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Dossier : 2009-1446(IT)G

ENTRE :

GORDON E. MARSHALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 octobre 2011 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Diana Aird

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année 2007 est rejeté avec dépens conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de décembre 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste.


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 497

Date : 20111021

Dossier : 2009-1446(IT)G

ENTRE :

GORDON E. MARSHALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V. A. Miller

[1]              La question en litige est de savoir si des actions qu’une société établie aux Bermudes a distribuées à l’appelant en 2007 étaient des dividendes qui devaient être inclus dans son revenu.

[2]              En juin 2007, Tyco International Ltd. (« Tyco »), une société établie aux Bermudes, a procédé à une réorganisation par scission au moyen de laquelle deux de ses filiales en propriété exclusive, à savoir Tyco Electronics Ltd. (« Electronics ») et Covidien Ltd. (« Covidien ») sont devenues des sociétés faisant appel public à l’épargne.

[3]              La réorganisation par scission a été effectuée en deux étapes.

[4]              Premièrement, les actionnaires de Tyco ont reçu une action ordinaire d’Electronics et une action ordinaire de Covidien pour chaque bloc de quatre actions ordinaires qu’ils détenaient dans Tyco à la fermeture des bureaux le 18 juin 2007.

[5]              Deuxièmement, après le transfert des actions de distribution, au moyen d’un regroupement d’actions, les actionnaires ont reçu une action ordinaire de Tyco (« nouvelle ») pour chaque bloc de quatre actions ordinaires de Tyco (« ancienne ») qu’ils avaient détenu.

[6]              Avant la réorganisation par scission, l’appelant détenait 2 679 actions de Tyco (ancienne). Par suite de la réorganisation par scission, l’appelant a reçu 669 actions de Covidien et 669 actions d’Electronics (« les actions de distribution »). Ce sont ces actions qui font l’objet du présent appel.

[7]              L’appelant a également reçu 669 actions de Tyco (nouvelle) par suite du regroupement d’actions.

[8]              TD Waterhouse a délivré à l’appelant un feuillet T5 selon lequel ce dernier avait reçu un revenu de source étrangère de 57 170 $ pour l’année d’imposition 2007. Ce montant représentait la valeur des actions de Covidien et d’Electronics. L’appelant a omis d’inclure ce montant dans son revenu.

[9]              La Cour est appelée à se prononcer sur la nature des actions de distribution reçues par l’appelant. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que le transfert des actions de distribution était un dividende en nature, et que le montant de 57 170 $ doit être inclus dans le revenu de l’appelant pour 2007.

[10]         Le présent appel est le cinquième porté devant la Cour, qui a eu à se prononcer sur la nature des actions de distribution issues de la réorganisation par scission de Tyco; cependant, il s’agit du premier appel introduit sous le régime de la procédure générale. Le juge Hershfield, dans la décision Hamley c. La Reine.[1], la juge Sheridan, dans la décision Yang c. La Reine[2] et le juge McArthur, dans la décision Rezayat c. La Reine[3], ont chacun conclu que les actions de distribution étaient des dividendes en nature et ont rejeté les appels. Au contraire, le juge Bowie, dans la décision Capancini c. La Reine[4], a conclu que les actions de distribution n’avaient jamais été possédées par Tyco, mais qu’elles avaient été créées dans le cadre de la réorganisation par scission et qu’au même titre que les actions de Tyco (nouvelle), elles constituaient les actions d’origine de Tyco (ancienne)[5]. Le juge Bowie a conclu que les actions de distribution n’étaient pas des dividendes, et il a accueilli l’appel.

[11]         L’appelant soutient que je devrais suivre la décision Capancini et conclure que Tyco ne possédait pas les actions de distribution avant la réorganisation par scission. Toutefois, il ressort clairement des éléments de preuve présentés par l’intimée qu’Electronics[6] et Covidien[7] ont été constituées en société aux Bermudes en 2000, en tant que filiales en propriété exclusive de Tyco (ancienne).

[12]         L’appelant fait également valoir que Tyco a demandé une exonération fiscale auprès de divers organismes de réglementation provinciaux en valeurs mobilières, y compris la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (« CVMO »). Il a renvoyé au document de décision du Régime d’examen concerté (« REC »)[8] à l’appui de ses arguments selon lesquels les actions de distribution issues de la réorganisation par scission de Tyco devaient être transférées en franchise d’impôt et non comme un dividende. L’appelant a déclaré que la CVMO avait accordé l’exonération fiscale, et que la partie provinciale de son impôt sur le revenu devrait lui être remboursée.

[13]         L’exonération accordée par la CVMO ne consistait pas dans le fait que le transfert des actions de distribution serait exonéré. La CVMO n’avait pas compétence pour prendre une décision de cette nature. Le document du REC daté du 29 juin 2007 précisait plutôt que la CVMO et les autres organismes de réglementation provinciaux avaient accepté que Tyco fût dispensée des exigences d’établissement de prospectus et d’inscription prévues par leur législation relativement au transfert des actions de distribution proposé. Je tiens également à faire observer que, dans sa demande présentée aux organismes de réglementation provinciaux, Tyco a déclaré que le transfert des actions de distribution [traduction] « aux actionnaires de Tyco résidant au Canada » serait effectué [traduction] « au moyen d’un dividende en nature établi en proportion des actions détenues ». Voir les paragraphes 1.1 et 1.2 du document du REC.

[14]         L’intimée soutient que l’appelant a reçu un revenu de dividendes d’origine étrangère par suite de la réorganisation par scission de Tyco, et que l’article 86.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ne s’applique pas de façon à ce que ces dividendes soient exonérés d’impôt.

[15]         L’avocate de l’intimée a fait valoir le fait que le terme « dividende » n’est pas défini par la Loi, et qu’il devrait avoir le sens ordinaire que lui confèrent les dictionnaires. Je souscris à cette opinion. L’article 248 de la Loi prévoit que sont compris parmi les « dividende[s] » les dividendes en actions, mais il ne définit pas le terme « dividende[s] ».

[16]         Dans la décision Special Risks Holdings Inc. v. The Queen[9], le juge Muldoon a admis qu’un « dividende » était « toute répartition que fait une corporation de son revenu ou de ses gains en capital, au pro rata, entre ses actionnaires ». The Dictionary of Canadian Law définit le terme « dividend » (dividende) comme étant un [traduction] « paiement provenant de bénéfices, effectué au comptant, en espèces ou au moyen des actions d’une autre société ». Le Black’s Law Dictionary définit ainsi le terme « dividend » (dividende) :

 

 

[traduction]

 

Une partie du bénéfice ou des profits d’une société qu’elle distribue en proportion des actions que les actionnaires détiennent, habituellement sous la forme d’espèces ou d’actions additionnelles.

[17]         Une distribution des actions d’une filiale en propriété exclusive par une société mère à ses actionnaires est un dividende en nature[10]. Les actions de distribution visées par le présent appel étaient une distribution de biens effectuée en proportion des actions détenues, distribution qui était un dividende en nature.

[18]         Les dividendes en nature sont expressément prévus au paragraphe 52(2) de la Loi.

[19]         En l’espèce, les dividendes proviennent d’une société non résidente, et ils sont imposables en application de l’alinéa 12(1)k) et de l’article 90 de la Loi.

[20]         Bien que l’appelant n’ait pas invoqué l’article 86.1 de la Loi, j’estime que je devrais mentionner cette disposition étant donné que c’est le seul article de la Loi qui pourrait permettre à l’appelant d’exclure du revenu la valeur des actions de distribution. L’article 86.1 a été inclus dans la Loi pour répondre à la préoccupation selon laquelle de nombreux actionnaires canadiens de sociétés étrangères étaient imposés sur les distributions provenant d’opérations de distribution d’actions alors que des actionnaires qui résident dans le pays étranger où la transaction avait eu lieu n’étaient pas imposés sur les mêmes distributions[11]. L’article 86.1 de la Loi prévoit un certain nombre de conditions. Cette disposition est ainsi libellée :

 

86.1 Distribution d’actions à l’étranger(1) Distribution admissible non comprise dans le revenuMalgré les autres dispositions de la présente partie :

a) le montant d’une distribution admissible qu’un contribuable reçoit n’est pas inclus dans le calcul de son revenu;

b) le paragraphe 52(2) ne s’applique pas à la distribution admissible reçue par le contribuable.

(2) Distribution admissible – Pour l’application du présent article, la distribution effectuée par une société donnée à un contribuable est une distribution admissible si les conditions suivantes sont réunies :

a) la distribution porte sur l’ensemble des actions ordinaires du capital-actions de la société donnée qui appartiennent au contribuable (appelées « actions initiales » au présent article);

b) la distribution consiste uniquement en actions ordinaires du capital-actions d’une autre société qui appartenaient à la société donnée immédiatement avant leur distribution au contribuable (appelées « actions de distribution » au présent article) ;

c) dans le cas d’une distribution qui n’est pas visée par règlement :

(i) au moment de la distribution, les deux sociétés résident aux États-Unis et n’ont jamais résidé au Canada,

(ii) au moment de la distribution, les actions de la catégorie qui comprend les actions initiales sont largement réparties et activement transigées sur une bourse de valeurs désignée située aux États-Unis,

(iii) selon les dispositions du United States Internal Revenue Code qui s’appliquent à la distribution, les actionnaires de la société donnée qui résident aux États-Unis ne sont pas imposables pour ce qui est de la distribution ;

d) dans le cas d’une distribution qui est visée par règlement :

(i) au moment de la distribution, les deux sociétés résident dans le même pays (sauf les États-Unis) avec lequel le Canada a conclu un traité fiscal (appelé « pays étranger » au présent article) et n’ont jamais résidé au Canada,

(ii) au moment de la distribution, les actions de la catégorie qui comprend les actions initiales sont largement réparties et activement transigées sur une bourse de valeurs désignée,

(iii) selon les lois du pays étranger, les actionnaires de la société donnée qui résident dans ce pays ne sont pas imposables pour ce qui est de la distribution,

(iv) la distribution est visée par règlement sous réserve de conditions jugées applicables dans les circonstances;

[...]

[21]         Malheureusement pour l’appelant, les actions de distribution ne correspondaient pas à une distribution admissible parce que les conditions prévues au paragraphe 86.1(2) de la Loi n’étaient pas remplies. Les sociétés visées ne résidaient pas aux États-Unis (sous‑alinéa 86.1(2)c)(i)), et elles ne résidaient pas dans un pays avec lequel le Canada avait conclu un traité fiscal (sous‑alinéa 86.1(2)d)(i)). De même, la distribution n’était pas visée par règlement au sens du sous‑alinéa 86.1(2)d)(iv), et Tyco n’avait pas fourni au ministre les renseignements visés à l’alinéa 86.1e) de la Loi.

[22]         L’appel est rejeté avec dépens.

 

        Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Juge V. A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e  jour de décembre 2011.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 497

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-1446(IT)G

 

INTITULÉ :                                       GORDON E. MARSHALL

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 11 octobre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Diana Aird

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

      

       Nom :         

 

       Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] 2010 CCI 459

[2] 2011 CCI 187

[3] 2011 CCI 286

[4] 2010 CCI 581

[5] Ibid., au paragraphe 13

[6] Pièce R‑1, onglet 10, Rapport annuel de 2007 de Tyco Electronics, à la page 29

[7] Pièce R‑1, onglet 11, formulaire 10-K de 2007, à la page 74

[8] Pièce R‑1, onglet 2

[9] [1994] 1 C.T.C. 274 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 10

[10] Capancini c. La Reine, 2010 CCI 581, au paragraphe 13; Re Canadian Pacific Ltd., [1990] O.J. n606, au paragraphe 77

[11] Voir Daniel Lyons, « Foreign Reorganizations and Canadian Shareholders », Tax Topics n2407 (CCH) 1-4 (2 juin 2011).

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