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Dossier : 2009-2830(GST)I

ENTRE :

CATHERINE LAVIGNE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

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Appel entendu le 15 août 2011, à Sherbrooke (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

René Bellerose

Avocat de l'intimée :

Me Daniel Cantin

 

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JUGEMENT

        L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis porte le numéro 08232500612380003 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d’août 2011.

 

 

 

"Réal Favreau"

Juge Favreau

 

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 402

Date : 20110825

Dossier : 2009-2830(GST)I

ENTRE :

CATHERINE LAVIGNE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              L’appelante a demandé le remboursement transitoire de 1% de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») en application du paragraphe 256.74(5) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Dans la cotisation établie suite à la demande de remboursement, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé le remboursement de la somme de 823,35 $ demandée par l’appelante aux motifs que l’appelante a pris possession de son logement en copropriété avant le 1er janvier 2008. L’appelante en appelle de cette cotisation par la voie de la procédure informelle.

 

[2]              Le remboursement transitoire de 1% découle de la diminution du taux de la TPS de 6% à 5% à compter du 1er janvier 2008.

 

[3]              Parmi les conditions à satisfaire pour avoir droit à ce remboursement, le paragraphe 256.74(5) de la LTA exige que la propriété et la possession d’un immeuble d’habitation aient été transférées à l’appelante après décembre 2007 en vertu d’un contrat de vente conclu après le 2 mai 2006 mais avant le 31 octobre 2006. L’alinéa 256.74(5)a) est libellé comme suit :

 

Remboursement transitoire – réduction du taux pour 2008

 

(5) Sous réserve du paragraphe (7) le ministre rembourse un particulier dans le cas où, à la fois :

 

a) selon un contrat de vente constaté par écrit et conclu après le 2 mai 2006 mais avant le 31 octobre 2007, le particulier est l'acquéreur de la fourniture taxable par vente, effectuée par une autre personne, d'un immeuble d'habitation dont la propriété et la possession aux termes du contrat lui sont transférées après décembre 2007;

 

[4]              Les conditions énoncées aux alinéas b) et c) du paragraphe 256.74(5) sont satisfaites. La seule question en litige porte sur la date à laquelle l’appelante a pris possession de son condominium.

 

[5]              Le 25 septembre 2007, l’appelante a signé un contrat préliminaire avec 9071-1920 Québec inc. pour l’achat d’un condominium situé au 4228, rue Pavillon à Sherbrooke. La date d’occupation prévue au contrat était le 16 novembre 2007. La TPS calculée aux taux de 6% représentait la somme de 7 718,86 $. Le prix du contrat après taxes était de 140 000 $.

 

[6]              Le 4 décembre 2007, l’appelante a vendu sa résidence située au 4455, rue Gatineau à Sherbrooke. Aux termes de ce contrat de vente, l’acheteur est devenu propriétaire de l’immeuble à compter de la date du contrat de vente avec possession et occupation immédiates.

 

[7]              Préalablement à la vente de la résidence, soit à la fin du mois de novembre 2007, l’appelante a emménagé dans le logement en copropriété. À cette date, le logement était substantiellement complété et était habitable. Selon la preuve, le contracteur a gardé un double des clés du logement pour lui permettre de terminer les travaux.

 

[8]              Le 18 mars 2008, l’appelante a signé un contrat de vente notarié pour l’achat du condominium et le vendeur a porté au crédit de l’appelante le montant du remboursement de taxe pour maison neuve. Aux termes de ce contrat, l’appelante est devenue propriétaire à compter de la date du contrat avec possession et occupation immédiates.

 

[9]              Le 15 mai 2008, l’appelante a produit une demande de rajustement de taxes concernant l’immeuble d’habitation et elle a allégué dans ce formulaire que la date de signature de l’offre d’achat était le 25 septembre 2007, soit après le 2 mai 2006 et avant le 31 octobre 2007, mais que la date de prise de possession et la date du transfert de propriété étaient le 18 mars 2008, soit après le 31 décembre 2007, ce qui lui donnerait droit à un remboursement de 1% de la TPS payée.

 

[10]         L’appelante soutient que même si elle a emménagé dans le logement à la fin du mois de novembre 2007, elle ne l’occupait qu’à titre de locataire en vertu d’une permission accordée par le contracteur à la seule condition qu’elle assume le coût de la consommation d’électricité. L’appelante n’a pas payé de frais mensuels d’occupation jusqu’à la date du transfert du titre de propriété de l’immeuble. L’appelante a mis en preuve la police d’assurance habitation, locataire souscrite à compter du 30 novembre 2007. Cette police d’assurance a été modifiée, à compter du 18 mars 2008, en une police d’assurance habitation, copropriétaire occupant.

 

[11]         Selon la preuve, l’appelante a payé le prix du condominium le 18 mars 2008 chez le notaire, date à laquelle elle a également contracté un emprunt hypothécaire auprès de la Banque Nationale du Canada. Pour la période entre la fin du mois de novembre 2007 et le 18 mars 2008, l’appelante n’a pas payé de taxes municipales, ni de taxes scolaires à l’égard de son condominium.

 

[12]         La preuve a également révélé, qu’à compter du début du mois de décembre 2007, l’appelante a effectué son changement d’adresse tant au ministère du Revenu du Québec qu’à la Société de l’assurance-automobile du Québec et elle a fait installé le téléphone et s’est abonnée au cable auprès de Bell Express Vu.

 

[13]         Le litige porte sur l’interprétation par les parties du mot « possession » utilisé à l’alinéa 256.74(5)a) de la LTA. L’appelante soutient que la possession doit être celle qui est définie à l’article 921 du Code civil du Québec (« C.C.Q. ») :

 

Article 921. La possession est l’exercice de fait, par soi-même ou par l’intermédiaire d’une autre personne qui détient le bien, d’un droit réel dont on se veut titulaire.

 

Cette volonté est présumée. Si elle fait défaut, il y a détention.

 

Selon l’appelante, la notion de « possession » fait nécessairement référence à la notion de possession découlant du contrat notarié du 18 mars 2008.

 

[14]         Selon l’avocat de l’intimée, la notion de « possession » doit plutôt être interprétée dans le sens large de « détention » ou « d’occupation ».

 

[15]         Au sujet de la définition du mot « possession, » l’auteur Pierre‑Claude Lafond dans Précis de droit des biens, 2e Édition, Montréal, Thémis, 2007, p. 201 a formulé le commentaire suivant :

 

« Ainsi définie, la possession prend parfois la qualification de « possession juridique » ou de « possession civile ». On l’oppose alors aux expressions « possession naturelle », « possession précaire » et « détention ». L’emploi du vocable « possession » doit être restreint au cas de « possession juridique », soit celle qui, comme telle, produit des effets. Dans les autres cas, il y a lieu d’utiliser exclusivement le terme « détention ».

 

La définition énoncée à l’article 921 du C.C.Q. est celle du droit commun. Des lois particulières peuvent attribuer, explicitement ou implicitement, un sens différent à ce concept, pour des fins spécifiques.

 

[16]         Selon le commentaire suivant du professeur titulaire et auteur en droit, Pierre-André Côté, tiré de Interprétation des lois, 3e édition, Montréal, Thémis, 1999, p. 437 :

 

« [. . .] le sens d’un mot étant largement tributaire de son contexte, il peut être très dangereux de passer d’une loi à une autre sans faire les adaptations au sens des mots que peut exiger un changement de contexte ».

 

[17]         S’il est possible que deux lois d’un même système juridique utilisent le même mot pour désigner deux réalités ou deux situations différentes, cela est d’autant plus vrai si le même mot est utilisé dans un contrat rédigé par un notaire dans un système de droit civil alors que la LTA est rédigée initialement en anglais dans un régime de common law.

 

[18]         La LTA ne définit pas les mots « possession » et « propriété ». La notion de « possession » en droit civil est irréconciliable avec le sens que le législateur a voulu lui donner dans les dispositions de la LTA relatives au remboursement transitoire, la possession étant un attribut du droit de propriété.

 

[19]         Comme le législateur ne parle pas pour rien dire, il y a lieu de donner un sens au mot « possession » afin qu’il produise quelque effet. En interprétant une disposition législative, il faut lire la disposition dans son ensemble en gardant à l’esprit sa finalité. Le rajustement de taxes en cours ne s’adresse qu’aux particuliers qui ont conclu une offre d’achat d’un immeuble après le 2 mai 2006 et avant le 31 octobre 2007 et dont la propriété et la possession dudit immeuble ont été transférées après le 31 décembre 2007, ce qui n’est pas le cas ici. Dans le contexte particulier d’un remboursement transitoire de taxes, le mot « possession » doit être interprété comme signifiant « occupation » ou « détention ».

 

[20]         Cette interprétation est d’ailleurs conforme à l’interprétation donnée par cette Cour dans les arrêts Don Wallace Reynolds et Paul Po Hui Pei c. La Reine, 2009 CCI 470 (le juge Paris) et Morgan Eastman et Ann Cavrak c. La Reine, 2009 CCI 482 (la juge Woods) concernant l’application de l’alinéa 256.3(1)a) de la LTA, une mesure transitoire dont le libellé est très semblable à celui de l’alinéa 256.74(5)a), qui a été mise en place lorsque la TPS est passée de sept à six pour cent le 1er juillet 2006.

 

[21]         Pour l’ensemble des présents motifs, l’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour d’août 2011.

 

 

"Réal Favreau"

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 402

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-2830(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              CATHERINE LAVIGNE ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Sherbrooke (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 15 août  2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 25 août 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

René Bellerose

Avocat de l'intimée :

Me Daniel Cantin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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