.

[35]  M. Wolf a aussi déclaré que les concessionnaires avaient le loisir de donner d’autres instructions à Jayco pour ce qui est des dispositions relatives au transport. Il a décrit ainsi la gamme de ces instructions [12]  :

[TRADUCTION] 

Il y avait parfois des situations, qui n’étaient pas liées à ce type de produit, mais à certaines des petites caravanes que nous produisons, si un concessionnaire commandait par exemple notre série de caravanes de camping pliantes, il est possible que nous puissions livrer jusqu’à six de ces unités sur un seul camion‑remorque à étages, un peu comme pour la livraison des automobiles. Ainsi, si un concessionnaire fait une commande, de toute évidence il réduit le coût d’expédition par unité si nous sommes en mesure de consolider les charges de cette façon. Nous produisons également d’autres petites remorques de voyage, de 12 à 14 pieds de long. Nous pouvons également les envoyer à nos concessionnaires de deux autres façons. Une méthode est celle que nous appelons une « remorque surbaissée » où une longue remorque plateau qui, selon la longueur de la remorque que le concessionnaire a commandée, nous permet d’en envoyer deux ou trois, pour que le concessionnaire puisse demander que plusieurs commandes soient envoyées de cette façon. Il peut également suggérer, s’il a besoin dans l’immédiat d’une remorque qui aurait pu être livrée avec une ou deux autres unités sur une remorque surbaissée, qu’elle soit envoyée grâce à ce que nous appelons une remorque à prise unique ou une camionnette. Ainsi, et pour ce qui est de la troisième et dernière option, certains transporteurs ont un camion avec un plateau surbaissé plus court muni d’une attache à l’arrière. Essentiellement, un concessionnaire pourrait demander dans ce cas que deux unités soient livrées en même temps. L’une est sur un plateau surbaissé et l’autre est remorquée.

[36]  M. Wolf a aussi déclaré que Jayco agissait pour le compte du concessionnaire canadien au moment de prendre des dispositions pour la livraison d’un VR. Il a indiqué dans son témoignage que, lorsque le VR était remis au transporteur public, la propriété du VR était transférée au propriétaire.

[37]  M. Howe, le concessionnaire canadien, a confirmé le témoignage de M. Wolf. Il a déclaré qu’au moment de prendre des dispositions pour la livraison avec JET, Jayco agissait pour le compte de sa concession, Traveland Vehicles. Il a aussi dit que Traveland Vehicles devenait la propriétaire du VR au moment où ce dernier était remis à JET, puisque c’est à ce moment que Traveland Vehicles devenait redevable du paiement du VR. Il a ajouté qu’il était l’importateur au dossier du VR.

[38]  Aux fins des douanes canadiennes, chaque VR expédié au Canada était accompagné d’un certificat d’origine original [13] , d’une facture des douanes canadiennes [14] , d’une copie de la facture originale [15] , d’un avis de Jayco indiquant que le RV était prêt à être expédié [16] et d’un connaissement [17] , peu importe si l’option de la CC ou l’option AMT avait été choisie par le concessionnaire.

[39]  Le certificat d’origine qui accompagnait le VR portait toujours la date où le VR était cueilli par le transporteur public pour être expédié au concessionnaire, ou une date antérieure.

[40]  L’avis indiquant que le RV était prêt à être expédié était préparé par Jayco lorsque le VR était transféré au transporteur en vue de son expédition au Canada. Il était signé par le conducteur du transporteur au moment où ce dernier prenait possession du VR. Le point d’expédition figurant sur l’avis était les États‑Unis.

[41]  M. Wolf a également examiné un exemple de facture des douanes canadiennes [18] . Sous les Conditions de vente et modalités de paiement, on avait indiqué [TRADUCTION] « É.‑U. ».

[42]  Pour M. Wolf, il s’agissait d’indications que la livraison du VR avait eu lieu à l’établissement de Jayco aux États‑Unis.

[43]  Comme les concessionnaires canadiens agissaient comme des importateurs au dossier, ils payaient la TPS sur l’importation du VR aux douanes canadiennes au moment de l’importation au Canada.

[44]  On a demandé à M. Wolf si Jayco avait eu des discussions avec ses concessionnaires canadiens autorisés en ce qui concerne le moment et le lieu de la livraison légale des VR vendus. M. Wolf a confirmé que, pendant la période en question, il n’y avait pas eu de telles discussions [19] . Il a déclaré que la même méthode a été suivie pour les expéditions américaines et les expéditions canadiennes. Lorsque le VR était transféré vers le lot AMT de JET, le concessionnaire en devenait propriétaire et, si des dommages survenaient durant le transport, le concessionnaire devait négocier avec le transporteur public et non Jayco.

[45]  M. Wolfe a dit que Jayco n’a pas perçu la TPS/TVH sur les VR vendus aux concessionnaires canadiens pendant la période en question, peu importe l’option d’expédition utilisée, à savoir la CC ou l’AMT.

[46]  Le ministre n’a pas établi de cotisation à l’égard de Jayco en ce qui concerne la fourniture des VR effectuée en utilisant la méthode d’expédition de la CC. Selon le ministre, les VR achetés par les concessionnaires canadiens et expédiés au moyen de la méthode de la CC étaient livrés à l’étranger et ne constituaient pas des fournitures taxables. Par conséquent, seule la fourniture des VR effectuée par Jayco lorsque la méthode d’expédition AMT était utilisée par les concessionnaires canadiens est en litige.

B. Les pièces

[47]  Selon les points 20s) et t) de la réponse à l’avis d’appel, le ministre, lorsqu’il a établi une cotisation à l’égard de Jayco pour la vente des pièces, s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION] 

s)   Pendant la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2009, Jayco n’a pas perçu la TPS/TVH sur la vente des VR ou des pièces qu’elle a fait livrer à ses clients canadiens.

t)   Pendant la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2009, les clients canadiens agissaient comme importateurs au dossier des VR ou des pièces importés au Canada et ont payé la taxe au titre de la section III de la partie IX de la LTA (Taxe sur l’importation de produits).

[48]  La preuve a établi que ces deux hypothèses sont incorrectes. Contrairement à ce qui est indiqué au point 20s), il ressort clairement du témoignage de M. Wolf et des documents déposés en preuve que, lorsque l’option AMT a été choisie, la TPS a été perçue et versée par Jayco relativement aux pièces. Toutefois, la composante provinciale de la TVH n’a pas été perçue sur les pièces expédiées aux concessionnaires canadiens qui se trouvaient dans une province participant au régime de la TVH. De plus, Jayco n’a pas perçu la TPS/TVH sur le service de transport de marchandises lié aux pièces.

[49]  Contrairement à ce qui est indiqué au point 20t), durant la période du 1er avril 2007 au 31 décembre 2009, les concessionnaires canadiens n’étaient pas les importateurs au dossier en ce qui concerne les pièces. Jayco l’était.

[50]  Cela étant dit, il y a certaines similitudes entre les VR et les pièces. Par exemple, les concessionnaires canadiens pouvaient choisir la méthode d’expédition de la CC et cueillir les pièces à une installation de Jayco aux États‑Unis ou bien ils pouvaient choisir la méthode d’expédition AMT et demander à Jayco de prendre des dispositions pour procéder à leur expédition au Canada. 

[51]  Jayco a déclaré que, durant les périodes en question, elle a eu recours exclusivement aux services de Frontier Supply Chain Solutions (« Frontier ») pour l’aider à expédier les pièces. Frontier est un courtier en douanes et une entreprise de logistique.

[52]  Les commandes de pièces des concessionnaires canadiens étaient traitées par le service des pièces de Jayco à Middlebury, en Indiana. Lorsqu’une commande était reçue, le service sélectionnait, emballait, étiquetait et adressait les pièces demandées. Jayco rassemblait ensuite toutes les commandes de pièces destinées au Canada. Tous les jours, Frontier prenait des dispositions avec un transporteur, à savoir Alvin Motor Freight Inc., pour qu’il cueille les commandes à l’établissement de Jayco à Middlebury et les expédie à l’installation de Frontier à Bensenville, en Illinois.

[53]  À son installation à Bensenville, en Illinois, Frontier regroupait de nouveau les commandes de pièces en une charge principale. Puis, toutes les nuits, Alvin Motor Freight Inc. transportait la charge de l’installation de Frontier à Bensenville à son installation à Winnipeg, au Manitoba, accompagnée d’un connaissement pour tout le chargement. Jayco était l’importateur au dossier.

[54]  À Winnipeg, Frontier séparait le chargement : d’un côté les commandes à destination de l’Est du Canada, de l’autre les commandes à destination de l’Ouest du Canada. Frontier concluait ensuite des contrats avec des transporteurs tiers pour les expédier aux concessionnaires.

[55]  Frontier facturait alors à Jayco les services de transport de marchandises, les droits de douane et la TPS qu’elle avait payée au nom de Jayco aux douanes canadiennes.

[56]  À son tour, Jayco facturait aux concessionnaires canadiens les pièces, la TPS et les coûts, sans majoration, de transport des marchandises. Lorsqu’elle a produit ses déclarations de TPS, Jayco a déclaré la TPS et a demandé des crédits de taxe sur les intrants (« CTI »).

[57]  S’en remettant à l’avis de Frontier, Jayco a perçu auprès des concessionnaires uniquement la TPS que lui avait facturée Frontier. Par conséquent, la composante provinciale de la TVH n’a pas été perçue par Jayco. Jayco n’a pas non plus perçu la TPS/TVH sur les services de transport de marchandises puisque Frontier ne l’avait pas fait.

[58]  Selon Jayco, elle n’était pas tenue de percevoir la TPS sur les pièces puisque ces dernières ont été livrées à l’acquéreur à l’étranger ou ont été mises à sa disposition à l’étranger en vertu de l’alinéa 142(2)a) de la LTA. Jayco allègue que la TPS qu’elle a payée sur les pièces a été payée par erreur. Il s’ensuit que Jayco n’avait pas à percevoir ni à verser la composante provinciale de la TVH sur les pièces.

[59]  De plus, Jayco fait valoir que les pièces et les services de transport de marchandises sont des fournitures multiples. Le transport de biens meubles corporels est détaxé, conformément à l’article 8 de la partie VII de l’annexe VI de la LTA. Par conséquent, Jayco allègue qu’elle n’était pas tenue de percevoir la TPS/TVH sur les services de transport de marchandises.

[60]  L’intimée a adopté la même thèse que pour les VR. Elle a soutenu qu’en raison de la relation contractuelle, explicite ou implicite, entre Jayco et les concessionnaires canadiens, Jayco a accepté de livrer les pièces aux concessionnaires canadiens à leur établissement au Canada. De plus, elle a déclaré que Jayco n’agissait pas pour le compte des concessionnaires canadiens lorsqu’elle a pris des dispositions en vue de la livraison des pièces. En outre, Frontier n’agissait pas pour le compte des concessionnaires canadiens, puisqu’il ressort clairement de la preuve que Frontier agissait comme mandataire de Jayco. La relation contractuelle était entre Frontier et Jayco et non entre Frontier et les concessionnaires canadiens. 

III. LES QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[61]  Avant d’aborder les questions qui font l’objet de l’appel, je dois me pencher sur deux objections procédurales : une soulevée par Jayco et l’autre par l’intimée.

[62]  Jayco allègue que je ne peux pas examiner l’argument de l’intimée selon lequel JET n’est pas une personne morale distincte, mais qu’elle est plutôt un prolongement de Jayco, puisque cette question n’a pas été soulevée dans sa réponse à l’avis d’appel. Pour le faire, je devrais lever le voile corporatif.

[63]  Je partage l’opinion de Jayco. Comme la question n’a pas été soulevée dans les actes de procédure de l’intimée et que cette dernière n’a pas demandé à modifier sa réponse, je ne l’examinerai pas.

[64]  Pour sa part, l’intimée soutient que la question de savoir si le service de transport de marchandises était une fourniture taxable et celle de savoir s’il constituait une fourniture unique ou des fournitures multiples ne pouvait pas être soulevée devant moi.

[65]  Dans ses observations écrites déposées le 2 février 2018, l’intimée fait remarquer que, même si Jayco a soulevé la question au procès, elle ne l’a pas fait dans son avis d’appel.

[66]  Je suis d’accord avec l’intimée. Comme Jayco n’a pas soulevé la question dans son avis d’appel, elle n’avait pas le droit de le faire au procès. 

[67]  Même si cela suffit pour disposer de cette objection, il y a une autre raison qui appuie l’objection de l’intimée. L’intimée a fait remarquer que, puisque Jayco était une personne déterminée aux termes de l’alinéa 301(1)b) et du paragraphe 301(1.2) de la LTA, elle ne pouvait pas soulever la question de l’assujettissement à la taxe du service de transport de marchandises dans son avis d’appel, aux termes du paragraphe 306.1(1) de la LTA, puisque la question n’avait pas été soulevée dans son avis d’opposition.

[68]  À la lumière des montants en litige, il est évident que Jayco était une personne déterminée aux termes de l’alinéa 301(1)b) et du paragraphe 301(1.2) de la LTA. Au titre de l’alinéa 306.1(1)a) de la LTA, une personne déterminée ne peut pas soulever une question dans son avis d’appel sauf si elle l’a d’abord soulevée dans son avis d’opposition. En l’espèce, Jayco n’avait pas soulevé dans son avis d’opposition la question de l’assujettissement à la taxe du service de transport de marchandises.

IV. LES QUESTIONS EN LITIGE

[69]  En conséquence, les questions à trancher dans le présent appel sont les suivantes :

  Jayco était‑elle tenue de percevoir et de verser la TPS/TVH sur les VR qu’elle a vendus à des concessionnaires canadiens lorsque ceux‑ci ont choisi la méthode d’expédition AMT?

  Jayco était‑elle tenue de percevoir et de verser la composante provinciale de la TVH sur les pièces expédiées des États‑Unis au Canada?

V. LA THÈSE DE L’APPELANTE

[70]  Jayco allègue que les VR et les pièces ont été « livré[s] [aux concessionnaires canadiens] à l’étranger ou [ont été] mis à [leur] disposition à l’étranger » aux termes de l’alinéa 142(2)a) de la LTA. Les VR et les pièces n’étaient pas des fournitures taxables. Jayco allègue qu’elle n’avait pas à percevoir ni à verser la TPS/TVH sur ces fournitures. De plus, Jayco allègue qu’elle agissait pour le compte des concessionnaires canadiens lorsqu’elle prenait des dispositions en vue de l’expédition des produits au Canada.

[71]  Jayco soutient que les VR et les pièces ont été livrés aux concessionnaires canadiens et mis à leur disposition à ses installations de fabrication en Indiana et en Idaho au moment où les produits ont été remis au transporteur public, à savoir JET en ce qui concerne les VR et Frontier en ce qui concerne les pièces.

[72]  Jayco est d’avis que sa thèse est confirmée par les témoignages de M. Wolf et de M. Howe et par la preuve documentaire. Jayco soutient qu’il y avait une entente implicite entre Jayco et les concessionnaires canadiens selon laquelle la livraison des VR et des pièces avait lieu à l’étranger à l’établissement de Jayco aux États‑Unis.

[73]  Jayco allègue également que, si la relation contractuelle entre Jayco et les concessionnaires canadiens ne suffit pas pour me permettre de conclure à quel endroit la livraison s’est produite en ce qui concerne les VR et les pièces, je dois appliquer les dispositions portant sur la vente d’objets applicables en Indiana, à savoir le Uniform Commercial Code‑Sales (titre 26) (« le chapitre IC‑26‑1‑2 »). Cette loi est semblable à la loi sur la vente d’objets en vigueur en Ontario, en Colombie‑Britannique et en Alberta. Jayco soutient qu’en vertu des dispositions du chapitre IC‑26‑1‑2, la livraison s’est produite à l’établissement de Jayco aux États‑Unis.

VI. LA THÈSE DE L’INTIMÉE

[74]  Selon l’intimée, les VR et les pièces ont été livrés à l’acquéreur au Canada ou y ont été mis à sa disposition en vertu de l’alinéa 142(1)a) de la LTA. Les fournitures sont donc taxables. Elle allègue que la preuve appuie l’existence d’une relation contractuelle entre les concessionnaires canadiens et Jayco, en vertu de laquelle Jayco a accepté de livrer, au Canada, les VR et les pièces vendus aux concessionnaires canadiens. Selon elle, cette relation peut être déduite des documents ou du comportement de Jayco et des concessionnaires canadiens. Elle allègue que les documents échangés entre Jayco et les concessionnaires canadiens ont créé une attente de la part des concessionnaires canadiens selon laquelle les VR seraient livrés au Canada.

[75]  L’intimée a soutenu que, pour les concessionnaires canadiens, il importait peu que les VR soient livrés par Jayco ou JET, dans la mesure où ils étaient livrés à leur établissement au Canada. En tout état de cause, elle a soutenu que JET agissait comme mandataire de Jayco et non comme mandataire des concessionnaires canadiens lorsqu’elle leur livrait les VR.

[76]  L’intimée a allégué que Jayco ne pouvait agir comme mandataire pour le compte des concessionnaires canadiens lorsqu’elle prenait des dispositions pour le transport avec JET en vue de la livraison au Canada, puisque, selon les dispositions générales de l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire, Jayco ne pouvait agir comme mandataire des concessionnaires.

VII. ANALYSE

A. Jayco était‑elle tenue de percevoir et de verser la TPS/TVH sur les VR qu’elle a vendus à des concessionnaires canadiens lorsque la méthode d’expédition AMT était choisie par les concessionnaires?

[77]  Cette question porte sur celle de savoir si l’alinéa 142(1)a) ou 142(2)a) de la LTA s’applique.

[78]  L’alinéa 142(1)a) de la LTA porte que, dans le contexte d’un bien meuble corporel fourni par vente, la fourniture est réputée avoir été faite au Canada et elle est donc assujettie à la TPS/TVH si le bien est livré à l’acquéreur au Canada ou est mis à sa disposition au Canada. L’alinéa 142(1)a) est ainsi rédigé :

142(1) Pour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur au Canada ou y est, ou y sera, mis à sa disposition;

[79]  À l’inverse, l’alinéa 142(2)a) de la LTA porte que la fourniture d’un bien meuble corporel effectuée par vente est réputée effectuée à l’étranger si le bien est livré à l’acquéreur à l’étranger ou est mis à sa disposition à l’étranger. L’alinéa 142(2)a) est ainsi rédigé :

142(2) Pour l’application de la présente partie, un bien ou un service est réputé fourni à l’étranger si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur à l’étranger ou est, ou sera, mis à sa disposition à l’étranger;

[80]  La LTA ne définit pas le sens de l’expression « livré […] ou […] mis à [la] disposition » utilisée aux alinéas 142(1)a) et 142(2)a) de la LTA. Toutefois, selon la jurisprudence, les mots « livré [...] ou [...] mis à [la] disposition » doivent être interprétés de la même manière que le concept de « livraison » utilisé dans les lois sur la vente d’objets [20] . Le sens de « livraison » est bien établi dans ces lois [21] .

[81]  Dans son mémorandum sur la TPS/TVH [22] , l’ARC a adopté cette jurisprudence et a indiqué que l’expression « livré [...] ou [...] mis à [la] disposition » au Canada ou à l’étranger utilisée aux alinéas 142(1)a) et 142(2)a), a le même sens que la notion de « livraison » dans les lois sur la vente d’objets. Le mémorandum dispose :

7. Pour l’application des alinéas 142(1)a) et 142(2)a), en vertu desquels les fournitures de biens meubles corporels effectuées par vente sont réputées effectuées au Canada ou à l’étranger, l’expression « livré ou mis à (la) disposition » a le même sens que la notion de livraison au sens des règles de droit sur la vente d’objets, c’est‑à‑dire :

  • « Livré » s’entend dans les cas où la livraison du bien meuble corporel en vertu des règles de droit sur la vente d’objets est effectuée par livraison réelle.

  • « Mis à la disposition » s’entend des cas où la livraison du bien meuble corporel en vertu des règles de droit sur la vente d’objets est effectuée par présomption de livraison (c.‑à‑d. que la possession matérielle réelle du bien meuble corporel n’est pas transférée à l’acquéreur de la fourniture mais qu’elle est reconnue comme voulue par les parties et suffisante en droit). Par exemple, il y a des situations où une personne vend un bien meuble corporel à une autre personne et accepte de détenir le bien à titre de dépositaire de l’acheteur.

8. Dans tous les cas, l’endroit où le bien meuble corporel est livré ou mis à la disposition de l’acquéreur peut être déterminé par renvoi à l’endroit où le bien meuble corporel est considéré comme ayant été livré en vertu des règles de droit sur la vente d’objets applicables dans ce cas.

9. En général, l’endroit où le bien meuble corporel est livré à l’acquéreur ou mis à sa disposition peut être déterminé par renvoi aux modalités du contrat.

10. Dans les provinces régies par la common law, les règles de droit sur la vente d’objets sont contenues dans la loi sur la vente d’objets de la province en question. Dans la province de Québec, l’obligation du vendeur de livrer le bien meuble corporel à l’acheteur est prévue au Code civil plutôt que dans une loi sur la vente d’objets.

11. Dans les cas où le contrat conclu entre les parties est régi par la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (la Convention), l’endroit où le bien meuble corporel est livré à l’acheteur, ou mis à sa disposition, doit être déterminé conformément aux règles relatives à la livraison prévues dans la Convention, plutôt que conformément à un droit interne d’une province.

[Non souligné dans l’original.]

[82]  Selon l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire, la relation entre Jayco et les concessionnaires autorisés doit être régie par les lois de l’Indiana [23] . Par conséquent, il faut examiner le droit de cet État.

[83]  Comme le droit étranger est une question de fait qui doit être prouvée au procès au moyen d’un témoin qualifié, Jayco a appelé Me Borghenasi pour expliquer les dispositions du chapitre IC 26‑1‑2 et leur application aux transactions visées par le présent appel.

[84]  Me Borghenasi a renvoyé aux dispositions suivantes du chapitre IC 26‑1‑2 qui sont pertinentes selon lui.

[85]  Selon le paragraphe 201.(14) du chapitre IC‑26‑1‑2, la livraison est définie ainsi :

[TRADUCTION] 

201.(14) – « livraison » S’entend :

(A) pour ce qui est d’un titre électronique, du transfert volontaire de contrôle;

(B) pour ce qui est d’un instrument, d’un titre corporel, d’un document relatif à un bien meuble ou d’une sûreté attestée par certificat, du transfert volontaire de possession.

[86]  L’article 301 du chapitre IC 26‑1‑2 porte sur les obligations générales des parties dans le cadre d’une vente :

[TRADUCTION

Obligations générales des parties – article 301. L’obligation du vendeur consiste à transférer et à livrer et celle de l’acheteur consiste à accepter et à payer conformément au contrat.

[87]  L’alinéa 308a) du chapitre IC 26‑1‑2 porte que, dans le cas de la vente d’objets, la livraison a lieu à l’établissement du vendeur, sauf convention contraire :

[TRADUCTION] 

Lieu de livraison non précisé – article 308. Sauf convention contraire :

a) la livraison des objets a lieu à l’établissement du vendeur ou, s’il n’en a pas, à sa résidence,

b) mais dans un contrat de vente d’objets déterminés qui, à la connaissance des parties au moment de la conclusion du contrat, se trouvent dans un autre lieu, ce lieu est celui de la livraison […]

[88]  L’article 503 du chapitre IC 26‑1‑2 établit les règles portant sur l’offre de livraison :

[TRADUCTION] 

Mode d’offre de livraison du vendeur – article 503 (1) L’offre de livraison oblige le vendeur à mettre et à conserver à la disposition de l’acheteur les objets conformes et à lui donner tout avis raisonnablement nécessaire pour lui permettre d’en prendre livraison. Le mode, le moment et le lieu de l’offre de livraison sont établis au moyen d’une entente et conformément au chapitre IC 26‑1‑2, et, en particulier :

a) la livraison doit être offerte à une heure raisonnable et, si elle vise des objets, ces derniers doivent être disponibles pour une période raisonnable de façon à permettre à l’acheteur d’en prendre possession,

b) mais, sauf convention contraire, l’acheteur doit fournir des installations qui conviennent raisonnablement à la réception des objets.

(2) Lorsque l’expédition est visée par l’article 504 du chapitre IC 26‑1‑2, l’offre de livraison doit exiger que le vendeur se conforme à cet article.

(3) Lorsque le vendeur doit faire la livraison à un endroit précis, l’offre de livraison doit exiger qu’il se conforme au paragraphe (1) et, le cas échéant, aux documents décrits aux paragraphes (4) et (5).

(4) Lorsque les objets sont en possession d’un baillaire et qu’ils doivent être livrés sans être déplacés :

a) l’offre de livraison exige que le vendeur fournisse un titre négociable portant sur ces objets ou qu’il obtienne une reconnaissance par le baillaire du droit de possession de l’acheteur à l’égard des objets,

b) mais l’offre de livraison à l’acheteur d’un titre non négociable ou d’une directive écrite enjoignant au baillaire de procéder à la livraison suffit, sauf si l’acheteur s’oppose de façon opportune et, sauf disposition contraire du chapitre IC 26‑1‑9.1, la réception par le baillaire de l’avis des droits de l’acheteur établit ces droits à l’égard du baillaire et de tous les tiers; toutefois, le risque lié à la perte des objets et au défaut du baillaire d’honorer le titre non négociable ou de respecter la directive est assumé par le vendeur jusqu’à ce que l’acheteur ait eu un délai raisonnable pour présenter le document ou la directive, et le refus du baillaire d’honorer le document ou de se conformer à la directive annule l’offre.

(5) Lorsque le contrat oblige le vendeur à livrer des documents :

a) il doit offrir de livrer ces documents dans la forme appropriée, sauf disposition contraire du paragraphe 323(2) du chapitre IC 26‑1‑2 en ce qui concerne les connaissements dans un ensemble;

b) l’offre faite au moyen des voies bancaires habituelles suffit et le fait de ne pas honorer la traite bancaire qui accompagne les documents constitue la non‑acceptation ou le rejet des documents.

[89]  En ce qui concerne l’expédition par le vendeur, l’article 504 du chapitre IC 26‑1‑2 porte que :

[TRADUCTION] 

Expédition par le vendeur – article 504. Lorsque le vendeur est tenu de livrer les objets à l’acheteur ou qu’il est autorisé à le faire, et que le contrat ne l’oblige pas à les livrer à un lieu précis, sauf convention contraire, il doit :

a) confier les objets à un transporteur et conclure un contrat raisonnable eu égard à la nature des objets et aux autres circonstances du cas en vue de leur transport;

b) obtenir et livrer rapidement ou offrir de livrer en bonne et due forme tout document nécessaire pour permettre à l’acheteur de prendre possession des objets ou tout document par ailleurs exigé par une entente ou par l’usage du commerce;

c) aviser rapidement l’acheteur que les objets ont été expédiés.

[90]  Dans son opinion sommaire écrite, Me Borghesani a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION

Selon les lois de l’Indiana, sauf convention contraire du vendeur et de l’acheteur :

le lieu de livraison des objets est l’établissement du vendeur ou, si le vendeur n’a pas d’établissement, sa résidence,

mais si le contrat de vente vise des objets déterminés qui, à la connaissance des parties au moment de la conclusion du contrat, se trouvent à un autre endroit que l’établissement ou la résidence du vendeur, ce lieu est celui de la livraison.

Si le vendeur est tenu de livrer les objets à l’acheteur ou qu’il est autorisé à le faire, pour mettre en œuvre l’offre de livraison, sauf convention contraire du vendeur et de l’acheteur, le vendeur doit :

confier les objets à un transporteur et conclure un contrat raisonnable eu égard à la nature des objets et des autres circonstances du cas en vue de leur transport;

obtenir et livrer rapidement ou offrir en bonne et due forme tout document nécessaire pour permettre à l’acheteur de prendre possession des objets ou selon ce qui est par ailleurs prévu par l’entente conclue par le vendeur et l’acheteur ou l’usage du commerce;

aviser rapidement l’acheteur que les objets ont été expédiés.

Toutefois, peu importe si le vendeur est tenu de livrer les objets à l’acheteur ou s’il est autorisé à le faire, le lieu de livraison demeure l’endroit convenu par le vendeur et l’acheteur ou, en l’absence d’un tel accord, l’établissement ou la résidence du vendeur.

[91]  Par conséquent, en vertu du chapitre IC 26‑1‑2, en l’absence d’entente entre le vendeur et l’acheteur, la livraison a lieu à l’établissement du vendeur. Lorsque le vendeur est autorisé, comme en l’espèce, à vendre les objets à l’acheteur, il les remet à un transporteur et avise l’acheteur que les objets ont été expédiés. Dans ces circonstances, la livraison est réputée avoir lieu à l’établissement du vendeur. Ce principe a été confirmé par la Cour d’appel de l’Indiana, quatrième district dans Dept., State Rev. v. Martin Marietta Corp. [24] , où le juge Miller, s’exprimant au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] 

Les contrats de vente conclus entre Standard et ses clients étaient des contrats d’expédition. Le titre de propriété des marchandises a été transféré et la livraison s’est faite au moment où les marchandises ont été chargées dans les véhicules du transporteur public en vue de leur expédition aux acheteurs de Standard. 

[92]  Me Borghesani était également d’avis que, lorsque le vendeur remet les objets à l’acheteur, ce dernier devient responsable des dommages subis durant le transport puisque le titre lui a été transféré. Me Borghesani a toutefois fait remarquer que les dispositions du US Transportation Code qui portent sur le connaissement délivré par un transporteur public en vue du transport des objets d’un endroit dans un État à un autre endroit dans un pays étranger font en sorte que le transporteur est responsable des dommages subis par les objets pendant qu’il les transporte [25] . Par conséquent, si les objets ont subi des dommages pendant le transport, le concessionnaire canadien devra négocier avec le transporteur (JET) et non le vendeur (Jayco).

[93]  En l’absence d’une entente entre Jayco et ses concessionnaires canadiens quant au lieu de livraison, il ressort clairement de l’alinéa 308a) du chapitre IC‑26‑1‑2 et du témoignage de Me Borghesani que la livraison des VR aux concessionnaires aurait eu lieu à l’établissement de Jayco aux États‑Unis. 

[94]  Toutefois, l’article 308 du chapitre IC‑26‑1‑2 permet à un vendeur et à un acheteur de s’entendre sur un lieu de livraison autre que le lieu de livraison par défaut, soit l’établissement ou la résidence du vendeur. Les deux parties soutiennent qu’il y avait une telle entente en l’espèce.

[95]  L’intimée allègue que Jayco et les concessionnaires canadiens se sont entendus pour que la livraison des VR ait lieu à l’établissement des concessionnaires au Canada, et que le lieu de livraison par défaut indiqué à l’alinéa 308a) du chapitre IC 26‑1‑2 ne s’applique donc pas. Elle déclare que la relation contractuelle indiquant le lieu de livraison doit être déduite du comportement de Jayco et des concessionnaires ainsi que de la preuve documentaire.

[96]  Jayco, de son côté, allègue qu’elle avait une entente avec les concessionnaires canadiens pour prendre des dispositions en vue de la livraison des VR à son établissement aux États‑Unis. À l’appui de sa thèse, elle invoque les témoignages, son comportement et celui des concessionnaires canadiens ainsi que la preuve documentaire.

[97]  Après une analyse de la preuve, je conclus que Jayco et les concessionnaires canadiens se sont entendus pour que la livraison des VR ait lieu à l’établissement de Jayco aux États‑Unis, au moment où les VR étaient remis au transporteur public.

[98]  Il ressort clairement du témoignage de M. Wolf que Jayco agissait pour le compte du concessionnaire canadien au moment où elle a pris des dispositions en vue du transport des VR avec le transporteur public JET. Il a déclaré qu’il comprenait que le concessionnaire devenait le propriétaire du VR lorsqu’il était remis à JET. M. Wolf a expliqué que si le VR était endommagé au moment où il était importé au Canada, le concessionnaire devait négocier avec JET, puisque Jayco n’avait pas d’assurance pour couvrir les dommages subis pendant l’importation du VR au Canada.

[99]  Le concessionnaire canadien, M. Howe, a déclaré que Jayco agissait pour le compte de sa concession au moment de prendre des dispositions pour la livraison d’un VR avec le transporteur public JET. D’après ce qu’il comprenait, sa concession possédait le VR à partir de la date de délivrance de la facture qui était envoyée le jour où le VR était remis au transporteur public JET. Cela s’explique parce que sa concession devenait responsable du VR à l’égard de la société de financement à ce moment. Par conséquent, il était d’avis que sa concession était déjà la propriétaire du VR au moment de son importation au Canada.

[100]  Je n’ai aucune raison de douter des témoignages de M. Wolf et de M. Howe. Ils étaient tous les deux des témoins crédibles. Leurs témoignages étaient directs, non contredits et appuyés par la preuve documentaire présentée au procès.

[101]  J’ai déjà décrit les divers documents régissant la relation entre Jayco et les concessionnaires canadiens ainsi que le processus d’achat d’un VR, c’est‑à‑dire l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire, le Formulaire de commande, le Formulaire d’accusé de réception de commande, les factures et l’Avis au concessionnaire – VR prêt(s) à être expédié(s). À une exception près, les documents ne font pas de distinction entre une vente où la méthode d’expédition de la CC a été utilisée et celle où la méthode AMT a été utilisée. La seule exception, c’est que, lorsque l’option AMT était choisie, la facture comprenait les frais de transport à titre de frais distincts.

[102]  Aucun des documents qui précèdent ne contenait de mention explicite quant au lieu de livraison du VR. Mme Cohoe l’a reconnu dans son témoignage.

[103]  Toutefois, un certain nombre d’indications dans les documents appuient la thèse de Jayco selon laquelle la livraison des VR a eu lieu à son établissement aux États‑Unis. 

[104]  En vertu de l’EFF conclue avec les sociétés de financement sur stocks, Jayco acceptait que le VR figurant sur la facture soit envoyé au concessionnaire, ou mis à sa disposition en vue de la cueillette, à la date de la facturation. Si Jayco ne respectait pas cette exigence, elle devait rembourser à la société de financement le montant avancé par cette dernière. De plus, la société de financement pouvait retirer son approbation de financement avant l’expédition du VR, c’est‑à‑dire avant que le VR soit transféré au transporteur public à la date de facturation. Par conséquent, à ce moment, la livraison devait être effectuée, puisque, conformément à l’EFF, Jayco avait le droit d’être payée pour le VR par les sociétés de financement. Au même moment, le concessionnaire canadien devenait responsable du paiement du VR. 

[105]  Il ressort également de façon claire de la preuve que Jayco agissait pour le compte des concessionnaires canadiens lorsqu’elle prenait des dispositions en vue de l’expédition avec le transporteur public JET. Lorsque le VR était remis à JET, cette dernière devenait le mandataire du concessionnaire canadien et responsable de tout dommage subi par le VR alors qu’il était en sa possession en vertu des dispositions du US Transportation Code qui portent sur le connaissement. 

[106]  L’Avis au concessionnaire – RV prêt(s) à être expédié(s) [26] donne une autre indication que la livraison avait lieu à l’établissement de Jayco. Au moment où le VR était remis au transporteur public JET, Jayco avisait par écrit le concessionnaire canadien que le VR était prêt à être expédié et que le point d’expédition était Middlebury, en Indiana, ou Twin Falls, en Idaho.

[107]  De plus, le certificat d’origine était toujours délivré au plus tard à la date où le VR était remis au transporteur public en vue de son expédition au concessionnaire et portait cette date. Le certificat d’origine indiquait que [TRADUCTION] « Jayco a transféré le véhicule au concessionnaire canadien ». Même si le certificat d’origine n’indiquait pas le lieu de livraison, ses modalités indiquaient que [TRADUCTION] « le vendeur avait transféré la propriété au concessionnaire canadien au moment où le VR a été remis au transporteur public », ce qui est une autre indication que la livraison s’est produite à ce moment.

[108]  La preuve de la livraison peut être attestée par des titres, y compris un connaissement. Dans le cadre du présent appel, le transporteur public était le mandataire du destinataire dont le nom figurait sur le connaissement, à savoir le concessionnaire canadien. Il s’agit d’une autre indication que le titre avait été transféré au concessionnaire canadien et que la livraison s’était produite aux États‑Unis. Comme l’a déclaré le juge Hogg de la Cour d’appel de l’Ontario dans la décision Marshall and Van Allen v Crown Assets Disposal Corporation [27] , au paragraphe 8 :

[TRADUCTION] 

L’entente de vente et la vente réelle sont deux éléments distincts. L’acte de livraison conclut la vente. La livraison est accomplie par l’acheteur qui obtient la possession matérielle réelle des objets ou, si certaines conditions sont réunies, il peut y avoir une livraison symbolique qui met fin à la possession du vendeur et, dans le cas où le prix d’achat des objets n’a pas été payé, cette livraison suffit pour mettre un terme au privilège ou au droit du vendeur de détenir les objets jusqu’à ce que le prix d’achat soit payé. La livraison peut être accomplie par la remise de la possession à l’acheteur de la clé de l’entrepôt où se trouvent les objets. Le transfert à l’acheteur d’un connaissement, qui représente les objets, constitue une livraison appropriée pour l’exécution du contrat. D’autres documents mercantiles, comme un ordre du vendeur enjoignant à l’exploitant d’un entrepôt de livrer les objets à l’acheteur, ne représentent pas les objets, en ce qui concerne la livraison par le vendeur aux fins de l’exécution du contrat et, dans ce cas, un autre acte doit être accompli : Benjamin on Sale, 8e éd. 1950, aux pages 741 et 742. Benjamin indique également, en faisant référence au paragraphe 29(3) de la Sale of Goods Act de l’Angleterre, qui est identique au paragraphe 28(3) de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario, que la disposition selon laquelle rien « n’a d’incidence sur les effets découlant de l’établissement ou du transfert d’un titre » ne modifie pas la distinction établie par la common law entre le transfert d’un connaissement et celui d’autres documents en ce qui concerne l’exécution du contrat. La présente affaire n’est pas visée par un connaissement, mais par l’ordre de l’intimé au gardien de livrer la chenille de tracteur aux appelants.

[Non souligné dans l’original.]

[109]  Enfin, les précisions apportées en 2015 à l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire reflètent le comportement de Jayco et des concessionnaires canadiens pendant les périodes visées par l’appel. En 2015, Jayco est revenue à la méthode d’expédition relative aux VR qu’elle avait utilisée avant 2010 et durant les périodes visées par l’appel. Cet élément a été confirmé par M. Wolf et M. Howe dans leurs témoignages. En 2015, l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire a été modifiée pour indiquer clairement que la livraison des VR se ferait aux États‑Unis.

[TRADUCTION] 

RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE DE MODALITÉS FAB USINE :

PRÉCISIONS CONCERNANT LE

LIEU DE LIVRAISON DES PRODUITS

DANS L’ENTENTE DE VENTE ET DE SERVICES APRÈS-VENTE CONCLUE AVEC LE CONCESSIONNAIRE

Tous les produits vendus par Jayco au concessionnaire le sont FAB usine ou, plus précisément, à l’usine (Incoterms 2010) de Jayco aux États‑Unis.

Sens de CC (cueillette par le concessionnaire) : Si le concessionnaire choisit l’option CC (cueillette par le concessionnaire) lorsqu’il passe une commande auprès de Jayco, les produits achetés sont vendus par Jayco au concessionnaire à l’usine (Incoterms 2010) aux installations de fabrication de Jayco en Indiana ou en Idaho ou aux installations ou aux entrepôts de Jayco que cette dernière peut déterminer.

Sens d’AMT (autre moyen de transport) : Si le concessionnaire choisit l’option AMT (autre moyen de transport) lorsqu’il passe une commande auprès de Jayco, les produits achetés sont vendus par Jayco au concessionnaire à l’usine (Incoterms 2010) aux installations de fabrication de Jayco en Indiana ou en Idaho ou aux installations ou aux entrepôts de Jayco que cette dernière peut déterminer (le « point de livraison »), mais Jayco devra, pour des frais distincts en plus du prix d’achat du produit, conclure un contrat en vue du transport des produits du point de livraison à l’emplacement de la concession du concessionnaire ou à tout autre endroit en Amérique du Nord que le concessionnaire peut préciser.

(Une copie des Incoterms 2010 figure à l’adresse http://www.iccwbo.org/products‑and‑services/trade‑facilitation/incoterms‑2010/).

[110]  Je vais maintenant expliquer pourquoi je n’ai pas retenu la thèse de l’intimée. Elle a allégué que les concessionnaires canadiens s’attendaient à ce que les VR soient livrés par Jayco à leur établissement au Canada. Elle a dit qu’il ressortait clairement des documents déposés au procès que les VR seraient livrés au Canada. 

[111]  Elle a déclaré que, lorsque Jayco acceptait un Formulaire de commande dans lequel un concessionnaire choisissait la méthode d’expédition AMT pour le VR, Jayco devenait, légalement et dans les faits, obligée de livrer les VR au Canada.

[112]  À mon avis, ce à quoi les concessionnaires s’attendaient, lorsqu’ils choisissaient la méthode d’expédition AMT, était que Jayco prendrait des dispositions en leur nom auprès d’un transporteur public pour l’expédition des VR au Canada et non qu’elle se chargerait elle‑même de la livraison. C’est le fondement factuel qu’a supposé le ministre lorsqu’il a établi une cotisation à l’égard de Jayco, au sous‑alinéa 20h)ii) de la réponse à l’avis d’appel :

[TRADUCTION] 

20h)ii) Le client (le concessionnaire) pouvait demander à l’appelante (Jayco) de prendre des dispositions avec un transporteur public pour qu’il transporte le produit chez le client, auquel cas ce dernier choisissait la méthode « AMT » (autre moyen de transport).

[113]  Cette interprétation est également illustrée par certains formulaires de commande, où certains concessionnaires canadiens ont indiqué JET à côté de l’option d’expédition AMT. Les concessionnaires canadiens savaient que JET ou un transporteur public choisi par JET livrerait les VR et non Jayco.

[114]  L’intimée a également allégué que Jayco ne pouvait pas agir comme mandataire des concessionnaires canadiens lorsqu’elle prenait des dispositions pour le transport avec JET en vue de la livraison au Canada, en raison de l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire. Le paragraphe M.1 de l’entente indique ce qui suit :

[TRADUCTION] 

La présente entente ne fait pas de l’une des parties la mandataire ou la représentante légale de l’autre partie pour quelque raison que ce soit et n’accorde pas à l’une des parties le pouvoir de supposer ou de créer une obligation au nom de l’autre.

[115]  M. Wolf a expliqué que cette disposition de l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire avait été ajoutée pour s’assurer que les concessionnaires canadiens ne se présentent pas à leurs clients comme agissant pour le compte de Jayco, c’est‑à‑dire en prétendant vendre les VR au nom de Jayco. Il a également dit que la clause avait été incluse de façon à protéger les concessionnaires, en leur garantissant que Jayco n’allait pas vendre les VR directement de l’usine sur le territoire desservi par le concessionnaire.

[116]  À mon avis, cette clause doit être interprétée dans son contexte. L’objet de la clause M.1 consiste à protéger Jayco, les concessionnaires et les clients des concessionnaires. De plus, selon la preuve, les concessionnaires canadiens avaient autorisé Jayco à prendre des dispositions en vue de la livraison en leur nom. Lorsque les VR étaient transférés au transporteur public JET, ce dernier devenait le mandataire des concessionnaires [28] .

[117]  L’intimée a allégué que la décision ADV Ltd et AFX Company [29] , (« ADV ») s’appliquait au présent appel. Dans la décision ADV, la question à trancher était la même qu’en l’espèce, soit celle de savoir si la livraison des produits d’ADV avait eu lieu au Canada ou à l’étranger. Si la livraison avait eu lieu à l’étranger, ADV n’avait pas à percevoir ni à verser la TPS/TVH.

[118]  ADV avait deux sociétés de commande postale qui se trouvaient dans l’État de New York. Les clients canadiens passaient une commande auprès d’ADV en remplissant un Formulaire de commande et l’envoyaient à une case postale à Windsor, en Ontario. Les clients devaient payer, en plus du prix des produits, des frais d’expédition préétablis et une assurance à un dollar. L’assurance était facturée par ADV au cas où les produits étaient perdus ou endommagés pendant le transport. La plupart des produits vendus par ADV coûtaient moins de vingt dollars. Tous les produits étaient placés individuellement dans des enveloppes portant l’adresse des clients. Lorsqu’il y avait suffisamment de produits pour justifier un envoi au Canada, ils étaient transportés de l’établissement d’ADV à Farmingdale, dans l’État de New York, à Detroit par une société de camionnage, J.B. Hunt (« Hunt »). À Detroit, un autre transporteur, P.D.Q. Courier (« PDQ »), dédouanait les produits aux douanes canadiennes à Windsor et les envoyait à l’installation de Postes Canada à Windsor. Selon un contrat conclu avec ADV, Postes Canada payait les frais d’affranchissement appropriés et livrait les produits par la poste aux acheteurs partout au Canada. 

[119]  Le juge Bowie a rejeté l’argument selon lequel la livraison au transporteur dans ces circonstances constituait une livraison aux clients canadiens. Il a fait remarquer, sur le fondement du paragraphe 31(2) de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario et des décisions comme Dunlop v. Lambert, que les règles de droit prévoient que le transporteur dans ces circonstances doit agir comme le mandataire de l’acheteur, « même si c’est le vendeur qui le choisit et qui lui donne des instructions [30]  ». Le juge Bowie a conclu, dans la décision ADV, qu’aucun élément de preuve, sauf les feuilles de décomposition, ne laissait entendre qu’ADV, même par l’entremise de PDQ ou autrement, agissait comme mandataire des clients pour dédouaner les produits au Canada. Le juge Bowie a également rejeté l’argument selon lequel, puisque les frais d’expédition et l’assurance étaient facturés aux clients, la livraison avait été effectuée au moment où les produits avaient été transférés au transporteur. Il a noté que les frais d’expédition étaient une somme fixe pour les produits livrés partout au pays [31] et il a conclu que les frais d’expédition et d’assurance faisaient partie du prix de vente des produits [32] .

[120]  À mon avis, les conclusions du juge Bowie dans la décision ADV ne s’appliquent pas aux VR, puisque j’ai conclu que Jayco agissait pour le compte des concessionnaires canadiens lorsqu’elle prenait des dispositions pour l’expédition des VR avec JET. JET, en tant que transporteur public, est devenue, selon les règles de droit, le mandataire des concessionnaires canadiens lorsque les VR ont été importés au Canada. Aucune preuve du contraire n’a été déposée.

[121]  De plus, contrairement à la situation dans l’affaire ADV, où les frais de transport des marchandises étaient une somme fixe, peu importe l’endroit où vivaient les acheteurs au Canada, Jayco a déposé des éléments de preuve importants des efforts faits par elle et JET afin de structurer les frais de transport et les suppléments pour s’assurer que les concessionnaires assument les frais de transport des marchandises. En outre, le prix des VR était le même, peu importe l’option d’expédition choisie par les concessionnaires canadiens (CC ou AMT). Comme l’a expliqué M. Wolf, il a été décidé que les frais de transport de marchandises figureraient sur la même facture que les VR afin de permettre aux concessionnaires d’obtenir un financement sur le transport des marchandises et les VR vendus par Jayco. Par conséquent, les faits relatifs aux VR se distinguent de ceux dans l’affaire ADV.

[122]  Après une analyse des faits et du droit applicable, je conclus donc que les VR ont été livrés à l’établissement de Jayco aux États‑Unis. Les VR étaient réputés fournis à l’étranger au titre de l’alinéa 142(2)a) de la LTA. Par conséquent, la fourniture des VR ne constituait pas une fourniture taxable.

B. Jayco était‑elle tenue de percevoir et de verser la composante provinciale de la TVH sur les pièces expédiées des États‑Unis au Canada?

[123]  Bien qu’il y ait des similitudes entre la procédure d’achat des pièces et la celle des VR, la relation contractuelle entre Jayco et les concessionnaires canadiens et les méthodes d’expédition utilisées par Jayco étaient très différentes.

[124]  En ce qui concerne les pièces, la preuve documentaire était limitée à l’Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire, à quelques formulaires d’accusé de réception de commande [33] et à quelques factures [34] . Aucun certificat d’origine, aucun Avis au concessionnaire – RV prêt(s) à être livré(s) ni aucun connaissement n’ont été déposés en preuve.

[125]  À mon avis, la décision ADV s’applique aux pièces. Je ne répéterai pas les faits dans l’affaire ADV, puisque je les ai déjà énoncés au paragraphe 118 des présents motifs.

[126]  Le juge Bowie a conclu qu’en vertu de l’arrangement contractuel entre ADV et Hunter et PDQ, Hunt et PDQ agissaient pour le compte d’ADV et non pour celui des clients. Dans le cas présent, la situation est la même.

[127]  Je ne souscris pas à l’argument de Jayco selon lequel Frontier agissait pour le compte des concessionnaires canadiens. Je conclus que la preuve établit clairement que Frontier a été chargée par Jayco d’agir comme son mandataire et non celui des concessionnaires canadiens. Cet élément a été confirmé par le témoignage de M. Howe, qui a déclaré qu’il n’approuvait pas le recours aux services de Frontier depuis le début parce qu’à son avis cette méthode de livraison ne fonctionnerait pas pour sa concession.

[128]  M. Wolf a également déclaré que Frontier agissait comme mandataire de Jayco. En outre, le document expliquant l’arrangement contractuel entre Jayco et Frontier [35] indique expressément que Frontier agit comme mandataire de Jayco.

[TRADUCTION] 

L’arrangement commercial avec Frontier Supply Chain Solutions nous oblige à fonctionner au Canada comme des importateurs non résidents. Jayco avait déjà un numéro d’INR au dossier, mais elle ne l’utilisait pas. Ce numéro d’INR est maintenant actif et Frontier agit comme notre mandataire au Canada.

[129]  Par conséquent, lorsque Frontier a embauché Alvin Motor Freight pour cueillir les pièces à l’établissement de Jayco à Middlebury pour les transporter à l’installation de Frontier à Bensenville, puis, de là, à l’installation de Frontier à Winnipeg, pour qu’elles soient distribuées à chaque concessionnaire canadien, le titre n’a pas été transféré et la livraison ne s’est pas produite à l’établissement de Jayco puisque Frontier n’agissait pas pour le compte des concessionnaires canadiens. Si les pièces avaient été endommagées pendant le transport, à mon avis, le risque aurait été assumé par Jayco. 

[130]  De plus, bien qu’aucun connaissement n’ait été déposé en preuve en ce qui concerne les pièces, le document expliquant la relation contractuelle entre Jayco et Frontier indique que [TRADUCTION] « Frontier rassemblait tous les matériaux à destination du Canada, et les déplaçait à Bensenville, Illinois, tous les jours. Il s’agit du point de rassemblement de Frontier aux États‑Unis. Ils sont déplacés par Alvin Motor Freight en vertu d’un connaissement ». Par conséquent, comme Frontier utilisait un connaissement pour l’ensemble du chargement, il est évident que le connaissement ne pouvait servir de titre et de document de livraison pour les commandes de pièces individuelles destinées à différents concessionnaires. Pour la même raison, les connaissements consolidés ne pouvaient pas non plus être utilisés pour illustrer une [TRADUCTION] « livraison symbolique » des pièces comme l’a soutenu Jayco en ce qui concerne les VR. Il est également évident que les destinataires aux termes des connaissements consolidés ne pouvaient être les concessionnaires canadiens. Enfin, Jayco était l’importateur au dossier et non les concessionnaires canadiens. 

[131]  Même si Jayco a déclaré qu’elle avait eu recours aux services de Frontier exclusivement pendant les périodes visées par l’appel, la preuve documentaire a démontré que Jayco avait aussi eu recours aux services d’UPS et d’Old Dominion pour transporter les pièces des États‑Unis au Canada. Jayco n’a déposé aucune preuve en ce qui concerne les arrangements contractuels qu’elle a conclus avec UPS et Old Dominion.

[132]  Compte tenu de la preuve, à savoir les arrangements contractuels, le comportement de Jayco, des concessionnaires canadiens et de Frontier, et le connaissement, je conclus que les pièces ont été livrées à l’acquéreur au Canada ou ont été mises à sa disposition au Canada. Par conséquent, Jayco devait percevoir et verser la composante provinciale de la TVH.

VIII. DISPOSITIF

[133]  L’appel est accueilli en ce qui concerne la fourniture des VR.

[134]  Tous les autres éléments des cotisations demeurent inchangés.

[135]  Les dépens sont accordés à l’appelante.

Signé à Ottawa, Canada, le 16e jour de février 2018.

« Johanne D’Auray »

La juge D’Auray

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2019.

Mario Lagacé, jurilinguiste


ANNEXE 1

Version en vigueur du 15 décembre 2009 au 31 décembre 2009

Loi sur la taxe d’accise

L.R.C. 1985, ch. E ‑15

Règle générale – Canada

142(1) Pour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur au Canada ou y est, ou y sera, mis à sa disposition;

  [...]

Règle générale – hors du Canada

(2) Pour l’application de la présente partie, un bien ou un service est réputé fourni à l’étranger si :

a) s’agissant d’un bien meuble corporel fourni par vente, il est, ou sera, livré à l’acquéreur à l’étranger ou est, ou sera, mis à sa disposition à l’étranger;

  [...]

Taux de la taxe sur les produits et services

165 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

Taux de la taxe dans les provinces participantes

(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée dans une province participante est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada, outre la taxe imposée par le paragraphe (1), une taxe calculée au taux de taxe applicable à la province sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[...]

Perception

221 (1) La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l’acquéreur en vertu de la section II.

[TRADUCTION] 

CODE DE L’INDIANA – TITRE 26

DROIT COMMERCIAL

Définitions et index des définitions

Article 103. (1) Sauf indication contraire du contexte, les définitions suivantes s’appliquent au chapitre IC 26‑1‑2 :

a) « acheteur » Personne qui achète des objets ou conclut un contrat à cette fin.

[...]

d) « vendeur » Personne qui vend des objets ou conclut un contrat à cette fin.

[...]

(4) De plus, le chapitre IC 26‑1‑1 contient des définitions générales et des principes d’interprétation qui s’appliquent au chapitre IC 26‑1‑2.

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑103. Modifié par P.L.152‑1986, art. 121; P.L.222‑1993, art. 3; P.L.57‑2000, art. 15; P.L.143‑2007, art. 7.

[...]

Définitions générales

Article 201.

(14) « livraison » S’entend :

(A) pour ce qui est d’un titre électronique, du transfert volontaire de contrôle;

(B) pour ce qui est d’un instrument, d’un titre corporel, d’un document relatif à un bien meuble ou d’une sûreté attestée par certificat, du transfert volontaire de possession.

[...]

Obligations générales des parties

Article 301. L’obligation du vendeur consiste à transférer et à livrer et celle de l’acheteur consiste à accepter et à payer conformément au contrat.

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑301.

Lieu de livraison non précisé

Article 308. Sauf convention contraire :

  • a) la livraison des objets a lieu à l’établissement du vendeur ou, s’il n’en a pas, à sa résidence,

  • b) mais dans un contrat de vente d’objets déterminés qui, à la connaissance des parties au moment de la conclusion du contrat, se trouvent dans un autre lieu, ce lieu est celui de la livraison,

  • c) et les titres peuvent être livrés au moyen des voies bancaires habituelles.

(Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑308.) Modifié par P.L.3‑1989, article 149.

[...]

Délai de paiement ou période de crédit; pouvoir d’expédition sous réserve

Article 310. Sauf convention contraire :

a) le paiement est dû au moment et à l’endroit où l’acheteur doit recevoir les objets, même si le lieu d’expédition est le lieu de livraison;

b) si le vendeur est autorisé à vendre les objets, il peut les expédier sous réserve et offrir les titres, mais l’acheteur peut inspecter les objets après leur arrivée et avant le paiement, sauf si cette inspection est incompatible avec les modalités du contrat (art. 513 du chapitre IC 26‑1‑2);

c) si la livraison est autorisée et effectuée au moyen des titres autrement qu’en vertu de l’alinéa b), le paiement est alors dû, peu importe si les objets doivent être reçus :

(i) au moment et à l’endroit où l’acheteur doit recevoir la livraison des titres corporels;

(ii) au moment où l’acheteur doit recevoir la livraison des documents électroniques et à l’établissement du vendeur ou, s’il n’y en a pas, à la résidence du vendeur;

d) si le vendeur est tenu d’expédier les objets à crédit, ou s’il est autorisé à le faire, la période de crédit commence à la date de l’expédition, mais la datation de la facture à une date postérieure ou le report de l’expédition reportera d’autant le début de la période de crédit.

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑310. Modifié par P.L.152‑1986, art. 133; P.L.143‑2007, art. 10.

[...]

Transfert du titre; réserve de sûreté; application limitée du présent article

Article 401. Toutes les dispositions du chapitre IC 26‑1‑2 portant sur les droits, les obligations et les recours du vendeur, de l’acheteur ou de tiers s’appliquent sans égard au titre des objets, sauf si la disposition renvoie à ce titre. Si une situation n’est pas visée par les autres dispositions du chapitre IC 26‑1‑2 et que la question du titre devient importante, les règles suivantes s’appliquent :

(1) Le titre des objets ne peut être transféré en vertu d’un contrat de vente avant leur désignation dans le contrat (art. 501 du chapitre IC 26‑1‑2) et, sauf convention contraire explicite, leur désignation donne à l’acheteur un titre de propriété spécial, selon les limites prévues par la section IC 26‑1. Toute réserve par le vendeur à l’égard du titre (propriété) des objets expédiés ou livrés à l’acheteur ne peut s’appliquer qu’à une réserve de sûreté. Sous réserve des présentes dispositions et des dispositions du chapitre IC 26‑1‑9.1 portant sur les transactions garanties, le titre des objets est transféré du vendeur à l’acheteur en la manière et selon les conditions explicitement convenues par les parties.

(2) Sauf convention contraire explicite, le titre est transféré à l’acheteur au moment et à l’endroit où le vendeur exécute le contrat en ce qui concerne la livraison matérielle des objets, malgré toute réserve de sûreté et même si un titre doit être livré à un moment ou dans un endroit différent et, en particulier, malgré toute réserve de sûreté prévue par le connaissement :

a) si le contrat oblige le vendeur à envoyer les objets à l’acheteur, ou l’autorise à le faire, mais ne l’oblige pas à les livrer à destination, le titre est transféré à l’acheteur au moment et au lieu de l’expédition,

b) mais si le contrat exige la livraison à destination, le titre est transféré au moment de l’offre de livraison à cet endroit.

(3) Sauf convention contraire explicite, lorsque la livraison doit être faite sans déplacer les objets :

a) si le vendeur doit livrer un titre corporel, le titre est transféré au moment et à l’endroit où il livre ces documents et si le vendeur doit livrer un titre électronique, le titre est transféré au moment où le vendeur livre le document;

b) si les objets, au moment de la conclusion du contrat, sont déjà déterminés et si aucun titre ne doit être livré, le titre est transféré au moment et à l’endroit de la conclusion du contrat.

(4) En cas de rejet ou de refus par l’acheteur de recevoir ou de conserver les objets, qu’il soit justifié ou non, ou en cas de révocation justifiée de l’acceptation, le vendeur reprend le titre des objets. Ce transfert se produit par effet de la loi; il ne s’agit pas d’une « vente ».

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑401. Modifié par P.L.152‑1986, art. 141; P.L.57‑2000, art. 18; P.L.143‑2007, art. 12.

[...]

Mode d’offre de livraison du vendeur

Article 503. (1) L’offre de livraison oblige le vendeur à mettre et à conserver à la disposition de l’acheteur les objets conformes et à lui donner tout avis raisonnablement nécessaire pour lui permettre d’en prendre livraison. Le mode, le moment et le lieu de l’offre de livraison sont établis au moyen d’une entente et conformément au chapitre IC 26‑1‑2, et, en particulier :

a) la livraison doit être offerte à une heure raisonnable et, si elle vise des objets, ces derniers doivent être disponibles pour une période raisonnable de façon à permettre à l’acheteur d’en prendre possession,

b) mais, sauf convention contraire, l’acheteur doit fournir des installations qui conviennent raisonnablement à la réception des objets.

(2) Lorsque l’expédition est visée par l’article 504 du chapitre IC 26‑1‑2, l’offre de livraison doit exiger que le vendeur se conforme à cet article.

(3) Lorsque le vendeur doit faire la livraison à un endroit précis, l’offre de livraison doit exiger qu’il se conforme au paragraphe (1) et, le cas échéant, aux documents décrits aux paragraphes (4) et (5).

(4) Lorsque les objets sont en possession d’un baillaire et qu’ils doivent être livrés sans être déplacés :

a) l’offre de livraison exige que le vendeur fournisse un titre négociable portant sur ces objets ou qu’il obtienne une reconnaissance par le baillaire du droit de possession de l’acheteur à l’égard des objets,

b) mais l’offre de livraison à l’acheteur d’un titre non négociable ou d’une directive écrite enjoignant au baillaire de procéder à la livraison suffit, sauf si l’acheteur s’oppose de façon opportune et, sauf disposition contraire du chapitre IC 26‑1‑9.1, la réception par le baillaire de l’avis des droits de l’acheteur établit ces droits à l’égard du baillaire et de tous les tiers; toutefois, le risque lié à la perte des objets et au défaut du baillaire d’honorer le titre non négociable ou de respecter la directive est assumé par le vendeur jusqu’à ce que l’acheteur ait eu un délai raisonnable pour présenter le document ou la directive, et le refus du baillaire d’honorer le document ou de se conformer à la directive annule l’offre.

(5) Lorsque le contrat oblige le vendeur à livrer des documents :

a) il doit offrir de livrer ces documents dans la forme appropriée, sauf disposition contraire du paragraphe 323(2) du chapitre IC 26‑1‑2 en ce qui concerne les connaissements dans un ensemble;

b) l’offre faite au moyen des voies bancaires habituelles suffit et le fait de ne pas honorer la traite bancaire qui accompagne les documents constitue la non‑acceptation ou le rejet des documents.

(Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑503.) Modifié par P.L.152‑1986, art. 145; P.L.143‑2007, art. 13.

Expédition par le vendeur

Article 504. Lorsque le vendeur est tenu de livrer les objets à l’acheteur ou qu’il est autorisé à le faire, et que le contrat ne l’oblige pas à les livrer à un lieu précis, sauf convention contraire, il doit :

a) confier les objets à un transporteur et conclure un contrat raisonnable eu égard à la nature des objets et aux autres circonstances du cas en vue de leur transport;

b) obtenir et livrer rapidement ou offrir de livrer en bonne et due forme tout document nécessaire pour permettre à l’acheteur de prendre possession des objets ou tout document par ailleurs exigé par une entente ou par l’usage du commerce;

c) aviser rapidement l’acheteur que les objets ont été expédiés.

L’omission d’aviser l’acheteur en vertu de l’alinéa c) ou de conclure un contrat approprié en vertu de l’alinéa a) est un motif de rejet uniquement s’il en résulte une perte ou un retard important.

(Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑504.)

Expédition par le vendeur sous réserve

Article 505. (1) Lorsque le vendeur a désigné des objets dans le contrat au plus tard à la date de l’expédition, les principes suivants s’appliquent :

a) Son acquisition d’un connaissement négociable pour son propre compte lui accorde une sûreté sur les objets. Son acquisition d’un connaissement pour le compte d’une société de financement ou de l’acheteur indique en plus seulement l’intention du vendeur de transférer cette sûreté à la personne désignée.

b) Un connaissement non négociable pour son propre compte ou son prête‑nom lui réserve la possession des objets à titre de sûreté, mais, sauf dans le cas d’une livraison conditionnelle (paragraphe 507(2) du chapitre IC 26‑1‑2), un connaissement non négociable désignant l’acheteur comme destinataire ne réserve aucune sûreté, même si le vendeur conserve la possession ou le contrôle du connaissement.

(2) Lorsque l’expédition par le vendeur accompagnée d’une réserve de sûreté contrevient au contrat de vente, elle ne constitue pas un contrat approprié pour le transport aux termes de l’article 504 du chapitre IC 26‑1‑2, mais elle ne contrevient pas aux droits accordés à l’acheteur par l’expédition et à la détermination des objets au contrat ni au pouvoir du vendeur en sa qualité de détenteur d’un titre négociable.

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑505. Modifié par P.L.152‑1986, art. 146; P.L.143‑2007, art. 14.

Risque de perte en l’absence de manquement

Article 509. (1) Lorsque le contrat oblige le vendeur à expédier les objets par l’entremise d’un transporteur, ou l’autorise à le faire :

a) s’il ne l’oblige pas à les livrer à un lieu précis, le risque de perte est transféré à l’acheteur au moment où les objets sont livrés au transporteur, même si l’expédition est sous réserve (article 505 du chapitre IC 26‑1‑2),

b) mais s’il ne l’oblige pas à les livrer à un lieu précis et que les objets sont dûment offerts alors qu’ils sont en la possession du transporteur, le risque de perte est transféré à l’acheteur au moment où les objets sont ainsi offerts de façon à permettre à l’acheteur d’en prendre livraison.

(2) Lorsque les objets sont détenus par un baillaire pour être livrés sans être déplacés, le risque de perte est transféré à l’acheteur :

a) au moment où il obtient la possession ou le contrôle d’un titre négociable visant les objets;

b) au moment où le baillaire reconnaît le droit de possession de l’acheteur à l’égard des objets;

c) au moment où il obtient la possession ou le contrôle d’un titre non négociable ou d’une directive écrite de livraison, comme le prévoit l’alinéa 503(4)b) du chapitre IC 26‑1‑2.

(3) Dans toute situation non visée par le paragraphe (1) ou (2), le risque de perte est transféré à l’acheteur au moment où il reçoit les objets si le vendeur est un commerçant. Sinon, le risque est transféré à l’acheteur au moment de l’offre de livraison.

(4) Le présent article est assujetti à toute entente contraire des parties ainsi qu’à l’article 327 du chapitre IC 26‑1‑2 portant sur la vente sur approbation et à l’article 510 du même chapitre portant sur l’effet d’un manquement sur le risque de perte.

Anciennement : Lois 1963, ch. 317, art. 2‑509. Modifié par P.L.152‑1986, art. 147; P.L.143‑2007, art. 16.


Loi sur la vente d’objets

L.R.O. 1990, CHAPITRE S.1

Définitions et interprétation

1 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« acheteur » La personne qui achète ou promet d’acheter des marchandises (« buyer »)

[...]

« livraison » Transfert volontaire de la possession par une personne à une autre. (« delivery »)

[...]

« titre » Document servant, dans le cours normal du commerce, à établir la possession ou le contrôle d’objets, ou autorisant ou présenté comme autorisant, soit par endossement, soit par délivrance, le possesseur du titre à transférer ou à recevoir les objets qui y sont désignés. S’entend en outre du connaissement et du certificat d’entrepôt au sens de la Loi modifiant le droit commercial, du bon de souscription et du bon de livraison d’objets. (« document of title »)

« vendeur » Personne qui vend ou promet de vendre ses objets. (« seller »)

[...]

Obligations du vendeur et de l’acheteur

26 Le vendeur a l’obligation de livrer les objets, et l’acheteur de les accepter et d’en payer le prix, conformément aux clauses du contrat de vente. L.R.O. 1990, chap. S.1, art. 26.

Conditions concomitantes

27 Sauf convention contraire, la livraison des objets et le paiement du prix sont des conditions concomitantes, c’est‑à‑dire que le vendeur doit être prêt et disposé à remettre à l’acheteur la possession des objets en échange du prix, et que l’acheteur doit être prêt et disposé à payer le prix en échange de la possession des objets. L.R.O. 1990, chap. S.1, art. 27.

Livraison

28(1) La question de savoir si l’acheteur est tenu de prendre possession des objets ou si le vendeur est tenu de les envoyer à l’acheteur dépend dans chaque cas du contrat, exprès ou tacite, conclu entre les parties. Indépendamment de tout contrat exprès ou tacite, la livraison a lieu à l’établissement du vendeur, s’il y en a un, et, à défaut, à sa résidence. La livraison d’objets déterminés qui, au moment de la conclusion du contrat, se trouvent ailleurs à la connaissance des parties, se fait à l’endroit où ils se trouvent.

Délai

(2) Le vendeur qui est tenu d’expédier les objets à l’acheteur aux termes du contrat de vente, doit les expédier dans un délai raisonnable, si aucun délai n’a été fixé.

Objets en possession d’un tiers

(3) La livraison d’objets en possession d’un tiers au moment de la vente n’a pas lieu tant que le tiers n’a pas déclaré à l’acheteur qu’il détient les objets pour son compte. Le présent article n’a pas d’incidence sur les effets découlant de l’établissement ou du transfert d’un titre.

Demande ou offre de livraison

(4) Une demande ou une offre de livraison peut être considérée comme sans effet si elle n’est pas faite à une heure convenable; ce qui constitue une heure convenable est une question de fait.

Frais de préparation

(5) Sauf convention contraire, le vendeur supporte les frais, directs et accessoires, engagés pour rendre les objets livrables. L.R.O. 1990, chap. S.1, art. 28.

[...]

Livraison au transporteur

31(1) Lorsque le contrat de vente autorise ou oblige le vendeur à expédier les objets à l’acheteur, leur livraison au transporteur, désigné ou non par l’acheteur, vaut livraison à l’acheteur en l’absence de preuve contraire.

Contrat entre le vendeur et le transporteur

(2) Sauf autorisation différente de l’acheteur, le vendeur doit conclure avec le transporteur, au nom de l’acheteur, un contrat raisonnable eu égard à la nature des objets et aux autres circonstances de l’espèce. Si le vendeur omet de ce faire et que les objets sont perdus ou endommagés en transit, l’acheteur peut soit refuser de considérer la livraison au transporteur comme valant livraison à l’acheteur, soit tenir le vendeur responsable du préjudice. L.R.O. 1990, chap. S.1, art. 31.


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 34

N° DU DOSSIER DE LA COUR :

2015‑3545(GST)G

INTITULÉ :

JAYCO, INC. C SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 16, 17, 18 et 19 mai 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Johanne D’Auray

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 février 2018

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Jonathan Ip

Me David Douglas Robertson

Avocate de l’intimée :

Me Donna Tomljanovic

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Jonathan Ip

David Douglas Robertson

 

Cabinet :

EY Cabinet d’avocats s.r.l./S.E.N.C.R.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15.

[2]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Formulaire de demande pour devenir concessionnaire », A‑1, onglet 24.

[3]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Entente de vente et de services après-vente conclue avec le concessionnaire », A‑1, onglet 4 à la page 78 et onglets 16, 20, 25 et 26, pièce A‑2, et recueil de documents de l’intimée, R‑1, onglet 16.

[4]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Formulaire de commande », A‑1, onglets 2 (à la page 25), 17, 21, 27, 28, et recueil de documents de l’intimée, R‑1, onglet 17.

[5]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Formulaire d’accusé de réception de commande », A‑1, onglets 10, 12, 18, 22 et 33.

[6]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Entente de financement du fabricant », A‑1, onglet 8, et [TRADUCTION] « Entente modifiée et reformulée avec le vendeur », onglet 9.

[7]   Recueil de documents de l’appelante, onglet 29, [TRADUCTION] « Avis à la société de financement sur stocks du concessionnaire ».

[8]   Recueil de documents de l’appelante, onglets 31 et 32, [TRADUCTION] « Note d’approbation ».

[9]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Factures – CC », A‑1, onglets 13, 14, 15, 23, 61. [TRADUCTION] « Factures – AMT », A‑1, onglets 11, 19, 36, 61.

[10]   Recueil de documents de l’appelante, [TRADUCTION] « Avis au concessionnaire – RV prêt(s) à être expédié(s) », A‑1, onglet 34, et recueil de documents de l’intimée, R‑1, onglet 17, aux pages 89 et 94.

[11]   Transcription, le 16 mai 2017, à la page 41, lignes 2 à 8.

[12]   Transcription, le 16 mai 2017, à la page 59, lignes 4 à 28, et à la page 60, lignes 1 à 4.

[13]   Recueil de documents de l’intimée, onglet 17, à la page 78.

[14]   Recueil de documents de l’intimée, onglet 17, à la page 87.

[15]   Recueil de documents de l’appelante, onglets 36 et 60.

[16]   Recueil de documents de l’appelante, onglet 2, à la page 27, onglets 34 et 35.

[17]   Recueil de documents de l’appelante, onglet 2, à la page 26.

[18]   Recueil de documents de l’appelante, onglet 2, à la page 29.

[19]   Transcription, le 16 mai 2017, à la page 99, lignes 18 à 25.

[20]   ADV Ltd. c. Canada, [1997] ACI no 825.

[21]   À titre de référence, j’ai joint, à l’annexe 1, les dispositions pertinentes de la LTA, de l’IC et de la Loi sur la vente d’objets de l’Ontario.

[22]   Série des mémorandums sur la TPS/TVH, chapitre 3.3, Lieu de fourniture, le 7 avril 2000, aux paragraphes 7 à 11.

[23]   Recueil de documents de l’appelante, onglet 16, à la page 143.

[24]   398 N.E. 2d 1309 (Cour d’appel de l’Indiana, 1979).

[25]   Voir l’article 14706 du US Transportation Code.

[26]   Recueil de documents de l’appelante, volume 2, onglet 34, et recueil de documents de l’intimée, onglet 17, aux pages 89 et 94 (le point d’expédition est indiqué comme Jayco), voir également l’alinéa 504c) du chapitre IC‑26‑1‑2.

[27]   [1956] O.J. No. 572.

[28]   Dunlop v Lambert, (1839) Macl & Rob 663.

[29]   Les appels d’ADV et d’AFX ont été entendus sur preuve commune. J’ai renvoyé à la décision ADV uniquement dans mes motifs, ci‑dessus, à la note 20.

[30]   Décision ADV, précitée, note 20, au paragraphe 10. 

[31]   Ibid, au paragraphe 13.

[32]   Ibid.

[33]   Recueil de documents de l’appelante, onglets 10 et 12.

[34]   Recueil de documents de l’appelante, onglets 11 et 13, recueil de documents de l’intimée, onglet 20, à la page 121.

[35]   Recueil de documents de l’appelante, volume 1, onglet 55.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.