Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2009-215(IT)G

 

ENTRE :

NEIL MACCALLUM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

________________________________________________________________

 

Appel entendu le 13 juin 2011, à Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

Devant : L'honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Andrew D. Rouse

 

Avocat de l'intimée :

Me Stan W. McDonald

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'égard de la nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 20 novembre 2007, établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2003 de l'appelant est accueilli et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'appelant a droit à une déduction pour la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise.

 

          Les appels visant les années d'imposition 2004 et 2005 sont rejetés.

 

          Les dépens sont accordés à l'appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 316

Date : 20110622

Dossier : 2009-215(IT)G

 

ENTRE :

NEIL MACCALLUM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge V. A. Miller

 

[1]              En l'espèce, la question est de savoir si l'appelant a subi une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (« PDTPE ») de 56 016 $ pour son année d'imposition 2003.

 

[2]              L'appelant avait soulevé plusieurs questions dans son avis d'appel, mais, avant l'audience, il les a toutes retirées, à l'exception de celle qui a trait à la PDTPE.

 

[3]              La déduction demandée pour une PDTPE a trait à un paiement de 162 852,27 $ fait par l'appelant à la Banque Royale du Canada (la « Banque ») relativement à un prêt qu'il avait garanti, lequel avait été consenti par la Banque à Mitchco Construction Inc. (« Mitchco »), une société détenue en propriété exclusive par le fils de l'appelant.

 

[4]              Les parties ont convenu que la seule question en litige est de savoir si l'appelant avait acquis la créance en question « en vue de tirer un revenu [...] d'une entreprise ou d'un bien », comme l'exige le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[5]              Le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi est ainsi rédigé :

 

40(2) Restrictions – Malgré le paragraphe (1) :

 

[...]

 

g) est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est :

 

[...]

 

(ii) une perte résultant de la disposition d'une créance ou d'un autre droit de recevoir une somme, sauf si la créance ou le droit a été acquis par le contribuable en vue de tirer un revenu (qui n'est pas un revenu exonéré) d'une entreprise ou d'un bien, ou en contrepartie de la disposition d'une immobilisation en faveur d'une personne avec qui le contribuable n'avait aucun lien de dépendance,

 

[6]              Il n'y a aucun doute que, pour satisfaire à l'exigence prévue par le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi, l'appelant doit démontrer qu'il avait donné la garantie en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien[1]. Dans les présentes, cette exigence sera désignée comme le « critère de l'objet commercial ».

 

[7]              Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, qui est joint aux présents motifs en tant qu'annexe I. J'ai reproduit ci‑dessous les faits énoncés dans l'exposé conjoint des faits qui sont pertinents à l'égard de ma décision :

 

a)       D & N Truck Lines Ltd. (« D & N ») exploitait principalement une entreprise de camionnage partout en Ontario, au Québec, dans le Canada atlantique et aux États‑Unis. D & N exploitait aussi une entreprise comme courtier et expéditeur pour des propriétaires exploitants de camions partout en Ontario, au Québec, dans le Canada atlantique et aux États‑Unis.

 

b)      D & N était détenue en propriété exclusive par SeaReach Holdings Ltd. (« SeaReach »).

 

c)       L'appelant détenait 51 % des actions de SeaReach et son épouse, Lillian MacCallum, détenait les 49 % restant.

 

d)      Mitchco Construction Inc. (« Mitchco ») est détenue en propriété exclusive par Robert MacCallum.

 

e)       Tout au long de la période pertinente, Mitchco était une société canadienne exploitant une petite entreprise.

 

f)       Robert MacCallum est le fils de l'appelant.

 

g)       Le 15 février 1996, Mitchco a conclu un contrat avec la ville de Miramichi (la « ville ») afin de construire une digue pour un bassin de stabilisation.

 

h)       Le 24 avril 1996, la ville a certifié l'achèvement substantiel des travaux confiés à Mitchco.

 

i)        Le 6 juin 1996, les travaux ont été achevés et la ville a certifié l'exécution du contrat.

 

j)        De février 1996 à juin 1996, D & N a fourni de l'équipement et des matériaux d'une valeur de 394 805 $ à Mitchco relativement au contrat conclu avec la ville. Mitchco a été incapable de payer D & N et le montant total de la créance de D & N restait en souffrance.

 

k)       En raison d'un différend relatif aux paiements que la ville devait faire à Mitchco en application du contrat, cette dernière était dans une position financière très précaire.

 

l)        En juillet 1996, la Banque Royale du Canada (la « Banque ») a fait pression sur Mitchco pour que cette dernière redresse sa situation financière. Le chargé de comptes de la Banque a alors été informé du différend opposant la ville et Mitchco.

 

m)      Le 29 juillet 1996, l'appelant a garanti une ligne de crédit accordée à Mitchco par la Banque.

 

n)       Le 5 mai 1997, l'avocat de Mitchco a écrit à Robert MacCallum et à l'appelant pour les informer des chances de succès d'une éventuelle poursuite à l'encontre de la ville.

 

o)      Le 7 mai 1997, Mitchco a déposé un avis de poursuite et un exposé de la demande à l'encontre de la ville devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick. Dans son exposé de la demande, Mitchco réclamait des dommages‑intérêts de 648 899,87 $, somme qui visait seulement à couvrir les pertes que Mitchco prétendait avoir réellement subies lors de l'exécution du contrat. Dans son exposé de la demande, Mitchco ne réclamait rien d'autre, à l'exception des dépens et des intérêts antérieurs au jugement.

 

p)      En janvier 2002, Mitchco a versé 50 819,15 $ à l'appelant.

 

q)      La Banque a exigé que l'appelant, à titre de garant, rembourse le solde impayé de la dette, c'est‑à‑dire 162 852,27 $. L'appelant a honoré sa garantie et a payé cette somme à la Banque en juin 2003.

 

r)       Mitchco a cessé ses activités en septembre 2003.

 

s)       L'appelant n'était pas actionnaire de Mitchco et n'avait pas droit à un dividende.

 

[8]              Seuls l'appelant et son fils, Robert MacCallum, ont témoigné à l'audience.

 

[9]              Ils ont fourni des détails quant au différend qui opposait la ville et Mitchco et aux circonstances qui avaient mené l'appelant à garantir le prêt consenti à Mitchco par la Banque. Un sommaire de leurs témoignages est présenté ci‑dessous.

 

[10]         L'appelant et son fils ont témoigné que le contrat conclu avec la ville obligeait Mitchco à fournir des cailloux conformes à la norme R‑1000, c'est‑à‑dire un mélange de petits et de gros cailloux. Toutefois, la ville a refusé d'accepter les cailloux R‑1000 et a insisté pour que Mitchco utilise des matériaux correspondant davantage à la norme R‑2000, qui consiste principalement en de gros cailloux.

 

[11]         Pour fournir des matériaux conformes à la norme R‑2000, Mitchco a dû débourser des frais supplémentaires considérables.

 

[12]         Comme Mitchco voulait s'assurer de garder le compte des frais supplémentaires, elle a chargé un ingénieur de les calculer et de les consigner par écrit quotidiennement. Robert MacCallum a aussi participé à ces calculs. De plus, Mitchco a fait appel à la Jacques Whitford Engineering Co. (« JWE »), une société d'experts‑conseils, pour réaliser une étude sur les cailloux fournis.

 

[13]         JWE était d'accord avec Mitchco pour dire que les cailloux fournis n'étaient pas ce qu'exigeait le contrat.

 

[14]         En outre, Mitchco a demandé à une autre société de génie, Godfrey & Associates, de donner son avis. Cette société est arrivée aux mêmes conclusions que Mitchco et JWE. Elle a aussi confirmé les calculs quant aux frais supplémentaires déboursés par Mitchco.

 

[15]         Mitchco s'est ensuite servie de ces données pour tenter de renégocier à la hausse le prix des travaux prévu au contrat avec la ville. Avant le 6 juin 1996, Mitchco a présenté plusieurs réclamations écrites à la ville, mais en vain.

 

[16]         Mitchco a réalisé intégralement les travaux prévus au contrat et la ville a certifié l'achèvement des travaux et l'exécution du contrat le 6 juin 1996. Mitchco a reçu le paiement prévu au contrat, moins une retenue d'environ 100 000 $ pour 60 jours.

 

[17]         Robert MacCallum a affirmé que Mitchco avait l'intention d'envoyer une autre réclamation à la ville relativement aux modalités du contrat, mais qu'elle voulait attendre d'être certaine de recevoir la somme retenue. Entre‑temps, la Banque a appris que Mitchco avait achevé le contrat conclu avec la ville et elle a commencé à faire pression sur Mitchco pour que cette dernière rembourse sa ligne de crédit.

 

[18]         Les deux témoins ont dit que l'appelant s'était porté en garantie auprès de la Banque afin que Mitchco puisse continuer ses activités pendant que sa réclamation à l'encontre de la ville était en cours. La réclamation avait été envoyée à la ville avant que l'appelant donne sa garantie, et les deux témoins ont affirmé qu'ils étaient alors convaincus que la réclamation réussirait.

 

[19]         Selon les témoins, la décision de l'appelant de se porter en garantie avait deux objets commerciaux. Le premier était de tirer un revenu d'une entente qu'il avait conclue avec Mitchco (il en sera question ci‑dessous). Le deuxième était de permettre à Mitchco de poursuivre ses activités pour que la société de l'appelant, D & N, puisse se faire payer sa créance.

 

[20]         Robert MacCallum a dit que l'appelant et Mitchco avaient conclu une entente selon laquelle l'appelant aurait obtenu un revenu en échange de sa garantie. Il a affirmé que l'appelant s'était fait promettre 10 % de la somme de 394 805 $ (c'est‑à‑dire la dette de Mitchco envers D & N) et des intérêts de 10 % sur toute somme que l'appelant aurait à payer pour le compte de Mitchco.

 

[21]         L'appelant n'a pas décrit l'entente de la même manière que son fils. Il a témoigné qu'il devait recevoir 10 % de la somme versée à Mitchco par la ville relativement à la réclamation de Mitchco ainsi que des intérêts de 10 % sur toute somme qu'il aurait à payer pour le compte de Mitchco. Lors de son contre‑interrogatoire, l'appelant a dit qu'il avait donné la garantie en tenant pour acquis que Mitchco lui verserait 10 % de la somme qu'elle recevrait de la ville.

 

[22]         Aucun document n'étaye l'existence d'une entente entre l'appelant et Mitchco.

 

[23]         Lors de son contre‑interrogatoire, Robert MacCallum a d'abord affirmé que leur contrôleuse, Ann Rickman, pouvait avoir connaissance de l'entente qu'il avait conclue avec son père. Toutefois, il a ensuite dit qu'il ne se souvenait pas d'avoir parlé de cette entente à qui que ce soit.

 

[24]         L'appelant et Mitchco auraient conclu leur entente dans leur bureau.

 

[25]         Aucun calendrier n'avait été établi pour le remboursement de l'appelant, car il allait seulement être payé lorsque Mitchco aurait gain de cause dans sa réclamation à l'encontre de la ville.

 

[26]         L'appelant croyait qu'il ne s'exposait à aucun risque en donnant sa garantie. Il a dit qu'en juillet 1996, il estimait qu'il n'aurait rien à payer à cause de sa garantie, car la réclamation de Mitchco envers la ville était très bien fondée. Deux sociétés d'experts‑conseils indépendantes avaient confirmé la validité de cette réclamation. Il était certain à 99,9 % que Mitchco recevrait plus de 648 000 $ de la ville.

 

[27]         Cependant, en 1996, la ville a refusé de négocier avec Mitchco et elle a engagé un avocat. En mai 1997, Mitchco a intenté une poursuite à l'encontre de la ville devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick. En 2002, la poursuite a été réglée après qu'il eut été découvert que le témoin expert principal de Mitchco avait perdu les documents sur lesquels ses calculs étaient fondés.

 

[28]         Mitchco a ensuite réglé sa poursuite à l'encontre de la ville pour 125 000 $. Après la déduction des honoraires d'avocats et des débours, elle a reçu 91 136,06 $. Mitchco a versé 40 316,91 $ à Custom Paving, un créancier, et a remis le solde (50 819,15 $) à l'appelant.

 

[29]         Robert MacCallum a affirmé qu'il avait versé 50 819,15 $ à son père pour l'aider à payer la somme que ce dernier devait à la Banque à cause de sa garantie. De son côté, l'appelant a témoigné avoir reçu cette somme en raison de l'entente qu'il avait conclue avec Mitchco.

 

[30]         Les témoignages ont aussi révélé que Mitchco et D & N occupaient les mêmes locaux dans le sous‑sol de la résidence de l'appelant. Elles partageaient aussi la même contrôleuse, Ann Rickman, au sein de leur personnel. Aucun élément de preuve n'a été présenté pour expliquer qui versait la rémunération de Mme Rickman. Cette dernière a été employée par D & N de 1992 à 2008.

 

[31]         L'appelant agissait comme surveillant de chantier pour Mitchco, sans être rémunéré. Il participait activement aux activités quotidiennes de Mitchco et était présent à chaque rencontre entre cette dernière et la ville, en compagnie des sociétés de génie et de l'avocat chargé de la poursuite.

 

Analyse

 

[32]         L'existence de l'entente prétendue entre l'appelant et Mitchco est une question de fait. Ainsi, la crédibilité des témoins est d'une importance primordiale.

 

[33]         L'appelant et son fils ont témoigné que Mitchco et l'appelant avaient conclu une entente selon laquelle l'appelant recevrait un revenu en échange de sa garantie. Ils ont tous deux dit que l'entente avait deux volets, mais leurs témoignages étaient divergents quant à la teneur exacte du premier volet de l'entente.

 

[34]         Selon Robert MacCallum, le premier volet de l'entente prévoyait que l'appelant recevrait 10 % de la dette qu'avait Mitchco envers D & N, c'est‑à‑dire la somme de 39 481 $. De son côté, l'appelant a dit que, selon le premier volet de l'entente, il devait recevoir 10 % de la somme que la ville verserait à Mitchco.

 

[35]         L'entente n'était pas écrite. Personne, y compris la contrôleuse de longue date, n'avait été informé de l'existence de cette entente.

 

[36]         La somme que Mitchco a finalement versée à l'appelant après avoir réglé la poursuite qu'elle avait intentée à l'encontre de la ville ne correspond à aucune des deux versions de l'entente alléguée. De plus, l'appelant n'a pas traité la somme de 50 819 $ comme le profit qu'il a tiré de la poursuite — il l'a plutôt déduite de la somme de 162 852,27 $ qu'il avait dû verser à la Banque en raison de sa garantie. L'appelant a ensuite demandé la déduction du solde (112 033 $) à titre de perte au titre d'un placement d'entreprise.

 

[37]         Les transactions effectuées entre des membres d'une même famille et qu'on dit avoir un objet commercial sont examinées minutieusement.

 

[38]         Après avoir étudié les éléments de preuve présentés, j'ai conclu que l'entente qu'auraient conclue l'appelant et Mitchco n'existe pas.

 

[39]         L'intimée soutient qu'il s'agissait plutôt d'un prêt entre proches parents. L'appelant aurait acquis la créance afin d'aider l'entreprise de son fils, ce qui voudrait dire que la créance n'aurait aucun objet commercial. L'avocat de l'intimée s'est fondé sur le fait que l'appelant effectuait quotidiennement des tâches pour Mitchco sans jamais avoir été rémunéré pour ses services, ni même avoir cherché à l'être.

 

[40]         Je conclus que l'une des raisons qui ont poussé l'appelant à donner sa garantie pour le compte de Mitchco était d'aider son fils — il s'agit peut-être même de son motif principal. Toutefois, cela n'empêche pas l'appelant de satisfaire à l'exigence établie par le sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi. Dans l'arrêt Rich c. La Reine[2], le juge Rothstein s'est exprimé de la sorte :

 

Le ministre concède que, bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'objet exclusif ni même l'objet premier du prêt soit de tirer un revenu, cela suffit, dans la mesure où il s'agit de l'un des objets du prêt, pour que soient remplies les conditions du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) (voir l'arrêt Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, [2001] 2 R.C.S. 1082, au paragraphe 50). [...]

 

[41]         Par ailleurs, il n'est pas nécessaire qu'il existe un lien direct entre la dette contractée par le contribuable et le revenu qu'il veut obtenir. Dans l'arrêt R. c. Byram[3], le juge McDonald a fait l'observation suivante :

 

[16]      [...] Bien que le sous-alinéa 40(2)g)(ii) exige qu'il existe un lien entre le contribuable (c'est‑à‑dire le prêteur) et le revenu, il n'est pas nécessaire que le contribuable tire directement le revenu du prêt.

 

[...]

 

[21]      Il est aussi clair que la perspective de toucher un revenu de dividendes ne saurait être trop éloignée. C'est un principe élémentaire que les articles 3 et 4 de la Loi, combinés aux règles établies dans les subdivisions a) à d) de la division B, portent que le revenu du contribuable doit être établi selon sa source. De plus, les déductions permises par la Loi, notamment celle prévue au sous‑alinéa 40(2)g)(ii), exigent que l'on tienne compte de la source du revenu pouvant donner lieu à une déduction. Par conséquent, une déduction ne peut être tellement éloignée du flux de revenu correspondant que son lien avec la perspective de revenu est, au mieux, ténu. Cela n'empêche pas le contribuable de déduire la perte en capital découlant d'un prêt sans intérêt qu'il a consenti à une corporation à laquelle il est lié lorsqu'il s'attend légitimement à recevoir un revenu sous forme de dividendes accrus générés par l'injection de capital.

 

[42]         Dans l'exposé conjoint des faits, l'intimée a reconnu que Mitchco devait 394 805 $ à D & N. Elle a aussi admis que cette dette existait lorsque l'appelant s'était porté en garantie, en juillet 1996.

 

[43]         Je conclus que l'appelant a démontré que l'un des objets de la garantie qu'il avait donnée en juillet 1996 était de permettre à Mitchco de poursuivre ses activités, ce qui signifie que l'appelant cherchait à protéger et à recouvrer une source de revenu considérable pour D & N[4] et pour lui‑même.

 

[44]         Cet objet n'est pas trop éloigné pour satisfaire aux exigences du sous‑alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi.

 

[45]         De nombreux éléments de preuve ont été présentés quant à la relation commerciale qui existait entre Mitchco, D & N et l'appelant. Ce dernier était l'actionnaire majoritaire de SeaReach, société qui était l'unique actionnaire de D & N. Le seul autre actionnaire de SeaReach était l'épouse de l'appelant.

 

[46]         L'appelant a agi de manière raisonnable et a tenu compte de ses propres intérêts commerciaux. Il a droit à une déduction pour une PDTPE.

 

[47]         L'appel est accueilli et les dépens sont accordés à l'appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 2011.

 

 

« V. A. Miller »

Le juge V. A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2011.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


Annexe I

 

[traduction]

 

ENTRE :

NEIL MACCALLUM,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

 

L'appelant et l'intimée, par l'entremise de leurs avocats, reconnaissent les faits exposés ci‑dessous relativement à l'appel en cause, de concert avec tout autre élément de preuve présenté à la Cour; ces admissions sont cependant seulement faites pour les besoins de la présente instance et de tout appel subséquent :

 

A :     FAITS INTRODUCTIFS

 

1.       L'adresse de l'appelant est le 42, rue Archie, Miramichi Bay (Nouveau‑Brunswick), E1N 6P3.

 

2.       Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a d'abord établi des cotisations conformément aux déclarations de revenus produites par l'appelant, au moyen d'avis de cotisation datés du 29 juillet 2004, du 1er septembre 2005 et du 1er juin 2006, portant respectivement sur les années d'imposition 2003, 2004 et 2005.

 

3.       Au moyen d'avis de nouvelle cotisation datés du 20 novembre 2007, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant relativement à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise, à des frais pour droit d'usage d'une automobile et à des avantages conférés à l'actionnaire, ainsi qu'à d'autres rajustements qui ne sont pas en cause dans l'appel. Le ministre a établi les nouvelles cotisations comme suit :

 

 

2003

2004

2005

Déduction pour PDTPE refusée

112 032 $

 

 

 

Frais pour droit d'usage d'une automobile

 

11 190 $

13 307 $

 

Avantage conféré à l'actionnaire

 

1 600 $

1 600 $

 

4.       Le 13 février 2008, l'appelant a présenté un avis d'opposition valide à l'égard des avis de nouvelle cotisation susmentionnés.

 

5.       Au moyen d'un avis de ratification du 22 octobre 2008, le ministre a ratifié les nouvelles cotisations.

 

6.       D & N Truck Lines Ltd. (« D & N ») exploitait principalement une entreprise de camionnage partout en Ontario, au Québec, dans le Canada atlantique et aux États‑Unis. D & N exploitait aussi une entreprise comme courtier et expéditeur pour des propriétaires exploitants de camions partout en Ontario, au Québec, dans le Canada atlantique et aux États‑Unis.

 

7.       D & N était détenue en propriété exclusive par SeaReach Holdings Ltd. (« SeaReach »).

 

8.       L'appelant détenait 51 % des actions de SeaReach et son épouse, Lillian MacCallum, détenait les 49 % restant.

 

9.       Mitchco Construction Inc. (« Mitchco ») est détenue en propriété exclusive par Robert MacCallum.

 

10.     Tout au long de la période pertinente, Mitchco était une société canadienne exploitant une petite entreprise.

 

11.     Robert MacCallum est le fils de l'appelant.

 

12.     Dans une lettre du 12 novembre 2010, l'appelant a annoncé qu'il retirait ou abandonnait son appel quant aux frais pour droit d'usage d'une automobile et aux avantages conférés à l'actionnaire. Ainsi, seule la question de la déduction demandée pour une PDTPE pour l'année d'imposition 2003 reste en litige.

 

B :     PERTE DÉDUCTIBLE AU TITRE D'UN PLACEMENT D'ENTREPRISE

 

13.     Le 15 février 1996, Mitchco a conclu un contrat avec la ville de Miramichi (la « ville ») afin de construire une digue pour un bassin de stabilisation.

 

14.     Le 24 avril 1996, la ville a certifié l'achèvement substantiel des travaux confiés à Mitchco.

 

15.     Le 6 juin 1996, les travaux ont été achevés et la ville a certifié l'exécution du contrat.

 

16.     De février 1996 à juin 1996, D & N a fourni de l'équipement et des matériaux d'une valeur de 394 805 $ à Mitchco relativement au contrat conclu avec la ville. Mitchco a été incapable de payer D & N et le montant total de la créance de D & N restait en souffrance.

 

17.     En raison d'un différend relatif aux paiements que la ville devait faire à Mitchco en application du contrat, cette dernière était dans une position financière très précaire.

 

18.     En juillet 1996, la Banque Royale du Canada (la « Banque ») a fait pression sur Mitchco pour que cette dernière redresse sa situation financière. Le chargé de comptes de la Banque a alors été informé du différend opposant la ville et Mitchco.

 

19.     Le 29 juillet 1996, l'appelant a garanti une ligne de crédit accordée à Mitchco par la Banque Royale du Canada.

 

20.     Le 5 mai 1997, l'avocat de Mitchco a écrit à Robert MacCallum et à l'appelant pour les informer des chances de succès d'une éventuelle poursuite à l'encontre de la ville.

 

21.     Le 7 mai 1997, Mitchco a déposé un avis de poursuite et un exposé de la demande à l'encontre de la ville devant la Cour du Banc de la Reine du Nouveau‑Brunswick. Dans son exposé de la demande, Mitchco réclamait des dommages‑intérêts de 648 899,87 $, somme qui visait seulement à couvrir les pertes que Mitchco prétendait avoir réellement subies lors de l'exécution du contrat. Dans son exposé de la demande, Mitchco ne réclamait rien d'autre, à l'exception des dépens et des intérêts antérieurs au jugement.

 

22.     En janvier 2002, Mitchco a versé 50 819,15 $ à l'appelant.

 

23.     La Banque Royale a exigé que l'appelant, à titre de garant, rembourse le solde impayé de la dette, c'est‑à‑dire 162 852,27 $. L'appelant a honoré sa garantie et a payé cette somme à la Banque en juin 2003.

 

24.     Mitchco a cessé ses activités en septembre 2003.

 

25.     L'appelant n'était pas actionnaire de Mitchco et n'avait pas droit à un dividende.

 

Le tout est respectueusement présenté.

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 316

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-215(IT)G

 

INTITULÉ :                                       NEIL MACCALLUM c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 13 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 22 juin 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Andrew D. Rouse

 

Avocat de l'intimée :

Me Stan W. McDonald

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           Andrew D. Rouse

                   Cabinet :      Peters Oley Rouse

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] Cadillac Fairview Corp. c. La Reine, no 92‑2529(IT)G, 6 mars 1996, [1996] A.C.I. no 209 (QL), 97 D.T.C. 405 (C.C.I.), au paragraphe 10.

 

[2] 2003 CAF 38, [2003] 3 C.F. 493, au paragraphe 8.

 

[3] no A‑684‑94, 25 janvier 1999, [1999] 2 C.T.C. 149 (C.A.F.).

 

[4] R. c. F. H. Jones Tobacco Sales Co. Ltd., [1973] C.F. 825 (C.F. 1re inst.), McKissock c. La Reine, no 96‑593(IT)I, 19 septembre 1996, [1997] 1 C.T.C. 2182 (C.C.I.).

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.