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Dossier : 2010-1506(EI)

ENTRE :

ALERT CARPET CLEANING (NIAGARA) INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

DAVID HALL,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

d’Alert Carpet Cleaning (Niagara) Inc. 2010-1505(CPP)

le 1er avril 2011, à Hamilton (Ontario).

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Marc Digirolamo

 

Avocat de l’intimé :

Me Ernesto Caceres

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Conformément aux motifs énoncés dans les motifs de jugement ci‑joints, l’appel est accueilli, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, et la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 16 février 2010 est modifiée pour qu’il soit conclu qu’au cours de la période allant du 1er septembre 2006 au 30 janvier 2009, David Hall n’exerçait pas un emploi assurable auprès d’Alert Carpet Cleaning (Niagara) Inc.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juin 2011.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’août 2011-08-18

 

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


 

 

 

 

Dossier : 2010-1505(CPP)

ENTRE :

ALERT CARPET CLEANING (NIAGARA) INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

DAVID HALL,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel

d’Alert Carpet Cleaning (Niagara) Inc. 2010-1506(EI)

le 1er avril 2011, à Hamilton (Ontario).

Devant : L’honorable juge J.E. Hershfield

Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me  Marc Digirolamo

 

Avocat de l’intimé :

Me  Ernesto Caceres

 

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          Conformément aux motifs énoncés dans les motifs de jugement ci‑joints, l’appel est accueilli, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, et la décision que le ministre du Revenu national a rendue le 16 février 2010 est modifiée pour qu’il soit conclu qu’au cours de la période allant du 1er septembre 2006 au 30 janvier 2009, David Hall n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension auprès d’Alert Carpet Cleaning (Niagara) Inc.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour du juin 2011.

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’août 2011-08-18

 

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 321

Date : 20110624

Dossiers : 2010-1506(EI)

2010-1505(CPP)

ENTRE :

ALERT CARPET CLEANING (NIAGARA) INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

DAVID HALL,

intervenant.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hershfield

 

[1]     Les présents appels se rapportent à la décision par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que l’emploi de l’intervenant, M. Hall, était un emploi assurable en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC »).

 

[2]     La question qui se pose en vertu de la LAE et du RPC est de savoir si M. Hall avait été engagé aux termes d’un contrat de louage de services ou s’il avait plutôt été engagé aux termes d’un contrat d’entreprise, comme le prévoient les alinéas 6(1)a) du RPC et 5(1)a) de la LAE.

 

[3]     M. George Callura, qui est gérant de la société appelante (« Alert »), et sa femme, Mme Anita Prain, qui fournit des services d’administration de bureau, ont témoigné à l’audience pour le compte d’Alert. M. Christopher Johnson a également témoigné pour le compte d’Alert. L’intimé a cité M. Hall qui, en fait, a témoigné pour son propre compte à titre d’unique travailleur dont les services sont ici en litige.

 

Historique

 

[4]     M. Callura s’occupe de nettoyage de tapis depuis une vingtaine d’années. Il a témoigné exécuter personnellement la plupart des travaux de nettoyage d’Alert, mais avoir également recours à des travailleurs pour fournir pareils services. Une partie du travail qu’il exécute est passablement spécialisé. Ainsi, il a mentionné qu’il s’occupait du nettoyage après le décès d’une personne. Il a déclaré se charger lui‑même de cette tâche. Toutefois, la plupart des travaux consistent à nettoyer les tapis à la vapeur et à les désodoriser.

 

[5]     Alert utilise trois camions fermés dans lesquels les unités de nettoyage des tapis sont installées. Les camions qui, à l’audience, ont été appelés des camions adaptés, devaient comporter des éléments spéciaux haute performance et coûtent de 70 000 $ à 80 000 $ chacun.

 

[6]     Les camions adaptés assurent l’alimentation du matériel de nettoyage monté sur le camion lui‑même. Un camion adapté qui était utilisé, un camion fermé d’une tonne spécialement équipé, pouvait être utilisé dans un immeuble de 40 étages, quoique M. Callura n’ait jamais en fait utilisé ses boyaux à une hauteur de plus de 23 étages environ.

 

[7]     Le matériel de nettoyage de tapis comprend les boyaux, un ventilateur et une pompe, un réservoir d’eau propre en acier inoxydable pouvant contenir jusqu’à 200 gallons, un réservoir d’eaux usées de 180 gallons et un gros silencieux. La pompe et le ventilateur sont des appareils à transmission par courroie, alimentés par le moteur diesel du camion à l’aide d’un arbre de transmission conçu à cette fin. L’eau propre est chauffée jusqu’à 200 degrés Fahrenheit et l’installation produit une pression d’eau de 50 psi pour le nettoyage d’un fauteuil en velours à 3 000 psi pour le nettoyage d’un mur endommagé par le feu. On fait passer les boyaux à l’intérieur de l’immeuble par les cages d’escalier, de sorte que les camions n’ont pas besoin de grues de quelque genre que ce soit. Dans la région de Niagara, il y a uniquement de six à huit camions adaptés de cette capacité qui sont disponibles.

 

[8]     Deux des camions adaptés sont habituellement utilisés uniquement pour l’enlèvement de l’eau, par opposition au nettoyage de tapis, étant donné que la demande, en ce qui concerne l’unité de nettoyage de tapis, est moins forte. Si un deuxième camion adapté était nécessaire pour le nettoyage des tapis, il devait être préparé différemment, par exemple, en utilisant des conduites de lavage qui pouvaient contenir de l’antigel. Les travaux d’enlèvement de l’eau sont généralement effectués à la suite de dégâts d’eau. Les travaux peuvent consister à enlever l’eau propre des conduites, des réservoirs et ainsi de suite ou encore à enlever les eaux d’égout. Dans le premier cas, une fois l’eau enlevée, les tapis peuvent être asséchés et pulvérisés pour empêcher la moisissure et être ensuite nettoyés, alors que dans le dernier cas, ils sont mis en pièces, arrachés et enlevés. Toutes ces tâches exigent une certaine formation, comme c’est également le cas pour l’utilisation des camions adaptés. Le travailleur n’a pas à posséder beaucoup d’outils pour ces travaux, mais au besoin les outils doivent être fournis par le travailleur : notamment un bon couteau, des couteaux de découpage et d’autres outils comme des marteaux et des tournevis, en fonction du projet. Les travaux de nettoyage exécutés à la suite d’un dégât d’eau pourraient exiger de tels outils.

 

[9]     La preuve se rapportant à la propriété des camions adaptés n’était pas claire, mais je suis convaincu qu’au moins l’un de ces camions appartenait à M. Callura personnellement, et non à Alert[1].

 

[10]    M. Callura a témoigné que lorsqu’un travailleur est initialement engagé, Alert l’informe de la nature et des conditions de la relation envisagée. Cette relation est clairement décrite comme étant une relation de sous‑traitant. M. Callura a dit qu’il avait régulièrement recours à six ou huit sous‑traitants[2]. Si un travailleur n’était pas disponible, M. Callura consultait la liste pour en trouver un autre qui pouvait faire le travail. Il pouvait y avoir des appels au milieu de la nuit pour des travaux urgents à la suite d’un dégât d’eau, de sorte qu’il fallait peut‑être effectuer plusieurs appels afin de trouver un travailleur qui était prêt à travailler. De plus, étant donné qu’il n’y a pas toujours de travail, on ne peut pas s’attendre à ce que quelqu’un attende que l’on communique avec lui. Le travailleur doit être libre de faire autre chose et de refuser de travailler.

 

[11]    Parmi les sous‑traitants, il y avait des hommes à la retraite qui possédaient déjà de l’expérience, mais la formation était au besoin assurée par M. Callura ou par un autre sous‑traitant. Tout sous‑traitant qui possédait son propre camion adapté et son propre matériel touchait 50 p. 100 du prix qui était fait au client. Si un travailleur utilisait le camion adapté de M. Callura (ou d’Alert), Alert payait les dépenses et le travailleur touchait 25 p. 100 du prix qui était fait au client.

 

[12]    Dans la région immédiate de Niagara Falls et de St. Catharines, il n’y a que deux ou trois autres camions adaptés. Il est donc passablement rare que le sous‑traitant possède en fait son propre équipement lourd. À Niagara Falls, il n’y avait pas de sous‑traitant qui possédait pareil équipement, sauf une grosse entreprise de nettoyage de tapis, appelée F.I.R.E. Toutefois, M. Callura a reconnu qu’il agissait le plus souvent à titre de sous‑traitant de cette entreprise. Si Alert était débordée, il arrivait que M. Callura confie le travail à F.I.R.E., mais en pareil cas, M. Callura renvoyait essentiellement le client à F.I.R.E. Alert ne recevait aucun avantage du renvoi, mais cela incitait F.I.R.E. à lui sous‑traiter un travail particulier lorsque l’entreprise ne pouvait pas s’en charger elle‑même.

 

[13]    En d’autres termes, les travailleurs auxquels Alert avait recours à titre de sous‑traitants ne possédaient pas leurs propres camions adaptés. Lorsqu’un travailleur acceptait un travail, il allait habituellement chercher le camion adapté, il se renseignait sur les exigences du travail et il allait ensuite l’exécuter. Alert fournissait tous les produits de nettoyage et payait pour l’entretien des camions adaptés. M. Callura a dit qu’un sous‑traitant pouvait obtenir du travail additionnel du même client et que tout le travail était en pareil cas confié à ce sous‑traitant et non à Alert. Ainsi, si Alert était embauchée pour nettoyer un salon, une salle à manger et des chambres, c’était là tout ce que l’entreprise facturait au client. M. Callura a déclaré que si le sous‑traitant était en mesure de faire du travail additionnel, comme le nettoyage de meubles, il était autorisé à le faire pour son propre compte.

 

[14]    Quant au travail que M. Hall effectuait pour Alert, voici les grandes lignes du témoignage de M. Callura :

 

·        M. Hall avait été présenté à M. Callura par l’entremise de son frère, l’entente étant qu’il y aurait parfois du travail pour M. Hall si celui‑ci voulait apprendre à le faire. Cette offre a été faite pour rendre service;

 

·        M. Callura avait initialement informé M. Hall qu’il n’y aurait pas beaucoup de travail et qu’il agirait à titre de sous‑traitant, et non à titre d’employé. M. Callura a affirmé avec insistance que M. Hall voulait agir à titre de sous‑traitant et qu’il savait au départ que telle était la nature de la relation;

 

·        Au début, M. Hall se rendait sur les lieux du travail avec un autre sous‑traitant, M. Al Decaire (Al). Ils étaient allés travailler ensemble un certain nombre de fois; ils nettoyaient des couloirs et des immeubles d’habitation. M. Callura affirme que M. Hall a reçu sa formation de M. Decaire quant à l’utilisation du camion adapté et du matériel de nettoyage et quant à la façon de nettoyer les tapis à l’aide des produits de nettoyage fournis par Alert. M. Callura a reconnu qu’il s’était rendu à quelques reprises sur les lieux d’un travail avec M. Hall afin de s’assurer que celui‑ci savait comment utiliser le matériel et comment nettoyer les tapis et les meubles. Il était essentiel d’enseigner comment utiliser le matériel et comment effectuer l’entretien d’une façon appropriée parce que le matériel coûtait très cher;

 

·        M. Hall a ensuite été autorisé à utiliser lui‑même le camion adapté pour le nettoyage des tapis, mais au début, M. Callura n’appelait pas M. Hall. M. Callura a commencé à appeler M. Hall après avoir eu des problèmes de fiabilité avec Al. M. Hall demandait constamment du travail, de sorte que M. Callura a alors eu recours plus souvent à ses services;

 

·        M. Callura a informé M. Hall qu’il devait avoir un téléphone cellulaire, de façon qu’il soit possible de le joindre si on avait besoin de lui, mais M. Hall pouvait refuser le travail;

 

·        M. Callura a reconnu que trois ou quatre mois après que M. Hall eut commencé à travailler, Alert avait fourni un téléphone cellulaire à celui‑ci et qu’il arrivait parfois que l’appel soit renvoyé de la ligne d’Alert au numéro du téléphone cellulaire si les circonstances étaient telles qu’Alert ne répondait pas aux appels. Alert n’avait pas de secrétaire ou de système de messagerie vocale, de sorte que ces mesures étaient nécessaires étant donné qu’il y avait des gens qui appelaient pour recevoir immédiatement de l’aide, par exemple lorsque le sous‑sol de leur maison se remplissait d’eau et d’eau d’égout. Ces gens voulaient joindre quelqu’un; ils ne voulaient pas entendre un message enregistré. Le téléphone qui avait été fourni était un téléphone supplémentaire appartenant à Alert. Il avait été remis à M. Hall parce que le téléphone de celui‑ci ne fonctionnait pas ou qu’il était perdu à ce moment‑là;

 

·        M. Callura a également témoigné qu’il avait fait imprimer des cartes d’affaires pour M. Hall. Il a déclaré qu’initialement, M. Hall possédait ses propres cartes d’affaires, mais que le numéro d’Alert n’y était pas inscrit et que cela ne lui plaisait pas. Les deux numéros figuraient sur les cartes que M. Callura avait remises à M. Hall. M. Hall devait payer la moitié des frais y afférents, mais il n’avait rien payé;

 

·        M. Callura avait remis à M. Hall quatre ou cinq chemises sur lesquelles figurait le logo d’Alert, mais M. Hall n’était pas tenu de les porter. Cependant, il s’agissait de belles chemises polos, et M. Callura a donné à entendre que M. Hall aurait peut‑être voulu les porter. M. Callura a déclaré qu’il arrivait souvent que pareilles chemises soient fournies aux sous‑traitants. Il a déclaré qu’il avait fait personnellement de la sous‑traitance pour cinq entreprises, et notamment pour F.I.R.E., et qu’il avait des chemises différentes pour chacune de ces entreprises. Alert possédait même des enseignes magnétiques pour ses camions, au nom de F.I.R.E. à titre d’exploitant, lorsqu’ils étaient engagés par cette entreprise pour un travail. Toutefois, M. Hall n’était pas obligé de porter les chemises d’Alert. M. Callura a déclaré qu’il avait remis à M. Hall de vieux vêtements sur lesquels il n’y avait pas de logos. Ces vêtements pouvaient être utilisés pour le travail; il s’agissait d’un travail salissant. M. Callura l’avait fait pour rendre service à M. Hall étant donné qu’ils s’étaient liés d’amitié. Leur amitié a été illustrée d’un certain nombre de façons :

 

o       M. Callura avait prêté un véhicule à M. Hall à plusieurs reprises, lorsque M. Hall n’avait pas de véhicule pour aller chercher le camion adapté. Ces véhicules appartenaient à M. Callura personnellement, ainsi que le camion adapté utilisé par M. Hall[3]. M. Callura avait prêté les véhicules personnels comme geste d’amitié;

 

o       Pendant l’été, M. Callura laissait M. Hall apporter le camion adapté chez lui lorsque celui‑ci n’avait pas de véhicule pour aller chercher le camion ou lorsqu’il était trop tard pour le retourner[4];

 

o       M. Callura avait prêté de l’argent à M. Hall, plusieurs milliers de dollars qui n’avaient jamais été remboursés;

 

o       Les deux hommes se rencontraient avec leurs femmes en tant que couples et ils échangeaient des cadeaux de Noël;

 

o       Lorsqu’Alert avait reçu signification d’une ordonnance de saisie‑arrêt exigeant des sommes d’argent qui étaient dues à M. Hall, M. Callura, à la demande de M. Hall, était allé se renseigner pour savoir s’il pouvait la faire annuler pour le motif que M. Hall n’était pas un employé;

 

o       M. Callura et sa femme avaient discuté avec M. Hall et sa femme de la possibilité que ces derniers acquièrent l’entreprise;

 

o       M. Callura avait présenté M. Hall à son comptable;

 

o       M. Callura avait laissé M. Hall utiliser sa carte de crédit, et ce, d’une façon continue, même si M. Hall en avait maintes reprises abusé. La carte devait être utilisée pour faire le plein du camion adapté, mais M. Hall l’avait utilisée pour toutes sortes de dépenses personnelles, comme des billets de loterie et des cigarettes, et il n’avait jamais remboursé M. Callura;

 

o       M. Callura avait cosigné un prêt pour M. Hall.

 

·     Une fois un travail achevé, M. Hall préparait une facture pour calculer son pourcentage et l’entreprise rémunérait ensuite M. Hall à titre d’entrepreneur indépendant;

 

·     Les factures étaient établies sur un formulaire intitulé : D+J’s Carpet Cleaning, la lettre D s’entendant de David (l’intervenant, M. Hall) et la lettre J s’entendant de Jill, la femme de M. Hall. Il s’agit d’un nom commercial enregistré[5]. Les chèques étaient établis au nom de David Hall, avec une inscription indiquant qu’ils se rapportaient à du travail de sous‑traitance. Malgré le nom figurant sur la facture, M. Callura croyait comprendre que les chèques devaient être libellés au nom de M. Hall parce que celui‑ci n’avait pas de compte de banque au nom de D+J’s Carpet Cleaning;

 

·     Les factures n’incluaient pas la TPS, ce qui ne semblait pas inhabituel puisque M. Callura croyait comprendre que cela n’était pas nécessaire si le revenu brut annuel du sous‑traitant était inférieur à 30 000 $;

 

·       Une facture que M. Callura a examinée au cours de l’audience se rapportait à du travail de sous‑traitance qu’il avait effectué pour F.I.R.E., M. Hall ayant exécuté ce travail. M. Hall avait effectué 8,5 heures de travail pour F.I.R.E. Selon cette facture, M. Hall était rémunéré à l’heure par Alert. Compte tenu de la formule de rémunération, de 25 p. 100, le paiement aurait dû être inférieur à celui qui avait en réalité été versé, à 15 $ l’heure;

 

·       M. Hall pouvait à son gré avoir recours à des aides. Pour des travaux plus importants, il avait besoin d’un assistant qui l’aidait à tirer le boyau et à effectuer d’autres travaux. Il pouvait à son gré choisir ses propres aides et c’était lui qui était chargé de les rémunérer. Les factures indiquaient que d’autres travailleurs avaient effectué du travail facturé par M. Hall : par exemple, le frère de celui‑ci, ses fils et sa femme. M. Callura a affirmé avec insistance que ces assistants n’avaient jamais été retenus ou rémunérés par Alert. C’était M. Hall qui l’avait fait et qui était responsable des dispositions prises avec ces assistants. M. Hall était également responsable du travail effectué ainsi que de l’entretien et du fonctionnement du matériel. Les factures examinées à l’audience indiquaient que certains travaux, apparemment à la suite de dégâts d’eau, avaient été payés à l’heure. Il s’agissait de travaux confiés par des compagnies d’assurance. Lorsque des assistants étaient engagés pour pareils travaux, le taux horaire était porté de 15 à 25 $ l’heure en vue de permettre au sous‑traitant, M. Hall dans ce cas‑ci, de verser un montant de dix dollars l’heure à l’assistant;

 

·       À un moment donné, M. Hall s’était fait mal à l’épaule et il avait été obligé de faire appel à un assistant. M. Hall se plaignait qu’il ne faisait pas suffisamment d’argent pour rémunérer ses assistants. En outre, à cause de son état de santé et du nombre de rendez‑vous chez les médecins, il arrivait souvent que M. Hall ne soit pas disponible pour travailler, ce qui était acceptable puisqu’il était libre de refuser du travail pour n’importe quelle raison. M. Callura a également donné un autre exemple de cette possibilité de refuser un travail. Il s’agissait de travaux de nettoyage à exécuter à la suite d’un dégât d’eau; M. Hall s’était présenté sur les lieux et il avait refusé le travail, et M. Callura s’était vu obligé d’aller s’en charger;

 

·       Si le travail n’était pas accompli d’une façon satisfaisante, M. Hall devait retourner chez le client et le reprendre sans qu’il en coûte quoi que ce soit. Même si ce n’était pas sa faute, par exemple s’il avait eu de la difficulté à enlever une tache, il devait néanmoins retourner faire le travail gratuitement;

 

·       Aucune retenue n’était effectuée au titre de l’impôt sur le revenu ou des cotisations à l’A‑E ou au RPC. C’est ce dont ils avaient convenu étant donné que M. Hall agissait à titre de sous‑traitant. M. Hall n’a jamais demandé de feuillet T‑4;

 

·       M. Callura a également témoigné qu’il savait que M. Hall exécutait d’autres travaux pour son propre compte, indépendamment d’Alert. Ainsi, il avait travaillé pour son propre compte pour Christopher Johnson et il avait travaillé pour le propriétaire d’une bijouterie de détail. De fait, M. Callura croyait comprendre que M. Hall avait intentionnellement fait en sorte que ce dernier client ne s’adresse pas à Alert, de façon à pouvoir faire le travail lui‑même. M. Callura a déclaré qu’il ne s’y opposait pas et qu’il comprend que ses sous‑traitants cherchent à faire leur propre travail;

 

·       M. Callura a reconnu avoir versé les cotisations en vertu de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail pour des gens comme M. Hall, mais il ne le faisait pas afin de couvrir des « employés ». Au contraire, il croyait comprendre, selon ce que la Commission des accidents du travail lui avait dit, qu’il fallait être assuré, et ce, peu importe que le travailleur soit un employé ou un sous‑traitant. M. Callura croyait que les travailleurs devaient verser eux‑mêmes la cotisation, mais Alert la versait afin de se protéger. Par conséquent, Alert versait les cotisations en fonction des montants payés pour le travail exécuté par ses sous‑traitants, tel qu’il était indiqué dans les factures que ceux‑ci soumettaient[6]. M. Callura a dit qu’il croyait comprendre que M. Hall avait soumis une demande lorsqu’il s’était blessé à l’épaule et que la demande avait été refusée pour le motif que la blessure avait été subie avant qu’il soit engagé par Alert;

 

·       M. Callura a témoigné avoir accepté de payer la moitié des frais visant à faire agréer M. Hall par une entreprise de produits de nettoyage qui offrait des cours. Il a déclaré que M. Hall n’avait jamais terminé le cours, de sorte qu’il ne lui avait jamais remis le montant promis[7]. Ce cours était important; en effet, les gens qui nettoient les tapis obtiennent du travail de fabricants et de détaillants de tapis dont les garanties ne sont valables que si le nettoyage est effectué par des personnes dont le nom figure sur une liste approuvée. Pour se faire inscrire sur la liste et pour y demeurer, il faut suivre certains cours;

 

·       M. Callura n’a pas contesté que M. Hall avait été disponible pour travailler la plupart du temps au cours de la période allant du la fin de l’année 2006 à l’année 2009, lorsqu’Alert a cessé d’avoir recours à ses services. C’est ce que donnent à entendre certaines factures indiquant plusieurs travaux par mois, ce qui montrait que M. Hall travaillait d’une façon passablement régulière pour Alert depuis 2006;

 

·       Néanmoins, M. Callura a maintenu qu’il communiquait avec M. Hall uniquement lorsqu’il avait du travail à lui faire faire. Toutefois, il a affirmé qu’en moyenne, ils se parlaient environ une fois par semaine et que les travaux pouvaient durer trois ou quatre jours. D’autres sous‑traitants étaient néanmoins engagés au besoin;

 

·       M. Callura a témoigné avoir cessé d’avoir recours aux services de M. Hall en sa qualité de sous‑traitant parce qu’il s’était vu obligé de payer certains montants portés sur des cartes de crédit pendant trois mois ainsi que des contraventions de stationnement, en plus de prêts de plus de 6 000 $ qu’il avait initialement consentis à M. Hall pour le sortir de certaines difficultés financières, le montant impayé des prêts s’élevant à environ 12 000 $. Il avait également cosigné d’autres prêts que M. Hall avait obtenus; M. Callura a déclaré avoir utilisé ses propres fonds de REER afin d’aider M. Hall[8].

 

[15]    Lors du contre‑interrogatoire par l’avocat de l’intimé et par M. Hall, le témoignage additionnel suivant a été recueilli de M. Callura :

 

·        Les factures étaient préparées et payées sur la base suivante : le montant à payer pour les services était réduit de 40 p. 100 et ce montant était ajouté à titre de montant à payer pour des matériaux, et ce, même si M. Hall ne fournissait pas du tout de matériaux;

 

·        La rétribution versée aux sous‑traitants, y compris M. Hall, était fixée par Alert;

 

·        M. Callura n’était pas aussi débonnaire qu’il l’avait laissé entendre lors de son témoignage antérieur, lorsque M. Hall facturait les clients d’Alert pour son propre compte;

 

·        Le camion adapté qui était parfois garé chez M. Hall pendant l’été n’était pas hors de portée de M. Callura. Si le camion était chez M. Hall, M. Callura pouvait aller le chercher en utilisant un autre trousseau de clés. Sa maison n’était située qu’à cinq minutes;

 

·        Malgré les assertions contraires que M. Hall a faites en contre‑interrogeant M. Callura, celui‑ci n’a pas changé son témoignage, en ce qui concerne la question de savoir qui avait assuré la formation de M. Hall, combien de fois le camion adapté avait été garé chez M. Hall, si M. Hall avait ses propres cartes d’affaires, qui embauchait et rémunérait les assistants, qui avait eu l’idée de faire enregistrer le nom commercial D+J’s Carpet Cleaning et s’il avait été question de sous‑traitance lors de leur première rencontre. M. Hall (agissant en sa qualité de personne contre‑interrogeant un témoin) a déclaré : [traduction] « Comment puis‑je être un sous‑traitant puisque je ne suis qu’un homme bien ordinaire? »

 

[16]    Le témoin suivant était M. Johnson.

 

[17]    M. Johnson exploitait un atelier de réparation de voitures; il était également pompier volontaire. Il connaissait M. Callura en tant que client, à l’atelier, et en tant qu’ami.

 

[18]    M. Johnson a déclaré avec rencontré M. Hall lorsque celui‑ci s’était présenté afin de faire réparer une fourgonnette qu’il achetait, selon ce qu’il disait, de M. Callura. M. Hall avait dit qu’il allait utiliser la fourgonnette pour son entreprise. M. Johnson s’est renseigné auprès de M. Callura, qui lui a répondu qu’il pouvait réparer la fourgonnette, à condition que M. Hall paie les réparations personnellement. Il a déclaré que M. Hall ne lui avait jamais payé tout le montant qui était dû.

 

[19]    M. Johnson a néanmoins eu recours à M. Hall pour faire nettoyer sa maison. À ce moment‑là, M. Hall lui avait dit qu’il était entrepreneur et qu’il travaillait séparément d’Alert. Il se rappelait que M. Hall utilisait le nom D+J’s Carpet Cleaning.

 

[20]    Les travaux ne consistaient pas à faire nettoyer des tapis; il s’agissait uniquement de travaux de nettoyage généraux. M. Johnson voulait faire nettoyer toute la maison. M. Callura, que M. Johnson connaissait depuis huit à dix ans, avait par le passé fourni pareils services. M. Johnson avait versé à M. Hall un montant de 150 $ pour le nettoyage. Il n’y avait pas de factures, pas de TPS, il s’agissait simplement d’une opération au comptant.

 

[21]    M. Hall a contre‑interrogé M. Johnson pour qu’il corrige quelques détails de son témoignage, mais aucun détail n’était vraiment important. Les aspects pertinents du témoignage de M. Johnson n’ont pas changé.

 

[22]    Le témoin suivant était Mme Anita Prain.

 

[23]    Voici les grandes lignes du témoignage de Mme Prain :

 

·        Elle travaillait pour Alert depuis 20 ans;

 

·        Son travail consistait principalement à s’occuper des écritures ou de l’administration du bureau pour la société. Elle recevait des factures de sous‑traitants et elle acquittait les factures. C’était elle qui signait personnellement les chèques. Elle payait le travail effectué uniquement si elle recevait une facture; elle a témoigné qu’elle recevait régulièrement des factures de D+J’s Carpet Cleaning. Son mari, George, vérifiait d’abord les factures;

 

·        Mme Prain a confirmé que les frais figurant dans les factures indiquaient une répartition des montants globaux payables : 60 p. 100 pour la main‑d’oeuvre et 40 p. 100 pour les matériaux;

 

·        Mme Prain a nié avoir préparé l’une quelconque des factures.

 

[24]    M. Hall a été la dernière personne à témoigner.

 

[25]    Voici les grandes lignes du témoignage de M. Hall :

 

·        M. Hall a témoigné avoir commencé à travailler pour Alert après avoir reçu un appel de son frère, qui connaissait M. Callura par l’entremise de l’hôtel Travel Lodge et qui lui avait dit que M. Callura cherchait des travailleurs. Il a donc rencontré M. Callura, qui lui a dit qu’il pourrait obtenir 25 p. 100 des frais pour son travail, mais M. Hall croyait comprendre qu’à titre d’assistant, il toucherait dix dollars l’heure pour tirer les boyaux et effectuer ce genre de choses parce qu’il ne savait pas comment utiliser le camion adapté et ne connaissait pas d’autres aspects du travail. M. Hall admet qu’on lui a dit qu’il pouvait obtenir du travail uniquement s’il y en avait;

 

·        M. Hall a affirmé que la première fois qu’il avait rencontré M. Callura, celui‑ci lui avait simplement expliqué les modalités de rémunération. À l’audience, M. Hall a dit : [traduction] « J’étais un simple homme, de sorte que je croyais obtenir un emploi à titre d’employé. » Il n’avait pas été fait mention de sous‑traitance;

 

·        M. Hall a déclaré qu’avant de rencontrer M. Callura, vers le mois d’août 2006, il travaillait à l’hôtel Flamingo. Lorsqu’il a rencontré M. Callura, il cherchait uniquement à gagner un peu plus d’argent. Il a continué à travailler à l’hôtel pendant un certain temps et il a reconnu que M. Callura l’appelait pour travailler, mais qu’il ne pouvait pas accepter à cause des obligations qu’il avait à l’hôtel. Un peu plus tard, M. Hall a reçu un appel pour s’occuper d’un dégât d’eau, à Welland, avec Al. Al lui avait donné des instructions. On lui a ensuite demandé de s’occuper d’un immeuble d’habitation et il a encore une fois aidé Al;

 

·        Malgré pareil aveu, M. Hall a affirmé avec insistance que c’était en fait M. Callura qui avait assuré sa formation. M. Callura (George) lui avait enseigné comment utiliser le camion adapté, comment s’occuper des dégâts d’eau et comment nettoyer les tapis. Il lui avait également montré comment agir avec les clients, et notamment comment avoir une mise soignée. Il s’entendait bien avec M. Callura. M. Hall a affirmé que sa formation était assurée en cours d’emploi, lorsqu’il allait exécuter différents types de travaux avec George. Au mois d’octobre 2006, il avait travaillé avec George à la suite d’une inondation, lorsqu’ils avaient obtenu beaucoup de travail de F.I.R.E. Par la suite, George avait communiqué avec lui pour qu’il prenne en charge un camion adapté, et M. Hall a affirmé qu’à compter de ce moment‑là, il [traduction] « avait dirigé l’entreprise jusqu’en 2009 ». Il s’occupait du téléphone, du camion, de tout, il prenait les rendez‑vous et il exécutait plus de travaux de nettoyage de tapis que George. Il s’occupait des dégâts d’eau plus que George lui‑même. Même la femme de George travaillait plus fort que son mari. M. Hall a affirmé que c’était lui, et non George, qui dirigeait l’entreprise. Le matériel était fourni par George et par Alert;

 

·        George ne se présentait que pour les gros travaux, lorsqu’il y allait de sa réputation;

 

·        M. Hall a dit qu’il était obligé de porter une chemise sur laquelle le logo d’Alert était apposé et qu’il en portait une tous les jours, sauf pour les dégâts d’eau et du travail salissant du même genre, lorsqu’il ne portait pas nécessairement la chemise. Il a affirmé n’avoir jamais eu de chemise de F.I.R.E. Toutefois, il a admis que George voulait avant tout qu’il soit présentable;

 

·        M. Hall a affirmé qu’il ne pouvait pas embaucher ses propres travailleurs ou sous‑traitants et qu’il n’avait jamais embauché ses propres sous‑traitants, sauf en tant que personne dirigeant l’entreprise. Il a affirmé que c’étaient George et lui qui le faisaient et que George lui demandait de trouver des assistants afin de l’aider, mais qu’il s’agissait des assistants d’Alert et non des siens;

 

·        M. Hall a admis qu’il se faisait aider par sa famille. Il a déclaré initialement que, lorsque sa famille l’aidait, elle n’était jamais rémunérée. Mais il s’est également contredit en disant qu’il ne voulait pas que les paiements qu’il effectuait en faveur de son frère, à titre d’aide, figurent sur son chèque. Il a déclaré que la façon dont George voulait payer, en le rémunérant 15 $ l’heure et, s’il travaillait avec un aide, en lui versant 25 $ l’heure, n’était pas sensée;

 

·        M. Hall a témoigné avoir suivi un cours de formation de trois jours chez Corporate Chemicals, à St. Catharines, et qu’il avait été convenu, par l’entremise de George, qu’il s’y rende pendant que George était en Floride et que lui‑même, M. Hall, dirigeait l’entreprise. M. Hall a confirmé avoir suivi le programme au complet et avoir obtenu son certificat, qui avait censément été envoyé à Alert par la poste. M. Hall a déclaré avoir suivi le cours parce que George avait affirmé avec insistance qu’il devait le suivre afin de s’occuper des dégâts d’eau pour F.I.R.E.;

 

·        M. Hall a reconnu ne pouvoir faire de l’argent chez Alert que s’il y avait du travail. Les dégâts d’eau étaient rentables parce qu’on le rémunérait à l’heure;

 

·        M. Hall a admis qu’on lui avait demandé s’il voulait acheter l’entreprise au mois d’avril 2007 et que c’était à ce moment‑là qu’il avait fait enregistrer une entreprise sous le nom D+J’s Carpet Cleaning, soit un nom dont il avait discuté avec George. Il a également obtenu des renseignements au sujet de la TPS et d’autres exigences de conformité en matière commerciale pour l’exploitation de D+J’s Carpet Cleaning. M. Hall a affirmé que tout allait à merveille et qu’il croyait pouvoir faire beaucoup d’argent en prenant l’entreprise en charge;

 

·        M. Hall a admis qu’il empruntait de l’argent de George, qui l’avait également aidé de bien d’autres façons, notamment en l’aidant à se trouver un logement;

 

·        M. Hall a admis qu’il devait corriger ses propres erreurs. Il ne touchait pas de rémunération additionnelle.

 

[26]    Lors du contre‑interrogatoire et du réinterrogatoire, les éléments de preuve additionnels suivants ont été présentés :

 

·        M. Hall a reconnu qu’Al lui avait enseigné comment nettoyer les tapis et comment utiliser [traduction] « le camion, un petit peu, mais par entièrement ». Il a reconnu que certaines chemises que George lui fournissait, au début du moins, étaient simplement des chemises usagées sur lesquelles le nom d’Alert ne figurait pas, de façon qu’il ait des chemises de travail pour les dégâts d’eau, ce qui était un travail fort salissant;

 

·        M. Hall a reconnu qu’il pouvait appeler un aide, mais les aides qui n’étaient pas membres de la famille étaient des gens qui avaient déjà travaillé pour Alert et qui facturaient Alert séparément;

 

·        Aux fins de l’impôt, M. Hall a déclaré qu’il n’avait jamais considéré un aide, tel que son frère Dale, comme un employé. Il traitait tout ce qu’il recevait d’Alert comme lui appartenant et il rémunérait ensuite Dale sans tenir de comptabilité pour celui‑ci à titre d’employé. Ainsi, il n’effectuait aucune retenue d’impôt;

 

·        Lorsqu’on lui a demandé s’il possédait une société, M. Hall a nié la chose. Lorsqu’on lui a présenté un document d’enregistrement d’une société appelée 1602066 Ontario Inc., qu’il avait fait enregistrer, il a initialement encore nié posséder une société. Lorsqu’on lui a montré des rapports de société sur lesquels figurait son nom et indiquant que la société était active, il a admis avoir constitué la société en personne morale. Plus tard, dans son témoignage, il a donné des précisions. Il a dit qu’un individu avait communiqué avec lui pour ouvrir un restaurant‑minute. M. Hall devait toucher un certain pourcentage par suite de l’exploitation de l’entreprise. Il devait faire un apport de 30 000 $ pour participer à l’entreprise. Le marché a échoué à cause des frais de location de l’immeuble dans lequel ils envisageaient d’exploiter le point de vente. La propriété avait été arpentée, tout ce qu’il fallait faire avait été fait et l’autre homme était satisfait de l’entente, mais celle‑ci n’avait pas été conclue uniquement à cause de la question de la location. Cet homme a finalement ouvert l’entreprise ailleurs, à Port Colborne, mais M. Hall ne voulait pas aller à cet endroit et, de toute façon, l’entreprise avait fermé ses portes un ou deux mois plus tard. Cela s’était passé en 2004 et la société avait été constituée en personne morale à ce moment‑là, au mois de février 2004;

 

·        En ce qui concerne le fait qu’il facturait ses services à Alert, on a montré à M. Hall certaines factures qu’il avait signées, sur lesquelles était inscrit, de sa propre main, le nom de D+J’s Carpet Cleaning, à titre de sous‑traitant. M. Hall a fait remarquer qu’il avait fait enregistrer le nom commercial D+J’s Carpet Cleaning au début de l’année 2007 seulement et il a affirmé que toute facture indiquant un usage antérieur du nom D+J’s Carpet Cleaning aurait été antidatée. Toutefois, certains éléments de preuve contraires suscitent des doutes et donnent à entendre que, si de fait les factures étaient antidatées, c’était M. Hall qui l’aurait fait;

 

·        M. Hall a nié être capable d’exécuter d’autres travaux de nettoyage pour son propre compte. Toutefois, il a changé son témoignage et il a affirmé qu’il était autorisé à le faire, mais qu’étant donné qu’il était en attente chez Alert, il n’effectuait pas d’autres travaux. Il a soutenu que le travail qu’il avait fait pour M. Johnson et pour le propriétaire de la bijouterie étaient des cas isolés;

 

·        M. Hall a nié avoir refusé du travail lorsque George lui en offrait, mais il a reconnu qu’à cause de sa blessure à l’épaule, il avait été obligé de subir des IRM à plusieurs reprises et qu’il n’aurait pas pu travailler au cours de ces périodes. Il a témoigné qu’en fin de compte, c’était en fait sa blessure à l’épaule qui l’avait empêché de travailler;

 

·        M. Hall a nié avoir abandonné le travail la fois dont George avait fait mention dans son témoignage; il s’est ensuite rétracté et il a dit qu’il ne savait pas trop s’il avait achevé les travaux à cet endroit parce qu’il y était resté uniquement jusqu’à ce que les autres arrivent;

 

·        Quant à la production de déclarations de revenus, M. Hall a dit qu’il croyait avoir produit des déclarations à cause du revenu qu’il avait gagné à l’hôtel Flamingo, en 2006. Il a reconnu avoir reçu un feuillet T4 de l’hôtel, mais il n’en avait pas reçu d’Alert. Il n’a jamais demandé de feuillet T‑4. Il a affirmé n’avoir jamais produit de déclaration pour l’année 2007;

 

·        M. Hall a reconnu qu’auparavant, lorsqu’il travaillait, il recevait des feuillets T‑4 lorsqu’il exerçait un emploi;

 

·        M. Hall a nié posséder des cartes d’affaires au nom de D+J’s Carpet Cleaning et il a témoigné que George le supervisait de temps en temps;

 

·        M. Hall a reconnu avoir parlé à George et à sa femme du restaurant‑minute et du fait qu’il exploitait une entreprise, lors d’une rencontre qui avait eu lieu au début de leurs relations;

 

·        M. Hall a témoigné ne pas savoir pourquoi 40 p. 100 du montant des factures était imputé aux matériaux.

 

Observations des parties

 

[27]    Étant donné que l’audience a pris fin vers la fin de la journée, j’ai demandé aux parties de me soumettre des observations par écrit. J’ai veillé à souligner que je voulais que les avocats s’arrêtent à la preuve qui pourrait être rejetée d’une part et à celle à laquelle on pourrait accorder plus de poids d’autre part. J’ai fait cette suggestion parce qu’à l’audience, il semblait évident que la fiabilité des témoignages des deux principaux témoins était mise en question étant donné qu’ils se livraient tous deux à des pratiques commerciales qui laissaient à désirer et qu’ils arrangeaient tous deux leurs témoignages d’une façon qui rendait la constatation des faits pour le moins difficile. J’ai explicitement donné à entendre qu’il y avait des questions de crédibilité à aborder dans leurs observations. Il aurait pu être utile d’obtenir certains renseignements contradictoires au sujet des éléments de preuve qui devaient l’emporter. Toutefois, le défi n’a pas été relevé par l’avocat de l’appelante et, dans la mesure où il l’a été par l’avocat de l’intimé, je n’étais pas convaincu que je devais croire une bonne partie du témoignage du M. Hall. Quoi qu’il en soit, en bout de compte, il ne s’agissait pas d’un aspect utile des observations demandées. J’ai donc fait un exposé plutôt détaillé de la preuve soumise par chaque témoin dans l’espoir que le tableau qui était peint se passe de commentaires. Cela étant, mon résumé des observations et mon analyse seront brefs.

 

          Observations de l’appelante

 

[28]    L’appelante m’a renvoyé aux décisions suivantes : Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[9], Watson (s/n Bonnie’s Cleaning Services) c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[10], Royal Winnipeg Ballet c. Ministre du Revenu national[11], Vandervelde c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[12].

 

[29]    Compte tenu des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door quant à la question du contrôle, voici ce qui a été soutenu : M. Hall pouvait refuser ou accepter un travail[13]; il exploitait sa propre entreprise concurrente étant donné qu’il était libre d’exécuter des travaux de nettoyage pour d’autres et qu’il le faisait; il n’était pas supervisé dans l’exécution de son travail. Quant à la question des instruments de travail, il a été soutenu que les frais élevés du principal matériel, comme le camion adapté, ne pouvaient pas empêcher de conclure à une relation d’entrepreneur indépendant[14]. Quant à la question des chances de profit, il a été soutenu que la possibilité de faire concurrence indiquait des chances de profit, tout comme les modalités de paiement, fondées sur un pourcentage. On n’a pas dit grand‑chose au sujet du risque de perte. Le critère de l’intégration a également été examiné. Il a été soutenu qu’Alert pouvait à son gré avoir recours à divers entrepreneurs, qu’elle ne dépendait pas d’un entrepreneur particulier et que D+J’s Carpet Cleaning était une entreprise distincte exploitée au profit de M. Hall. Quant à l’intention des parties, un facteur dont il a été tenu compte dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, parmi les indices signalés par l’avocat de l’appelante, il y avait les indices suivants : M. Hall savait qu’aucune retenue à la source n’était effectuée et qu’aucun feuillet T‑4 n’était délivré; il avait fait enregistrer une entreprise et il avait obtenu des renseignements au sujet de la TPS et d’autres exigences de conformité en matière commerciale pour ce qui est de l’exploitation de D+J’s Carpet Cleaning[15].

 

          Observations de l’intimé

 

[30]    L’intimé a soumis les décisions faisant autorité suivantes : 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc.[16], OLTCPI Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[17], Gagnon c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[18], Hodgkinson c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[19], City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[20], Royal Winnipeg Ballet c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[21], Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[22], Choi c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[23], Dynamex Canada Corp. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[24], Dempsey c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[25], Ferme Yoanie Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[26], Hodgkinson c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[27], Gagnon c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[28], Direct Care In-Home Health Services Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[29], Britcom Communications Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.)[30], Gartry c. Canada[31].

 

[31]    Quant au critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door au sujet de la question du contrôle, l’intimé a invoqué la formation qui avait été donnée à M. Hall, laquelle visait à s’assurer de la façon dont les travaux étaient exécutés et que les moyens à employer pour les exécuter étaient bien ceux qui étaient utilisés. En invoquant la décision Gagnon, l’intimé a affirmé que la supervision initiale et la formation visant à assurer moins de supervision ne changent rien au droit ultime d’exercer un contrôle. L’avocat de l’intimé a fait valoir que M. Callura exerçait un contrôle sur le personnel en contrôlant le choix des assistants auxquels M. Hall avait recours. Toutefois, je tiens à faire remarquer que cette assertion ne tient pas compte de la question de la crédibilité de M. Hall dans son ensemble et de la preuve contradictoire que celui‑ci a soumise au sujet du recours à des assistants et des modalités de rémunération des assistants.

 

[32]    Quant à la question de savoir si M. Hall effectuait du travail à forfait pour d’autres personnes, on a invoqué la décision Dynamex, dans laquelle le juge Archambault parlait des travailleurs occasionnels qui exerçaient plusieurs emplois. Selon moi, il ne s’agit pas d’une situation analogue.

 

[33]    L’avocat de l’intimé n’a pas traité du « contrôle » en tant que tel, mais il a fait valoir que la garantie qu’Alert donnait à ses clients incluait le règlement des plaintes portant sur la qualité du travail, M. Hall devant en pareil cas reprendre le travail sans aucuns frais. Cela ne tient pas compte du point de vue d’Alert, à savoir qu’il s’agissait d’une garantie que le travailleur donnait à Alert et à ses clients.

 

[34]    Quant aux instruments de travail, il a été signalé que c’étaient M. Callura ou Alert qui fournissaient les outils les plus nécessaires, à savoir le camion adapté et tous les produits de nettoyage.

 

[35]    Pour ce qui est de la question de la possibilité de profit et du risque de perte, l’avocat de l’appelante a affirmé qu’il n’y avait pas eu une grosse mise de fonds pour les outils, de sorte qu’il n’existait aucun risque en cas de perte. Contrairement à la description qui a été faite dans la décision Gagnon, M. Hall n’était pas un entrepreneur utilisant ses capitaux et ayant recours à une gestion habile comportant le risque de subir une perte. Il a été soutenu que M. Hall ne pouvait pas tirer profit de l’engagement d’un assistant, soit une conclusion à laquelle je ne souscris pas, comme je l’expliquerai ci‑dessous dans mon analyse.

 

[36]    Sous un titre différent portant sur la question de savoir si M. Hall exploitait une entreprise, il est soutenu que le nom commercial a été enregistré à des fins précises n’ayant rien à voir avec le travail que M. Hall faisait pour Alert. Il a été soutenu que rien n’indiquait que M. Hall exploitait sa propre entreprise.

 

[37]    Quant à la question de l’intention des parties, il est affirmé que M. Callura imposait le statut de sous‑traitant à tous ses travailleurs. Il s’agissait d’une exigence intéressée visant à éviter qu’Alert soit tenue d’inclure ses travailleurs dans des programmes d’aide sociale qui ne visaient pas à être facultatifs ou à être évités unilatéralement.

 

          Observations de l’intervenant

 

[38]    Dans ses observations, M. Hall énonçait de nouveau la preuve qu’il avait présentée, en alléguant parfois un nouveau fait. M. Hall nie les assertions que M. Callura a faites en se fondant, dans certains cas, sur la preuve qu’il avait présentée à l’instruction, et dans d’autres cas, en alléguant de nouveaux faits. Malheureusement, une bonne partie de la preuve que M. Hall a présentée à l’instruction n’était pas convaincante et les faits nouvellement allégués ne constituent pas une preuve que je peux prendre en considération.

 

[39]    M. Hall a de fait passé en revue certaines pièces produites lors de l’audience et, ce faisant, il a soulevé certains points indiquant certaines incohérences dans le témoignage de M. Callura. De plus, M. Hall a utilisé certaines pièces pour soulever des questions hypothétiques visant à miner encore plus les assertions de M. Callura concernant son statut de travailleur. Toutefois, aucun de ces points ne m’a donné l’impression d’être particulièrement utile pour M. Hall et ils ne m’ont certes pas fait changer d’idée au sujet de la preuve.

 

[40]    L’examen de la preuve que M. Hall a effectué soulevait des questions telles que les distances que celui‑ci parcourait, les variations de taux fixes, la preuve relative aux périodes de formation et le nombre de fois où il était en contact avec M. Callura. Sur ce point, je puis uniquement dire que je suis entièrement d’accord avec M. Hall lorsqu’il dit que, dans bien des cas, le témoignage de M. Callura ne représente pas la vérité. Malheureusement, je suis arrivé à la même conclusion au sujet du témoignage de M. Hall, une conclusion encore plus ferme. M. Hall n’a pas réussi à me convaincre qu’il est autre qu’un opportuniste qui a souscrit avec empressement à l’idée d’entrepreneuriat à cause de tous les avantages que la chose comportait. Le témoignage de M. Callura m’a donné l’impression que celui‑ci avait été influencé par M. Hall sur de nombreux points. Je ne puis être certain que ce soit le cas, mais je suis certain de l’impression que j’ai eue au sujet de ce que M. Hall faisait en tentant de me convaincre.

 

Analyse

 

[41]    La présente affaire aurait peut‑être bien dû être réglée à l’audience. L’aspect troublant auquel il fallait réfléchir consistait à savoir quoi dire compte tenu du fait que les deux principaux témoins avaient si peu de difficulté à fabriquer une histoire. En tant qu’anciens amis intimes, il se peut qu’ils soient dignes l’un de l’autre, malgré la trahison ultime de M. Hall.

 

[42]    La tentative que M. Hall a faite pour se présenter comme un homme ordinaire ne m’a pas impressionnée. Son sentiment exagéré d’être en mesure de le faire est tombé à plat dès le début. Toutefois, cela m’a encouragé à croire qu’il avait eu raison de faire enregistrer son propre nom commercial, de recruter des clients et d’imaginer qu’il avait pris en charge l’entreprise d’Alert; somme toute, c’était lui qui dirigeait de toute façon l’entreprise, selon ce qu’il a affirmé. Cet homme était sous le contrôle de M. Callura uniquement dans la mesure où cela servait ses fins.

 

[43]    M. Johnson était le seul témoin dont la crédibilité pourrait être considérée comme désintéressée et crédible. Son témoignage corrobore essentiellement le tableau que M. Callura a brossé en ce qui concerne le fait que M. Hall possédait sa propre entreprise; toutefois, cela n’accroît pas pour autant ma confiance dans une bonne partie du témoignage que M. Callura a lui‑même présenté. Il était insensé de dire qu’un travailleur était libre d’accepter du travail d’un client d’Alert. M. Callura a affirmé que si Alert obtenait un contrat de nettoyage de tapis, le travailleur était libre de nettoyer les meubles pour son propre compte. Il n’a toutefois pas manifesté pareille tolérance concoctée lorsqu’il a parlé du fait que M. Hall avait enlevé à Alert la clientèle du propriétaire de la bijouterie.

 

[44]    Et que dois‑je penser de cette falsification de factures? Tous les intéressés s’entendent‑ils pour commettre une fraude flagrante? Des factures fausses se rapportant à la prestation de services, un montant représentant 60 p. 100 étant imputé aux services et un montant de 40 p. 100 aux matériaux, sont sciemment soumises par M. Hall et acceptées? Serais‑je réellement étonné de découvrir qui avait eu cette idée? Ils ont tous deux tramé un complot. Quant à leur objectif respectif, cet objectif n’est pas clair. Voulait‑on déclarer en moins le revenu de M. Hall aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu et de la TPS? Ou s’agissait‑il simplement de déclarer d’une façon inexacte les frais de service aux fins de la prime d’assurance, comme M. Callura l’a hardiment affirmé? Je me contenterai de dire que j’ai conclu que chacun de ces deux menteurs agissait pour son propre compte à ses propres fins entrepreneuriales.

 

[45]    Ceci dit, je dois reconnaître que je n’ai pas la moindre idée de ce qu’est la relation d’affaires qui existait entre Alert et M. Callura. Le principal camion adapté utilisé pour les services de nettoyage commercial appartenait à M. Callura. M. Hall utilisait ce camion, qui avait été fourni par M. Callura. Dois‑je encore supposer qu’Alert, le prétendu employeur, fournissait le matériel au travailleur? Je n’en suis pas du tout convaincu et même s’il s’agissait d’une supposition à l’égard de laquelle l’appelante a dans une certaine mesure le fardeau de la preuve, il faut rejeter cette supposition, qui est fondée sur les dires de M. Hall, au sujet de la véracité desquels j’ai déjà fait certaines remarques. Je ne sais même pas qui sont les dirigeants d’Alert et s’ils sont au courant des fumisteries dont il est ici question, quoique je soupçonne qu’Alert soit dirigée par M. Callura ou par sa femme.

 

[46]    Il n’est pas ici nécessaire d’examiner les décisions faisant autorité. Je les connais fort bien. Toutefois, afin d’assurer aux parties que je n’ai pas omis d’en tenir compte, les brèves conclusions que j’ai tirées au sujet de l’application de ces décisions sont ci‑après énoncées.

 

          Le contrôle

 

[47]    Eu égard à la preuve, je conclus que M. Hall travaillait lorsqu’il le voulait. Il était libre de refuser du travail et, même si les factures indiquent qu’il fournissait ses services d’une façon passablement régulière, ce degré de régularité faisait partie de son plan d’entreprise, à savoir exploiter sa propre entreprise et acquérir Alert. La preuve que M. Hall a lui‑même présentée au sujet de la façon dont il avait abordé une possibilité d’affaires antérieure indique également son ambition entrepreneuriale, sa façon d’agir et sa mentalité. M. Hall savait fort bien ce qu’il faisait lorsqu’il a fait enregistrer D+J’s Carpet Cleaning et il a agi en conséquence. Le fait qu’Alert sous‑traitait de temps en temps une bonne partie de son travail en transmettant les appels à M. Hall n’indique pas d’une façon convaincante l’existence d’une relation commettant‑préposé dans ce cas‑ci. Le rôle de M. Hall à cet égard n’indique pas qu’il occupait un poste subalterne. M. Hall n’a tout simplement pas la mentalité d’un subalterne agissant aux termes d’un contrat de louage de services.

 

          Les instruments de travail

 

[48]    La question de la propriété des instruments de travail est neutre dans ce cas‑ci. Même si j’étais porté à conclure à l’existence d’un contrat de louage de services, ce facteur ne pèserait pas lourd dans ce cas‑ci.

 

          La possibilité de profit et le risque de perte

 

[49]    M. Hall avait la possibilité de réaliser un profit du fait qu’il était libre d’embaucher des assistants. Il était libre de les rémunérer puisqu’il pouvait négocier avec eux. Il touchait 25 $ l’heure si un assistant travaillait avec lui. Son profit n’était pas simplement basé sur le temps qu’il consacrait lui‑même à une tâche; il était aussi basé sur l’avantage qu’il pouvait retirer en versant à un assistant moins de dix dollars l’heure, soit le montant qu’il versait selon une version de son témoignage, du moins lorsque l’assistant était un membre de sa famille.

 

[50]    M. Hall a admis être exposé à un risque de perte s’il devait reprendre un travail sans être rémunéré, et ce, qu’il soit fautif ou non.

 

          À qui appartient l’entreprise?

 

[51]    Si la chose n’est pas déjà absolument claire, je dirai que la preuve permet de conclure, compte tenu de tous les facteurs pertinents, et notamment des facteurs susmentionnés, que M. Hall exploitait une entreprise. À vrai dire, cette entreprise était peut‑être distincte du travail qu’il effectuait pour Alert. Une personne peut, pour certaines activités, être un employé, tout en agissant à d’autres moments comme entrepreneur indépendant pour d’autres activités. M. Hall agissait peut‑être à titre d’employé en répondant aux appels au nom d’Alert, et il agissait peut‑être à titre d’entrepreneur indépendant lorsqu’il travaillait pour M. Johnson. D’un autre côté, le fait d’avoir un gros client qui vous aide sur plusieurs plans et qui vous tient si occupé qu’il limite le travail qu’il est possible d’accomplir pour d’autres clients existants ou éventuels ne veut pas nécessairement dire que l’on est un employé de ce client. La présente affaire pourrait tout au plus être un cas limite, mais les agissements de M. Hall indiquent somme toute une certaine indépendance entrepreneuriale sous‑jacente dans ce cas‑ci, de sorte qu’il m’est difficile d’arriver à une autre conclusion que celle selon laquelle M. Hall effectuait du travail pour Alert dans le cadre de l’exploitation de sa propre entreprise.

 

          Les intentions

 

[52]    S’il s’agissait d’un cas limite, je n’hésiterais pas du tout à conclure que les parties avaient mutuellement l’intention de ne pas conclure un contrat de louage de services. M. Hall voulait tirer pleinement parti du statut d’entrepreneur indépendant. Ce statut ne lui a clairement pas été imposé.

 

Conclusion

 

[53]    Même si la présente analyse est brève, j’espère que mon examen des témoignages des témoins ainsi que les observations y afférentes que j’ai faites dans les présents motifs se passent de commentaires.

 

[54]    Quoi qu’il en soit, pour les motifs susmentionnés, les appels sont accueillis, sans qu’aucuns dépens soient adjugés, pour le motif que, pendant les périodes ici en cause, M. Hall n’exerçait pas un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de juin 2011.

 

 

« J.E. Hershfield »

Juge Hershfield

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour d’août 2011-08-18

 

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 321

 

Nos DES DOSSIERS

DE LA COUR :                                  2010-1506(EI) et 2010-1505(CPP)

 

INTITULÉ :                                       ALERT CARPET CLEANING (NIAGARA) INC. c. M.R.N. ET DAVID HALL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 1er avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J.E. Hershfield

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 24 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Marc Digirolamo

Avocat de l’intimé :

Me Ernesto Caceres

Pour l’intervenant :

L’intervenant lui‑même

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                            Nom :                    Marc Digirolamo

 

                            Cabinet :                Broderick & Partners LLP

                                                          Avocats

                                                          4625, avenue Ontario, C.P. 897

                                                          Niagara Falls (Ontario) L2E 6V6

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Je ne dispose d’aucun élément de preuve concernant l’entente conclue entre M. Callura et Alert au sujet de l’utilisation du camion adapté appartenant à M. Callura.

[2] Il est étrange selon moi que M. Callura ait souvent qualifié ces travailleurs de sous‑traitants, par opposition à des entrepreneurs, mais je n’ai pas considéré la chose comme révélant d’une façon subtile la façon dont il les considérait ou ce qu’ils étaient. En fait, s’ils exploitaient leur propre entreprise de prestation de services, il s’agirait d’entrepreneurs, ou plus exactement encore, d’entrepreneurs indépendants, à qui il sous‑traitait du travail. À vrai dire, dans ce contexte, il s’agirait de sous‑traitants; toutefois, dire qu’il avait recours à des « sous‑traitants » semble parfois vouloir dire qu’il s’agissait de travailleurs occasionnels à qui il pouvait faire appel, s’ils étaient disponibles, ces derniers acceptant le travail à titre de sous‑traitants (qu’ils aient réellement ou non été des entrepreneurs indépendants). Quoi qu’il en soit, le statut de ces travailleurs n’est pas ici en question. J’examine uniquement le statut de M. Hall. Son cas dépend des faits se rapportant à ses services.

[3] M. Hall avait besoin des véhicules personnels qui lui étaient remis pour qu’il les utilise étant donné que le moteur de son propre véhicule était brûlé et M. Callura avait prêté à M. Hall plus d’un véhicule étant donné que même ceux‑ci tombaient en panne et qu’il fallait les faire réparer.

[4] Cela ne pouvait arriver que pendant l’été; en effet, en hiver, le camion adapté devait être conservé à l’intérieur étant donné que l’utilisation d’antigel posait des problèmes.

 

[5] Le nom a officiellement été enregistré par M. Hall au début de l’année 2007 sous le nom D+J’s Carpet Cleaning Service/Carpet Cleaning.

[6] Comme il en sera fait mention ci‑dessous dans les présents motifs, les montants figurant dans les factures ont été falsifiés sciemment et délibérément d’une façon qui n’est pas de bon augure pour M. Hall ou pour M. Callura.

[7] Dans un questionnaire auquel il a répondu, M. Callura a indiqué que M. Hall avait suivi un cours de nettoyage. De telles incohérences suscitent souvent des doutes quant à la sincérité et à la vérité.

[8] M. Callura a également mentionné sa propre faillite personnelle, mais je ne dispose d’aucun élément de preuve au sujet du rapport, le cas échéant, entre M. Hall et cette faillite.

[9] [1986] 3 C.F. 553.

[10] 2005 CCI 134, [2005] A.C.I. n77.

[11] 2006 CAF 87.

[12] 2009 CCI 200, [2009] A.C.I. no 172.

[13] La chose a été admise dans la réponse à l’avis d’appel.

[14] Sur ce point, il a été fait mention de Bonnie’s Cleaning.

[15] Les observations de l’appelante incluaient une réponse aux observations de l’intimé. Elles n’ajoutaient rien à mon exposé des faits.

[16]  2001 CSC 59.

[17]  2010 CAF 74.

[18]  2007 CAF 33.

[19] 2007 CAF 334.

[20] 2006 CAF 350.

[21] 2006 CAF 87.

[22] [1986] 3 C.F. 553.

[23] 2010 CCI 461.

[24] 2010 CCI 17.

[25] 2007 CCI 362.

[26] 2007 CCI 391.

[27] 2006 CCI 592.

[28] 2006 CCI 66.

[29] 2005 CCI 173.

[30] [2001] A.C.I. no 85.

[31] [1994] 2 CTC 2021 (C.C.I.).

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