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Dossier : 2008-2967(IT)G

ENTRE :

FLSMIDTH LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 septembre 2010, à Montréal (Québec).

 

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Pierre Martel

Me Pierre-Louis Le Saunier

Avocat de l’intimée :

Me Michel Lamarre

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est rejeté conformément aux motifs de jugement ci‑joints, les dépens étant adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de janvier 2012.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2012.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2012 CCI 3

Date : 20120103

Dossier : 2008-2967(IT)G

ENTRE :

FLSMIDTH LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]              Il s’agit ici de savoir si GL&V/Dorr-Oliver Canada Inc. (« Dorr-Oliver »), une société remplacée dont est issue l’appelante, a droit à une déduction en vertu du paragraphe 20(12) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1] à l’égard de sa part de l’impôt sur le revenu des États-Unis payé par une société en commandite dont elle était membre. L’appel se rapporte à l’année d’imposition de Dorr-Oliver qui a pris fin le 31 mars 2002.

 

[2]              Le paragraphe 20(12) autorise une déduction à l’égard de l’impôt sur un revenu ne provenant pas d’une entreprise qui a été payé à un pays étranger. La déduction peut être effectuée dans le calcul du revenu tiré par le contribuable d’une entreprise ou d’un bien.

 

[3]              Le paragraphe 20(12) énonce un certain nombre de conditions applicables à la déduction. Les conditions pertinentes dans le présent appel sont les suivantes : l’impôt étranger doit être payé au titre du revenu tiré par le contribuable d’une entreprise ou d’un bien et, dans le cas d’une société, il ne doit pas être raisonnable de considérer l’impôt comme payé à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de la société.

 

[4]              Le paragraphe 20(12) est libellé ainsi :

 

Est déductible dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition tiré d’une entreprise ou d’un bien le montant que le contribuable demande, ne dépassant pas l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise (au sens de la définition de « impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise » au paragraphe 126(7), compte non tenu des alinéas c) et e) de celle‑ci) qu’il a payé pour l’année à un pays étranger au titre de ce revenu, à l’exception de tout ou partie d’un tel impôt qu’il est raisonnable de considérer comme payé par une société à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de la société.

 

[5]              Les questions soulevées en l’espèce sont les suivantes :

 

i) La société en commandite dont Dorr-Oliver était membre a‑t‑elle payé l’impôt sur le revenu des États-Unis à l’égard d’une source de revenu qui était un bien aux termes de la Loi?

 

ii) Dans l’affirmative, est-il raisonnable de considérer l’impôt des États-Unis comme payé à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de Dorr-Oliver?

 

Aperçu

 

[6]              Dorr-Oliver a été constituée en personne morale en Ontario, en 1990, à titre de filiale à cent pour cent du Groupe Laperrière & Verrault (« GL&V »), une société du Québec.

 

[7]              En 1998, GL&V a établi une structure transfrontalière en vue de financer l’acquisition de sociétés aux États‑Unis. Le genre de structure établie par GL&V est connu sous le nom de « structure étagée ». En général, une structure étagée est une chaîne d’entités de portefeuille (sociétés ou sociétés de personnes) qu’une société établit afin de pouvoir financer des filiales américaines d’une façon efficiente sur le plan fiscal[2]. On obtient cette efficience fiscale en utilisant des entités qui sont classifiées différemment en droit fiscal canadien et en droit fiscal des États-Unis. Ces entités sont appelées des « entités hybrides » parce que, aux fins de l’impôt, un pays traite l’entité à titre de véhicule intermédiaire, comme une société de personnes, alors que l’autre pays la traite comme une société, qui est elle-même imposable[3].

 

[8]              Par suite du traitement différent des entités hybrides dans la structure de GL&V, le revenu de la société en commandite a été calculé d’une façon différente aux fins de l’impôt canadien et aux fins de l’impôt des États-Unis. En vertu du droit fiscal des États-Unis, le revenu qui était gagné par la société en commandite était un revenu d’intérêts provenant d’une société des États-Unis. Aux fins de l’impôt canadien, il s’agissait d’un revenu de dividende tiré d’une société canadienne. Cette différence de traitement donne lieu à la première question qui se pose en l’espèce, soit celle de savoir si l’impôt des États-Unis qui a été payé sur le revenu d’intérêts a été payé à l’égard d’une source de revenu qui était un bien aux termes de la Loi.

 

[9]              Quant à la seconde question, l’entité, dans la structure de GL&V, qui a payé le revenu d’intérêts sur lequel la société en commandite a été imposée aux États-Unis était une société étrangère affiliée de Dorr-Oliver. Il s’agit donc de savoir s’il est raisonnable de considérer l’impôt des États-Unis comme ayant été payé par la société en commandite à l’égard d’un revenu tiré d’une action d’une société étrangère affiliée.

 

Les faits

 

[10]         Les entités suivantes faisaient partie de la structure de GL&V :

 

GL&V and Peg Limited Partnership – la société en commandite des États-Unis dont Dorr-Oliver était membre. Cette société en commandite a été constituée en vertu des lois de l’État du Delaware[4]. Dorr-Oliver détenait une part de 98,9 p. 100 dans la société en commandite, et GL&V détenait une part d’un pour cent. Le commandité (une autre filiale à cent pour cent de GL&V) détenait une part de 0,1 p. 100[5]. La société en commandite a produit un choix auprès de l’Internal Revenue Service des États-Unis en vue d’être traitée comme une société résidant aux États-Unis. Selon le droit fiscal canadien, la société en commandite était traitée comme une entité transparente.

 

GL&V Company : une société à responsabilité illimitée de la Nouvelle‑Écosse (la « SRINE »), dont toutes les actions appartenaient à la société en commandite. L’unique activité de la société en commandite consistait à détenir les actions de la SRINE. La SRINE était une entité dont il était fait abstraction en vertu du droit fiscal des États‑Unis. Elle était traitée à titre de société en vertu du droit fiscal canadien et elle était donc assujettie à l’impôt à titre de personne distincte.

 

GL&V Finance Inc. : une société à responsabilité limitée des États‑Unis (la « SRL »), dont toutes les actions appartenaient à la SRINE. La SRL était une entité dont il était fait abstraction en vertu du droit fiscal des États-Unis. En vertu du droit fiscal canadien, la SRL était traitée comme une personne distincte assujettie à l’impôt.

 

[11]         GL&V a utilisé de la façon suivante la structure transfrontalière en vue de financer son acquisition de sociétés des États-Unis :

 

- la société en commandite a souscrit des actions de la SRINE en utilisant, en partie, des fonds empruntés;

 

- la SRINE a utilisé pour souscrire des actions de la SRL les fonds provenant des souscriptions effectuées par la société en commandite;

 

- la SRL a utilisé le produit des souscriptions pour consentir des prêts portant intérêt (les « prêts de la SRL ») à GL&V Holdings (« Holdings »), une filiale des États-Unis de GL&V;

 

- Holdings a utilisé le produit des prêts de la SRL en vue de fournir des capitaux et de consentir des prêts à des filiales indirectement détenues à cent pour cent de GL&V afin d’acheter des sociétés des États-Unis.  

 

[12]         Pour l’année qui a pris fin le 31 mars 2002, la SRL a gagné un revenu d’intérêts de Holdings sur les prêts de la SRL et elle a utilisé ce revenu ainsi que le revenu d’intérêts qu’elle avait gagné au cours de l’année précédente en vue de verser des dividendes à la SRINE. La SRINE a utilisé le produit des dividendes de la SRL en vue de verser des dividendes à la société en commandite.

 

[13]          Au cours de cette année‑là, la société en commandite a versé des intérêts sur les fonds qu’elle avait empruntés pour souscrire les actions de la SRINE.

 

[14]         Ces opérations ont donné lieu à des résultats fiscaux différents en vertu du droit fiscal des États‑Unis et du droit fiscal canadien.

 

[15]         Aux fins de l’impôt des États‑Unis, la SRINE et la SRL étaient traitées comme des entités dont il était fait abstraction, et il était considéré :

 

- que la société en commandite avait consenti directement à Holdings les prêts de la SRL;

 

- que les intérêts gagnés sur ces prêts étaient directement gagnés par la société en commandite et il a été fait abstraction des dividendes de la SRL et des dividendes de la SRINE;

 

- que les intérêts versés par la société en commandite sur les fonds utilisés aux fins de l’acquisition des actions de la SRINE et, en fin de compte, aux fins du financement des prêts de la SRL ont été payés en vue de gagner un revenu d’intérêts sur les prêts de la SRL.

 

La société en commandite a produit un choix auprès de l’Internal Revenue Service des États‑Unis en vue d’être traitée à titre de société résidant aux États‑Unis. Dans le calcul de son revenu net, elle a inclus le revenu d’intérêts tiré de Holdings, et elle a déduit les intérêts versés sur les fonds qu’elle avait empruntés en vue d’acheter les actions de la SRINE. La société en commandite a payé l’impôt des États‑Unis sur le revenu net en résultant.

 

[16]         Aux fins du droit fiscal canadien :

 

- La SRL était traitée comme une société étrangère affiliée de la SRINE, et le revenu d’intérêts que la SRL avait tiré de Holdings était requalifié à titre de revenu provenant d’une entreprise exploitée activement et il était inclus dans le surplus exonéré de la SRL[6];

 

- Les dividendes de la SRL versés à la SRINE étaient payés à l’aide du surplus exonéré de la SRL. Étant donné que les dividendes étaient versés à l’aide du surplus exonéré, la SRINE pouvait déduire le montant de ces dividendes dans le calcul de son revenu imposable conformément à l’alinéa 113(1)a) de la Loi et elle ne payait pas d’impôt sur ces dividendes;

 

- La société en commandite incluait les dividendes de la SRINE dans son revenu et elle déduisait les intérêts versés sur les fonds qu’elle avait empruntés en vue de souscrire les actions de la SRINE. Elle déduisait également l’impôt des États‑Unis qu’elle avait payé au cours de l’année, et il s’agit là de la déduction qui est ici contestée;

 

- Dorr-Oliver incluait sa part du revenu de la société en commandite dans le calcul de son revenu. Le montant inclus dans le revenu par Dorr‑Oliver était net de sa part proportionnelle de la déduction contestée effectuée par la société en commandite en vertu du paragraphe 20(12);

                                               

- Dans le calcul de son revenu imposable, Dorr‑Oliver déduisait sa part des dividendes de la SRINE reçus par la société en commandite en vertu du paragraphe 112(1). Par conséquent, Dorr‑Oliver ne payait aucun impôt sur sa part proportionnelle des dividendes de la SRINE;

 

- La SRL était une société étrangère affiliée de Dorr‑Oliver.

 

Les parties admettent que l’impôt des États‑Unis qui a été payé par la société en commandite a été payé par cette dernière sur un revenu d’intérêts tiré des prêts de la SRL et qu’il s’agissait d’un impôt sur un revenu ne provenant pas d’une entreprise selon la définition figurant au paragraphe 126(7) de la Loi. Il est également admis que la seule source de revenu de la société en commandite selon la Loi était les actions qu’elle détenait dans la SRINE et que le seul revenu qu’elle a reçu au cours de l’année en question était le revenu de dividende tiré de la SRINE.

 

Première question : L’impôt des États-Unis que la société en commandite a payé se rapportait-il à un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien selon la Loi?

 

[17]         En ce qui concerne la première question, il est utile de reproduire les passages pertinents du paragraphe 20(12), qui sont libellés ainsi :

 

Est déductible dans le calcul du revenu d’un contribuable [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien […] l’impôt sur le revenu [...] qu’il a payé [...] à un pays étranger au titre de ce revenu [...]

 

La position de l’intimée

 

[18]         L’intimée soutient qu’une déduction effectuée en vertu du paragraphe 20(12) de la Loi est uniquement possible pour l’impôt payé à un pays étranger au titre d’un revenu tiré de la même source (entreprise ou bien) que le revenu qui est calculé par le contribuable en vertu de la Loi. En l’espèce, la seule source de revenu de la société en commandite, selon une perspective fiscale canadienne, était les actions qu’elle détenait dans la SRINE. Toutefois, il n’y avait aucun montant que la société  en commandite pouvait déduire en vertu du paragraphe 20(12) dans le calcul de son revenu tiré de cette source, parce que la société en commandite ne payait pas l’impôt des États-Unis au titre du revenu provenant de cette source. L’intimée affirme que l’impôt des États-Unis a été payé sur le revenu d’intérêts tiré des prêts de la SRL, lesquels n’étaient pas reconnus comme une source de revenu de la société en commandite aux termes de la Loi.

 

[19]         Étant donné que le revenu sur lequel l’impôt des États‑Unis a été payé n’était pas considéré comme un revenu en vertu de la Loi, la société en commandite n’avait pas de source de revenu donnant lieu à la déduction prévue au paragraphe 20(12).

 

[20]         L’intimée affirme qu’il doit exister un [traduction] « lien direct » entre l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite et le revenu de dividende que celle‑ci a reçu de la SRINE et qu’il n’existe aucun lien direct dans ce cas‑ci. Il ne suffit pas que le revenu d’intérêts et les dividendes soient tous deux un revenu tiré d’un bien en vertu de la Loi. L’appelante ne peut pas effectuer de déductions à l’égard du revenu d’intérêts attribué à la société en commandite en vertu du droit fiscal des États-Unis parce que cette source n’existait pas aux termes de la Loi. En outre, étant donné qu’en vertu de la Loi le revenu tiré d’un bien est calculé pour chaque bien pris individuellement, seules les déductions qui se rapportent aux actions de la SRINE peuvent être prises en compte dans le calcul du revenu tiré de ces actions.

 

[21]         L’intimée fait également valoir que cette interprétation de l’expression « l’impôt [...] payé [...] au titre de ce revenu » est conforme à l’objet du paragraphe 20(12), qui est de faire en sorte que les résidents canadiens ne soient pas assujettis à une double imposition internationale. Il n’existe pas de double imposition du revenu de dividende de la société en commandite provenant de la SRINE parce que les dividendes étaient déductibles par la société en commandite en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi et qu’ils n’étaient donc pas imposés en vertu de la Loi. Le seul impôt payé par la société en commandite sur le revenu d’intérêts de la SRL qui était transmis à la société en commandite était l’impôt des États‑Unis.

 

La position de l’appelante

 

[22]         L’appelante soutient que l’expression « l’impôt [...] payé [...] au titre de ce revenu » au paragraphe 20(12) n’exige pas qu’il y ait un lien de causalité ou un lien direct entre l’impôt des États‑Unis et le revenu de dividende tiré de la SRINE. Il suffit que l’impôt des États‑Unis soit payé relativement au revenu qui est calculé en vertu de la Loi ou par rapport à ce revenu.

 

[23]         L’appelante dit que, sur le plan économique, le bénéfice que la société en commandite a tiré des actions qu’elle détient dans la SRINE a été réduit par l’impôt des États‑Unis qu’elle avait payé et que l’impôt des États‑Unis a donc été payé à l’égard du revenu de dividende tiré de la SRINE. L’appelante affirme que l’impôt des États‑Unis [traduction] «avait pour effet de réduire le bénéfice de la seule et unique entreprise de la société en commandite, à savoir le placement que celle‑ci avait effectué dans les actions de la SRINE ».

 

[24]         L’appelante soutient que les mots « dans le calcul du revenu d’un contribuable [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien » et « l’impôt [...] payé [...] au titre de ce revenu » ont été ajoutés au paragraphe 20(12) simplement en vue de préciser que la déduction n’était pas possible à l’égard des impôts étrangers payés sur un revenu tiré de sources autres qu’une entreprise ou un bien et non en vue d’exiger que l’impôt étranger soit payé sur un revenu tiré de la même source que celui qui est calculé en vertu de la Loi. Étant donné que, dans ce cas‑ci, les impôts des États‑Unis ont été payés à l’égard d’une source de revenu qui était d’un bien, le paragraphe 20(12) s’appliquerait à la déduction.

 

[25]         Subsidiairement, l’appelante soutient que la mention, au paragraphe 20(12), d’un « revenu [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien » se rapporte en fait à une seule source unifiée de revenu, également parce que ce libellé vise uniquement à limiter la déduction à l’impôt étranger payé à l’égard du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien, par opposition à d’autres sources de revenu. Par conséquent, la distinction faite par l’intimée entre le revenu de dividende gagné par la société en commandite aux fins de l’impôt canadien et le revenu d’intérêts que cette dernière a gagné aux fins de l’impôt des États‑Unis n’est pas pertinente pour l’application du paragraphe 20(12) puisque les deux types de revenus sont englobés dans la catégorie du « revenu […] tiré d’une entreprise ou d’un bien ».

 

[26]         De plus, l’appelante dit que l’interprétation proposée par l’intimée est contraire aux positions administratives que le ministre a prises dans un certain nombre d’interprétations techniques de l’ARC. Dans ces interprétations, le ministre a reconnu que la déduction prévue au paragraphe 20(12) était possible dans des situations analogues à celle dans laquelle Dorr‑Oliver se trouve en l’espèce.

 

[27]         L’appelante affirme également que l’interprétation que l’intimée donne de l’expression « au titre de ce revenu » incorpore au paragraphe 20(12) une règle relative à la source territoriale qui entraînerait le refus d’une déduction lorsque le revenu gagné par un contribuable provient du Canada selon les règles fiscales canadiennes. L’appelante fait valoir qu’il n’y a rien au paragraphe 20(12) qui donne à entendre que la caractérisation du revenu en droit fiscal canadien et en droit fiscal étranger doit être la même. Le texte du paragraphe 20(12) ne parle pas d’un revenu de source étrangère sur lequel l’impôt étranger est payé.

 

Analyse

 

[28]         Pour déterminer si la société en commandite a payé l’impôt des États‑Unis à l’égard d’un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien aux termes de la Loi, il faut déterminer le sens des expressions « revenu [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien » et « l’impôt [...] payé [...] au titre de ce revenu » figurant au paragraphe 20(12).

 

[29]         En premier lieu, je suis d’accord avec l’intimée lorsqu’elle affirme que les mots « ce revenu », au paragraphe 20(12), se rapportent au « revenu […] tiré d’une entreprise ou d’un bien » dont il est question au début de la disposition. L’appelante n’a pas contesté ce point, et les termes utilisés ne sont pas ambigus.

 

[30]         En second lieu, il est clair que ce que l’on a voulu viser au moyen de l’expression « revenu [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien », c’est le revenu provenant de chaque entreprise individuelle ou de chaque bien individuel du contribuable, plutôt que du revenu tiré de toutes les sources combinées d’un contribuable qui sont des entreprises ou de toutes les sources combinées qui sont des biens ou encore du revenu combiné d’un contribuable tiré d’entreprises et de biens. Ces mots font partie de l’expression « dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition tiré d’une entreprise ou d’un bien », qui, a-t-il été jugé, exige un calcul du revenu tiré de chaque entreprise distincte ou de chaque bien distinct. Dans l’arrêt Hickman Motors Limited c. Canada[7], le juge Iacobucci a dit ce qui suit :

 

133 [...] pour des fins fiscales, lorsqu’il calcule son revenu tiré d’une entreprise, un contribuable ne peut regrouper les revenus et dépenses en provenance de toutes ses entreprises. Le contribuable doit plutôt calculer séparément son revenu ou sa perte provenant de chaque entreprise. Le contribuable obtient ainsi le chiffre qu’il doit ensuite insérer dans la formule du calcul du revenu pour l’année d’imposition, établie à l’art. 3.

 

134 Cette exigence de considérer chaque entreprise comme une source distincte découle du libellé des dispositions applicables. Par exemple, l’al. 3a) prévoit qu’un contribuable doit déterminer son revenu « en calculant le total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année [...] tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien » (je souligne). De même, l’al. 4(1)a) prévoit :

 

[...] le revenu ou la perte d’un contribuable pour une année d’imposition provenant d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise, de biens ou d’une autre source [...] signifie le revenu ou la perte [...] du contribuable, calculée conformément à la présente loi, en supposant que ce contribuable n’a eu, durant l’année d’imposition, aucun revenu ni perte, sauf ce qui provenait de cette source [...] [Je souligne.]

 

Le paragraphe 9(1) renferme un texte similaire, de même que le par. 20(1), qui énumère une liste des sommes qu’un contribuable peut déduire de son revenu tiré « d’une entreprise ou d’un bien » (je souligne).

 

135 Cette nécessité de séparer le revenu d’entreprise suivant ses diverses « sous‑sources » a été examinée dans la doctrine et la jurisprudence. Dans son ouvrage intitulé Canadian Income Taxation (4e éd. 1986), Edwin C. Harris affirme (à la p. 99) :

 

[TRADUCTION] ... la Loi prévoit que le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition est son revenu provenant de toutes les sources, y compris, notamment, le revenu tiré de chaque charge ou emploi, chaque entreprise et chaque bien. Son revenu provenant de chaque type de source doit être calculé séparément. [Je souligne.]

 

[31]         Au paragraphe 138 de ses motifs, le juge Iacobucci a ajouté ce qui suit :

 

L’exigence de calculer séparément le revenu tiré de chaque « sous‑source » est fondamentale pour la totalité du régime fiscal mis au point par le législateur. Proposer autre chose, comme le fait ma collègue, c’est ignorer les termes clairs de la Loi.

 

[32]         Ces remarques s’appliquent également au calcul du revenu tiré d’un bien en vertu de la Loi. Cela étant, je rejette les arguments de l’appelante selon lesquels l’expression « revenu [...] tiré d’une entreprise ou d’un bien » au paragraphe 20(12) s’entend d’une seule source unifiée de revenu, ou d’un revenu tiré d’entreprises ou de biens en général. Je conclus que le libellé du paragraphe 20(12) vise le calcul du revenu tiré d’une source précise, entreprise ou bien, d’un contribuable, et que l’impôt étranger doit être payé à l’égard du revenu tiré de cette source.

 

[33]         À mon avis, cette interprétation est conforme à l’objet visé par le législateur lorsqu’il a ajouté, en 1992, les mots « d’une entreprise ou d’un bien » et « au titre de ce revenu », au paragraphe 20(12). Auparavant, le paragraphe 20(12) ne renfermait pas de restriction expresse au sujet de la source de revenu à l’égard de laquelle l’impôt étranger pouvait être déduit; cette disposition prévoyait alors ce qui suit :

 

Impôt étranger sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise Dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition, un contribuable peut déduire un montant au titre et jusqu’à concurrence de l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise qu’il a payé pour l’année à un pays étranger (au sens de la définition de « impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise » au paragraphe 126(7) compte non tenu des alinéa c) et e) de celle‑ci), à l’exception d’un tel impôt, ou fraction de celui‑ci, qu’il est raisonnable de considérer comme ayant été payé par


 une société à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de la société.

(Non souligné dans l’original.)

 

[34]         Dans l’affaire Kaiser c. Le ministre du Revenu national[8], il a été soutenu que le paragraphe 20(12) permettait au contribuable de déduire l’impôt étranger payé sur un revenu d’emploi. Dans la décision Kaiser, la Cour a conclu qu’une déduction effectuée en vertu du paragraphe 20(12) était uniquement possible aux fins du calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien, mais le législateur a décidé de modifier la disposition en question de façon que cette limitation soit claire. Toutefois, le législateur voulait également préciser que tout montant demandé en vertu du paragraphe 20(12) devait être déduit dans le calcul du revenu tiré de la source à laquelle l’impôt étranger se rapportait. Les notes techniques du ministère des Finances énonçaient cet objet :

 

Le paragraphe 20(12) permet de déduire, dans le calcul du revenu, l’impôt sur le revenu ne provenant pas d’une entreprise payé à un gouvernement étranger, au lieu de le déduire à titre de crédit pour impôt étranger en application de l’article 126 de la Loi. Ce paragraphe est modifié, pour les années d’imposition 1992 et suivantes, afin de préciser que la déduction prévue au paragraphe 20(12) n’est valable que pour les impôts étrangers payés au titre du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien. Ainsi, tout montant déduit selon ce paragraphe devra être déduit dans le calcul du revenu provenant de la source à laquelle l’impôt se rapporte[9] .

 

[35]         Par conséquent, il existe, au paragraphe 20(12), une exigence claire voulant que l’impôt étranger soit payé à l’égard du revenu d’un contribuable tiré d’une entreprise particulière ou d’un bien particulier et que l’impôt soit uniquement déductible à l’égard de cette source.

 

[36]         Dans ce cas‑ci, la seule source de revenu de la société en commandite en vertu de la Loi était les actions qu’elle détenait dans la SRINE et le seul calcul du revenu effectué par la société en commandite en vertu de la Loi se rapportait à cette source. L’exigence, au paragraphe 20(12), selon laquelle l’impôt étranger doit être payé « au titre de ce revenu » doit être interprétée comme exigeant que l’impôt des États‑Unis soit payé à l’égard du revenu de dividende provenant de la SRINE.

 

[37]         Selon la thèse de l’intimée, étant donné que l’impôt des États‑Unis a été payé sur un revenu d’intérêts, cet impôt ne pouvait pas avoir été payé à l’égard du revenu de dividende que la société en commandite avait tiré de la SRINE. L’intimée soutient en fait que l’expression « l’impôt [...] payé [...] au titre de ce revenu » devrait être interprétée comme voulant dire « l’impôt […] payé [...] sur ce revenu ».

 

[38]         Cette interprétation a une portée trop étroite.

 

[39]         Dans l’arrêt Nowegijick c. La Reine[10], la Cour suprême du Canada a conclu que les mots anglais « in respect of » (dont l’équivalent français au paragraphe 20(12) est « au titre de »  ont « la portée la plus large possible » et elle a ajouté ce qui suit :

 

Ils [les mots « quant à » employés comme équivalent de in respect of] signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l’expression « quant à » qui est la plus large.

 

[40]         Cette remarque a fréquemment été citée dans les décisions fiscales canadiennes, et je ne suis au courant d’aucun cas dans lequel la conclusion à laquelle la Cour suprême est arrivée n’a pas été suivie. Par conséquent, l’expression « au titre de ce revenu » employé au paragraphe 20(12) doit être considérée comme exigeant l’existence d’un rapport ou d’un lien quelconque entre l’impôt étranger et le revenu qui est calculé en vertu de la Loi.

 

[41]         La position de l’intimée selon laquelle il doit exister un lien direct entre le paiement de l’impôt étranger et le revenu canadien contredit également la position prise par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») dans un certain nombre d’interprétations techniques.

 

[42]         La première interprétation technique se rapportait à un particulier résidant au Canada qui possédait toutes les actions d’une société à responsabilité illimitée de la Nouvelle-Écosse (« SRI ») qui, de son côté, possédait toutes les actions d’une société à responsabilité limitée (« société RL ») des États‑Unis. Ce particulier payait l’impôt des États‑Unis sur le revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien de la société RL parce qu’il était fait abstraction de la SRI et de la société RL en droit fiscal des États‑Unis. L’ARC a déclaré qu’en vertu du paragraphe 20(12) le particulier avait droit à une déduction pour l’impôt des États‑Unis payé, et ce, même s’il ne recevait pas de dividende de la société RI. Le passage pertinent de l’interprétation technique dit ce qui suit :

 

            [traduction]

[...] Ce sont les actions de la SRI, qui est une société canadienne, que le contribuable possède, mais les impôts des États-Unis qui ont été payés peuvent être considérés comme se rapportant à ces actions, de sorte que la déduction prévue au paragraphe 20(12) [...] ne serait pas refusée [...] Dans ce casci, les biens sont les actions de la SRI. Si le contribuable ne possédait pas ces actions, il n’aurait pas à payer les impôts des États-Unis et il n’y a rien au paragraphe 20(12) de la Loi qui empêche que la déduction ne crée une perte[11].

 

[43]         Un exemple similaire, dans une interprétation technique de 2008, se rapportait à l’impôt des États-Unis payé par un contribuable résidant au Canada sur sa part du revenu d’une société S des États‑Unis. Or, il est fait abstraction de la société S aux fins de l’impôt des États‑Unis et le revenu de cette société est attribué à ses actionnaires. En vertu du droit fiscal canadien, la société est considérée comme une personne distincte assujettie à l’impôt. Par conséquent, l’actionnaire paierait l’impôt des États‑Unis sur le revenu tiré des activités de la société, alors qu’au Canada il paierait l’impôt sur les dividendes distribués par la société. L’ARC a déclaré que la déduction prévue au paragraphe 20(12) était possible pour l’impôt des États‑Unis payé par l’actionnaire même si la société RI ne versait pas de dividende au contribuable. En d’autres termes, l’ARC a reconnu que la déduction prévue au paragraphe 20(12) était possible lorsque l’impôt des États‑Unis était payé sur un revenu tiré d’une source différente de la source de revenu du contribuable en vertu de la Loi. L’ARC reconnaissait probablement que l’impôt des États‑Unis était payé au titre du revenu du contribuable tiré d’un bien en vertu de la Loi parce que le revenu de la société finit par être versé à l’actionnaire et qu’il est imposé à titre de revenu tiré d’un bien. L’interprétation technique énonce l’opinion de l’ARC, à savoir :

 

            [traduction] 

[...] une déduction au cours d’une année d’imposition, en vertu du paragraphe 20(12) de la Loi, pour l’impôt des États‑Unis payé par le contribuable pour l’année à l’égard de sa part du revenu d’une société S ne doit pas être refusée même si le contribuable ne reçoit pas de montant distribué par la société S au cours de l’année. Il importe de noter que l’opinion exprimée ci-dessus n’est pas simplement un point de vue administratif, comme vous l’avez indiqué dans votre note, ne tenant pas compte des termes du paragraphe 20(12), mais il s’agit d’une interprétation juste de cette disposition et le ministère des Finances appuie cette interprétation[12].

 

[44]         Ces interprétations ne sont pas obligatoires, mais, en cas de doute, elles peuvent être prises en compte. Dans l’arrêt Nowegijick, la Cour suprême a dit :

 

Les politiques et l’interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un « facteur important » : le juge de Grandpré dans l’arrêt Harel c. Sous‑ministre du Revenu du Québec, [1978] 1 R.C.S. 851, à la p. 859[13].

 

[45]         Pour ces motifs, je conclus qu’il n’existe aucune exigence, au paragraphe 20(12), voulant que l’impôt étranger soit payé sur le revenu que le contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien, mais qu’il est suffisant que le paiement de l’impôt soit lié à ce revenu ou s’y rapporte. Il me semble que le législateur aurait simplement utilisé les mots « payé sur ce revenu » plutôt que les mots « payé au titre de ce revenu » s’il avait voulu restreindre la possibilité d’une déduction en vertu du paragraphe 20(12) aux cas dans lesquels l’impôt étranger a été payé sur un revenu provenant de la même source que le revenu qu’il s’agit de calculer.

 

[46]         Je retiens la prétention de l’appelante selon laquelle le paiement de l’impôt des États‑Unis se rapportait au revenu de dividende que la société en commandite avait reçu de la SRINE ou qu’il y était lié, parce que la source indirecte du revenu de dividende que la société en commandite a reçu était le revenu d’intérêts que la SRL avait reçu de Holdings et que le paiement de l’impôt réduisait le montant dont disposait la SRINE qui pouvait être versé à la société en commandite à titre de dividendes. En outre, comme le dit la première interprétation technique susmentionnée de l’ARC, l’appelante n’aurait pas eu à payer l’impôt des États‑Unis si elle n’avait pas possédé d’actions de la SRINE. À mon avis, cela est également suffisant pour lier, pour l’application du paragraphe 20(12), le paiement de l’impôt des États‑Unis et le revenu de dividende que la société en commandite avait reçu de la SRINE.

 

Seconde question : Est-il raisonnable de considérer la part de Dorr‑Oliver de l’impôt des États-Unis payée par la société en commandite comme ayant été payée par Dorr‑Oliver à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de Dorr‑Oliver?  

 

[47]         Les parties conviennent qu’au cours de la période en cause, la SRL était une société étrangère affiliée de Dorr‑Oliver, et ce, parce que selon le paragraphe 93.1(1) de la Loi, Dorr‑Oliver était réputée posséder une part proportionnelle des actions de la SRINE possédées par la société en commandite égale à sa participation proportionnelle dans la société en commandite, de sorte que Dorr‑Oliver détenait une participation de 98,7 p. 100 dans la SRL.

 

[48]         L’appelante et l’intimée ne s’entendent pas sur la question de savoir s’il est raisonnable de considérer la part de Dorr‑Oliver de l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite comme ayant été payée à l’égard du revenu tiré des actions de la SRL.

 

La thèse de l’appelante

 

[49]         Selon l’appelante, il n’est pas raisonnable de considérer l’impôt des États‑Unis comme ayant été payé par Dorr‑Oliver à l’égard d’un revenu tiré des actions de la SRL parce que les actions de la SRL ne constituaient pas une source de revenu pour Dorr-Oliver. La seule source potentielle de revenu de dividende pour Dorr‑Oliver était les actions de la SRINE que la société en commandite possédait. Les dividendes versés sur ces actions ne pourraient pas être considérés comme un revenu tiré d’une action d’une société étrangère affiliée puisque la SRINE était une société canadienne et non une société affiliée étrangère de Dorr‑Oliver.

 

[50]         L’appelante a également soutenu que l’expression « il est raisonnable de considérer » n’autorise pas le ministre à faire abstraction de l’existence de la SRINE et à considérer que la société en commandite a reçu les dividendes de la SRL. L’avocat a déclaré que, en l’absence d’une disposition de la Loi prévoyant le contraire ou d’un trompe-l’œil, il faut respecter les relations juridiques d’un contribuable.

 

[51]         L’appelante a également dit qu’une personne raisonnable ne pourrait pas conclure que l’impôt des États‑Unis a été payé au titre d’un revenu de dividende reçu de la SRL parce que l’impôt était payable même si la SRL ne déclarait pas de dividende. La société en commandite a payé l’impôt des États‑Unis sur le revenu d’intérêts tiré de Holdings qui lui était transmis parce que la SRL et la SRINE étaient des entités dont il était fait abstraction aux fins de l’impôt des États‑Unis.

 

[52]         Selon le dernier argument de l’appelante, l’interprétation que l’intimée donne de la limitation preuve au paragraphe 20(12) est incompatible avec l’obligation qui incombe au Canada en vertu de la Convention entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune[14] (la « Convention »). L’appelante prétend qu’en vertu des paragraphes XXIV(2) et (3) de la Convention, le Canada est obligé d’accorder un allègement à l’égard de l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite en l’espèce.

 

La thèse de l’intimée

 

[53]         L’intimée a soutenu que les mots « à l’exception de tout ou partie d’un tel impôt qu’il est raisonnable de considérer comme payé par une société à l’égard du revenu tiré d’une action du capital-actions d’une société étrangère affiliée de la société » visent à empêcher un contribuable de tirer parti du régime de crédit pour impôt étranger et du régime de déduction établis par la Loi s’il bénéficie déjà du régime pour les sociétés étrangères affiliées.

 

[54]         L’avocat a ajouté que, comme les dividendes versés à l’aide de fonds provenant du surplus exonéré d’une société étrangère affiliée ne sont pas imposés au Canada, il faut en toute logique que l’impôt étranger payé au titre du revenu donnant lieu à pareils dividendes ne soit pas déductible en vertu du paragraphe 20(12).

 

Analyse

 

[55]         L’argument de l’appelante selon lequel Dorr‑Oliver ne pouvait pas avoir gagné de dividendes provenant de la SRL et selon lequel il n’est donc pas raisonnable de considérer sa part de l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite comme ayant été payée à l’égard du revenu tiré d’une action de la SRL ne tient pas compte, à mon avis, du fait que le législateur a, répétons-le, utilisé les mots « impôt qu’il est raisonnable de considérer comme payé [...] à l’égard [in respect of] du revenu tiré d’une action [...] d’une société étrangère affiliée », plutôt que les mots « impôt payé sur » ce revenu.

 

[56]         Comme il en a ci-dessus été fait mention, l’expression « au titre de » ou « à l’égard de » (in respect of) a une portée large et est employée pour exprimer l’existence d’un lien entre deux choses connexes. Dans ce cas‑ci, le critère serait le suivant : est-il raisonnable de considérer que l’impôt des États‑Unis payé se rapporte ou est lié au revenu tiré de l’action de la société étrangère affiliée.

 

[57]         En l’espèce, l’impôt était lié ou se rapportait au revenu de dividende que la SRL avait versé à la SRINE, parce qu’il avait été versé sur un revenu qui servait à financer le versement des dividendes. Il a été admis que les dividendes que la SRL avait versés à la SRINE provenaient des intérêts que Holdings avait versés à la SRL, et que les dividendes de la SRL servaient à financer les dividendes que la SRINE versait à la société en commandite.

 

[58]         Quant à la première question soulevée en l’espèce, l’appelante a fait valoir, et j’ai retenu son argument, que l’impôt des États‑Unis avait été payé par la société de personnes à l’égard du revenu de dividende que cette dernière avait reçu de la SRINE, quoiqu’il n’ait pas été versé sur ce revenu. L’appelante a maintenu que [traduction] « lorsque les impôts influent sur un flux de revenu provenant d’une source, de sorte que le profit économique tiré de cette source est réduit, il est raisonnable de conclure que ces impôts sont payés à l’égard de cette source ». Je souscris à ce raisonnement et je conclus qu’il s’applique également au revenu de dividende que la SRL a versé à la SRINE. L’impôt des États‑Unis que la société de personnes a payé sur le revenu d’intérêts que Holdings a versé à la SRL réduisait le profit économique tiré de cette source qui pouvait ensuite être versé à la SRINE et, par extension, il réduisait le montant que la SRINE pouvait verser à la société de personnes. Le paiement de l’impôt influait ainsi sur le flux de revenu à chaque stade, depuis la SRL, en passant par la SRINE, jusqu’à la société de personnes. Par conséquent, je conclus que l’impôt des États‑Unis se rapportait ou était lié au revenu de dividende que la SRINE avait reçu de la SRL puisque les deux faisaient partie du flux de fonds qui provenait de Holdings et qui s’est trouvé finalement entre les mains de la société de personnes.

 

[59]         L’appelante a également soutenu que les expressions « il est raisonnable de considérer » et « à l’égard du » figurant au paragraphe 20(12) ne permettent pas au ministre de faire abstraction de la SRINE afin de conclure que la société de personnes payait l’impôt des États-Unis à l’égard de dividendes reçus de la SRL. En vertu de cette disposition, le ministre n’a pas le droit de faire abstraction de l’existence de la SRINE. L’appelante invoque la conclusion de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Shell Canada Ltée c. Canada[15] qu’en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi ou d’un trompe-l’œil, le ministre doit respecter les rapports juridiques véritables établis par un contribuable.

 

[60]         L’avocat s’est référé aux articles 16 et 68 de la Loi, qui requalifient expressément certains arrangements conclus par un contribuable.

 

[61]         Ainsi, selon le paragraphe 16(1), les montants qu’il est raisonnable de considérer comme des intérêts ou comme un autre montant ayant un caractère de revenu, qui sont payables à un contribuable, sont réputés constituer un revenu du contribuable, quels que soient la forme ou les effets juridiques du contrat en vertu duquel le paiement a été effectué en faveur du contribuable. Cette disposition est rédigée ainsi :

 

Les règles suivantes s’appliquent dans le cas où, selon un contrat ou un autre arrangement, il est raisonnable de considérer un montant en partie comme des intérêts ou comme un autre montant ayant un caractère de revenu et en partie comme un montant ayant un caractère de capital :

 

a) la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme des intérêts est, quels que soient la date, la forme ou les effets juridiques du contrat ou de l’arrangement, considérée comme des intérêts sur un titre de créance détenu par la personne à qui le montant est payé ou payable;

 

b) la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme un autre montant ayant un caractère de revenu est, quels que soient la date, la forme ou les effets juridiques du contrat ou de l’arrangement, incluse dans le calcul du revenu du contribuable à qui le montant est payé ou payable pour l’année d’imposition au cours de laquelle le montant est reçu ou est devenu exigible dans la mesure où elle n’est pas par ailleurs incluse dans le calcul du revenu du contribuable.

 

[62]         Conformément à l’article 68, lorsqu’un contribuable reçoit un montant qu’il est raisonnable de considérer comme étant en partie la contrepartie de la disposition d’un bien ou en partie la contrepartie de la prestation de services, la première partie est réputée être le produit de disposition du bien, alors que la deuxième partie est réputée être un montant à recevoir pour ces services, quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat en vertu duquel le montant est payable. Cette disposition est rédigée ainsi :

 

Dans le cas où il est raisonnable de considérer que le montant reçu ou à recevoir d’une personne est en partie la contrepartie de la disposition d’un bien d’un contribuable ou en partie la contrepartie de la prestation de services par un contribuable :

 

a)         la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme la contrepartie de cette disposition est réputée être le produit de disposition du bien, quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat ou de la convention, et la personne qui a acquis le bien à la suite de cette disposition est réputée l’acquérir pour un montant égal à cette partie;

 

b)         la partie du montant qu’il est raisonnable de considérer comme la contrepartie de la prestation de services est réputée être un montant reçu ou à recevoir par le contribuable pour ces services, quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat ou de la convention, et être un montant payé ou payable au contribuable par la personne à qui ces services ont été rendus.

 

[63]         Je ne souscris pas à la position que l’appelante a prise, à savoir que les mots « il est raisonnable de considérer », au paragraphe 20(12), ne permettent pas au ministre de faire abstraction de la SRINE. Il me semble que cette expression est en soi une disposition expresse permettant au ministre d’évaluer la substance économique d’une opération, quelle que soit sa forme juridique. Les mots « quels que soient […] la forme ou les effets juridiques » figurant au paragraphe 16(1) et « quels que soient la forme et les effets juridiques du contrat ou de la convention » figurant à l’article 68 ne modifient pas l’expression « il est raisonnable de considérer », mais ils se rapportent plutôt à la disposition déterminative qui suit dans chaque cas, selon laquelle certains types de revenus sont réputés avoir été reçus par le contribuable. Or, il n’existe aucune disposition déterminative de ce genre au paragraphe 20(12).

 

[64]         L’appelante a également soutenu que les mots « il est raisonnable de considérer » ont été insérés dans le paragraphe 20(12) à titre de critère objectif en vue de répartir l’impôt étranger payé par le contribuable parmi diverses sources de revenu plutôt que pour requalifier le fondement de l’impôt. L’avocat de l’appelante a fait à cet égard un parallèle entre le paragraphe 20(12), le paragraphe 16(1) et l’article 68. Toutefois, le paragraphe 16(1) et l’article 68 s’appliquent tous deux à des montants qui comportent plus d’un type de paiement : le paragraphe 16(1) parle d’un « montant en partie […] des intérêts ou […] un autre montant ayant un caractère de revenu et en partie […] un montant ayant un caractère de capital » et l’article 68 parle d’un montant qui est en partie la contrepartie de la disposition d’un bien ou en partie la contrepartie de la prestation de services. Or, le paragraphe 20(12) ne renferme pas de termes similaires qui indiqueraient qu’une répartition est envisagée.

 

[65]         Pour ces motifs, je conclus que le libellé du paragraphe 20(12) étaye la position de l’intimée selon laquelle l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite a été payé à l’égard d’un revenu provenant d’actions de la SRL et qu’il était donc raisonnable de considérer que l’impôt avait été ainsi payé.

 

[66]         Il faut également examiner si ce résultat est conforme à l’objet du paragraphe 20(12), lequel est d’accorder un allègement en ce qui concerne les impôts étrangers payés au titre d’un revenu qui est inclus dans le revenu d’un contribuable en vertu de la Loi.

 

[67]         Je souscris à la thèse de l’intimée voulant que la restriction au paragraphe 20(12), se rapportant à l’impôt étranger payé à l’égard du revenu tiré des actions d’une société étrangère affiliée du contribuable, y soit incluse parce que l’allègement en ce qui concerne l’imposition dans un pays étranger de dividendes provenant de sociétés étrangères affiliées est traité d’une façon exhaustive ailleurs dans la Loi.

 

[68]         La Loi prévoit, au paragraphe 113(1), des mesures permettant d’éviter la double imposition sur les dividendes reçus d’une société étrangère affiliée : l’alinéa 113(1)a) exempte les dividendes de l’impôt lorsqu’ils sont prélevés sur le surplus exonéré, et les alinéas 113(1)b) et c) permettent une déduction à l’égard de l’impôt étranger sous‑jacent attribuable au montant des dividendes lorsque ceux‑ci sont prélevés sur le surplus imposable (additionner 113a), b) + c)). Il est raisonnable de conclure qu’en adoptant ces règles précises à l’égard de l’impôt étranger payé sur les dividendes reçus de sociétés étrangères affiliées le législateur voulait traiter d’une façon exhaustive la question de l’allègement en ce qui concerne l’impôt étranger sur pareils dividendes et qu’il ne voulait pas permettre une déduction additionnelle en vertu du paragraphe 20(12).

 

[69]         Dans ce cas‑ci, le dividende que la SRL a versé à la SRINE a été déduit en vertu de l’alinéa 113(1)a) et il était donc exonéré d’impôt au Canada. Les dividendes que la SRINE a versés à la société en commandite étaient financés à l’aide des dividendes de la SRL qui n’avaient pas été assujettis à l’impôt canadien.

 

[70]         L’appelante fait également valoir que l’interprétation que l’intimée donne de la limitation énoncée au paragraphe 20(12) est incompatible avec l’obligation qui incombe au Canada en vertu de la Convention.

 

[71]         Les paragraphes XXIV(2) et (3) de la Convention énoncent des règles établissant des crédits et des exonérations réciproques relativement à l’impôt étranger afin d’éviter la double imposition du revenu qui est imposable au Canada ainsi qu’aux États-Unis.

 

[72]         Les paragraphes XXIV(2) et (3) sont rédigés ainsi :

 

2. En ce qui concerne le Canada, sous réserve des dispositions des paragraphes 4, 5 et 6, la double imposition est évitée de la façon suivante.

 

            a) Sous réserve des dispositions de la législation canadienne concernant l’imputation de l’impôt payé dans un territoire en dehors du Canada sur l’impôt canadien dû et de toute modification ultérieure de ces dispositions qui n’en affecterait pas le principe général,

 

                        (i) L’impôt sur le revenu payé ou dû aux États-Unis à raison de bénéfices, revenus ou gains provenant des États-Unis, et

 

                        (ii) Dans le cas d’une personne physique, les cotisations de sécurité sociale payées aux États-Unis (autres que les cotisations concernant les prestations d’assurance-chômage) par cette personne physique sur ces bénéfices, revenus ou gains,

 

            sont portés en déduction de tout impôt canadien dû à raison des mêmes bénéfices, revenus ou gains;

 

            b) Sous réserve des dispositions existantes de la législation canadienne concernant l’imposition des revenus provenant d’une société étrangère affiliée et de toute modification ultérieure de ces dispositions qui n’en affecterait pas le principe général, une société qui est un résident du Canada peut, aux fins de l’impôt canadien, déduire, lors du calcul de son revenu imposable, tout dividende reçu qui provient du surplus exonéré d’une société étrangère affiliée qui est un résident des États‑Unis; et

 

            c) Nonobstant les dispositions de l’alinéa a), lorsque le Canada perçoit un impôt sur les gains provenant de l’aliénation d’un bien qui, n’eût été les dispositions du paragraphe 5 de l’article XIII (Gains), ne serait pas imposable au Canada, l’impôt sur le revenu payé ou dû aux États‑Unis sur ces gains est porté en déduction de tout impôt canadien dû à raison des mêmes gains.

 

3. Pour l’application du présent article :

 

            a) Les bénéfices, revenus ou gains (autres que les gains auxquels le paragraphe 5 de l’article XIII (Gains) s’applique) d’un résident d’un État contractant qui sont imposables dans l’autre État contractant conformément à la Convention (sans tenir compte du paragraphe 2 de l’article XXIX (Dispositions diverses)), sont considérés comme provenant de cet autre État; et

 

            b) Les bénéfices, revenus ou gains d’un résident d’un État contractant qui ne sont pas imposables dans l’autre État contractant conformément à la Convention (sans tenir compte du paragraphe 2 de l’article XXIX (Dispositions diverses)) ou auxquels le paragraphe 5 de l’article XIII (Gains) s’applique sont considérés comme provenant du premier État.

 

 

[73]         L’appelante dit que le Canada est tenu, en vertu des paragraphes XXIV(2) et (3), d’accorder un allègement en ce qui concerne l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite en l’espèce. L’avocat affirme que le paragraphe XXIV(2) de la Convention s’applique ici parce que la société en commandite a payé l’impôt sur le revenu aux États‑Unis sur un revenu qui provient des États‑Unis et qui est assujetti au pouvoir d’imposition du Canada. Les États‑Unis ont imposé la société en commandite à titre de résidente des États-Unis, ce qu’ils peuvent faire en vertu de la Convention, et puisque le Canada attribue le revenu de la société en commandite aux associés, qui résident au Canada, l’impôt étranger payé par la société de personnes devrait être attribué aux associés et ces derniers devraient avoir droit à un allègement en ce qui concerne l’impôt étranger.

 

[74]         Pour en arriver à cette interprétation des paragraphes XXIV(2) et (3), l’appelante invoque les articles 23A et 23B du modèle de convention de l’OCDE[16] ainsi que le commentaire de l’OCDE sur ces dispositions[17] et le rapport de 1999 de l’OCDE intitulé : L’application du modèle de convention fiscale de l’OCDE aux sociétés de personnes[18].

 

[75]         À cet égard, l’avocat de l’appelante a cité le passage suivant tiré du rapport de 1999 de l’OCDE (paragraphe 139) :

 

La question est donc de savoir si l’État R [le Canada] qui impose l’associé A sur sa part des bénéfices de la société de personnes est obligé, en vertu de la convention, d’accorder un crédit au titre de l’impôt à la source perçu par l’État P [les États‑Unis] sur la société de personnes P qui est considérée par cet État [les États‑Unis] comme une entité distincte. La réponse à cette question doit être affirmative. Dans la mesure où l’État R [le Canada] attribue le revenu de la société de personnes aux associés en vue d’imposer ces derniers, il doit être cohérent et attribuer aux associés l’impôt payé par la société de personnes afin d’éliminer la double imposition résultant de l’imposition des associés. En d’autres termes, si l’on ne tient pas compte du statut de société conféré à la société de personnes par l’État P [les Etats-Unis] pour l’imposition de la part des bénéfices, il est nécessaire de l’ignorer aussi lorsqu’il s’agit d’ouvrir droit au crédit d’impôt au titre de l’impôt étranger.

 

[76]         L’appelante soutient que, dans ce cas-ci, [traduction] « conformément à la méthode de l’attribution adoptée par l’OCDE à l’égard des sociétés de personnes, le Canada doit accorder un allègement relativement à l’impôt des États-Unis par suite du fait que le revenu de la société en commandite provenant d’une source aux États-Unis est imposé aux États‑Unis ». L’appelante fait valoir que le paragraphe 20(12) est l’une des mesures que le Canada a adoptées en vue d’accorder un allègement en ce qui concerne la double imposition et que cette disposition devrait donc être interprétée de façon à accorder un allègement aux contribuables conformément aux obligations conventionnelles du Canada.

 

Analyse

 

[77]         Premièrement, je ne suis pas convaincu que l’appelante ait démontré que le paragraphe XXIV(2) de la Convention impose au Canada l’obligation d’établir une déduction telle que celle qui est prévue au paragraphe 20(12) de la Loi.

 

[78]         En vertu du paragraphe XXIV(2) de la Convention, le Canada s’engage à éviter la double imposition des bénéfices, des revenus ou des gains provenant des États-Unis en accordant des types précis d’allègement, à savoir :

 

i) une déduction pour l’impôt sur le revenu payé ou dû aux États‑Unis sur les revenus provenant des États‑Unis, déduction à effectuer sur tout impôt canadien payable au titre de ce revenu (sous-alinéa XXIV(2)a)(i));

 

ii) une déduction pour les cotisations de sécurité sociale payées par une personne physique aux États‑Unis (sous réserve de certaines limites) sur les revenus provenant des États‑Unis, déduction à effectuer sur tout impôt canadien payable au titre de ces revenus (sous-alinéa XXIV(2)a)(ii));

 

iii) une déduction à effectuer sur les revenus imposables pour les dividendes reçus par une société qui est un résident du Canada qui proviennent du surplus exonéré d’une société étrangère affiliée et qui est un résident des États‑Unis (alinéa XXIV(2)b));

 

iv) une déduction pour l’impôt sur le revenu payé ou dû aux États‑Unis sur certains gains provenant de l’aliénation d’un bien, déduction à effectuer sur l’impôt canadien payable au titre de ces gains (alinéa  XXIV(2)c)).

 

[79]         Le paragraphe XXIV(2) est subordonné aux paragraphes XXIV(4), (5) et (6), qui traitent du cas des citoyens des États‑Unis qui résident au Canada. Ces dispositions ne sont pas pertinentes aux fins de la présente analyse.

 

[80]         Il appert du paragraphe XXIV(2) que le Canada n’est pas tenu de permettre une déduction pour tout l’impôt des États‑Unis payé sur le revenu provenant des États‑Unis et que l’obligation du Canada ne s’étend pas au‑delà de la prise de mesures pour éviter la double imposition, parce que, pour les catégories (i), (ii) et (iv) susmentionnées, la déduction est limitée à l’impôt canadien dû au titre de ce revenu. Le Canada a satisfait à cette obligation au moyen des dispositions relatives au crédit pour impôt étranger figurant à l’article 126 de la Loi, qui prévoit un crédit jusqu’à concurrence du montant de l’impôt canadien payable au titre de ce revenu.

 

[81]         Par conséquent, il me semble que la Convention ne vise pas à accorder un allègement en ce qui concerne l’impôt des États‑Unis sur un revenu provenant des États‑Unis qui n’est pas imposé au Canada. En l’espèce, ni le revenu provenant des États‑Unis de la société en commandite qui a été imposé aux États‑Unis (et n’est pas reconnu à titre de revenu de la société en commandite en vertu du droit canadien) ni le revenu de dividende que la société en commandite a reçu de la SRINE et qui a été attribué aux associés, et notamment à l’appelante, n’ont été imposés au Canada. En outre, les dividendes de la SRL que la SRINE a reçus (lesquels constituaient la source des dividendes que la SRINE avait versés à la société de personnes) n’étaient pas imposés au Canada parce qu’ils étaient versés au moyen des fonds du surplus exonéré de la SRL. Cela étant, il semble clair qu’aucun impôt canadien n’était payable « à l’égard » des dividendes que la société en commandite avait reçus de la SRINE.

 

[82]         Par conséquent, à mon avis, la prétention de l’appelante selon laquelle les obligations qui incombent au Canada en vertu de la Convention exigent que le paragraphe 20(12) soit interprété de manière que soit accordé à l’appelante une déduction pour sa part de l’impôt des États‑Unis payé par la société en commandite n’est pas fondée.

 

[83]         Quant aux commentaires figurant dans le rapport de l’OCDE sur les sociétés de personnes que l’appelante a cités, il me semble que la position qui est prise dans ce rapport (selon laquelle l’État dans lequel les associés résident serait obligé d’attribuer à ceux-ci l’impôt payé dans l’État où se trouve la source du revenu) est fondée sur ce que le revenu sur lequel l’impôt a été payé est attribué aux associés. Le rapport dit ce qui suit :

 

Dans la mesure où l’État R [le Canada] attribue le revenu de la société de personnes aux associés en vue d’imposer ces derniers, il doit être cohérent et attribuer aux associés l’impôt payé par la société de personnes afin d’éliminer la double imposition résultant de l’imposition des associés.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

[84]         Toutefois, en l’espèce, le revenu sur lequel l’impôt des États‑Unis a été payé par la société en commandite n’a pas été attribué aux associés. Ce revenu n’a pas été reconnu par le Canada. 

 

[85]         En outre, étant donné qu’aucun impôt canadien n’a été payé sur le revenu provenant du revenu sur lequel l’impôt des États‑Unis a été payé par la société en commandite, il n’y a pas de double imposition du revenu qui a été gagné par la société en commandite aux États‑Unis.

 

[86]         Par conséquent, je conclus que l’interprétation du paragraphe 20(12) qui exclut la déduction que Dorr‑Oliver a effectuée n’est pas incompatible avec les obligations qui incombent au Canada en vertu de la Convention.

 

[87]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté, les dépens étant adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de janvier 2012.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour d’avril 2012.

 

 

 

 

Erich Klein, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2012 CCI 3

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-2967(IT)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              FLSMIDTH LTD. c.                             SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 30 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 janvier 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Pierre Martel

Me Pierre-Louis Le Saunier

Avocat de l’intimée :

Me Michel Lamarre

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                      Nom :                          Pierre Martel

                                                          Pierre-Louis Le Saunier

 

                  Cabinet :                          Stikeman Elliott S.E.N.C.R.L., s.r.l.

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.).

[2] L’efficience fiscale est généralement obtenue, du moins en partie, au moyen de la double déduction des intérêts sur les fonds que la société mère a empruntés afin de financer les filiales américaines.

[3] Brad Gordica et Sara McCracken, Interest Deductibility and Other International Tax Proposals in the 2007 Federal Budget, 2007 British Columbia Tax Conference (Vancouver, Association canadienne d’études fiscales, 2007) 13A : 1-22.

[4] Delaware Revised Uniform Limited Partnership Act, 6 Del C., ch. 17.

[5] Jusqu'au 1er mars 2002, le commandité était GL&V and Peg Management Ltd., qui a alors transféré sa participation à GL&V Acquisition Inc., qui est devenue le commandité. Les deux sociétés étaient des filiales à cent pour cent de GL&V.

[6] En vertu de l’alinéa 95(2)a) de la Loi et de l’article 5907 du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, ch. 945.

[7] [1997] 2 R.C.S. 336, paragraphes 133 à 135.

[8] [1991] 2 C.T.C. 2168 (C.C.I.).

[9] 2009 Notes explicatives du ministère des Finances relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu, 4e édition, Toronto, Carswell, 2009, page 179, note explicative du mois de juin 1992, paragraphe 20(12).

 

[10] [1983] 1 R.C.S. 29, page 39.

[11] Interprétation technique 1999-0010295 de l'ARC (21 février 2000).

[12] Interprétation technique 2008-028435117 de l'ARC (22 juillet 2008).

[13] Précité, note 10, page 37.

[14] L.C. 1984, ch. 20.

[15] [1999] 3 R.C.S. 622.

[16] Précité, note 14.

[17] Commentaires sur les articles 23A et 23B concernant les méthodes pour éliminer les doubles impositions, OCDE (2000).

[18] L’application du modèle de convention fiscale de l'OCDE aux sociétés de personnes, OCDE, no 6 (1999).

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