Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2009-2342(IT)G

 

ENTRE :

CHANDLER TURNNIR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

_________________________________________________________________

 

Appel entendu le 16 septembre 2011, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L'honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Selena Sit

 

_______________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années 1999, 2000 et 2001 est rejeté avec dépens conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de décembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 495

Date : 20111020

Dossier : 2009-2342(IT)G

 

ENTRE :

CHANDLER TURNNIR,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge V. A. Miller

 

[1]              L'appelant interjette appel des nouvelles cotisations relatives à ses années d'imposition 1999, 2000 et 2001 par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté les revenus non déclarés suivants au revenu de l'appelant :

 

Année

Nouvelle cotisation

Revenu d'emploi/

Autres revenus

Dividendes imposables

Revenus d'intérêts

1999

29 avril 2005

 

64 200 $

 

15 375 $

 

2000

7 mars 2002

29 avril 2005

 

20 000 $

444 000 $

 

12 741 $

3 750 $

 

122 $

2001

29 avril 2005

 

16 283,63 $

4 500 $

10 205 $

 

 

 

Le ministre a également établi des pénalités pour faute lourde pour chacune des années en question ainsi qu'une pénalité pour production tardive pour l'année d'imposition 2000.

 

[2]              L'appelant a déclaré un revenu nul dans ses déclarations de revenus pour les années 1999, 2000 et 2001.

 

[3]              En 2006, l'appelant a été reconnu coupable par la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique d'évasion fiscale pour avoir omis de déclarer des revenus imposables de 574 075 $ pour la période comprise entre le 31 décembre 1999 et le 1er mai 2002. Lors de son procès au criminel, l'appelant a invoqué comme moyen de défense qu'il était une « personne physique ».

 

[4]              Suivant la réponse, le ministre a retenu les hypothèses de fait suivantes pour calculer les impôts à payer par l'appelant :

 

[TRADUCTION]

 

a)         pendant toute la période pertinente, l'appelant était l'unique actionnaire et administrateur et le président de Chandler Holding Ltd. (« Chandler »), qui était auparavant connue sous la raison sociale Fair Garbage Disposal Ltd. (« Fair Garbage »);

 

b)         Fair Garbage a changé sa raison sociale à Chandler le 18 février 2000;

 

c)         pendant toute la période pertinente, l'appelant était un employé de Fair Garbage et de Chandler;

 

d)         la date de clôture de l'exercice de Fair Garbage et de Chandler était le 31 octobre;

 

e)         Fair Garbage et Chandler exploitaient une entreprise d'élimination des déchets;

 

f)          en février 2000, Chandler a vendu son entreprise d'élimination des déchets pour ensuite exercer ses activités en tant que société de portefeuille;

 

Revenus d'emploi non déclarés de 1999 : 64 200 $

 

g)         en 1999, Fair Garbage a versé à l'appelant des revenus d'emploi de 64 200 $ répartis de la façon suivante :

 

i) un salaire de 5 000 $ par mois de janvier à décembre;

 

ii) une indemnité de vacances de 4 200 $ en août 1999;

 

h)         Chandler a remis à l'appelant un feuillet T4 indiquant que l'appelant avait reçu 64 200 $ en revenus d'emploi en 1999;

 

i)          l'appelant n'a pas inclus les revenus d'emploi de 64 000 $ qu'il avait reçus de Chandler en 1999 dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 1999;

 

Dividendes imposables non déclarés de 1999 : 15 375 $

 

j)          en 1999, l'appelant a retiré 12 300 $ de Chandler en utilisant son compte de prêt d'actionnaire (les « fonds retirés en 1999 »);

 

k)         l'appelant a utilisé les fonds retirés en 1999 à des fins personnelles de placement;

 

l)          l'appelant et son expert-comptable ont décidé que Chandler considérerait les fonds retirés en 1999 comme des dividendes reçus par l'appelant en 1999;

 

m)        Chandler a remis à l'appelant un feuillet T5 indiquant que l'appelant avait reçu 15 375 $ à titre de dividendes imposables relativement aux fonds retirés en 1999;

 

n)         l'appelant n'a pas inclus les fonds retirés en 1999 de 15 375 $ qu'il avait reçus de Chandler en 1999 dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 1999;

 

Revenus d'emploi non déclarés de 2000 : 20 000 $

 

o)         en 2000, Chandler a versé à l'appelant un salaire de 5 000 $ par mois de janvier à avril, soit un revenu d'emploi de 20 000 $;

 

p)         Chandler a remis à l'appelant un feuillet T4 indiquant que l'appelant avait reçu 20 000 $ à titre de revenu d'emploi en 2000;

 

q)         l'appelant n'a pas inclus les revenus d'emploi de 20 000 $ qu'il avait reçus de Chandler en 2000 dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 2000;

 

Autres revenus d'emploi non déclarés de 2000 : 444 000 $

 

r)          en avril 2000, l'appelant a retiré 905 000 $ de Chandler en utilisant son compte de prêt d'actionnaire (les « fonds retirés en 2000 »);

 

s)         l'appelant a utilisé les fonds retirés en 2000 à des fins personnelles de placement;

 

t)          l'appelant et son expert-comptable ont décidé que Chandler compenserait le montant de 905 000 $ débité à titre de prêt d'actionnaire en déclarant une prime de 444 000 $ versée à l'actionnaire en 2000;

 

u)         Chandler n'a pas remis à l'appelant un feuillet T4 indiquant que l'appelant avait reçu une prime d'actionnaire de 444 000 $ en 2000;

 

v)         l'appelant n'a pas inclus la prime d'actionnaire de 444 000 $ reçue de Chandler dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 2000;

 

Dividendes imposables non déclarés de 2000 : 12 741 $

 

w)        en 2000, l'appelant a reçu 9 000 $ à titre de dividendes de Chandler;

 

x)         Chandler a remis à l'appelant un feuillet T5 indiquant que l'appelant avait reçu 11 250 $ à titre de dividendes imposables en 2000;

 

y)         en 2000, l'appelant a reçu 1 193 $ à titre de dividendes d'Odlum Brown Ltd. (« Odlum »);

 

z)         Odlum a remis à l'appelant un feuillet T5 indiquant que l'appelant avait reçu 1 491 $ à titre de dividendes imposables en 2000;

 

aa)       l'appelant n'a pas inclus les dividendes imposables de 11 250 $ reçus de Chandler ni ceux de 1 491 $ reçus d'Odlum dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 2000;

 

Dividendes imposables non déclarés de 2000 : 3 750 $

 

bb)       en novembre 2000, l'appelant a reçu des dividendes supplémentaires de 3 000 $ de Chandler;

 

cc)       Chandler n'a pas remis à l'appelant de feuillet T5 indiquant que l'appelant avait reçu 3 750 $ à titre de dividendes imposables en 2000;

 

dd)       l'appelant n'a pas inclus les dividendes imposables de 3 750 $ reçus de Chandler en 2000 dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 2000;

 

Revenus d'emploi non déclarés de 2001 : 16 283,63 $

 

ee)       l'appelant a retiré 16 283,63 $ à titre de salaire en tant que « travailleur contractuel »;

 

ff)         Chandler a passé ces montants en charges dans le compte des salaires et a rajusté ces montants à la clôture de son exercice dans le compte des « travailleurs contractuels »;

 

gg)       Chandler n'a pas remis de feuillet T4 à l'appelant pour le revenu d'emploi de 16 283,63 $ qu'elle avait versé à l'appelant en 2001;

 

hh)       l'appelant n'a pas inclus le revenu d'emploi de 16 283,63 $ reçu de Chandler en 2001 dans la déclaration de revenus qu'il a produite au ministre pour l'année d'imposition 2001;

 

Revenu d'emploi non déclaré de 2001 : 4 500 $

 

ii)         l'appelant a reçu un montant supplémentaire de 4 500 $ en 2001 à titre de revenu d'emploi de Chandler en tant que « travailleur contractuel »;

 

Autres revenus d'emploi non déclarés (frais pour droit d'usage d'une automobile et avantages relatifs aux frais d'utilisation d'une automobile)

 

jj)         Chandler a, en 2001, mis à la disposition de l'appelant une automobile Cadillac Seville de l'année 1991 (la « Cadillac »);

 

kk)       en 2001, Chandler a payé tous les frais d'utilisation de la Cadillac;

 

ll)         en 2001, l'appelant n'a pas remboursé à Chandler les frais d'utilisation relatifs à la Cadillac;

 

mm)     en 2001, l'appelant n'a pas tenu de journal de route afin de calculer son usage personnel et commercial de la Cadillac;

 

nn)       l'appelant a parcouru environ 18 000 kilomètres en 2001 avec la Cadillac;

 

oo)       en 2001, la Cadillac était utilisée pour l'entreprise à hauteur de 10 %;

 

pp)       les frais que représentait pour Chandler l'usage de la Cadillac par l'appelant étaient de 31 722,60 $;

 

qq)       l'appelant a reçu de Chandler en 2001 des frais pour droit d'usage de la Cadillac de 7 613 $;

 

rr)        l'appelant a reçu de Chandler en 2001 des avantages relatifs aux frais d'utilisation de la Cadillac de 2 592 $.

 

[5]              Lors de l'instruction du présent appel, l'appelant a soutenu qu'il était [TRADUCTION] « l'administrateur autorisé de la personne juridique désignée » dans la réponse. Il a affirmé que toutes les hypothèses formulées par le ministre étaient fausses parce qu'il est une [TRADUCTION] « personne souveraine » et qu'à ce titre, il n'a pas à payer d'impôts à moins que l'on soit en mesure de démontrer qu'il existe un contrat entre lui et le Canada. Il s'est dit d'avis que seuls les fonctionnaires ont l'obligation de payer des impôts. L'appelant a fait d'autres déclarations qui traduisaient son mécontentement envers le gouvernement du Canada et celui de la Colombie‑Britannique. Il a déclaré qu'il n'invoquait pas l'argument fondé sur la « personne physique », bien que je relève que c'était ce qu'il affirmait dans son avis d'appel.

 

[6]              Après la clôture de l'audience, l'appelant a déposé devant la Cour des documents censés démontrer qu'il existait un contrat de sûreté entre lui, [TRADUCTION] « la personne en chair et en os », et le prête‑nom ou l'entité juridique CHANDLER TURNNIR.

 

[7]              L'appelant n'a pas cherché à s'acquitter du fardeau de la preuve qui lui incombait. Hormis le fait qu'il a affirmé que les hypothèses étaient erronées, il n'a présenté aucun élément de preuve pour contester les hypothèses en question.

 

[8]              La thèse de l'appelant est qu'il est une « personne souveraine » et qu'il ne peut être imposé à moins qu'il existe un contrat entre lui et l'État. Cet argument est mal fondé. La Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») n'établit aucune distinction entre les termes « personne », « personne physique » et « personne souveraine ». La définition du mot « personne » à l'article 248 de la Loi englobe les « personnes en chair et en os » comme l'appelant. Ainsi que le juge Gauthier l'explique dans le jugement M.R.N. c. Stanchfield, 2009 CF 99, au paragraphe 17 :

 

[...] Toute l'idée qu'il puisse exister une seconde entité ayant une qualité distincte de la qualité de personne physique ou d'être humain est pure invention, laquelle ne peut être approuvée par la loi. On peut décrire le vide dans les termes que l'on choisit, le vide demeure néanmoins le vide.

 

[9]              L'appelant est une « personne » qui résidait en Colombie‑Britannique, au Canada, en 1999, 2000 et 2001, et les revenus qu'il a reçus au cours des années en question sont imposables.

 

[10]         Il vaut la peine de signaler que l'appelant a affirmé qu'il n'était pas tenu de payer d'impôts sur le revenu tout en cherchant à se prévaloir des avantages que comporte le fait d'être une personne résidant au Canada. Dans ses déclarations de revenus, il a réclamé des crédits pour TPS. De plus, le formulaire T4 « Sommaire de la rémunération payée » de l'an 2000 indique qu'il avait accumulé le maximum des gains ouvrant droit à pension au sens du Régime de pensions du Canada. Lors de son procès au criminel, l'appelant a expliqué cette situation en affirmant que [TRADUCTION] « le contribuable a droit à tous les avantages dont il peut se prévaloir », ajoutant que le « contribuable » voulait tirer le maximum du Régime de pensions du Canada.

 

[11]         Il incombe au ministre de démontrer que les pénalités pour faute lourde ont été établies de façon régulière. Dans la décision Venne c. La Reine, no T‑815‑82, 9 avril 1984, 84 D.T.C. 6247, la Cour fédérale a déclaré que pour qu'on puisse conclure à une faute lourde, il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi.

 

[12]         Il ressort de la preuve qu'avant 1999, l'appelant déclarait ses revenus et payait de l'impôt sur ceux‑ci. Il a déclaré qu'en 1999, il avait découvert qu'il devait exister un contrat entre l'entité juridique en cause et l'État pour qu'il soit tenu de payer de l'impôt. Il a écrit à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), qui lui a répondu qu'il devait déclarer tous ses revenus. Malgré cela, l'appelant a déclaré des revenus nuls dans ses déclarations de revenus de 1999, 2000 et 2001. Son ancien expert‑comptable, R. W. Burr, C.A., lui a également dit qu'il devait déclarer les 444 000 $ qu'il avait retirés en 2000 de sa société, Chandler Holdings Ltd. Dans une lettre du 18 décembre 2001 à l'appelant, M. Burr a écrit ce qui suit :

 

[TRADUCTION]

 

Je m'inquiète du fait que les dossiers de la société indiquent qu'elle vous a remis 444 000 $ à titre de salaire au cours de l'année précédente, alors que vous n'avez pas déclaré ce montant dans votre déclaration de revenus personnelle et que vous n'avez pas établi de feuillet T4 pour ce montant. Je suis d'avis que ce montant aurait dû figurer dans ces deux documents.

 

Je vous signale que vous courez le risque que l'on refuse de permettre à la société de déduire ce salaire parce que vous ne l'avez pas déclaré personnellement.

 

Puisque vous vous opposez à l'établissement actuel d'impôts sur le revenu personnels, je joins à la présente une photocopie d'un communiqué de presse récent concernant une décision récente de la Cour de l'impôt qui est défavorable à un contribuable qui avait une opinion semblable à la vôtre. Ce communiqué pourrait vous être utile et je vous invite à l'examiner attentivement à la lumière de votre position actuelle.

 

[13]         L'omission de l'appelant de déclarer ses revenus était intentionnelle et je suis convaincue que l'intimée s'est acquittée du fardeau qui lui incombait dans le présent appel et que c'est de façon régulière que les pénalités prévues au paragraphe 163(2) ont été imposées.

 

[14]         La pénalité pour production tardive a également été imposée de façon régulière et l'appelant n'a pas abordé la question.

 

[15]         L'appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'octobre 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 6e jour de décembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 495

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-2342(IT)G

 

INTITULÉ :                                       CHANDLER TURNNIR c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 16 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 20 octobre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Selena Sit

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :

 

                   Cabinet :

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.