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Dossier : 2008‑714(IT)G

 

ENTRE :

ALBERTA PRINTED CIRCUITS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] __________________________________________________________________

 

Appels entendus les 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16 et 17 février 2011,

à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me R. Paul Jacobson, c.r.

Me Shaun T. MacIsaac

Me Elsy D. Gagné

Avocats de l’intimée :

Me William L. Softley

Me Margaret A. Irving  

__________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 de l’appelante sont accueillis et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base suivante :

 

1.       Seuls les redressements suivants du prix de transfert seront ajoutés au revenu de l’appelante :

 

1)       pour l’année d’imposition 1999 : 242 625,13 $,

2)       pour l’année d’imposition 2000 : 344 821,92 $,

3)       pour l’année d’imposition 2001 : 293 121,88 $,

le total s’élevant à 880 568,93 $;

2.       Les pénalités se rattachant aux montants ayant fait l’objet de redressements seront calculées conformément aux dispositions du paragraphe 247(3) de la Loi;

 

3.       Les parties disposeront d’un délai de 14 jours pour informer la Cour de toute entente qu’elles pourraient conclure au sujet de la question des dépens ou pour présenter à la Cour leurs observations écrites à l’égard des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 2011.

 

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur

 

 

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 232

Date : 20110429

Dossier : 2008‑714(IT)G

 

ENTRE :

 

ALBERTA PRINTED CIRCUITS LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Pizzitelli

 

[1]              La Cour est saisie d’un appel interjeté par Alberta Printed Circuits Ltd. (l’« appelante ») de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 de l’appelante[1]. Par avis de nouvelle cotisation daté du 16 septembre 2005, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour son année d’imposition 1999 au motif que l’appelante avait versé en trop à une société non résidente, APCI, Inc. (« APCI »), un montant de 1 066 073 $, et il a ajouté ce montant au revenu de l’appelante conformément à l’alinéa 247(2)a) de la Loi. Par avis de nouvelles cotisations datés du 18 mai 2006, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante pour ses années d’imposition 2000 et 2001, également en raison d’un trop-perçu par APCI, et il a ajouté les montants de 1 065 727 $ et de 1 422 775 $ au revenu de 1’appelante pour ces années, respectivement. L’appelante interjette appel de la cotisation établie par le ministre conformément au paragraphe 247(3) de la Loi à l’égard de pénalités totalisant 106 572 $ pour l’année 2000 et 142 278 $ pour l’année 2001.

 

Les questions en litige

 

[2]              La Cour est appelée en l’espèce à se prononcer sur les quatre questions suivantes :

 

(1)              Les nouvelles cotisations étaient-elles prescrites par application du délai de prescription mentionné aux paragraphes IX(3) et XXVII(3) de l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (« la Convention »)[2]? Ou le délai de prescription prévu au sous‑alinéa 152(4)b)(iii) de la Loi est-il applicable?

 

(2)              Y avait-il absence de lien de dépendance entre l’appelante et ACPI?

 

(3)              Le ministre a-t-il correctement, conformément à l’alinéa 247(2)a) de la Loi, inclus les montants de 894 263 $, de 1 065 727 $ et de 1 422 775 $ dans le revenu de l’appelante pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 respectivement?

 

(4)              Les pénalités prévues au paragraphe 247(3) ont-elles été imposées à juste titre?

 

[3]              Il importe de noter que, bien que le montant ayant fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 1999 se soit élevé à 1 066 273 $, l’intimée a reconnu qu’il ne devrait être que de 894 263 $, accordant ainsi à l’appelante une réduction qui fixe le montant correspondant aux calculs de son économiste interne.

 

[4]              Les deux parties ont également reconnu que, même s’il est fait mention, dans les actes de procédure, de la déductibilité des redressements ayant fait l’objet de nouvelles cotisations, la question de la déductibilité de ces montants conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi n’est plus pertinente étant donné que les dispositions de la Loi concernant les prix de transfert ne visent maintenant que le redressement de revenu.

 

[5]              L’intimée a également reconnu qu’en ce qui concerne la question de l’absence de lien de dépendance, (deuxième question ci‑dessus), l’appelante et ACPI, une société de la Barbade, n’étaient pas contrôlées de façon majoritaire par le même groupe de personnes; à cet égard, il faut uniquement rechercher s’il existait ou non un lien de dépendance entre les parties, en leur qualité de personnes non liées; cela est une question de fait.

 

[6]              Enfin, il importe de noter qu’il n’y aucune controverse entre les parties au sujet du calcul des pénalités selon la formule énoncée au paragraphe 247(3) de la Loi, s’il est finalement fait conclu que le prix de transfert doit faire l’objet d’un redressement conformément au paragraphe 247(2) de la Loi. Les parties reconnaissent que ces pénalités s’appliquent en vertu de la première disposition.

 

Faits et procédures

 

[7]              Au début du procès, les parties ont présenté un exposé conjoint des faits qui, avec la preuve produite au cours de l’instruction, indique d’une façon générale que les faits pertinents à examiner en 1’espèce sont ceux qui sont exposés ci‑dessous.

 

L’entreprise canadienne

 

[8]              Voici les faits. L’appelante a commencé à exercer ses activités en 1984; elle fabriquait, à Calgary, des cartes de circuit imprimé prototype personnalisé en utilisant ce qui était alors un nouveau procédé de fabrication « de série » mis au point par Wayne Bamber, lequel permettait à la société de fournir aux concepteurs de cartes de circuit imprimé des échantillons de leur conception en très petites quantités, la commande minimum n’étant que deux pièces. L’appelante était donc en mesure de fournir aux concepteurs des cartes de circuit imprimé prototype à un prix inférieur à celui de ses concurrents, qui utilisaient alors un système différent exigeant la production d’un plus grand nombre de pièces que celui dont les concepteurs avaient besoin afin de mettre leur conception à l’essai, de sorte que les coûts étaient plus élevés. La fabrication de prototypes permettait aux concepteurs de cartes de circuit imprimé de vérifier la fiabilité de leurs conceptions avant de passer à la production de masse. À la fin des années 1980, Daniel McMuldroch s’est joint aux fondateurs de l’appelante et aux propriétaires initiaux, Wayne et Geraldine Bamber.

 

[9]              En résumé, la production de cartes de circuit imprimé personnalisé comporte la réception de données du client, leur préparation aux fins d’une utilisation dans la fabrication (appelée « montage ») et la fabrication de la carte elle‑même. Au moment où Wayne Bamber a élaboré son procédé de fabrication « de série », et jusque vers la fin des années 1980, le procédé de montage utilisé dans la production de cartes de circuit imprimé personnalisé était entièrement manuel. Sur réception des données, un membre du personnel produisait une maquette à deux dimensions pour un laboratoire de photographie local, qui créait ensuite un négatif de film à l’aide de la maquette; le négatif était ensuite retourné à la société et utilisé pour la fabrication de la carte de circuit imprimé elle‑même au moyen de l’application de couches de différents produits. Ce procédé a par la suite été automatisé à l’aide d’ordinateurs, le logiciel de dessin et l’équipement de fabrication électronique éliminant entièrement la nécessité de négatifs.

 

[10]         L’appelante est une société privée sous contrôle canadien. Son exercice prend fin le 31 janvier. En 1996, les actions de l’appelante appartenaient, dans une proportion de 25 p. 100, à Daniel McMuldroch, et dans une proportion de 75 p. 100, à Bamber Electronics Ltd. (« BE Ltd. »). Les actions de BE Ltd. appartenaient à Wayne Bamber (60 p. 100) et à la femme de celui‑ci, Geraldine Bamber (40 p. 100). En 1996, ces trois personnes étaient les administrateurs de l’appelante.

 

[11]         Monsieur McMuldroch est initialement entré en contact avec l’appelante en 1984 ou en 1985, lorsqu’il a conclu, à titre de client, un contrat avec celle‑ci en vue de la fabrication de cartes de circuit imprimé. Il a témoigné qu’en 1989, il avait travaillé à temps partiel pour l’appelante; il s’occupait d’administration de réseau, de développement Web et de développement de logiciels. Il est entré au service de l’appelante à plein temps en 1989, en participant à tous les aspects de l’entreprise. Il a notamment pris connaissance des procédés de fabrication et il s’est consacré à l’élaboration d’un système de babillard électronique pour l’échange de données avec les clients ainsi qu’à l’élaboration du système de « montage » qui, comme il en a été fait mention précédemment, était initialement un système manuel.

 

[12]         Monsieur McMuldroch a déclaré être initialement devenu actionnaire de l’appelante, à 25 p. 100, en 1987, bien qu’il ait témoigné n’être entré au service de l’appelante à plein temps qu’en 1989. En 1996, avant de quitter le pays pour s’installer à la Barbade, il a continué à détenir 25 p. 100 des actions de l’appelante; il se consacrait principalement à la conception de logiciels, à la conception Web et à la fonction de montage.

 

Création et organisation de la société de la Barbade

 

[13]         En 1995, M. McMuldroch a assisté à un séminaire qui portait sur la manière de faire des affaires à la Barbade. Monsieur McMuldroch et les Bamber voulaient protéger leurs actifs et ils envisageaient de fabriquer les cartes de circuit imprimé à l’extérieur du Canada, à cause des risques élevés que présentait la nature de leur entreprise.

 

[14]         À la suite de négociations entre les Bamber et M. McMuldroch, il a plutôt été décidé que les activités de « montage », qui seront précisées plus loin, seraient exercées à la Barbade par une société barbadienne.

 

[15]         Messieurs Bamber et McMuldroch ont tous deux reconnu être au courant des avantages fiscaux qu’offrait l’exploitation d’une entreprise à la Barbade et que leur équipe de comptables et d’avocats avait tenu compte de ce facteur en soupesant les diverses options de planification. Toutefois, M. Bamber a témoigné qu’il ne devait pas être actionnaire, administrateur ou dirigeant de la société de la Barbade et qu’il s’agissait d’une entreprise dont M. McMuldroch voulait se charger seul, dans l’espoir de perfectionner le logiciel et de le vendre à d’autres clients. Monsieur McMuldroch a témoigné que l’un des avantages de l’exploitation d’une entreprise à la Barbade était que cela permettrait à l’appelante de miser sur sa supériorité dans le domaine de la fabrication.

 

[16]         À la demande de M. McMuldroch, Mme Bamber s’est rendue à la Barbade au mois d’octobre 1996 afin de trouver un emplacement pour la nouvelle entreprise, d’y établir une société et d’y ouvrir un compte de banque.

 

[17]         Monsieur McMuldroch a remis à Mme Bamber un montant de 10 000 $ pour les démarches à effectuer aux fins de la constitution de la société en personne morale ainsi qu’à titre d’acompte relatif à un bail. L’appelante a également remis à Mme Bamber une avance de 1 000 $ pour le voyage; il ressort des éléments de preuve que les frais d’hôtel, de repas, de taxis et les frais se rattachant aux films, lesquels totalisaient 1 399 $ (y compris l’avance de 1 000 $ susmentionnée), ont été payés par l’appelante.

 

[18]         Le 17 novembre 1996, APCI a été constituée en personne morale à la Barbade. APCI est une société d’affaires internationales de la Barbade constituée en personne morale en vertu de la Companies Act (la Loi sur les compagnies[3]); elle a droit a un avantage fiscal spécial en vertu de la Barbados International Business Companies (Exemption From Income Tax) Act (la « IBC Exemption from Income Tax Act ») (la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales de la Barbade)[4]. Son exercice prend fin le 31 décembre.

 

[19]         Monsieur McMuldroch admet avoir été le seul administrateur, président et directeur général (« PDG ») de la société de la Barbade lors de sa constitution en personne morale. Lors du contre‑interrogatoire, il a également admis que, dans la demande de constitution en personne morale, les parties avaient arrêté leur choix sur le nom APCI, Inc. parce que les lettres APCI étaient les initiales de la société « sœur », soit l’appelante, comme l’a confirmé M. McMuldroch. Il ressort également de la demande de visa de travail que M. McMuldroch a présentée à la Barbade que celui‑ci devait intervenir à titre de PDG, qu’il était alors vice‑président de l’appelante (décrite comme étant une « société liée »), que ce poste appelait le recours à un spécialiste qui avait déjà travaillé pour la « société mère », et qu’il avait reçu une formation spécialisée et avait acquis une expérience en travaillant pour la « société affiliée » à APCI. Ce document contenait une déclaration sous serment de M. McMuldroch, qui a confirmé, lors du contre‑interrogatoire, que la société mère, la société liée et la société affiliée s’entendaient toutes de l’appelante. Dans la déclaration, M. McMuldroch a également confirmé qu’il devait être supervisé par le conseil d’administration d’APCI, mais que la supervision serait exercée [traduction] « à titre consultatif » et qu’elle serait [traduction] « peu fréquente ».

 

[20]         Monsieur McMuldroch a obtenu des avances de prêts d’environ 140 000 $ de l’appelante, à valoir sur la gratification prévue d’environ 220 000 $ qu’il devait toucher pour l’année 1996. Il a déclaré avoir remboursé ce montant principalement en déduisant du prêt le montant après impôt de la gratification, de 120 381,80 $, comme le montre le grand livre, ainsi que d’autres fonds qui lui étaient dus. Il ressort des éléments de la preuve que M. McMuldroch s’est servi de ces fonds pour acheter du matériel et des marchandises pour le compte d’APCI et pour remettre à Mme Bamber les 10 000 $ pour le voyage susmentionné effectué par celle-ci à la Barbade.

 

[21]         Le 31 décembre 1996, M. McMuldroch a démissionné de son poste d’administrateur de l’appelante. La société BE Ltd. a acheté les actions de l’appelante que M. McMuldroch détenait le 31 décembre 1996, en émettant un billet de 500 000 $. Ce billet était remboursable sur une période de 20 ans, des versements annuels de capital de 25 000 $ devant être effectués à compter du 31 décembre 1997, jusqu’au 31 décembre 2017, avec intérêts. Or, au 26 mai 1999, le billet avait été remboursé au complet, avec intérêts, selon le grand livre de l’appelante, comme l’ont confirmé M. McMuldroch et Mme Bamber. Les chèques émis par BE Ltd. en faveur de M. McMuldroch à l’égard de ces paiements ont été produits en preuve et je conclus que ces actions lui ont été payées au complet.

 

[22]         Monsieur et Mme Bamber ainsi que M. McMuldroch ont témoigné qu’ils avaient convenu de partager les bénéfices de la société de la Barbade, les deux tiers des bénéfices devant être remis aux Bamber et l’autre tiers à M. McMuldroch, ou à leurs familles respectives.

 

Question accessoire de la planification fiscale extraterritoriale

 

[23]         Selon une solide preuve documentaire, dont la teneur est confirmée par M. McMuldroch ainsi que par MM. Gerry Bamber et Wayne Bamber, les Bamber et M. McMuldroch, sur consultation de leurs comptables et de leurs avocats, ont envisagé une planification extraterritoriale et ont initialement songé à créer une société barbadienne exonérée d’impôt. En outre, cette société devait appartenir à une société de Guernesey, aux îles Anglo‑Normandes, appelée Ludex, qui a en fait été constituée en personne morale le 2 décembre 1997 et laquelle, de son côté, devait appartenir à deux fiducies discrétionnaires pour lesquelles des actes de constitution ont été signés, l’une s’appelant Excelon Settlement et l’autre Leduc Settlement; l’une devait avoir une participation d’un tiers pour le compte de la famille McMuldroch et l’autre une participation de deux tiers pour le compte de la famille Bamber, comme l’ont confirmé les témoignages rendus de vive voix.

 

[24]         Les comptables canadiens susmentionnés ont envoyé une télécopie datée du 3 février 1998 à leurs membres affiliés des îles Anglo‑Normandes pour les informer qu’en raison de modifications apportées au droit fiscal canadien, il fallait mettre fin au montage susmentionné. Monsieur McMuldroch a confirmé que l’on a abandonné la formule de la fiducie en faveur de l’utilisation de « Morville », comme il l’a appelée, et Mme Bamber a également confirmé que cette formule fut écartée.

 

[25]         Dans les résolutions organisationnelles d’APCI, qui a été constituée en personne morale le 17 novembre 1996, M. McMuldroch, en sa qualité d’unique administrateur, a approuvé l’émission de 100 actions ordinaires entièrement libérées en faveur de Morville Ltd. (« Morville »), située à Guernesey, îles Anglo‑Normandes. La société Morville a été enregistrée le 20 mai 1998 seulement. M. McMuldroch a expliqué que l’on avait tardé à mettre en place les polices d’assurance, qui sont ci‑dessous appelées les [traduction] « régimes individuels ». Ces régimes devaient en fin de compte détenir les actions de Morville et avaient donné lieu à l’adoption d’une résolution rectificative, antidatée au 8 novembre 1996, par laquelle le nom de Morville était remplacé par celui de M. McMuldroch, à titre d’unique actionnaire, conformément aux instructions que M. McMuldroch avait données au secrétaire général, Price WaterhouseCoopers, le 13 mai 1999, avant son retour à Calgary. Comme M. McMuldroch et les Bamber l’ont confirmé dans leurs témoignages, les retards additionnels dans la mise au point du montage du capital social d’APCI étaient attribuables au fait qu’il avait fallu abandonner la formule initiale de la fiducie à l’égard de la planification extraterritoriale, au mois de février 1998.

 

[26]         Le 1er mai 1998, M. McMuldroch a transféré à Morville les actions qu’il détenait dans APCI. Trois mois plus tard, le registre des actionnaires de Morville indiquait que ces actions étaient détenues comme suit par Nordben Life and Pension Insurance Company Ltd. : 19 actions pour le régime A/C‑IP0923 et 9 actions pour le régime A/C‑IP00919. La propriété des actions a été confirmée dans les déclarations annuelles que Morville a produites à Guernesey, en janvier 1999 et 2000. Les déclarations révélaient que les prête‑noms des deux régimes détenaient initialement une action et devaient l’avoir transférée aux régimes, puisque les dernières déclarations indiquent que le régime A/C‑IP00923 détenait 20 actions et le régime A/C‑IP00919, 10 actions, ce qui est conforme au ratio 2/1 qui, comme les Bamber et M. McMuldroch en ont convenu, correspondait au ratio des bénéfices d’APCI auxquels ils avaient respectivement droit. Il ressort des éléments de preuve que A/C‑IP00919 visait un régime d’assurance aux termes duquel M. McMuldroch détenait le pouvoir de nommer des bénéficiaires désignés; M. McMuldroch a désigné son père, l’épouse de son père, leurs enfants et descendants, ainsi que son beau‑père et l’épouse de son beau‑père, leurs enfants et descendants. En substance, il s’agissait d’un régime individuel au profit de la famille de M. McMuldroch, celui‑ci exerçant un contrôle sur la nomination des bénéficiaires désignés. De même, A/C‑IP00923 désignait un régime d’assurance qui conférait à Wayne Bamber le droit de nommer des bénéficiaires désignés; Wayne Bamber a désigné son père, son beau‑père, ainsi que leurs épouses respectives, leurs enfants et leurs descendants; il s’agissait en substance d’un régime au profit de la famille de Wayne Bamber. Dans son témoignage, Mme Bamber a également confirmé que les régimes avaient été établis au profit des familles de M. McMuldroch et des Bamber, mais elle a déclaré qu’à ce jour, les Bamber n’avaient reçu aucun avantage de leur régime. Lors de son contre‑interrogatoire, M. Bamber a néanmoins reconnu que les régimes, tels qu’ils étaient libellés, permettaient clairement aux bénéficiaires désignés de se faire rembourser certaines unités du régime s’ils le voulaient. Toutefois, il a déclaré que sa relation lui avait dit que cela n’était pas permis. De fait, aux termes d’un avenant des régimes, c’était en fait le gestionnaire de portefeuille qui avait droit au remboursement. Les conditions du régime individuel permettaient le remboursement, mais M. Bamber a reconnu que les placements dans le régime Bamber étaient faits au profit de sa famille, ce qui ressort également clairement des régimes eux‑mêmes.

 

[27]         Lors de son contre‑interrogatoire, M. McMuldroch a confirmé qu’APCI avait transféré par voie télégraphique un montant d’un million de dollars de son compte de la Barbade au compte de Morville, ce montant devant être affecté à l’achat et à la création des régimes individuels susmentionnés, comprenant les composantes « assurance vie » et « placement », dont les deux tiers au profit du régime Bamber et l’autre tiers au profit de son propre régime familial. Il ressort également de la preuve documentaire que chacun des régimes avait nommé un gestionnaire de portefeuille, soit Spread International Investment Limited, et que des sociétés affiliées de ce gestionnaire, soit Spread Services Limited et Co‑Sign Services Limited, intervenaient à titre d’administratrices de Morville. M. McMuldroch a témoigné que Wayne Bamber avait demandé que l’on confirme que ces fonds avaient été envoyés. Comme il a été mentionné précédemment, M. McMuldroch a témoigné que c’était le retard dans le financement et l’établissement des régimes qui avait suscité la confusion en ce qui concerne les actionnaires initiaux d’APCI. En effet, Morville a été désignée à titre d’actionnaire avant même qu’APCI soit constituée en personne morale, mais une correction a été apportée en vue d’indiquer M. McMuldroch à titre d’actionnaire pour ensuite indiquer de nouveau Morville, au mois de mai 1998, après la constitution en personne morale de cette entité, le 20 mai 1998. Tout cela s’est produit après la création des deux régimes, le 21 avril 1998.

 

[28]         Il est contstant qu’entre le 13 août 1998 et le 22 décembre 2000, APCI a versé à Morville des dividendes s’élevant à 4 283 573 $.

 

L’établissement des activités de montage à la Barbade

 

[29]         Selon les cachets figurant sur son passeport, M. McMuldroch se trouvait à la Barbade du 2 au 23 décembre 1996 afin d’installer des ordinateurs et des logiciels et de préparer les locaux aux fins des opérations. Brandi Lewinske, qui était antérieurement au service de la division du montage de l’appelante, est arrivée le 19 décembre et elle a immédiatement commencé à travailler à plein temps pour APCI.

 

[30]         Le seul autre membre du personnel qui était à ce moment‑là au service de la division du montage de l’appelante était M. David Wu. Monsieur Wu était le dernier arrivé à la division. Il comptait moins d’expérience et il n’était pas capable d’exécuter tous les montages dont l’appelante avait besoin sur une base quotidienne en plus de remplir ses principales tâches, qui consistaient à rassembler les données figurant dans les pièces jointes aux courriels envoyés par les clients. Comme il en a été mentionné précédemment, un procédé manuel était utilisé, en 1997, avant d’être remplacé par un nouveau système électronique de collecte de données, mis au point par M. McMuldroch.

 

[31]         Une fois la division du montage installée à la Barbade, M. Wu a continué à être chargé de veiller à ce que toutes les données figurent dans chaque fichier avant sa transmission à la Barbade. Il ressort des élément de preuve que M. Wu vérifiait également le montage, une fois que le fichier complet était transmis de la Barbade à l’appelante, afin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’erreurs évidentes et que le fichier n’ait pas été corrompu au cours de la transmission.

 

[32]         La seule autre personne qui assurait des services technologiques à l’appelante était Clifford Johnson, qui avait été embauché par contrat, et par la suite à titre d’employé de l’appelante, afin d’élaborer un programme aux fins de la régulation du déplacement des cartes de circuit imprimé dans la chaîne des opérations, c’est‑à‑dire le procédé de fabrication, d’assurer la maintenance du réseau interne de l’appelante et de fournir un soutien technique aux clients qui avaient des difficultés avec les systèmes de collecte de données de l’appelante.

 

[33]         Monsieur McMuldroch est retourné à Calgary le 23 décembre 1996 pour régler des questions personnelles, et notamment pour mettre sa maison en vente, mais pendant qu’il était à Calgary, il travaillait le soir et pendant la fin de semaine, afin de mener à bonne fin les fonctions de montage de l’appelante pour le compte d’APCI avant de retourner à la Barbade.

 

[34]         Le 24 janvier 1997, avant de se rendre à la Barbade, M. McMuldroch a fait en sorte qu’APCI achète les droits d’auteur que Clifford Johnson détenait sur les nouveaux programmes de cartes de circuit imprimé que celui‑ci avait contribué à élaborer sous sa direction pendant qu’il travaillait par contrat pour l’appelante. Des frais de 500 $ ont été payés de façon à ce que M. Johnson ne puisse pas faire valoir de droits de propriété et n’empêche pas la vente de ces systèmes logiciels dans l’avenir. Aucune contrepartie n’a été versée à l’appelante à l’égard de quelque droit que celle‑ci pouvait détenir à cet égard.

 

[35]         Au mois de janvier 1997, M. McMuldroch a rompu ses liens avec le Canada; il est devenu résident à la Barbade et il a pris en charge la gestion d’APCI. À ce moment‑là, M. McMuldroch était l’unique administrateur d’APCI.

 

[36]         Il ressort clairement des éléments de preuve qu’après l’établissement de l’entreprise à la Barbade, M. Bamber était chargé du procédé de fabrication et du procédé chimique, alors que Mme Bamber tenait les comptes et s’occupait de l’administration et que M. McMuldroch se concentrait sur le développement de logiciels et sur les systèmes de données ainsi que sur le procédé de montage, c’est‑à‑dire l’étape préalable à la fabrication, en plus de s’occuper du développement du site Web mondial de l’appelante. Toutes les parties ont témoigné uniformément qu’après le départ de M. McMuldroch à la Barbade, il ne restait plus personne à Calgary qui puisse s’occuper du montage pour l’appelante et qu’au cours de ces années, on comptait sur APCI pour le montage. D’ailleurs, l’intimée a attiré l’attention de la Cour sur le fait que les états financiers du 31 janvier 1999 de l’appelante contenaient une note du comptable, qui était rédigée comme suit :

 

[traduction]

 

7.  DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE

 

La société dépend de l’un de ses fournisseurs pour une composante clé de son procédé de production. En l’absence de ce fournisseur, la société ne pourrait pas respecter son calendrier de production.

 

[37]         Cette note n’indique pas qui était le fournisseur, mais M. Bamber a confirmé, lors du contre‑interrogatoire, qu’il s’agissait d’APCI.

 

[38]         Lors du contre‑interrogatoire de Mme Bamber, l’intimée a produit une liste d’employés de l’appelante, après l’établissement de l’entreprise à la Barbade, et elle a soutenu que ces employés auraient également pu exécuter le travail de montage. Selon le témoignage de Mme Bamber, ils n’auraient pas pu l’exécuter, étant donné qu’ils étaient uniquement capables de faire du travail administratif sur les données, c’est‑à‑dire de s’occuper de l’entrée et de la collecte des données. Tous les témoins de l’appelante étaient d’accord sur ce point et ils étaient crédibles. L’intimée ne souscrit pas à leur avis.

 

[39]         Monsieur McMuldroch est rentré à la Barbade le 2 février 1997 et il a entrepris de recruter du personnel parmi la population locale. À un moment donné, APCI s’est vue obligée d’acheter jusqu’à dix licences de logiciel Lavenir, Lavenir étant l’autre logiciel utilisé dans les opérations de montage, lequel permettait au personnel d’utiliser une carte de circuit imprimé visuelle affichée électroniquement.

 

[40]         Le recrutement s’est avéré difficile à la Barbade, en particulier lors du recrutement d’employés possédant suffisamment de compétences en informatique. APCI a embauché une demi‑douzaine de personnes; elle sélectionnait des employés éventuels, mais elle devait chaque fois recommencer la formation. Il ressort des éléments de preuve qu’il fallait six mois de formation avant que M. McMuldroch puisse se fier à l’employé, et six mois de plus pour que l’employé atteigne sa vitesse de croisière.

 

Fonctions exercées par APCI

 

[41]         La société APCI et l’appelante ont conclu quatre contrats annuels stipulant le rôle d’APCI et sa rémunération. Il ressort des éléments de preuve que ces contrats ont été préparés par M. McMuldroch sur du papier à en‑tête d’APCI et deux contrats seulement ont été signés par Wayne Bamber, quoique M. Bamber eût par la suite témoigné se rappeler qu’il avait signé tous les contrats. Il n’est pas contesté que les parties utilisaient les contrats pour déterminer les frais demandés et payés. L’interprétation de ces contrats est à l’origine de l’important différend qui oppose les parties, une question sur laquelle je reviendrai sous peu.

 

[42]         Les contrats ont été décrits comme comportant trois parties, lesquelles visent d’une façon générale le développement, la fourniture et la maintenance de logiciels de systèmes de base de données (partie 1), les fonctions de montage qui devaient remplacer la division de montage de l’appelante (partie 2), ainsi que le développement et la maintenance du site Web de l’appelante (partie 3). Monsieur McMuldroch a déclaré que la partie des contrats dans laquelle le rôle d’APCI était précisé (partie 1) indiquait simplement ce que l’appelante attendait des systèmes et des procédés dans l’avenir.

 

[43]         L’appelante a témoigné qu’avant de s’établir à la Barbade, le logiciel Lavenir utilisé était un logiciel de base qui ne permettait pas que de multiples versions de cartes de circuit imprimé soient placées sur un seul panneau, le site Web n’était pas interactif et ne permettait donc pas aux clients de remplir en ligne un formulaire de commande à l’aide des données requises, et que les différents systèmes logiciels ne communiquaient pas l’un avec l’autre, ce qui entraînait une saisie excessive de données.

 

[44]         Après la création de la société barbadienne, APCI recevait les données des clients sur les serveurs d’APCI au moyen de communications avec le serveur de l’appelante, à Calgary, grâce au logiciel mis au point par M. McMuldroch. C’est à l’aide de ce logiciel que Calgary a initialement obtenu des données par voie électronique, comme des courriels, et par la suite un site Web interactif. En 1998, M. McMuldroch avait mis au point le logiciel. Le logiciel ouvrait initialement les fichiers des clients, mais il a par la suite été perfectionné en vue d’inclure l’automatisation des étapes de montage. Monsieur McMuldroch a également apporté des améliorations aux systèmes de facturation et au principal logiciel de base de données qui assurait l’interaction avec le logiciel visuel amélioré Lavenir, qui ont permis le placement de multiples cartes de circuit imprimé sur chaque panneau, au lieu d’utiliser des panneaux à multiples couches produits manuellement comme c’était le cas pour l’ancien système. En général, les améliorations apportées aux procédés réduisaient le temps d’entrée des données grâce à la synchronisation des renseignements et ramenaient à 24 heures le procédé de fabrication, qui prenait autrefois de sept à dix jours, d’où une réduction radicale du nombre de panneaux utilisés pour chaque projet ainsi qu’une importante économie de coûts.

 

[45]         Le procédé de montage comportait les fonctions de validation, de formatage et de panélisation exécutées à l’aide du logiciel Lavenir, pour lesquelles le personnel d’APCI travaillait à l’aide de cartes de circuit imprimé visuelles en utilisant des ordinateurs.

 

[46]         La validation, parfois appelée la vérification, comportait l’examen des données reçues de Calgary permettant de vérifier si le formatage était en mesures impériales ou métriques et si la dimension était appropriée, ce qui exigeait la vérification des signes décimaux. Si des anomalies étaient décelées, APCI s’adressait directement aux ingénieurs des clients de l’appelante et l’on décidait qui allait corriger ces anomalies. Les anomalies comprenaient des lignes diagonales apparaissant à l’écran, qu’il fallait enlever, une absence de trous percés là où il devait y en avoir, des pistes pendantes, c’est‑à‑dire des lignes qui n’étaient pas connectées, ou des pistes reliées entre elles d’une façon inappropriée.

 

[47]         Il fallait procéder au formatage pour toutes les conceptions, ce qui faisait entrer en ligne de compte la dynamique de perçage (c’est‑à‑dire qu’il fallait ajuster la taille des trous de perçage et attribuer les tailles utilisées à Calgary à la vue virtuelle) et l’uniformisation (c’est‑à‑dire qu’il fallait veiller à ce que toutes les conceptions comportent des données numériques standard) ainsi que le traçage de lignes aux fins du découpage des panneaux.

 

[48]         La panélisation comportait la création de panneaux virtuels; il fallait maximiser l’usage de l’espace et optimiser la séquence de perçage en vue de minimiser les passages au travers du panneau – en utilisant une courbe en S – pour chaque trou requis d’une taille donnée.

 

[49]         L’appelante a continué à facturer les fonctions de montage ainsi que de fabrication des cartes de circuit imprimé; elle envoyait les cartes directement aux clients et n’avait pas à s’adresser à APCI pour accomplir les fonctions de comptabilité, de facturation, d’expédition ou de recouvrement.

 

Les frais versés à APCI

 

[50]         Les témoins de l’appelante ont déclaré que les contrats annuels ventilaient la rémunération associée au montage en fonction du type de montage, désigné par les appellations protocole 1 (P1) ou protocole 2 (P2), et prévoyaient des frais au pouce carré (ou une prime) visant à payer la partie du contrat ne se rattachant pas au montage, soit les parties 1 et 3 décrites ci‑dessus. L’intimée fait valoir que les frais au pouce carré se rattachaient également, du moins en partie, aux fonctions de montage qui étaient exécutées, ce qui constitue de toute évidence la principale controverse entre les parties, bien que l’intimée ait initialement soutenu que ces frais se rattachaient également entièrement au montage. Les frais étaient négociés chaque année et les contrats révèlent que la prime ou les frais au pouce carré étaient réduits chaque année à la suite de négociations avec Wayne Bamber, à cause du rôle de moins en moins important qu’avait APCI après le retour de M. McMuldroch à Calgary, au mois de juin 1999, du fait qu’APCI ne disposait pas d’un personnel suffisamment qualifié pour aider pleinement les clients de l’appelante ainsi que du fait qu’à la fin de l’année 1998, le site Web était en bonne partie réalisé. De plus, M. Bamber a également témoigné que les frais avaient été réduits de 0,35 $ à 0,2285 $ dans le contrat de 1998 parce qu’après avoir simplement examiné les chiffres, il a décidé qu’ils étaient trop élevés.

 

[51]         L’appelante était la seule cliente d’APCI. La seule source de revenu d’APCI était constituée par les montants que lui versait l’appelante en sa qualité de cliente ainsi que des intérêts qu’APCI obtenait en plaçant ce revenu dans des certificats de dépôt à terme.

 

[52]         Selon les contrats annuels, le total des frais demandés pour les panneaux du Pl, ou protocole 1, lesquels représentaient 99 p. 100 des ventes, était le suivant :*

 

Durée du contrat

Frais de montage P1

Frais
au pouce carré

Total des frais payés au pouce carré

1er févr. 1997 – 31 janv. 1998

60 $

0,35 $

300 000,00 $

1er févr. 1998 – 31 janv. 1999

60 $

0,2285 $

322 625,13 $

1er févr. 1999 – 31 janv. 2000

67 $

0,2285 $

304 003,35 $**

1er févr. 2000 – 31 janv. 2001

67 $

0,1143 $

293 121,88 $***

 

*I1 importe à ce stade de noter que les parties ne s’entendent pas sur la façon dont les frais étaient présentés dans les contrats annuels quant à la question de savoir si les frais de montage incluaient une partie des frais au pouce carré. Les frais de montage et les frais au pouce carré sont juxtaposés dans les trois premiers contrats et ils ne le sont pas dans le contrat final. Nous reviendrons plus loin sur la question.

 

** Le montant de 50 000 $ a été déduit pour les services que M. McMuldroch avait assurés à APCI pendant qu’il était au service de l’appelante, ainsi que compte tenu du fait qu’APCI ne disposait pas d’un personnel possédant une expertise suffisante pour servir les clients de l’appelante. Le chiffre net indiqué dans les états financiers de l’appelante était de 344 821,92 $, l’écart étant attribuable aux taux de conversion des monnaies différents utilisés pour les déclarations.

 

***Le paiement de 196 789,79 $ qui a en fait été effectué a été calculé compte tenu d’une majoration des frais au pouce carré, de 0,13681948 $, et a été versé en dollars américains. L’explication qui a été fournie au procès était qu’étant donné qu’APCI n’avait pas été payée pour les montages au mois de décembre 2000, il fallait majorer les frais pour tenir compte de ces services.

 

[53]         Les preuves relatives au paiement des frais de montage de base au cours des années en question sont substantielles et circonstanciées. Madame Bamber, en sa qualité d’aide‑comptable de l’appelante, a témoigné de manière ordonnée et fort crédible, en produisant à l’appui de sa preuve verbale les volumes de listes de factures se rattachant à des comptes précis du grand livre, ainsi que des rapports mensuels de ventes indiquant les frais de montage et les suppléments, qui incluaient le perçage additionnel, l’application de masques et les tracés de masques, tous les totaux étant résumés ci‑dessous. Les frais de montage de base suivants étaient imposés aux clients canadiens et américains de l’appelante, qui ont toujours directement reçu une facture pour chaque opération, et ce, tant avant que l’appelante fasse affaire avec APCI que par la suite :

 

Exercice

Frais de montage pour le PI

Frais de montage pour le P2

 

CAN

US

CAN

US

1er févr. 1996 – 31 janv. 1997

60

48

300

240

1er févr. 1997 – 31 janv. 1998

60

48

300

240

1er févr. 1998 – 31 janv. 1999

60

48*

300

240*

1er févr. 1999 – 31 janv. 2000

67

46

335

230

1er févr. 2000 – 31 janv. 2001

67

46

335

230

1er févr. 2001 – 31 janv. 2002

67

46

335

230

1er févr. 2002 – 31 janv. 2003

67

46

335

230

1er févr. 2003 – 31 janv. 2004

67

46

335

230

1er févr. 2004 – 31 janv. 2005

67**

46

335**

230

 

 

*Ramené à 46 $ pour le P1 et à 230 $ pour le P2 en raison des fluctuations du taux de change

**Ramené à 60 $ pour le P1 et à 300 $ pour le P2 au mois d’octobre 2004 en raison des fluctuations du taux de change

 

[54]         Il importe de noter que, bien que les taux susmentionnés aient été conformes aux taux publiés sur le site Web de l’appelante, comme Mme Bamber l’a déclaré dans son témoignage, un grand nombre des factures indiquent que des réductions étaient consenties aux clients qui achetaient un montage P2, ou pour de nouvelles commandes lorsqu’il était possible de réutiliser les films afin d’économiser des coûts dans les étapes de montage. Les montages P2 ne constituaient que un pour cent des ventes environ.

 

[55]         En ce qui concerne les frais de montage de base qu’APCI exigeait de l’appelante, Il ressort des éléments de preuve que l’appelante n’exigeait pas de majorations de ses clients sur les frais qu’elle payait à APCI. En d’autres termes, les frais payés à APCI étaient les mêmes que ceux que l’appelante demandait de ses clients, lesquels étaient conformes au niveau de frais que l’appelante exigeait de ses clients avant et après la création d’APCI. Par conséquent, pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001 qui sont ici en cause, les frais de montage qu’APCI exigeait de l’appelante étaient identiques à ceux que l’appelante demandait de ses clients au cours de la même période (voir le tableau ci‑dessus, exercices allant du 1er février 1997 au 31 janvier 1998, du 1er février 1998 au 31 janvier 1999 et du 1er février 1999 au 31 janvier 2000).

 

[56]         Le total des montants que l’appelante a versés à APCI au cours de ces périodes est indiqué ci‑dessous :

 

Année

Frais de montage payés y compris les suppléments

Frais payés au pouce carré

Total des frais payés*

 

 

 

 

1999

1 054 572,13

322 625,13

1 377 197,26

2000

1 223 576,30

344 821,92

1 568 398,22

2001

1 124 572,46

293 121,88

1 417 694,34

Total

3 402 720,89

960 568,93

4 363 289,82

 

*Il importe de noter que ces frais ne comprennent pas la déduction des frais au pouce carré que l’appelante a demandée en l’an 2000, et qu’ils sont rajustés de façon à tenir compte des taux de change moyens que les comptables ont utilisés en préparant leurs états financiers. En d’autres termes, ces chiffres sont ceux qui figurent dans les documents financiers et dans les déclarations de revenu de l’appelante.

 

[57]         Il est constant que les frais au pouce carré étaient uniquement calculés et versés à APCI par l’appelante à la fin de chaque année contractuelle, celle‑ci coïncidant avec l’exercice de l’appelante.

 

[58]         Il est aussi constant que l’appelante a versé en tout à APCI 1 802 802 $, 2 046 227 $ et 2 447 071 $ en devises barbadiennes en 1998, en 1999 et en 2000, respectivement, comme l’indique l’exposé conjoint des faits; toutefois, les parties n’ont pas produit de preuves concernant la conversion des devises barbadiennes en dollars canadiens et, par conséquent, les chiffres canadiens établis ci‑dessus doivent être utilisés puisque l’appelante a réussi à établir qu’il s’agissait des chiffres utilisés dans la préparation de ses états financiers et de ses déclarations de revenu.

 

[59]         Néanmoins, ces totaux démontrent clairement que le revenu de l’appelante a considérablement augmenté au cours des années d’imposition en question. Le volume de données traitées et utilisées a également triplé au cours de cette période.

 

Le retour au Canada

 

[60]         Il ressort des lettres échangées entre M. McMuldroch et Wayne Bamber à compter du 21 mai 1998 que des négociations ont été entamées à la suite de la décision de M. McMuldroch de revenir au Canada et que l’appelante s’était engagée à acheter le logiciel et l’achalandage (ou la non‑concurrence) d’APCI afin d’obtenir le contrôle du logiciel de montage et de faire en sorte qu’il ne soit pas vendu à ses concurrents. Les prix initialement demandés commençaient à un million de dollars, le prix d’achat final étant de 50 000 $, plus 85 000 $ pour l’achalandage ou la non‑concurrence, aux termes d’une entente conclue entre APCI et l’appelante qui a été signée le 24 mai 1999, selon laquelle APCI accordait à l’appelante une option d’achat de ses actifs. L’appelante a levé cette option le 5 décembre 2000. Les lettres donnent à entendre que M. McMuldroch négociait pour le compte de Morville, qui était propriétaire d’APCI, mais M. McMuldroch a admis qu’étant donné qu’il recevrait en fin de compte le tiers du produit, il ne faisait réellement qu’essayer de maximiser son rendement et ne négociait pas sous les ordres de Morville, et qu’il s’agissait simplement d’une manœuvre visant à lui permettre d’obtenir un rendement plus élevé. Il était clair qu’au cours des négociations, M. Bamber croyait être en mesure de développer lui‑même le logiciel au Canada, mais qu’il voulait obtenir le contrôle de cette version du logiciel étant donné qu’à la fin de 1998, personne ne pouvait s’occuper du montage pour lui. Ces soi‑disant négociations soulèvent une grave question de crédibilité puisqu’il ressort clairement des éléments de preuve que les familles Bamber et McMuldroch étaient les bénéficiaires résiduels qui obtiendraient tout bénéfice ou paiement offert par APCI du fait que les régimes individuels étaient propriétaires de Morville. L’achat des actifs d’APCI a été conclu le 20 décembre 2000.

 

[61]         Monsieur McMuldroch est retourné à Calgary en 1999 et il a joint l’appelante. Il a été décidé de mettre fin aux activités d’APCI avant la fin de l’année 2000 à cause des difficultés et du mécontentement qu’entraînait l’exploitation de l’entreprise à la Barbade, lesquels résultaient du fait qu’il était difficile de former et de conserver le personnel et que, d’une façon générale, l’environnement technologique laissait à désirer, ainsi qu’à cause des problèmes de santé de Mme McMuldroch.

 

[62]         Monsieur McMuldroch s’est démis de ses fonctions d’administrateur d’APCI le 12 juin 1999. Le même jour, Morville a accepté sa démission et a nommé Brandi R. Lewinske et lui‑même à titre d’administrateurs. Il ressort des éléments de preuve que personne à Calgary, à part M. McMuldroch, n’était en mesure de remplir la fonction de montage au moment de son retour et, par conséquent, le contrat de montage conclu avec APCI a été maintenu afin que M. McMuldroch ait le temps d’embaucher et de former à Calgary un personnel canadien qui prendrait de nouveau en charge cette fonction. Selon les éléments de preuve, APCI ne s’est pas livré à de fonctions de montage après l’année 2000.

 

[63]         Il ressort également des éléments de preuve que Mme Bamber avait fait en sorte que BE Ltd. émette un chèque qui devait servir de versement initial pour une maison que M. McMuldroch avait fait construire à son retour à Calgary et que le montant en cause avait été remboursé, comme Mme Bamber l’a déclaré dans son témoignage.

 

Autres faits pertinents

 

[64]         À l’étape de la vérification, une analyse fonctionnelle a été préparée de concert par l’appelante et APCI (l’« analyse fonctionnelle »), M. McMuldroch ayant reconnu que Geraldine Bamber et lui‑même en étaient les co-auteurs. Monsieur McMuldroch a en outre admis avoir rédigé l’annexe A jointe à l’analyse fonctionnelle, laquelle était une description de la fonction de montage. Madame Bamber a confirmé la chose et a déclaré que M. McMuldroch était celui qui possédait les connaissances requises en matière de montage, de sorte que c’était de toute évidence surtout lui qui s’était chargé de cette partie de l’analyse.

 

[65]         Il ressort également des éléments de preuve, notamment des états financiers d’APCI, que cette entité versait au gouvernement de la Barbade un impôt correspondant à 2,5 p. 100 de son revenu en qualité de société d’affaires internationales barbadienne. Le montant de l’impôt s’élevait à 19 014 $ pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1997, à 31 582 $ pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1998, à 38 195 $ pour l’exercice se terminant le 31 décembre 1999 et à 53 740 $ pour l’exercice se terminant le 31 décembre 2000. Les montants qui ont été payés pour l’exercice 2001 n’ont pas été établis. La nature de cet « impôt » sera examinée ci‑dessous.

 

[66]         La question de savoir à qui appartenait APCI au cours des années d’imposition ici en cause reste matière à controverse; cependant, il est constant que BE Ltd. était l’unique actionnaire de l’appelante et que les Bamber étaient les seuls dirigeants et administrateurs de l’appelante au cours de cette période.

 

Les questions en litige

 

[67]         Je propose d’examiner les quatre questions posées en l’espèce dans un ordre différent de celui exposé ci‑dessus compte tenu de leur interdépendance.

 

La question de l’absence de lien de dépendance

 

[68]         Les dispositions du paragraphe 247(2) de la Loi concernant les prix de transfert ne jouent et le ministre ne peut établir une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation en vertu de l’alinéa 152(4)b) de la Loi que s’il est établi que l’appelante et APCI avaient entre elles un lien de dépendance. C’est ce qui ressort clairement des textes pertinents qui sont reproduits et soulignés ci‑dessous :

 

152(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

 

            […]

 

b)         la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

 

                         […]

 

(iii)       est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance, [...]

 

 

247(2) Lorsqu’un contribuable ou une société de personnes et une personne non-résidente avec laquelle le contribuable ou la société de personnes, ou un associé de cette dernière, a un lien de dépendance, ou une société de personnes dont la personne non-résidente est un associé, prennent part à une opération ou à une série d’opérations et que, selon le cas :

 

a)         les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre des participants à l’opération ou à la série diffèrent de celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance,

 

b)         les faits suivants se vérifient relativement à l’opération ou à la série :

 

(i)                  elle n’aurait pas été conclue entre personnes sans lien de dépendance,

 

(ii)        il est raisonnable de considérer qu’elle n’a pas été principalement conclue pour des objets véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal,

 

les montants qui, si ce n’était le présent article et l’article 245, seraient déterminés pour l’application de la présente loi quant au contribuable ou la société de personnes pour une année d’imposition ou un exercice font l’objet d’un redressement de façon qu’ils correspondent à la valeur ou à la nature des montants qui auraient été déterminés si :

 

c)         dans le cas où seul l’alinéa a) s’applique, les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre les participants avaient été celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance;

 

d)         dans le cas où l’alinéa b) s’applique, l’opération ou la série conclue entre les participants avait été celle qui aurait été conclue entre personnes sans lien de dépendance, selon des modalités qui auraient été conclues entre de telles personnes.

 

[Je souligne.]

 

Les textes législatifs

 

[69]         La Loi ne définit pas l’expression « absence de lien de dépendance », mais la disposition législative qui s’applique, aux fins de la détermination de l’absence de lien de dépendance, figure au paragraphe 251(1) de la Loi, dont les parties pertinentes sont reproduites ci‑dessous :

 

251(1) Pour l’application de la présente loi :

 

a)         des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

 

[...]

 

c)         en cas d’inapplication de l’alinéa b), la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’ont aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

 

[70]         Il importe de noter qu’au début du procès, l’intimée a reconnu qu’elle se fondait uniquement sur l’alinéa c) ci‑dessus (bien que, lors des débats, l’avocat de l’intimée ait soutenu qu’il était même possible d’établir que les parties étaient également liées en vertu de l’alinéa 251(1)a)). Il n’est donc pas nécessaire de se reporter aux paragraphes 251(2) à (6), qui définissent et clarifient le sens de l’expression « personnes liées » en ce qui concerne l’alinéa 251(1)a). De plus, l’appelante s’est appuyée sur l’article 256 de la Loi, qui porte sur les « sociétés associées », plus particulièrement sur le paragraphe 256(5.1) de la Loi, qui est rédigé comme suit :

 

256(5.1) Pour l’application de la présente loi, lorsque l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes – appelé « entité dominante » au présent paragraphe – à un moment donné si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d’un contrat de concession, d’une licence, d’un bail, d’un contrat de commercialisation, d’approvisionnement ou de gestion ou d’une convention semblable – la société et l’entité dominante n’ayant entre elles aucun lien de dépendance – dont l’objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l’entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle‑ci n’est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l’entité dominante du seul fait qu’une telle convention existe.

 

[71]         Toutefois, il n’est pas controversé que l’article 247 ne contient pas les mots « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit ». Le paragraphe 256(5.1) n’est donc pas ici pertinent, du moins directement, quoique, comme il sera évident plus loin, la Loi tient compte des deux types de contrôle pour décider s’il y a réellement absence de lien de dépendance entre des personnes non liées.

 

[72]         L’arrêt le plus récent qui fait autorité sur ce point est Canada c. McLarty[5], par lequel la Cour suprême du Canada a confirmé l’approche adoptée par la Cour fédérale dans la décision Peter Cundill & Associates Ltd. c. R.[6] (confirmée par la Cour d’appel fédérale), laquelle a adopté les critères dont la jurisprudence tient toujours compte pour décider s’il existe ou non un lien de dépendance, à savoir les critères énoncés dans le bulletin d’interprétation IT‑419. Aux paragraphes 30 et 31 de cette décision de la Cour fédérale, le juge Cullen a fait les observations suivantes :

 

30        La question de savoir si les parties en l’espèce n’avaient aucun lien de dépendance est une question qui doit être examinée selon les propres faits particuliers de l’affaire. Pour trancher cette question, on peut tenir compte de plusieurs facteurs, tels que la propriété et le contrôle d’une société. Toutefois, le contrôle des actions (ou son absence) n’est pas nécessairement déterminant; il s’agit seulement d’un facteur à prendre en considération pour trancher la question d’absence de lien de dépendance (Robson Leather Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] 74 D.T.C. 6666, le juge Collier, confirmé par 77 D.T.C. 5106 (C.A.F.)).

 

31        Dans le Bulletin d’interprétation IT‑419, Revenu Canada a proposé les facteurs suivants pour trancher la question de savoir s’il y avait ou non des liens de dépendance :

 

a)         l’existence d’une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

 

b)         les parties à une transaction agissent de concert et n’ont pas d’intérêts distincts, et

 

c)         le contrôle « de facto » (réel)[7].

 

[73]         En l’espèce, le critère qui illustre le mieux la nature de la relation est de déterminer si les parties agissaient de concert sans avoir d’intérêts distincts. À vrai dire, compte tenu de ce critère, j’estime que les preuves militent d’une façon écrasante en faveur de la conclusion selon laquelle l’appelante et APCI avaient entre elles un lien de dépendance.

 

Agir de concert sans avoir d’intérêts distincts

 

[74]         Il ressort des éléments de preuve que M. Bamber et M. McMuldroch se sont entendus, pendant qu’ils étaient encore administrateurs et actionnaires de l’appelante, pour qu’une nouvelle société soit constituée en personne morale à la Barbade qui remplirait les fonctions de montage antérieurement remplies à l’interne par l’appelante et assurait d’autres services TI et de site Web à l’appelante, et pour que les bénéfices de cette nouvelle société soient partagés, les deux tiers des bénéfices revenant à la famille Bamber et l’autre tiers à la famille McMuldroch. Une entente préalable (dont l’existence a été admise par toutes les parties) concernant le partage des bénéfices d’APCI indique en soi nettement que les parties agissaient de concert et que leurs intérêts étaient les mêmes : il s’agisait de partager les bénéfices qu’APCI tirait de ventes uniquement conclues avec l’appelante. De fait, dans l’affaire Fournier (F.) c. Minister of National Revenue[8], l’existence d’une entente de partage des bénéfices entre des parties par ailleurs non liées a été jugée suffisante pour qu’il soit possible de conclure que ces parties avaient entre elles un lien de dépendance; dans cette affaire, deux parties non liées qui étaient dirigeantes, administratrices et actionnaires d’une société, l’une d’entre elles étant un actionnaire minoritaire n’ayant qu’une voix au sein d’un conseil d’administration composé de trois personnes, s’étaient entendues pour partager chaque année les bénéfices de la société au moyen du paiement d’un dividende. En l’espèce, les dirigeants se sont non seulement entendus pour partager les bénéfices, comme il été signalé, tant qu’APCI existerait, mais ils ont aussi pris des dispositions pour que les bénéfices d’APCI soient versés sous la forme d’un dividende en faveur d’une société de portefeuille, Morville, laquelle appartenait à une compagnie d’assurance pour le compte de deux polices d’assurance vie souscrites au profit des familles Bamber et McMuldroch, la proportion des droits détenus par ces familles étant de deux tiers et d’un tiers, respectivement. De plus, les Bamber et M. McMuldroch faisaient eux‑mêmes partie du groupe de bénéficiaires désignés. Les preuves sont claires : Morville a utilisé une partie de ces dividendes pour payer les polices d’assurance détenues par les régimes, lesquelles totalisaient un million de dollars.

 

[75]         Les bénéfices ont non seulement été partagés tel qu’il avait été convenu, mais le montage financier extraterritorial, qui remplaçait un montage extraterritorial antérieur comportant l’utilisation de fiducies au profit de chacune de ces mêmes parties, lesquelles avaient été créées dans le même paradis fiscal, a clairement fait l’objet d’une entente qui a été exécutée par M. Bamber et M. McMuldroch, agissant de concert. Ils ont non seulement cherché ensemble à obtenir les mêmes conseils juridiques et comptables, mais ils ont aussi dirigé conjointement la mise en œuvre de la planification fiscale, en échangeant des lettres avec les mêmes personnes‑ressources à cette fin. Messieurs Bamber et McMuldroch semblent avoir reçu individuellement certaines de ces lettres portant sur la planification, mais les lettres adressées à l’un font mention de l’autre.

 

[76]         À cet égard, les parties ont clairement planifié et mis en oeuvre ensemble le partage des bénéfices d’APCI. Toutefois, une myriade d’éléments de preuve supplémentaires tendent à indiquer que les parties ont agi de concert sans avoir d’intérêts distincts, leur intérêt consistant à faire en sorte que les mouvements de fonds à l’étranger soient effectués à leur profit mutuel. Voici plusieurs faits pertinents:

1.                 Il ressort des éléments de preuve que l’appelante a rémunéré un tiers, C. Johnson, pour qu’il élabore son logiciel sous la direction de M. McMuldroch pendant que celui-ci était l’employé rémunéré de l’appelante (avant de se rendre à la Barbade pour joindre APCI). Or, la seule partie qui a reçu une rémunération pour le logiciel était le tiers, auquel, selon le propre témoignage de M. McMuldroch, le montant de 500 $ a été remis pour qu’il renonce à tout droit d’auteur qu’il pourrait détenir. Aucune somme n’a été versée à l’appelante, qui a reconnu avoir payé pour le développement du logiciel, mais qui a simplement fait valoir que ce logiciel appartenait à M. McMuldroch. Je suis d’avis que cela ne correspond pas à ce que des parties sans lien de dépendance conviendraient et je dois conclure que s’il a été renoncé à une indemnité pour un droit de propriété ou pour un intérêt de propriété, c’était uniquement en vue de servir le projet commun;

2.                 Madame Bamber a témoigné s’être rendue à la Barbade à la demande de M. McMuldroch, mais aussi parce que son mari aimait être en position de contrôle, afin d’organiser la constitution en personne morale de la société barbadienne et de trouver des locaux aux fins de l’exploitation de l’entreprise ainsi que pour conclure un bail à l’égard de ces locaux. Selon le témoignage qui a été rendu, M. McMuldroch a remis à Mme Bamber le montant de 10 000 $ à ces fins, mais c’était en fait l’appelante qui fournissait les fonds à M. McMuldroch à titre d’avance sur une gratification que ce dernier devait toucher à la fin de l’année 1996, laquelle n’était pas encore due. De plus, l’appelante a dépensé le montant 1 399 $ au titre de frais d’hébergement dans un hôtel et autres frais. Je suis d’avis que, vu cet élément de preuve, il est clairement permis de conclure que les deux parties cherchaient à mener à bonne fin la constitution en personne morale et l’établissement de la société barbadienne (APCI) et qu’elles collaboraient donc aux fins de leurs intérêts communs;

3.                 Il ressort aussi des éléments de preuve que, dans la demande de constitution en personne morale (y compris le nom projeté d’APCI) ainsi que dans la demande de permis de travail que M. McMuldroch a présentée, l’appelante était clairement désignée à titre de société « liée » ou de société « affiliée » à APCI, ou à titre de société « mère » ou de société « sœur » d’APCI. Je retiens la thèse de l’intimée portant que cela démontre l’existence, entre l’appelante et APCI, du lien de dépendance envisagé par les parties;

4.                 En outre, le fait que Morville avait initialement été désignée à titre d’unique actionnaire d’APCI plus d’un an avant sa constitution en personne morale, un faux pas qui a par la suite été corrigé au moyen d’une résolution datée du mois de juin 1999, par laquelle le nom de cet actionnaire a été remplacé par celui de M. McMuldroch, montre clairement que les parties avaient l’intention de mettre en œuvre l’entente de partage des bénéfices par l’entremise de Morville, et ce, dès le départ. La correction ne visait qu’à régler la question des retards accusés dans la mise en œuvre du montage final, étant donné qu’il aurait initialement été impossible de désigner Morville à titre d’unique actionnaire;  

5.       Certains éléments de preuve indiquent également que la gestion n’était pas cloisonnée. Madame Lewinske a témoigné qu’en sa qualité d’employée d’APCI, elle a toujours estimé être la subalterne des Bamber et de M. McMuldroch et que c’est également à eux qu’elle rendait compte. De plus, certains éléments de preuve montrent que M. Bamber avait également pris activement part à la gestion d’APCI, non seulement du fait qu’il avait participé à la constitution en personne morale et à l’établissement d’APCI en envoyant sa femme à la Barbade, comme il a été dit précédemment, mais aussi lorsqu’il était intervenu dans l’octroi du prêt qui avait été consenti à Mme Lewinske pour aider celle‑ci à acheter une autre voiture à la Barbade après que M. McMuldroch eut initialement refusé de le faire. De plus, la preuve documentaire montre que même après être retourné à Calgary, au mois de juin 1999, pour reprendre son travail auprès de l’appelante à titre d’employé, M. McMuldroch dirigeait Mme Lewinske et lui donnait des consignes au sujet de la façon de traiter les questions d’emploi. Dans un cas en particulier, une employée, qui considérait également de toute évidence M. McMuldroch comme étant le patron et le bureau de l’appelante comme étant le siège social, avait écrit à M. McMuldroch pour se plaindre de la façon dont Mme Lewinske instruisait son dossier, de sorte que M. McMuldroch avait écrit à Mme Lewinske pour lui demander de répondre à ces plaintes. La thèse de l’avocat de l’appelante portant que pareilles mesures sont compatibles avec le fait qu’une partie cherche à protéger ses intérêts en veillant à ce que tout se passe bien avec son fournisseur exclusif, n’est pas crédible eu égard aux circonstances. Le degré de participation de M. Bamber et de M. McMuldroch dans la gestion d’APCI à un moment où ils étaient censés n’avoir aucun intérêt juridique dans APCI n’est pas compatible avec l’absence de lien de dépendance.

 

[77]         Je conclus que certains éléments de preuve additionnels confortent la position prise par l’intimée, à savoir que les parties agissaient de concert et que leurs intérêts étaient les mêmes, mais je suis d’avis que les éléments de preuve susmentionnés constituent un fondement tout à fait adéquat à l’appui de mes conclusions.

 

[78]         Selon la thèse de l’appelante sur ces points, l’entente de partage des bénéfices, le montage fiscal extraterritorial et le fait que l’appelante, comme elle l’a reconnu, n’avait aucun intérêt dans le logiciel acheté par M. McMuldroch, ni dans aucune dimension de la relation, étaient le résultat de négociations sans compromis, et implicitement de négociations entre deux parties sans lien de dépendance ayant des intérêts distincts, comme le montre en outre le fait que les parties ont conclu quatre contrats annuels stipulant les services à assurer et la rémunération à verser pour ces services. À vrai dire, l’appelante n’a tout simplement pas réfuté, à mon avis, les éléments de preuve solides que l’intimée a produits à cet égard. Il en ressort que les contrats annuels ne contenaient pas un grand nombre de stipulations importantes, concernant par exemple la responsabilité ou une garantie dans le cas d’un travail mal fait, les différends ou les questions de compétence, ou d’autres stipulations contractuelles habituelles auxquelles on s’attendrait dans une entente internationale. En outre, il ressort des éléments de preuve que M. McMuldroch a rédigé ces contrats pendant qu’il était au service d’APCI et après qu’il eut quitté celle-ci pour retourner au service de l’appelante, période pendant laquelle, a‑t‑il admis, il n’était plus dirigeant, administrateur ou actionnaire d’APCI. Dire qu’il a négocié le dernier contrat pour le compte d’APCI avant son départ semble plutôt boiteux puisque, selon les preuves, il avait négocié son départ plus d’un an avant de revenir au Canada. On pourrait croire qu’il se serait mis dans une situation de conflit d’intérêts en poursuivant dans ces conditions de telles négociations pour le compte d’une partie sans lien de dépendance. À mon avis, ces actions montrent que les parties n’ont jamais estimé qu’il n’existait entre elles aucun lien de dépendance.

 

[79]         Bien que je ne doute pas qu’il y ait eu de nombreuses négociations entre M. McMuldroch et les Bamber, des négociations menant à la planification, à la mise en œuvre et à la gestion d’un intérêt commun ne se transforment pas magiquement en une preuve indiquant que les parties n’agissaient pas de concert dans un intérêt commun ou n’appellent pas nécessairement la conclusion selon laquelle les parties doivent logiquement avoir eu des intérêts distincts.

 

[80]         Je conclus que les parties ont agi de concert, sans avoir d’intérêts distincts, en créant APCI et en exploitant l’entreprise d’APCI et, par conséquent, que l’appelante et APCI avaient entre elles un lien de dépendance au cours des années d’imposition en question; il n’est donc pas nécessaire d’examiner les autres critères susmentionnés afin de rechercher s’il existait ou non un lien de dépendance entre les parties. Toutefois, puisque les parties ont longuement discuté de ces questions, il convient de faire quelques brèves observations.

 

Une même personne dirigeant les négociations

 

[81]         En décidant si une même personne dirigeait les négociations pour les deux parties, je note que, bien que dans la décision Cundill, précitée, il ait été conclu qu’une seule personne était l’âme dirigeante, le juge Thurlow, par la décision Swiss Bank Corporation et al. c. Minister of National Revenue[9], a confirmé qu’il peut y avoir plus d’une âme dirigeante. Voici son observation à la page 5241 de ses motifs :

 

          [traduction]

 

J’ajouterais que lorsque plusieurs parties, qu’elles soient des personnes physiques, des sociétés ou une combinaison des deux, agissent de concert et dans le même intérêt pour diriger ou dicter la conduite d’une autre, le « cerveau » directeur peut à mon avis être celui de l’ensemble des parties agissant de concert ou celui d’une seule d’entre elles qui remplit un rôle ou des fonctions particulières qu’il faut accomplir pour atteindre l’objectif commun. [...][10]

 

[82]         Un grand nombre des faits qui confirment que les parties agissaient de concert et avaient les mêmes intérêts à 1’esprit démontrent également que M. McMuldroch et M. Bamber étaient tous deux les âmes dirigeantes d’APCI puisqu’ils exécutaient un projet commun. Comme il a été dit précédemment, M. Bamber avait pris part à la constitution en personne morale et aux décisions de gestion d’APCI, notamment dans le cadre du prêt consenti à une employée, Mme Lewinske, aux fins d’achat d’une voiture, laquelle considérait également M. Bamber comme étant l’un de ses patrons pendant qu’elle était au service d’APCI au cours des années d’imposition en question. Monsieur McMuldroch est intervenu à titre de directeur d’APCI après avoir quitté son emploi auprès de l’appelante et il ressort des éléments de preuve qu’il a continué à intervenir à titre de directeur après son retour : il avait la charge des plaintes présentées par les employés et cela montre que, à toute fin pratique, il supervisait encore Mme Lewinske et son adjointe, Mme Neil. Les deux hommes étaient les âmes dirigeantes dans le cadre de l’élaboration du projet extraterritorial, y compris le projet initial consistant à utiliser des fiducies et le projet final comportant l’utilisation de polices d’assurance aux termes desquelles des paiements étaient effectués aux bénéficiaires désignés et sur lesquelles ils exerçaient effectivement le contrôle. Ces polices détenaient les actions de Morville, la société mère d’APCI. Je suis d’avis que les deux hommes ont pris part, dans leur intérêt commun, à toutes les négociations menant à la création et à l’exécution d’un projet.

 

[83]         Il importe de noter que le fait que ces deux hommes exerçaient également certaines fonctions séparément ne change rien au fait que ces fonctions servaient un projet commun et il est donc possible de dire que les deux hommes étaient les âmes dirigeantes du projet dans son ensemble ainsi que des opérations y afférentes. Monsieur Bamber, qui avait sans aucun doute, sur le plan juridique, le contrôle de l’appelante, est resté à Calgary pour continuer de diriger les activités de fabrication de l’entreprise et de superviser l’impartition des activités de montage de l’entreprise de l’appelante auprès d’APCI, avec l’aide de Mme Bamber. Madame Bamber a continué à veiller à ce que les deux aspects des activités de l’appelante soient facturés aux clients; elle recouvrait les montants dus et en remettait ensuite une partie à APCI. Pendant qu’il était à la Barbade, M. McMuldroch dirigeait les activités de montage et assurait des services TI et des services de développement de site Web; il assurait en outre à l’appelante des services de soutien et de maintenance par l’entremise d’APCI. L’avocat de l’appelante a fait allusion au fait que ces activités résultaient des négociations qui avaient eu lieu entre les deux parties. De fait, chaque personne avait un rôle distinct, en plus du rôle partagé par les deux hommes en ce qui concerne la planification et la gestion de la société de la Barbade. Or, les preuves, considérées dans leur ensemble, établit clairement que M. Bamber et M. McMuldroch étaient tous deux les âmes dirigeantes pour ce qui est de l’ensemble du projet, de la structure et du partage des bénéfices d’APCI.

 

Le contrôle de fait

 

[84]         Passons au troisième critère permettant de déterminer l’existence d’un lien de dépendance entre les parties : une partie exerçait-elle un contrôle de fait sur l’autre?

 

[85]         L’intimée soutient que l’appelante exerçait le contrôle de fait sur APCI, soit parce que M. Bamber exerçait un contrôle de fait sur APCI, soit parce que M. Bamber et M. McMuldroch, agissant de concert, exerçaient le contrôle de fait sur APCI.

 

[86]         Il n’est pas controversé entre les parties que l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Duha Printers (Western) Ltd. v. The Queen[11] enseigne qu’il n’y a contrôle de droit que si la partie qui est censée  exercer le contrôle a le pouvoir de choisir le conseil d’administration ou a clairement le droit et la capacité de procéder à une modification importante du conseil d’administration. L’appelante soutient que le contrôle de fait et le contrôle de droit appellent la même capacité; elle cite la jurisprudence Silicon Graphics Ltd. c. La Reine[12], et soutient qu’aucun élément de preuve n’indique que quelqu’un d’autre que Morville ou sa compagnie d’assurance mère disposait de ce pouvoir. L’appelante soutient également que le critère du contrôle de fait – tel qu’il est défini au paragraphe 256(5.1) de la Loi – ne peut jouer que lorsque des sociétés associées sont en cause, étant donné que la notion de contrôle de fait est incorporée dans les dispositions de la Loi où l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » est employée. L’appelante fait valoir que cette expression ne figure pas dans les dispositions de l’article 247 de la Loi concernant les prix de transfert.

 

[87]         Sur ce point, je ne puis retenir qu’en partie la thèse de l’appelante.

 

[88]         Premièrement, contrairement à l’appelante, je ne saurais dire que l’application du critère du contrôle de fait est limitée aux cas où des sociétés associées sont en cause et où le paragraphe 256(5.1) de la Loi joue. Il convient de souligner l’observation du juge Iacobucci, au paragraphe 52 de l’arrêt Duha, citée par l’appelante :

 

52        [...] En fait, bien que cela ne soit pas directement pertinent quant à l’issue du présent pourvoi, je ferais observer néanmoins que le Parlement a reconnu la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto, en retenant ce dernier comme étant la nouvelle norme des règles de la société associée, au moyen du par. 256(5.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu […][13]

 

[89]         Toutefois, selon moi, cette observation ne signifie pas que l’adoption du critère du contrôle de fait en tant que norme des règles applicables à la société associée, au paragraphe 256(5.1) exclut l’application du critère en dehors de ces règles précises. Par l’arrêt McLarty[14], rendu dix ans après l’arrêt Duha, la Cour suprême du Canada a décidé que le contrôle de fait était l’un des critères à suivre lorsqu’il faut rechercher s’il existe, ou non, un lien de dépendance. La Cour d’appel fédérale et la Cour canadienne de l’impôt ont en largement recours à ce critère dans de nombreuses décisions, par exemple dans la décision Cundill[15], précitée, et dans l’arrêt Petro‑Canada c. La Reine[16]; dans cette affaire, il fallait rechercher si certaines données sismiques avaient été achetées d’une personne sans lien de dépendance aux fins de l’application du paragraphe 69(1) de la Loi. Il n’est tout simplement pas nécessaire que l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » figure dans la disposition pertinente pour que le critère du contrôle de fait joue. De fait, ce critère joue toujours lorsque, selon la Loi, il faut établir l’existence d’un lien de dépendance, sauf dans la mesure où son application est assujettie à des restrictions par d’autres dispositions, c’est‑à‑dire dans le cas de sociétés associées au titre du paragraphe 256(5.1) de la Loi, qui prévoit une exception à l’application du critère en ce qui concerne certaines conventions commerciales, comme des contrats de concession.

 

[90]         Deuxièmement, la  formulation du critère de l’appelante n’est qu’en partie exacte. En fait, dans l’arrêt Silicon Graphics, le juge Sexton a fait l’observation suivante au paragraphe 67 :

 

67        Par conséquent, je suis d’avis que pour que l’on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d’administration ou des pouvoirs du conseil ou d’influencer d’une façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d’administration[17].

[Je souligne.]

 

[91]         De toute évidence, le critère n’est pas aussi restrictif que ce que l’avocat de l’appelante a soutenu. S’il peut être démontré qu’une personne a clairement le droit et la capacité de procéder à une modification des pouvoirs du conseil d’administration ou d’influencer d’une façon très directe les actionnaires qui auraient par ailleurs la capacité de choisir le conseil d’administration, cette personne exerce alors le contrôle de fait.

 

[92]         L’appelante soutient que ni M. Bamber ni elle n’exerçaient un contrôle de droit sur APCI, c’est‑à‑dire qu’ils n’avaient clairement pas le droit ou la capacité de procéder à une modification importante du conseil d’administration. Si l’on accepte cette thèse, il va de soi que la distribution des bénéfices par la société doit avoir été décidée par le conseil d’administration de la société ou par les actionnaires usurpant les pouvoirs du conseil au moyen d’une convention telle qu’une convention unanime d’actionnaires, ou encore d’une façon par ailleurs permise par les documents constitutifs, au sujet desquels aucune preuve n’existe en l’espèce, ou au moyen de conventions externes conférant clairement à des personnes le droit et la capacité de procéder à une modification importante des pouvoirs ou de la composition du conseil d’administration ou d’influencer d’une façon très directe les actionnaires qui auraient par ailleurs la capacité de choisir le conseil d’administration. En l’espèce, M. Bamber et M. McMuldroch, agissant de concert, se sont entendus pour que les bénéfices d’APCI soient partagés, dans une proportion de deux tiers et d’un tiers, entre leurs familles respectives, incluant eux‑mêmes. Si cette entente n’a pas d’incidence importante sur les pouvoirs que possède le conseil d’administration de distribuer les bénéfices de la société ou ne montre pas que M. Bamber et M. McMuldroch avaient la capacité d’influencer les actionnaires (en théorie) de Morville, la société mère d’APCI, d’une façon très directe, je ne sais pas ce qui a un tel effet. De toute évidence, il est possible de dire que M. Bamber à lui seul, puisqu’il détenait une participation pour les deux tiers, exerçait un contrôle de fait et, subsidiairement, il est possible de dire que M. Bamber et M. McMuldroch, agissant conjointement et ayant ensemble une participation à 100 p. 100, exerçaient également un contrôle de fait dans les circonstances.

 

[93]         De plus, il ressort des éléments de preuve que les actions de Morville appartenaient à Nordben Life and Pension Insurance Company Ltd., 20 actions étant attribuées au régime A/C‑IP00923 et dix actions au régime A/C‑IP00919, soit une répartition du droit de propriété de deux tiers et d’un tiers, respectivement. Comme il a été mentionné précédemment, il ressort également des éléments de preuve que le premier régime individuel, no IP‑00919, avait été établi au profit de la famille Bamber, et que c’était un régime à l’égard duquel M. Bamber contrôlait le droit de désigner les bénéficiaires. Le second régime individuel, no IP‑00923, avait été établi au profit de la famille de M. McMuldroch, régime à l’égard duquel M. McMuldroch avait le droit de désigner les bénéficiaires. Selon la preuve documentaire, le même gestionnaire de portefeuille avait été nommé par M. Bamber et par M. McMuldroch pour chacun de ces régimes individuels. Ce gestionnaire rendait non seulement compte à M. Bamber et à M. McMuldroch, mais il avait aussi le droit d’encaisser en totalité ou en partie, les placements en vertu des régimes. À mon avis, bien qu’une compagnie d’assurance étrangère détenait vraisemblablement directement ces actions, les actions étaient expressément détenues pour le compte des deux familles en vertu de régimes créés avec la participation de M. Bamber et M. McMuldroch, qui ont signé pour le compte de leurs familles. De plus, M. Bamber et M. Muldroch avaient la propriété effective des actions, sur lesquelles ils exerçaient le contrôle. La compagnie d’assurance était simplement un fiduciaire agissant pour leur compte; ils avaient clairement la propriété effective des actions de Morville. Ce montage extraterritorial tend à tout le moins à établir que M. Bamber et M. McMuldroch exerçaient énormément d’influence sur Morville qui, en sa qualité d’unique actionnaire, avait le droit de nommer les administrateurs d’APCI. En fait, il existe un bon nombre d’éléments de preuve établissant qu’ils exerçaient une influence considérable en faisant en sorte que Brandi Lewinske soit nommée administratrice d’APCI à titre de représentante locale du conseil d’administration. Mme Lewinske était l’employée d’APCI; elle a reconnu avoir accepté d’être nommée à la demande de M. McMuldroch et ne pas avoir eu connaissance de l’existence de Morville ou du montage extraterritorial. De plus, elle n’avait jamais assisté aux réunions du conseil d’administration ou n’avait jamais voté de façon à exercer le pouvoir qu’elle possédait. La seule autre administratrice d’APCI était Morville elle‑même, qui était la société établie au profit des familles Bamber et McMuldroch.

 

[94]         De toute évidence, puisque M. Bamber était lié à l’appelante du fait qu’il contrôlait sa société mère, BE Ltd., et qu’il est donc réputé avoir eu un lien de dépendance avec l’appelante en vertu des paragraphes 251(1) et (2) de la Loi, et puisque M. Bamber exerçait clairement le contrôle de fait sur APCI et qu’il est donc considéré comme ayant en fait un lien de dépendance avec APCI en vertu de l’alinéa 251(1)c) de la Loi, il est possible de conclure que l’appelante et APCI avaient également entre elles un lien de dépendance en vertu de l’alinéa 251(l)c).

 

[95]         L’intimée a également soutenu que, pour les mêmes motifs énoncés ci‑dessus, l’appelante et APCI étaient liées en vertu de l’alinéa 251(1)a); toutefois, étant donné qu’au début du procès, l’intimée a reconnu qu’elle ne se fondait pas sur cette disposition précise, il n’est pas nécessaire de faire des observations additionnelles sur ce point.

 

[96]         En conclusion, pour les motifs susmentionnés, je conclus que l’appelante avait un lien de dépendance avec APCI, ce qui fait entrer en jeu les règles de détermination des prix de transfert de l’article 247 et les dispositions concernant la prorogation de la période de cotisation figurant à l’alinéa 152(4)b) de la Loi.

 

La question du délai de prescription

 

[97]         Il n’est pas controversé entre les parties que le ministre a établi les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante dans le délai de prescription global de six ans prévu au sous‑alinéa 152(4)b)(iii) ci‑dessus et que les nouvelles cotisations ont été établies après l’expiration d’une période de cinq ans à compter de la fin des années d’imposition en question, soit le délai de prescription prévu par la Convention, tel qu’il est énoncé ci‑dessous. L’appelante soutient que le délai de prescription prévu par la Convention joue et l’emporte sur le délai de prescription de six ans prévu par la Loi, tandis que l’intimée soutient de toute évidence que le délai de prescription prévu par la Convention ne s’applique pas et que les nouvelles cotisations ont donc été établies dans le délai susmentionné prévu par la loi.

 

[98]         Le tableau suivant indique les deux délais de prescription en question ainsi que les dates des nouvelles cotisations :

 

Fin de l’exercice

Cotisation initiale

Délai de prescription selon la Convention

Délai de prescription selon la Loi

Nouvelles cotisations

31 janvier 1999

20 sept. 1999

31 janvier 2004

20 sept. 2005

16 sept. 2005

31 janvier 2000

31 juillet 2000

31 janvier 2005

31 juillet 2006

18 mai 2006

31 janvier 2011

9 août 2001

31 janvier 2006

9 août 2007

18 mai 2006

 

[99]         Il faut donc rechercher si les nouvelles cotisations établies par le ministre sont prescrites vu le délai de prescription prévu par la Convention.

 

Le droit

 

[100]     Les dispositions pertinentes de la Convention sont reproduites ci‑dessous :

 

Article I – Personnes visées

 

Le présent Accord s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un État contractant ou de chacun des deux États contractants.

 

Article II – Impôts visés

 

1.         Le présent Accord s’applique aux impôts sur le revenu et sur la fortune perçus pour le compte de chacun des États contractants, quel que soit le système de perception.

 

2.         Sont considérés comme impôts sur le revenu et sur la fortune les impôts perçus sur le revenu total, sur la fortune totale, ou sur des éléments du revenu ou de la fortune, y compris les impôts sur les gains provenant de l’aliénation des biens mobiliers ou immobiliers, les impôts sur le montant des salaires payés par les entreprises, ainsi que les impôts sur les plus‑values.

 

3.         Les impôts actuels auxquels s’applique l’Accord sont notamment :

 

a)         en ce qui concerne le Canada :

 

            les impôts sur le revenu qui sont perçus par le Gouvernement du Canada, (ci‑après dénommés « impôt canadien »);

 

b)         en ce qui concerne la Barbade :

 

(i)         l’impôt sur le revenu (Income Tax);

 

(ii)                l’impôt sur les sociétés (Corporation Tax);

 

(iii)       l’impôt sur les activités extractives du pétrole (Petroleum Winning Operations Tax); et

 

(iv)       la contribution d’emploi;

 

(ci‑après dénommés « impôt de la Barbade »).

 

4.         Le présent Accord s’applique aussi aux impôts sur le revenu de nature identique ou analogue et aux impôts sur la fortune qui seraient entrés en vigueur dans l’un ou l’autre État contractant après la date de signature du présent Accord et qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Les États contractants se communiqueront les modifications apportées à leurs législations fiscales respectives.

 

Article III – Définitions générales

 

1.         Au sens du présent Accord, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente :

 

            [...]

 

e)         les expressions « entreprise d’un État contractant » et « entreprise de l’autre État contractant » désignent respectivement une entreprise exploitée par un résident d’un État contractant et une entreprise exploitée par un résident de l’autre État contractant;

 

[...]

 

g)         le terme « impôt » désigne, suivant le contexte, l’impôt canadien ou l’impôt de la Barbade;

 

[...]

 

2.         Pour l’application du présent Accord par un État contractant, toute expression qui n’est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit État régissant les impôts qui font l’objet du présent Accord, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente.

 

[...]

 

Article VII – Bénéfices des entreprises

 

1.         Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce ou n’ait exercé son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce ou a exercé son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable.

 

[...]

 

Article IX – Entreprises associées

 

1.         Lorsque

 

a)         une entreprise d’un État contractant participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre État contractant, ou que

 

b)         les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise d’un État contractant et d’une entreprise de l’autre État contractant,

 

et que, dans l’un et l’autre cas, les deux entreprises sont, dans leurs relations commerciales ou financières, liées par des conditions acceptées ou imposées, qui diffèrent de celles qui seraient convenues entre des entreprises indépendantes, les bénéfices qui, sans ces conditions, auraient été obtenus par l’une des entreprises mais n’ont pu l’être en fait à cause de ces conditions, peuvent être inclus dans les bénéfices de cette entreprise et imposés en conséquence.

 

2.         Lorsque des bénéfices sur lesquels une entreprise d’un État contractant a été imposée dans cet État sont aussi inclus dans les bénéfices d’une entreprise de l’autre État contractant et imposés en conséquence, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette entreprise de l’autre État si les conditions convenues entre les deux entreprises avaient été celles qui auraient été fixées entre des entreprises indépendantes, le premier État procédera à un ajustement correspondant du montant de l’impôt qu’il a perçu sur ces bénéfices. Pour déterminer l’ajustement à faire, il sera tenu compte des autres dispositions du présent Accord relatives à la nature du revenu.

 

3.         Un État contractant ne rectifiera pas les bénéfices d’une entreprise dans les cas visés au paragraphe 1 après l’expiration des délais prévus par sa législation nationale et, en tout cas, après l’expiration de cinq ans à dater de la fin de l’année au cours de laquelle les bénéfices qui feraient l’objet d’une telle rectification auraient été réalisés par une entreprise de cet État. Le présent paragraphe ne s’applique pas en cas de fraude, d’omission volontaire ou de négligence.

 

[...]

 

Article XXVII – Procédure amiable

 

1.         Lorsqu’un résident d’un État contractant estime que les mesures prises par un État contractant ou par chacun des deux États entraînent ou entraîneront pour lui une imposition non conforme au présent Accord, il peut, sans préjudice des recours prévus par la législation nationale de ces États, adresser à l’autorité compétente de l’État contractant dont il est un résident, une demande écrite et motivée de révision de cette imposition. Pour être recevable, ladite demande doit être présentée dans un délai de deux ans à compter de la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme au présent Accord.

 

2.         L’autorité compétente visée au paragraphe 1 s’efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n’est pas elle‑même en mesure d’apporter une solution satisfaisante, de régler la question par voie d’accord amiable avec l’autorité compétente de l’autre État contractant, en vue d’éviter une imposition non conforme au présent Accord.

 

3.         Un État contractant n’augmentera pas la base imposable d’un résident de l’un ou l’autre État contractant en y incluant des éléments de revenu qui ont déjà été imposés dans l’autre État contractant, après l’.expiration des délais prévus par sa législation nationale et, en tout cas, après l’expiration de cinq ans à dater de la fin de la période imposable au cours de laquelle les revenus en cause ont été réalisés. Le présent paragraphe ne s’applique pas en cas de fraude, d’omission volontaire ou de négligence.

 

4.         Les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application du présent Accord. En particulier, les autorités compétentes des États contractants peuvent se consulter en vue de parvenir à un accord :

 

a)         pour que les bénéfices revenant à un résident d’un État contractant et à son établissement stable situé dans l’autre État contractant soient imputés d’une manière identique;

 

b)         pour que les revenus revenant à un résident d’un État contractant et à toute personne associée visée à l’article IX soient attribués d’une manière identique.

 

5.         Les autorités compétentes des États contractants peuvent se concerter en vue d’éviter la double imposition dans les cas non prévus par le présent Accord.

 

[...]

 

Article XXX – Dispositions diverses

 

1.         Les dispositions du présent Accord ne peuvent être interprétées comme limitant d’une manière quelconque les exonérations, abattements, déductions, crédits ou autres allégements qui sont ou seront accordés

 

a)         par la législation d’un État contractant pour la détermination de l’impôt prélevé par cet État, ou

 

b)         par tout autre accord intervenu entre les États contractants.

 

2.         Aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme empêchant le Canada de prélever son impôt sur les montants inclus dans le revenu d’un résident du Canada en vertu de l’article 91 de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

 

3.         Le présent Accord ne s’applique pas aux sociétés ayant droit à un avantage fiscal spécial en vertu de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales de la Barbade, chap. 77 (Barbados International Business Companies (Exemption from Income Tax) Act, Chap. 77) ni aux sociétés ayant droit à un avantage fiscal spécial en vertu d’une loi analogue adoptée par la Barbade et qui s’ajouterait ou qui remplacerait la loi mentionnée ci‑dessus.

 

4.         Les autorités compétentes des États contractants peuvent communiquer directement entre elles pour l’application du présent Accord.

 

[101]     L’intimée fait valoir que les paragraphes IX(3) et XXVII(3) de la Convention prévoient un délai de prescription de cinq ans et soutient en outre que la question de l’applicabilité de ces dispositions a été soumise par l’avocat de l’appelante devant le juge en chef Rip de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Sundog Distributing Inc. c. R. [18], et que le juge Rip a conclu que ni l’un ni l’autre des délais de prescription prévus dans ces dispositions ne jouaient. L’avocat de l’appelante a informé la Cour que la décision du juge Rip avait été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, qui n’a pas encore statué sur l’appel, et il a donc soutenu que je devais attendre la décision de celle-ci.

 

[102]     En résumé, le juge en chef Rip a statué que le délai de prescription de cinq ans prévu au paragraphe IX(3) ne s’appliquait pas puisque le libellé du paragraphe IX(1) exige que, pour que le paragraphe IX(3) joue, il doit y avoir « une entreprise d’un État contractant » de chacun des États concernés, soit le Canada et la Barbade. Il a aussi conclu qu’étant donné que l’appelante était une société d’affaires internationales de la Barbade (« SAI ») qui, selon le paragraphe XXX(3), est expressément exclue de l’application de la Convention, elle ne pouvait pas être, en sa qualité de SAI, « une entreprise d’un État contractant » pour l’application de l’article IX de la Convention.

 

[103]     À vrai dire, j’abonde entièrement dans le sens du juge en chef Rip sur ce point et je retiens son raisonnement au sujet de la non‑applicabilité du délai de prescription prévu au paragraphe IX(3). L’appelante elle‑même n’a présenté aucune observation additionnelle au sujet de cette disposition.

 

[104]     Toutefois, j’aimerais également ajouter qu’il importe de noter qu’il n’était pas controversé entre les parties dans cette affaire, comme celles qui sont ici en cause, que l’Article IX de la Convention est une disposition qui vise expressément les prix de transfert. Suivant son libellé, l’article IX exige que l’État qui n’a pas ajusté le prix de transfert procède à l’ajustement correspondant des impôts, de sorte qu’il est également clair que le délai de prescription prévu au paragraphe IX(3) vise à ce que l’État qui doit procéder à l’ajustement des impôts perçus en vertu du paragraphe IX(2) n’ait pas une obligation illimitée de le faire; cet État est uniquement assujetti à cette exigence pour une période de cinq ans. Bref, il s’agit d’une disposition qui porte expressément sur des questions de prix de transfert, et qui prévoit l’obligation d’ajuster les impôts lorsque le prix de transfert est ajusté en vue d’éviter la double imposition et qui fixe son propre délai de prescription. Dans ce seul contexte, il faut rechercher si un autre délai de prescription plus général établi dans une partie différente de la Convention, comme au paragraphe XXVII(3), joue, en particulier lorsque cet autre délai de prescription est similaire. Cette interprétation est en outre renforcée si l’article IX de la Convention est examiné à la lumière du commentaire pertinent de l’OCDE. Comme l’explique l’OCDE au paragraphe 5 de son commentaire relatif à l’article IX, lorsqu’un État ajuste le revenu d’un contribuable en vertu des dispositions concernant les prix de transfert figurant au paragraphe IX(l), le paragraphe IX(2) exige que le second État « procède à un ajustement correspondant de façon à éviter la double imposition ». De plus, comme il est dit au paragraphe 11 du commentaire :

 

11. Si les parties intéressées ne sont pas d’accord sur le montant et la nature de l’ajustement approprié, la procédure amiable instaurée par l’article 25* devra être appliquée ; les Commentaires relatifs à cet article contiennent un certain nombre de considérations applicables aux redressements de bénéfices des entreprises associées opérés sur la base du présent article (suite notamment à la rectification des prix de transfert) et aux ajustements corrélatifs qui doivent en découler en vertu du paragraphe 2 de celui‑ci (voir notamment les paragraphes 10, 11, 12, 33, 34, 40 et 41 des Commentaires portant sur l’article 25).

 

*L’article 25 du Modèle de convention correspond à l’article XXVII de la Convention de la Barbade, mais il ne faut pas interpréter les commentaires relatifs à l’article 25 et les liens qui existent entre cette disposition et l’article 9 comme s’appliquant au paragraphe XXVII(3) de la Convention étant donné que cette disposition constitue un ajout unique et ne fait pas partie du Modèle de convention.

 

[105]     Enfin, même s’il est uniquement tenu compte du texte de la Convention, on trouve une justification additionnelle de cette interprétation puisque, en ce qui concerne les prix de transfert, l’article IX de la Convention ne fait pas référence au délai général de prescription mentionné au paragraphe XXVII(3) de la Convention. Le seul délai de prescription qui s’applique directement aux prix de transfert est plutôt celui qui est prévu dans la disposition concernant les prix de transfert elle‑même.

 

[106]     Dans l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, cité par l’appelante, la Cour suprême du Canada met l’accent sur la nécessité d’examiner le libellé des dispositions de la Convention ainsi que l’intention des rédacteurs de ces dispositions, et souligne qu’il faut notamment recourir à des documents extrinsèques tels que les modèles généraux de conventions fiscales internationales[19]. Lorsque la Convention est lue dans son ensemble et que l’on tient compte du commentaire de l’OCDE donnant des précisions sur l’article 9 du Modèle de convention ainsi que de l’article 25 du Modèle de convention, on peut constater qu’il serait superflu d’appliquer le paragraphe XXVII(3) de la Convention aux questions de prix de transfert. La conclusion la plus logique est plutôt que le Canada et la Barbade ont ajouté cette disposition à titre de disposition générale visant à englober les cas qui n’entrent pas dans les prévisions d’autres parties de la Convention. Ainsi, il se peut que des bénéfices qui comprennent les mêmes éléments de revenu soient imposés dans les deux États, par exemple lorsque le contribuable a un établissement stable dans l’autre État contractant, de sorte que l’article VII joue. Le fait que l’article VII ne comporte pas de disposition précise en ce qui concerne la prescription me conforte dans cette conclusion.

 

[107]     Mon seul raisonnement m’amène à conclure que, manifestement, la disposition relative à la prescription figurant au paragraphe XXVII(3) ne joue pas; cela dit, notre cour, dans l’affaire Sundog, était saisie de faits différents, et il a également été statué qu’elle ne s’appliquait pas[20].

 

[108]     Dans la décision Sundog, le juge en chef Rip a fait les observations suivantes au paragraphe 46 de ses motifs :

 

[traduction]

 

46 Je ne souscris pas aux arguments de l’appelante. Premièrement, le paragraphe XXVII(3) interdit à un État d’augmenter la base d’imposition d’une personne en y incluant des éléments de revenu qui ont déjà été imposés dans l’autre État; il ne s’agit généralement pas d’un revenu. Deuxièmement, la Barbade n’a jamais imposé l’appelante sur son revenu. Troisièmement, les mots « revenu » et « income » (dans la version anglaise du paragraphe XXVII(3)) sont modifiés par les mots « éléments de » et « items of », dans la version anglaise, respectivement. Ce n’est pas le revenu à lui seul, ou le montant du revenu, qui est visé au paragraphe XXVII(3); il s’agit d’une description de la partie du revenu qui a été imputée à un compte ou d’une « partie constitutrice d’une chose », soit une partie constituante ou essentielle d’une chose qui est assujettie à l’impôt. Le paragraphe XXVII(3) ne donne pas une description générale du revenu; il indique plutôt ce dont le revenu est composé, ce qu’il est. Le revenu peut être constitué entre autres d’un dividende, d’intérêts, de ventes, d’honoraires ou de frais de gestion[21].

 

[109]     Le juge en chef Rip a ensuite conclu que différents types de revenu étaient en cause, en ce sens que le Canada imposait l’appelante sur des frais de gestion visés a l’article XIII de la Convention, ces frais provenant de sources situées à la Barbade, ou sur des bénéfices d’entreprise visés à l’article VII, alors que la Barbade ne percevait pas d’impôts de l’appelante sur ces éléments étant donné que cette dernière n’avait pas d’établissement stable à la Barbade et qu’elle y était donc exonérée de l’impôt. Le Canada percevait en fait un impôt de l’appelante sur des frais de gestion qui, selon le Canada, auraient dû être versés par les sociétés barbadiennes, c’est‑à‑dire Sun Island Optics et Sun Island, mais qui ne l’avaient pas été, et il ajustait donc en fait le revenu à l’égard de frais que les deux sociétés de la Barbade auraient dû payer.

 

[110]     Au paragraphe 48, le juge en chef Rip a résumé la question comme suit :

 

[traduction]

 

48        [...] Encore une fois, l’appelante n’a pas été imposée sur des frais de gestion ou sur quelque type de revenu à la Barbade; les éléments de revenu que le Canada a imposés entre les mains de l’appelante sont des éléments de revenu différents de ceux à l’égard desquels Sun Island Optics et Sun Island ont été imposées à la Barbade[22].

 

[111]     L’appelante fait valoir que l’argument invoqué par son avocat dans l’affaire Sundog (l’avocat qui représente l’appelante en l’espèce est également intervenu pour elle dans cette affaire‑là) était bien fondé, en ce sens qu’il n’est pas nécessaire de déterminer la nature du revenu puisque l’article XXVII vise le revenu d’une façon générale et que les deux États imposeraient l’appelante puisque le Canada essaie d’imposer le même revenu, c’est‑à‑dire de la même façon que la Barbade avait établi des cotisations à l’égard de Sun Island Optics et de Sun Island dans l’affaire Sundog. En d’autres termes, l’appelante soutient que le Canada, en établissant des cotisations à son égard en vue d’imposer le montant rajusté, a augmenté sa base d’imposition en y incluant un revenu imposé à la Barbade.

 

[112]     À vrai dire, l’argument avancé par l’appelante a invoqué dans l’affaire Sundog ne tient pas compte du libellé clair du paragraphe XXVII(3), qui fait mention des « éléments de revenu » et non du revenu en général. Le sens qu’a donné le juge en chef Rip à l’expression « éléments de revenu », à savoir qu’il s’agissait d’éléments précis, est également conforté par d’autres dispositions de la Convention elle‑même, notamment par le paragraphe VII(6), qui commence par les mots : « Lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu [...]. » À mon avis, l’interprétation que le Juge en chef Rip a donnée de l’expression « éléments de revenu » est correcte.

 

[113]     L’appelante soutient que, en l’espèce, il est question des mêmes éléments de revenu. En substance, elle soutient que les frais de montage qui ont été inclus dans le revenu à la Barbade se rapportent au même revenu qui a donné lieu à la dépense d’entreprise que l’appelante a déduite au Canada. À vrai dire, il m’est fort difficile de retenir cet argument, et ce, pour deux raisons. En premier lieu, l’appelante a demandé la déduction d’une dépense d’entreprise pour les frais de montage versés à APCI. Or, il s’agit d’un élément des dépenses, et non du revenu, et ce, même si le montant est le même dans les deux cas. Le plus que l’on puisse dire est que la dépense et l’élément de revenu influent tous deux sur le revenu d’entreprise net des deux parties. Or, ce n’est de toute évidence pas ce que prévoit le texte du paragraphe XXVII(3), lequel évoque en substance les mêmes éléments de revenu qui sont imposés dans les deux États. Il est en fait tout à fait clair que le paragraphe XXVII(3) ne peut jouer que lorsque les deux États contractants exercent leur compétence pour imposer les mêmes éléments de revenu, soit des éléments qui ne sont probablement pas par ailleurs visés par la Convention, ce qui oblige les deux États contractants, en vertu du paragraphe XXVII(2), à chercher à régler la question en vue d’éviter la double imposition. En second lieu, contrairement aux règles antérieures relatives aux prix de transfert énoncées dans l’ancien paragraphe 69(2) de la Loi, applicable aux années d’imposition qui ont commencé avant l’année 1998, le paragraphe 247(2) joue de façon à rajuster le revenu du contribuable vers le haut ou vers le bas, et non à réduire le montant d’une dépense faisant l’objet d’une demande de déduction à l’égard des paiements effectués à une partie qui a un lien de dépendance avec le contribuable. Il ne s’agit toutefois que d’un rajustement du revenu. Il ne s’agit pas d’un élément de revenu en soi et le montant du revenu rajusté vers le haut, dans ce cas‑ci, n’est nullement également imposé à titre d’élément additionnel de revenu à la Barbade. Bref, le montant des déductions au Canada ou le montant du revenu à la Barbade ne change pas en théorie, bien que l’effet réel soit que le rajustement neutraliserait effectivement la partie de la déduction des frais de montage versés à APCI demandée par l’appelante.

 

[114]     J’aimerais également ajouter que l’argument de l’appelante, dans son ensemble, porte effectivement sur le fait qu’elle rejetait l’interprétation que le juge en chef Rip a donnée à l’expression « éléments de revenu » prévue au paragraphe XXVII(3), mais l’appelante semble ne pas avoir tenu compte de l’autre exigence cruciale de cette disposition, à savoir que les éléments de revenu doivent également avoir « déjà été imposés dans l’autre État contractant ». Par conséquent, même si la décision que le juge en chef Rip a rendue sur ce point est infirmée en appel ou s’il est jugé que les éléments de revenu dans la présente affaire sont les mêmes, l’appelante doit néanmoins démontrer que ces éléments de revenu ont déjà été imposés à la Barbade.

 

[115]     L’appelante soutient que puisque APCI a versé la taxe ou l’impôt de 2,5 p. 100 conformément à la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales, cet élément de revenu a été imposé à la Barbade. Il n’est pas controversé qu’APCI, en sa qualité de SAI, était exonérée de l’impôt conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade[23]. Il faut donc rechercher si cet « impôt » qu’APCI a payé était l’impôt visé au paragraphe XXVII(3) de la Convention.

 

[116]     Selon l’alinéa (1)g) de l’article III de la Convention, « le terme “impôt” désigne, suivant le contexte, l’impôt canadien ou l’impôt de la Barbade ». L’article II définit en outre l’expression « impôt de la Barbade » :

 

3.         Les impôts actuels auxquels s’applique l’Accord sont notamment :

 

[...]

 

b)         en ce qui concerne la Barbade :

 

(i)                  l’impôt sur le revenu;

 

(ii)                l’impôt sur les sociétés;

 

(iii)               l’impôt sur les activités extractives du pétrole; et

 

(iv)              la contribution d’emploi;

 

(ci‑après dénommés « impôt de la Barbade »).

 

[117]     La Convention ne définit pas d’une façon plus précises les expressions figurant aux sous‑alinéas 3b)(i) à (iv), mais des précisions sont données au paragraphe 2 de l’article III :

 

2.         Pour l’application du présent Accord par un État contractant, toute expression qui n’est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit État régissant les impôts qui font l’objet du présent Accord, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente.

 

[118]     Au départ, bien qu’elles bénéficient de taux d’imposition considérablement réduits, les SAI sont néanmoins imposées. Le paragraphe 10(1) de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales dispose :

 

[traduction]

 

10(1)    Sous réserve de la présente disposition et de l’article 11, un impôt sur les bénéfices et sur les gains d’une société d’affaires internationales, aux taux suivants, est perçu et versé au commissaire du Revenu interne au lieu de l’impôt établi au taux prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu, à l’égard de l’année d’imposition 1991 et de chaque année d’imposition subséquente de la société [...]

[Je souligne.]

 

[119]     Il reste à savoir si l’impôt en question fait partie de l’une des catégories énumérées à l’alinéa 3b) de l’article II de la Convention (ou s’il est identique ou presque assimilable à un impôt faisant partie de l’une de ces catégories). L’article 3 de la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade clarifie la question :

 

[traduction]

 

Imposition

 

3.(1)     Sauf dans les cas prévus au paragraphe (2), toute personne qui a un revenu imposable pour une année d’imposition verse, conformément à la présente loi, un impôt sur le revenu calculé conformément à la présente loi sur son revenu imposable pour cette année d’imposition.

 

(2)        Une société qui a un revenu imposable au cours d’une année d’imposition paie à l’égard de l’année un impôt sur les sociétés sur ce revenu, calculé conformément à la présente loi, au lieu de payer l’impôt sur le revenu prévu au paragraphe (1).

[Je souligne.]

 

[120]     Suivant le paragraphe 3(1), l’impôt sur le revenu est payable sauf si le paragraphe 3(2) joue. Or, le paragraphe 3(2) dispose que la société est tenue de payer un [traduction] « impôt sur les sociétés » au lieu de payer un [traduction] « impôt sur le revenu » en vertu du paragraphe (1). Il est alors possible de conclure que les sociétés paient un [traduction] « impôt sur les sociétés », alors que les particuliers paient un [traduction] « impôt sur le revenu ». Le terme [traduction] « société » est défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade et dans la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales comme comprenant toute société constituée en personne morale, soit une définition qui inclut les SAI[24].

 

[121]     Cette interprétation est confirmée par la définition du terme « impôt » à l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade, selon lequel :

 

[traduction]

 

impôt :

 

(i)         en ce qui concerne une personne assujettie à l’impôt en vertu du paragraphe 3(1), l’impôt sur le revenu établi par cette disposition,

 

(ii)        en ce qui concerne une société, l’impôt sur les sociétés établi au paragraphe 3(2).

 

[122]     Comme il a été dit précédemment, en vertu de l’article 10 de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales, les SAI sont assujettis à un impôt spécial au lieu de l’impôt établi au taux prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade.

 

[123]     Il importe ici de souligner que la première version de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales a été promulguée en 1965, bien avant que la Convention entre en vigueur, le 22 décembre 1980. Il est donc possible de conclure que les rédacteurs étaient au courant de la nature des SAI lorsqu’ils ont rédigé la Convention. Cette conclusion est renforcée par l’existence du paragraphe XXX(3), qui exclut expressément les sociétés ayant droit à un avantage fiscal spécial en vertu de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales, c’est‑à‑dire les SAI, de l’application de la Convention.

 

[124]     Il est donc possible de conclure que l’impôt prévu par la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales n’est ni [traduction] l’« impôt sur le revenu », qui ne s’applique peut‑être bien (en tant que tel) qu’aux particuliers, ni [traduction] l’« impôt sur les sociétés » prescrit au paragraphe 3(2), impôt dont le taux est précisé à l’article 43, puisque l’impôt prévu à l’article 10 de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu pour les sociétés d’affaires internationales est perçu à la place de l’impôt établi au taux prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu de la Barbade.

 

[125]     En résumé, l’impôt perçu en vertu de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés d’affaires internationales n’est pas considéré comme un « impôt » au sens de la Convention. En effet, la Barbade et le Canada ont décidé d’établir une liste fixe de tout impôt qui serait considéré comme un « impôt de la Barbade » et cette liste n’inclut pas l’impôt perçu en vertu de la Loi portant exonération de l’impôt sur le revenu des sociétés d’affaires internationales. En d’autres termes, l’appelante était assujettie à un impôt, mais elle n’était pas assujettie à [traduction] l’« impôt », tel que ce terme est défini dans la Convention, ou dans le contexte des exigences de la Convention.

 

[126]     Compte tenu de cette analyse, je conclus que les cotisations que le ministre a établies ne sont pas prescrites en vertu du paragraphe XXVII(3) de la Convention puisque le revenu de l’appelante n’était pas assujetti à un « impôt » et que l’inclusion dans le revenu n’était pas non plus un [traduction] « élément de revenu » (ou du moins qu’il ne s’agissait pas d’un élément correspondant aux éléments de revenu inclus dans le revenu d’APCI), de sorte que l’article XXVII ne joue pas. Par conséquent, le ministre a délivré les avis de nouvelles cotisations dans le délai de six ans prévu à l’alinéa l52(4)b) de la Loi, et l’établissement de ces nouvelles cotisations n’était donc pas frappé de prescription.

La question de la détermination des prix de transfert

 

[127]     Les redressements du prix de transfert que le ministre a effectués dans les nouvelles cotisations susmentionnées constituent bien sûr la principale controverse en l’espèce. Étant donné la conclusion selon laquelle l’appelante et APCI avaient entre elles un lien de dépendance, la condition préalable à l’applicabilité du paragraphe 247(2) de la Loi est remplie. Avant de procéder à une analyse détaillée des règles de détermination des prix de transfert, je me propose de me pencher sur les faits controversés les plus importants qui opposent les parties en ce qui concerne les facteurs de comparabilité à utiliser aux fins de la détermination des prix de transfert, à savoir quels sont les services qu’APCI fournissait à l’appelante et à quel prix. Ces questions sont cruciales puisque les parties ont émis des hypothèses différentes à cet égard dans les méthodes de détermination des prix de transfert qu’elles ont employées et dans l’argumentation qu’elles ont soumise au sujet des raisons pour lesquelles les méthodes employées par la partie adverse étaient erronées.

 

[128]     Bien sûr, il est constant qu’APCI assurait des services à l’appelante et que tous ces services se rapportaient à la fonction de montage antérieurement accomplie par l’appelante au Canada ainsi qu’au développement et à la maintenance de logiciels et de sites Web, tels qu’ils sont décrits dans l’analyse fonctionnelle et dans les contrats annuels mentionnés précédemment dans le résumé des faits. La partie 2 de ces contrats se rapportait au montage, alors que les parties 1 et 3 se rapportaient au développement et à la maintenance de logiciels et de sites Web. Le différend d’ordre factuel qui oppose les parties ne se rapporte pas tant à la façon de qualifier les services décrits dans les trois parties susmentionnées qu’à la répartition des prix entre ces services et à la question de savoir si APCI exécutait de fait toutes les fonctions de montage.

 

[129]     La thèse du ministre sur ces questions est la suivante :

 

1.       Les frais au pouce carré qui, selon l’appelante, se rapportaient à la rémunération des services non associés au montage qu’APCI fournissait, à savoir les services mentionnés aux parties 1 et 3, se rapportaient, du moins en partie, aux frais de montage. En d’autres termes, 22,01 p. 100 des frais que l’appelante versait à APCI, pourcentage représentant les frais annuels au pouce carré, étaient également imputables en totalité ou en partie aux services de montage; 

2.       L’appelante elle‑même a continué à assurer certains services de montage, de sorte que les frais de montage de base versés à APCI étaient gonflés, et ce, pour la même raison également.

 

[130]     Les seules hypothèses se rapportant à ces différends d’ordre factuel figurent au paragraphe 17 de la réponse du ministre :

 

[traduction]

 

17.       En déterminant l’obligation fiscale de l’appelante pour les années d’imposition 1999, 2000 et 2001, et en ce qui concerne les questions en litige dans le présent appel, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

 

            [...]

 

p)         [...] l’appelante a ainsi transféré à APCI la division chargée de la fonction de « montage », qu’elle exploitait antérieurement seule;

 

q)         au mois de janvier 1997, l’appelante a imparti à APCI ses fonctions de « montage »;

 

[...]

 

s)         l’appelante fixait les prix demandés par APCI pour les services qu’APCI lui fournissait;

 

[...]

 

u)         l’appelante était en mesure d’accomplir les fonctions de « montage » au Canada et il est parfois arrivé qu’elle le fasse, lorsque le bureau d’APCI était fermé ou lorsqu’il y avait des complications.

 

[131]     La thèse de l’intimée à l’égard de la première question, à savoir que les frais de montage incluaient en totalité ou en partie les frais au pouce carré, est principalement fondée sur le libellé de l’analyse fonctionnelle et des contrats annuels.

 

[132]     Lorsqu’elle a contre‑interrogé M. et Mme Bamber, M. McMuldroch et le témoin expert de l’appelante, M. Wall, l’intimée s’est reportée au dernier paragraphe de l’analyse fonctionnelle (préparée conjointement par M. McMuldroch et par Mme Bamber), dont il ressort, selon elle, que les frais de montage incluaient les frais au pouce carré, de sorte que les frais de montage seraient passés de 67 à 93 $ au cours de l’exercice 1998. Ce paragraphe est reproduit ci‑dessous :

 

[traduction]

 

En résumé, APCI, Inc. demandait à Alberta Printed Circuits Ltd. environ 67 $CAN au titre des frais de montage. De plus, APCI, Inc. demandait à Alberta Printed Circuits des frais de rendement annuel appelés « frais au pouce carré ». En 1998, ces « frais au pouce carré » additionnels s’élevaient à 300 000 $CAN. La société APCI, Inc. a effectué environ 12 000 montages en 1998, ce qui représente en moyenne des frais additionnels de 26 $CAN par montage, de sorte que les frais de montage s’élevaient en tout à 93 $CAN. L’un des concurrents comparables d’APCI, Inc., Star Electronics, Corp., demandait à ce moment‑là des frais de montage se chiffraient entre 100 et 125 $US. De toute évidence, les frais demandés par APCI, Inc. sont raisonnables et respectent le principe du prix « de pleine concurrence » qui s’applique en matière de détermination des prix de transfert.

 

[133]     Monsieur et Mme Bamber ont tous deux nié qu’une partie des frais au pouce carré ait été rattachée au montage et, en fait, lors du réinterrogatoire, l’avocat de l’appelante a attiré l’attention de la Cour sur le premier paragraphe de la page 10 de cette analyse :

 

[traduction]

 

Le seul autre montant qu’Alberta Printed Circuits a versé à APCI, Inc., autre que les frais de montage et les frais de montage accessoires, se rapportait aux frais annuels au pouce carré. Ces frais étaient fondés sur un pourcentage du total des pouces carrés fabriqués et constituaient en partie une prime accordée à APCI, Inc. pour le soutien du logiciel, le service à la clientèle (le personnel de la Barbade répondait aux appels des clients qui avaient des problèmes avec les formats de données et les renseignements qu’ils avaient reçus d’Alberta Printed Circuits Ltd., et les frais téléphoniques étaient fort élevés), la maintenance des sites Web et ainsi de suite (ces autres services étaient énumérés dans l’entente annuelle dont l’ARC a une copie). (Voir l’annexe A pour des renseignements supplémentaires.)

[Je souligne.]

 

[134]     On peut comprendre la thèse que l’intimée a avancée (compte tenu du dernier paragraphe de l’analyse fonctionnelle), mais le sens de la première phrase ci‑dessus est clair : [traduction] « Le seul autre montant qu’Alberta Printed Circuits a versé à APCI, Inc., à part les frais de montage et les frais de montage accessoires, se rapportait aux frais annuels au pouce carré. » Ces mots sont clairement incompatibles avec la thèse de l’intimée. En outre, comme M. Wall l’a soutenu au cours de son contre‑interrogatoire, le dernier paragraphe de l’analyse fonctionnelle répondait à son avis à l’hypothèse générale émise par l’Agence du revenu du Canada (1’« ARC »), à savoir que [traduction] « le montant versé à APCI était déraisonnable » dans l’ensemble. Les auteurs de l’analyse fonctionnelle tentaient clairement de souligner que même le montant global aurait été considéré comme raisonnable suivant la thèse de l’intimée.  

 

[135]     L’intimée s’est également fondée sur le libellé des contrats annuels, plus particulièrement sur le contrat qui visait l’exercice allant du 1er février 1999 au 31 janvier 2000, qui fixait comme suit les prix selon la structure des taux applicable au service proto 1 (P1) :

 

Frais initiaux de montage : 67 $ par commande + 0,2285 $ le pouce carré

 

[136]     En fait, la juxtaposition des frais de montage et des frais au pouce carré figure dans le premier contrat, qui visait la période allant du 1er février 1997 au 31 janvier 1998, ainsi que dans le troisième contrat annuel, allant du 1er février 1999 au 31 janvier 2000. En revanche, la juxtaposition de ces deux taux ne figure pas dans le contrat final, qui débutait le 1er février 2000, où la mention d’un taux réduit au pouce carré était faite dans un paragraphe distinct. Compte tenu de cette incohérence, il faut examiner d’autres éléments de preuve pour connaître l’intention des parties et, à cet égard, j’abonde dans le sens de l’appelante lorsqu’elle affirme qu’étant donné que le taux de base s’appliquait en fonction d’une opération individuelle et que les frais au pouce carré étaient uniquement dus à la fin de l’année, il faut de préférence s’en tenir aux frais de transaction. En outre, comme l’intimée elle‑même l’a souligné, les frais au pouce carré semblaient avoir été réduits au fil des ans, en particulier lorsque les services autres que les services de montage fournis par APCI ont diminué lors du retour de M. McMuldroch à Calgary, en 1999, ce qui à vrai dire conforte la thèse selon laquelle les frais au pouce carré ou la prime s’appliquaient uniquement aux services de la partie 1 et de la partie 3 décrits dans les contrats annuels susmentionnés. La thèse de l’intimée selon laquelle la réduction de 50 000 $, sur le total des frais au pouce carré, en l’an 2000, lorsque M. McMuldroch est retourné à Calgary, reflète la pleine valeur des services prévus aux parties 1 et 3, de sorte que le solde doit être considéré comme s’appliquant aux frais de montage n’est pas en soi convaincante étant donné qu’elle ne tient pas compte des stipulations du contrat annuel, qui fixe le prix de ces services à un montant bien supérieur à 50 000 $. En outre, cela n’explique pas pourquoi ces services n’auraient pas initialement dû être évalués à ce montant, ni le fait qu’une réduction de 50 000 $ pour cette année, alors que M. McMuldroch n’avait passé que quatre mois et demi sur douze à la Barbade, donnerait, pour l’année, un taux annualisé d’environ 80 000 $.

 

[137]     Quant à la seconde question, à savoir si l’appelante accomplissait certaines fonctions de montage, l’intimée a également soutenu que les trois premières étapes du montage décrites par M. Wall à la page 9 de son rapport indiquaient clairement que l’appelante était encore chargée d’une partie de la fonction de montage et que M. Wall avait commis une erreur en supposant qu’APCI était chargée de l’ensemble de la fonction de montage. Les extraits mentionnés par l’intimée sont les suivants :

 

[traduction]

 

Des extraits de l’analyse fonctionnelle décrivant brièvement les étapes du montage suivant la séquence naturelle des événements pour la commande d’un client sont reproduits ci‑dessous :

 

1.         AP Circuits recevait des données (décrites ci‑dessus) des clients au moyen d’une pièce jointe à un courriel, du protocole de transfert des fichiers (PTF) utilisé pour transférer les fichiers sur Internet, ou du Service de babillard électronique (SBE);

2.         AP Circuits rassemblait toutes les pièces jointes aux courriels et plaçait les fichiers là où ils pouvaient être traités par un programme qui attribuait des numéros de commande à chaque ensemble de données;

3.         AP Circuits vérifiait si toutes les données requises étaient présentes dans chaque fichier avant de l’envoyer à APCI;

4.         APCI était responsable du formatage et de la panélisation (décrits ci‑dessous);

5.         APCI transmettait le résultat final à AP Circuits par Internet ou par téléphone;

6.         AP Circuits vérifiait si le résultat était exact et envoyait ensuite les données, en utilisant un réseau interne, au perçage et phototraçage, ce qui était le début du procédé de fabrication d’une carte de circuit imprimé;

7.         APCI fournissait des services de courriel et de dépannage aux clients d’AP Circuits.

 

[138]     La description de la fonction de montage, dans le témoignage rendu par M. McMuldroch, que j’ai jugé crédible sur ce point particulier, indique clairement que l’étape du montage débutait après la troisième étape susmentionnée. Il ressort clairement des preuves que les données obtenues par l’appelante au cours de ces trois étapes étaient transmises à APCI par voie électronique, cette dernière procédant ensuite aux étapes de validation, de formatage et de panélisation ci‑dessus décrites. Il importe également de noter qu’un autre témoin de l’appelante, un certain James Malcolm Godfrey, a déclaré s’être occupé de la fabrication de cartes de circuit imprimé, de 1979 à 2008, sous le nom « Western Index Manufacturing », et avoir rempli toutes les fonctions, y compris le montage et la fabrication. Le témoin a décrit les étapes de montage à peu près de la même façon que M. McMuldroch et que l’appelante : vérification, formatage et panélisation.

 

[139]     Je retiens donc le témoignage rendu par M. Wall, lorsqu’il a déclaré avoir groupé l’étape préalable au montage et l’étape postérieure au montage ainsi que la phase de montage elle‑même dans ses explications, lorsqu’il décrivait les responsabilités des parties respectives, et qu’il estimait lui aussi que la fonction de montage débutait à la quatrième étape des étapes qu’il avait énumérées. À vrai dire, les trois premières étapes sont clairement compatibles avec la [traduction] « séquence naturelle des événements pour la commande d’un client » dont M. Wall fait mention dans son rapport.

 

[140]     L’intimée a également soutenu que, compte tenu de l’étape 7 ci‑dessus décrite par M. Wall et du fait que, dans l’analyse fonctionnelle, il était mentionné qu’APCI assurait le soutien à la clientèle dans le cadre des services qu’elle assurait sur la base de frais au pouce carré, au moins une partie des frais au pouce carré était imputable au montage. Il ressort clairement des preuves que, dans le cadre de ses tâches de montage, APCI communiquait avec les ingénieurs des clients lorsque des anomalies étaient décelées dans les données fournies. Or, à mon avis, c’est ce que M. Wall décrit ci‑dessus à l’étape 7. Il est également raisonnable de supposer que le soutien à la clientèle dont il est question dans le paragraphe pertinent de l’analyse fonctionnelle s’entend clairement des services fournis par APCI conformément aux parties 1 et 3 des contrats annuels, c’est‑à‑dire un type de soutien à la clientèle différent.

 

[141]     Quant à la seconde question, à savoir si l’appelante accomplissait une partie de la fonction de montage au Canada, l’intimée fait valoir qu’étant donné qu’un employé de l’appelante vérifiait si les renseignements qu’APCI transmettait électroniquement à l’appelante au sujet du montage comportaient des erreurs, fonction qui était accomplie en particulier par M. Wu avant que celui‑ci ne cesse de travailler pour l’appelante, au mois de décembre 1997, mais qui l’avait par la suite été par d’autres employés de l’appelante, cela faisait partie de la fonction de montage exécutée au Canada. Avec égards, le propre témoin de l’intimée, Mme Lewinske, a déclaré que cette étape n’existait même pas avant sa réinstallation à la Barbade, de sorte que cela n’aurait pas pu faire partie de la fonction de montage antérieure. L’appelante a expliqué que cette étape visait principalement à s’assurer que les renseignements concernant le montage qui étaient transmis de la Barbade au Canada n’étaient pas corrompus au cours de la transmission (contrôle de la qualité) et je conclus que cette explication est fort crédible.

 

[142]     En ce qui concerne l’hypothèse de l’intimée selon laquelle l’appelante pouvait exécuter, et exécutait de temps en temps, les services de montage, le seul élément de preuve indiquant que quelqu’un avait peut‑être les compétences voulues pour accomplir certaines fonctions de montage pour l’appelante, après que cette fonction eut été assurée à la Barbade, se rapportait encore une fois au travail de M. Wu, un employé qui faisait partie de la division du montage avant le transfert de la division à la Barbade et qui était le seul membre de la division qui ne s’était pas réinstallé à la Barbade. Selon la preuve produite par l’appelante, M. Wu était l’employé qui comptait le moins d’expérience parmi les trois employés affectés au montage, et il n’était pas en mesure d’accomplir toutes les fonctions de montage au moment où l’entreprise s’est installée à la Barbade. De plus, il a quitté le service de l’appelante au mois de décembre 1997, soit avant les années ici en cause, de sorte qu’il ne pouvait de toute façon pas avoir accompli cette fonction pour le compte de l’appelante. Il n’existait pas le moindre élément de preuve montrant que quelqu’un d’autre possédait cette capacité après le départ de M. Wu et le seul autre élément de preuve établissant que quelqu’un, dans les locaux de l’appelante, avait reçu la formation voulue pour s’occuper du montage par la suite était que, lors du retour de M. McMuldroch, au mois de juin 1999, l’appelante s’était mise a la recherche de personnes pour leur assurer une formation en matière de montage. Or, il fallait de six mois à un an pour que l’on puisse faire entièrement confiance à ces personnes et, dans l’intervalle, le montage a continué à être effectué à la Barbade. Quoi qu’il soit, le fait que quelqu’un aurait pu s’occuper du montage ne veut pas pour autant dire que cela était fait et, selon les preuves, APCI a continué à s’occuper du montage tant qu’il n’a pas été mis fin à l’entente, à la fin de l’année 2000.

 

[143]     À mon avis, les preuves établissent que les frais au taux de base étaient les seuls frais qui étaient payés pour les services de montage. L’intimée n’a pas réfuté ces preuves d’une façon satisfaisante et, pendant les années d’imposition ici en cause, la fonction de montage a entièrement été accomplie par APCI à la Barbade (à part le montage P2, qui était effectué par M. McMuldroch après son retour, étant donné qu’il était la seule personne capable de se charger de ces montages, et pour lesquels APCI n’a pas été rémunérée après le retour de M. McMuldroch au Canada). Ceci dit, bien sûr, il reste encore à savoir si les frais qui ont été payés pour le service de montage ou pour les autres services étaient fondés sur des prix raisonnables dans des conditions de pleine concurrence. Je dois également conclure que M. Wall n’a pas commis d’erreur en utilisant ces hypothèses aux fins de son analyse du prix comparable sur le marché libre (« PCML ») et que, contrairement à ce que l’intimée a affirmé, il n’a pas qualifié autrement l’opération, question sur laquelle nous reviendrons plus loin.

 

[144]     Il existait d’autres points litigieux comparables quant aux risques relatifs assumés et aux actifs incorporels possédés par les parties, mais ces points se rapportent davantage à l’application de la méthode transactionnelle de la marge nette (« MTMN ») qui sera examinée plus loin. Dans la mesure où il convient de tenir compte de ces points, les observations que je ferai valent également pour les autres méthodes de détermination des prix examinées, en particulier l’analyse relative au PCML.

 

Le droit en matière de détermination des prix de transfert et les règles y afférentes

 

[145]     Les alinéas 247(2)a) et c) sont, en l’espèce, les dispositions pertinentes de la Loi qui visent la détermination des prix de transfert; ces dispositions sont de nouveau reproduites ci‑dessous :

 

247(2) Lorsqu’un contribuable ou une société de personnes et une personne non-résidente avec laquelle le contribuable ou la société de personnes, ou un associé de cette dernière, a un lien de dépendance, ou une société de personnes dont la personne non-résidente est un associé, prennent part à une opération ou à une série d’opérations et que, selon le cas :

 

a)         les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre des participants à l’opération ou à la série diffèrent de celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance,

 

[...]

 

c)         dans le cas où seul l’alinéa a) s’applique, les modalités conclues ou imposées, relativement à l’opération ou à la série, entre les participants avaient été celles qui auraient été conclues entre personnes sans lien de dépendance; [...]

 

Il n’est pas controversé que les alinéas b) et d) du paragraphe 247(2) de la Loi ne jouent pas.

 

La Convention et les Principes de l’OCDE

 

[146]     Dans l’arrêt SmithKline Beecham Animal Health Inc. c. R., la Cour d’appel fédérale a fait l’observation suivante :

 

8          On semble s’entendre sur le fait que les Principes de l’OCDE éclairent ou devraient servir à éclairer l’interprétation et l’application du paragraphe 69(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. […][25]

 

[147]     Le paragraphe 69(2) de la Loi a été remplacé par le paragraphe 247(2) pour les années d’imposition qui ont commencé en 1998, et cette dernière disposition s’applique à toutes les années d’imposition ici en cause. Toutefois, comme la Cour d’appel fédérale l’a confirmé au paragraphe 12 de l’arrêt Capital Générale Électrique du Canada Inc. c. Canada : [...] « il n’y a pas de différence significative entre les alinéas 247(2)a) et c) et le paragraphe 69(2) de la Loi. »[26].

 

[148]     Bien sûr, l’ARC invoque, à l’appui des cotisations, les Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales de l’OCDE : circulaire d’information 87‑2R, Prix de transfert international, en date du 27 septembre 1999, qui a remplacé l’ancienne circulaire IC087‑2, datant du 2 février 1987.

 

[149]     Les alinéas 247(2)a) et c), comme l’ancien paragraphe 69(2), sont similaires au paragraphe 9(1) du Modèle de convention concernant le revenu et la fortune de l’OCDE. En 1979, l’OCDE a publié un commentaire portant sur la détermination des prix de transfert, lequel a été mis à jour en 1995. Une autre mise à jour a été effectuée en 2010, mais étant donné que cette mise à jour est de beaucoup postérieure aux années d’imposition ici en cause, je me reporterai uniquement au commentaire pertinent datant de 1995.

 

[150]     De toute évidence, la circulaire d’information 87‑2R de l’ARC, aux paragraphes 7, 8 et 28, et le commentaire de l’OCDE portant sur l’article 9 sont fondés sur le principe de pleine concurrence qui s’applique aux fins de la détermination des prix, appelés « prix de transfert », qui sont des frais applicables aux biens et services faisant l’objet d’une opération transfrontalière entre des parties liées.

 

[151]     Selon le commentaire de l’OCDE, les parties liées peuvent adopter des prix de transfert pour des motifs autres que la minimisation de l’impôt. Or, quel que soit le motif, des transferts intra‑groupe qui ne sont pas effectués à des prix de pleine concurrence résulteront probablement en la transmission des bénéfices d’un pays à un autre.

 

[152]     Le principe sous‑tendant les règles de détermination des prix de transfert sont, bien sûr, fondées sur l’idée qu’il faut éviter la fuite de fonds du Trésor fédéral due au mouvement des bénéfices d’un pays à un autre. Disons, en termes plus traditionnels, que l’objet est de faire en sorte que des parties qui ont entre elles un lien de dépendance déclarent, dans le ressort où elles sont situées, à peu près le même montant au titre du revenu que celui que déclareraient des parties sans lien de dépendance.

 

[153]     Dans les Principes de l’OCDE est énoncée une hiérarchie de méthodes que l’on peut utiliser pour déterminer le prix de transfert. Il y a trois « méthodes traditionnelles fondées sur les transactions » :

 

·        la méthode du prix comparable sur le marché libre (PCML);

·        la méthode du prix de revente;

·        la méthode du prix de revient majoré.

 

Il y a également deux « méthodes transactionnelles de bénéfices » :

 

·        la méthode du partage des bénéfices;

·        la méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN).

 

[154]     Chacune des méthodes comporte généralement une comparaison des prix ou des marges entre des parties ayant un lien de dépendance pour des opérations transfrontalières (« opérations contrôlées ») et les prix ou les marges pour des opérations similaires effectuées entre des parties n’ayant aucun lien de dépendance (« opérations non contrôlées »)[27].

 

[155]     Les méthodes susmentionnées de l’OCDE, telles qu’elles sont décrites par l’OCDE elle‑même, les descriptions ayant également été reproduites (en partie) par le juge Rip, alors juge en chef adjoint, au paragraphe 63 de la décision GlaxoSmithKline c. la Reine (« GlaxoSmithKline »)[28], ou telles que la présente cour les a paraphrasées, sont les suivantes :

 

                        Méthodes traditionnelles fondées sur les transactions

 

a)      La méthode du prix comparable sur le marché libre est la méthode la plus directe pour déterminer le prix de pleine concurrence. Le prix de transfert est fixé par référence aux opérations comparables réalisées entre un acheteur et un vendeur qui ne font pas partie du même groupe. Les ventes sur le marché libre peuvent comprendre celles qui sont faites par un membre d’une entreprise multinationale à une partie non apparentée, les ventes faites à un membre d’un groupe par une partie non apparentée, ainsi que les ventes dans lesquelles les participants n’appartiennent ni 1’un ni l’autre au groupe et· ne sont pas non plus apparentés (bien qu’ils puissent eux‑mêmes appartenir à d’autres groupes). Les ventes sur le marché libre sont, en bref, celles dans lesquelles l’un au moins des participants à l’opération ne fait pas partie du groupe d’entreprises auquel est apparenté le contribuable; seules seront prises en considération les opérations de bonne foi et non les ventes non représentatives de l’état du marché, par exemple des ventes, faites en quantités limitées, à des prix exceptionnels à un acheteur non apparenté en vue de fixer pour une opération plus importante le prix de pleine concurrence. Les opérations réalisées sur le marché libre doivent être étudiées attentivement pour les comparer aux opérations faites hors marché[29]. [...]

 

b)      La méthode du prix de revente part du prix auquel la marchandise qui a été achetée à un vendeur apparenté est revendue à un acheteur indépendant. Ce prix est ensuite diminué d’une marge appropriée représentant le montant qui permettait au revendeur de couvrir ses frais et de réaliser un bénéfice. Le reste peut être considéré comme le prix de pleine concurrence de la vente initiale. Cette méthode est probablement particulièrement utile lorsqu’elle est appliquée à des opérations de commercialisation[30].

 

c)      Pour évaluer le prix de pleine concurrence, selon cette méthode [méthode du prix de revient majoré], on majore d’une marge bénéficiaire appropriée le prix de revient du fournisseur. Les problèmes posés par cette méthode concernent le calcul des coûts [...] et la marge bénéficiaire normale [...] il est probable qu’elle offre surtout un critère décisif dans des cas particuliers [...] cependant, cette méthode peut également être utile afin de vérifier des prix provisoirement acceptables une fois que d’autres méthodes ont été appliquées[31] [...] la méthode du prix de revient majoré peut permettre d’évaluer un prix de pleine concurrence, lorsque des produits semi‑finis sont vendus entre des parties apparentées[32]. [...]

 

Méthode de partage des bénéfices

 

d)      La méthode de partage des bénéfices permettant d’estimer un prix de pleine concurrence identifie le montant global des bénéfices à répartir entre les entreprises associées à l’égard d’une opération contrôlée (ou d’opérations contrôlées qu’il convient de combiner). Ces bénéfices sont ensuite partagés entre les entreprises associées en fonction d’une base économiquement valable qui se rapproche du partage des bénéfices qui aurait été anticipée et reflétée dans un accord réalisé en pleine concurrence. Lorsque la chose est possible, cette base économiquement valable peut être justifiée au moyen de données indépendantes relatives au marché (le partage des bénéfices observé dans des accords de coentreprise non contrôlés, par exemple). Toutefois, cette base sera le plus souvent justifiée par des données internes. Le facteur de répartition devrait refléter les contributions respectives des parties à la création du revenu tiré de l’opération contrôlée et être raisonnablement indépendant de la formule de détermination du prix de transfert. Cela veut dire que, dans la mesure du possible, il faudrait se fonder sur des données objectives (telles que des ventes conclues avec des parties non liées), plutôt que sur des données se rapportant à la rémunération d’opérations contrôlées (telles que des ventes conclues avec des entreprises associées)[33].

 

e)      La méthode transactionnelle de la marge nette consiste à examiner un indicateur de bénéfice net, c’est‑à‑dire le bénéfice net par rapport à une base appropriée (par exemple, les coûts, les ventes ou les actifs) que réalise un contribuable au titre d’une opération contrôlée avec le bénéfice net réalisé dans des opérations non contrôlées comparables. Par conséquent, cette méthode s’applique de manière semblable à la méthode du prix de revient majoré et à la méthode du prix de revente, sauf que l’on compare le bénéfice net plutôt que le bénéfice brut tiré de la revente ou de la majoration brute du prix de revient. Cela signifie que l’indicateur de bénéfice net obtenu par le contribuable au titre de l’opération contrôlée devrait théoriquement être déterminé par référence à l’indicateur de bénéfice net que le même contribuable réalise au titre d’opérations non contrôlées comparables (en d’autres termes, par référence à des « comparables internes »). Il faut procéder à une analyse fonctionnelle des opérations contrôlées et des opérations non contrôlées pour déterminer si les opérations sont comparables et les ajustements qu’il faut peut‑être effectuer afin d’obtenir des résultats fiables étant donné que divers facteurs autres que les produits et fonctions peuvent avoir de fortes incidences sur les indicateurs de bénéfice net. La comparabilité fonctionnelle a généralement plus d’importance que la comparabilité des produits lorsque la méthode transactionnelle de la marge nette est employée. Cette méthode est particulièrement utile lorsqu’il n’y a pas de renseignements fiables sur la marge brute mis à la disposition du public à l’égard de tiers ou qu’il y en a peu.

 

Selon les faits et circonstances du cas et en particulier l’effet des différences fonctionnelles sur la structure de coût et sur le revenu des comparables possibles, il faut prêter une attention particulière aux exigences relatives à la comparabilité. Par exemple, les indicateurs de bénéfice net peuvent être moins sensibles que les marges brutes aux différences, pour ce qui est de l’étendue et de la complexité des fonctions, ainsi qu’aux différences de niveau de risque (à supposer que l’attribution contractuelle des risques soit faite sous le régime de pleine concurrence), mais plus sensibles que la méthode du prix de revient majoré ou que la méthode du prix de revente aux différences, en ce qui concerne l’utilisation de la capacité, parce que les différences de niveau d’absorption des coûts fixes indirects se sont pas reflétées dans les différences de prix. En outre, les indicateurs de bénéfice net peuvent être directement affectés par les facteurs suivants dans le cadre de la branche d’activité : la menace de nouvelles entrées sur le marché, la position concurrentielle, l’efficacité de la gestion et les stratégies individuelles, la menace des produits de substitution, la structure variable des coûts (obsolescence des équipements, par exemple), les différences quant au coût du capital (auto-financement ou emprunt, par exemple) et l’expérience commerciale (démarrage ou maturité de l’activité, par exemple). Chacun de ces facteurs fait intervenir à son tour un grand nombre d’autres éléments. C’est ainsi que l’intensité de la menace de nouvelles entrées sur le marché sera fonction d’éléments tels que la différenciation des produits, les besoins en capital, les subventions gouvernementales et les réglementations applicables. La cohérence des mesures effectuées constitue un autre aspect important de la comparabilité. Les indicateurs de bénéfice net de l’entreprise associée et ceux de l’entreprise indépendante doivent être mesurés d’une façon cohérente. En outre, il peut exister, dans le traitement des dépenses d’exploitation et des autres dépenses des différentes entreprises, des différences influant sur les bénéfices nets, par exemple en ce qui concerne l’amortissement, les réserves ou les provisions, dont il faudrait tenir compte pour parvenir à une comparabilité acceptable. Enfin, la méthode transactionnelle de la marge nette n’est probablement pas fiable si chaque partie à une opération effectue des contributions uniques de grande valeur[34].

 

Le critère jurisprudentiel

 

[156]     Le critère à utiliser pour décider si le prix de l’appelante était acceptable pour l’application des dispositions relatives à la détermination du prix de transfert est énoncé au paragraphe 69 de la décision que la Cour d’appel fédérale vient de rendre dans l’affaire GlaxoSmithKline Inc. c. La Reine[35] (Glaxo). Le juge Nadon se fonde sur la décision rendue par la Cour de l’Échiquier dans l’affaire Gabco Limited c. Minister of National Revenue, où le juge Cattanach a fait l’observation suivante :

 

[traduction] Il s’agit non pas que le ministre ou notre cour substitue son jugement à celui du contribuable lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’est un paiement raisonnable, mais plutôt que le ministre ou la Cour arrive à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à verser une telle somme en n’ayant à l’esprit que les intérêts commerciaux de l’appelante[36].

 

 

[157]     En appliquant ce critère, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes au paragraphe 73 de l’arrêt Glaxo :

 

73        À mon avis, le critère posé dans la décision Gabco, précitée, nous oblige à vérifier les circonstances qu’un acheteur sans lien de dépendance se trouvant dans la situation de l’appelante jugerait pertinentes pour décider s’il serait prêt à payer le prix que l’appelante a payé[37] [...]

 

La cour a ajouté ce qui suit au paragraphe 74 :

 

74        […] En d’autres termes, le critère prévu au paragraphe 69(2) [maintenant alinéas 247(2)a) et c)] ne s’applique pas indépendamment de la réalité du monde des affaires dans lequel l’opération conclue par les parties s’inscrit[38].

 

[158]     Il ressort clairement de la grille d’analyse établie par la Cour d’appel fédérale par l’arrêt Glaxo que l’analyse est fortement axée sur les faits et qu’elle est effectuée au regard des principes commerciaux fondamentaux, ou de la « réalité du monde des affaires », pour reprendre l’expression de la Cour d’appel fédérale.

 

[159]     Par conséquent, peu importe la méthode utilisée parmi les différentes méthodes de la hiérarchie susmentionnées que l’OCDE a énoncées, le critère appelle l’examen de tous les facteurs pertinents que la personne d’affaires raisonnable placée dans la même situation que l’appelante prendrait en considération.

 

[160]     Il importe de noter qu’il ne faut pas omettre de tenir compte de facteurs ou de circonstances qui existent uniquement par suite de l’existence d’un lien de dépendance entre les parties; sinon, l’homme d’affaires raisonnable ne sera pas entièrement placé dans la même situation que l’appelante. C’est ce qui ressort de l’affaire Glaxo.

 

[161]     Dans ses Principes, l’OCDE désigne les facteurs pertinents sous le nom de « facteurs de comparabilité » et inclut les catégories suivantes de facteurs à prendre en considération :

 

1.       Les caractéristiques des biens ou services achetés ou vendus : toute différence peut indiquer une différence de valeur;

 

          2.       Les fonctions telles qu’elles sont définies par les parties à l’opération, c’est‑à‑dire qui fait quoi, compte tenu des éléments d’actif utilisés et des risques assumés?

 

          3.       Les modalités du contrat conclu entre les parties;

 

          4.       Les circonstances économiques des parties : Sur quel marché opèrent‑elles et quelles sont les différences?

 

          5.       Les stratégies commerciales adoptées par les parties[39].

 

[162]     Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, étant donné qu’il faut examiner tous les facteurs pertinents. Par l’arrêt Glaxo, la Cour d’appel fédérale a décidé que la Cour de l’impôt devait tenir compte d’un contrat de licence conclu entre des personnes ayant entre elles un lien de dépendance ainsi que du contrat que ces dernières avaient conclu entre elles[40]. Dans l’arrêt Capital Générale Électrique du Canada Inc., la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’aucune erreur de droit n’avait été commise lorsqu’il avait été tenu compte du fait que l’appelante, dans cette affaire‑là, en sa qualité de filiale de sa société mère plus importante, se trouvait dans une situation où ses dettes bancaires étaient implicitement garanties par la société mère[41].

 

[163]     Bref, par « toutes les circonstances », on entend « toutes » les circonstances dans lesquelles un appelant se trouve avant qu’un homme d’affaires raisonnable soit placé dans la même situation que lui.

 

[164]     Aux paragraphes 36 et 37 de la circulaire d’information 87‑2R, l’Agence du revenu du Canada (le « ministère ») dit qu’ « on devrait idéalement appliquer le principe de pleine concurrence à chaque opération. Par conséquent, le contribuable devrait établir ses prix de transfert séparément pour chaque opération qu’il effectue avec une partie ayant un lien de dépendance. Cette détermination distincte permet généralement d’établir une estimation aussi fiable que possible d’un prix de transfert de pleine concurrence ». Toutefois, le ministère reconnaît, au paragraphe 37, que dans certains cas, les opérations sont si étroitement liées qu’elles ne peuvent pas être évaluées séparément de façon appropriée et qu’il peut alors s’avérer nécessaire de les combiner.

 

[165]     Le ministère reconnaît en outre que le regroupement ou le fractionnement des opérations aux fins de la détermination du prix de pleine concurrence ne change pas la qualification des opérations au fond[42].

 

[166]     Selon moi, cela veut clairement dire qu’il est préférable et plus fiable de fractionner des produits ou services lorsqu’il existe des données permettant de les évaluer séparément. Par exemple, si une personne vend des pommes et des oranges et n’achète que des pommes d’une personne avec qui elle a un lien de dépendance, on peut évaluer un prix de transfert distinct pour les pommes au lieu de combiner les deux produits. Dans notre cas, nous pouvons séparer le montage des autres services fournis par APCI et de la fabrication effectuée par l’appelante, ce qui nous permet de comparer le même service.

 

[167]     Bien entendu, le choix de la méthode de détermination des prix la plus appropriée dépend en grande partie de l’évaluation de la comparabilité des opérations[43].

 

[168]     Le ministère reconnaît que la détermination des prix de transfert n’est pas une science exacte et que l’application de la méthode la plus appropriée peut résulter en une « grille » de résultats[44]. On se fondera sur les faits et circonstances de chaque cas pour déterminer un intervalle ou un élément de l’intervalle qui constitue l’estimation la plus fiable d’un prix de transfert de pleine concurrence.

 

Les méthodes de détermination des prix

 

[169]     La Loi elle‑même ne prévoit pas d’obligation d’utiliser certaines méthodes et n’impose pas expressément une hiérarchie de méthodes à utiliser pour respecter le principe de pleine concurrence[45], mais les Principes de l’OCDE précisent clairement qu’il faut de préférence utiliser les méthodes traditionnellement fondées sur les transactions plutôt que les méthodes transactionnelles de bénéfices, soit une position que le ministère appuie[46].

 

[170]     Selon les circonstances, la méthode la plus appropriée est celle qui offre le degré le plus élevé de comparabilité entre les opérations. Une fois que le contribuable a établi la comparabilité à un certain niveau dans l’ordre hiérarchique des méthodes, il n’est pas tenu de considérer ou d’appliquer une méthode de rang inférieur. Si, par contre, le contribuable n’arrive pas à établir la comparabilité avec une méthode de quelque niveau hiérarchique que ce soit, il doit envisager les autres méthodes pour sélectionner la plus appropriée[47].

 

[171]     Il ressort également clairement des Principes applicables en matière de prix de transfert de l’OCDE qu’il faut accorder la primauté ou la préférence à l’application de la méthode du PCML, suivie des autres méthodes traditionnelles fondées sur les transactions, plutôt qu’aux méthodes transactionnelles de bénéfices. Il importe de souligner qu’en l’absence d’éléments de preuve utiles d’opération non contrôlée, il faudra utiliser une autre méthode. Toutefois, il ressort des Principes de l’OCDE qu’il ne convient pas d’utiliser d’autres méthodes pour la simple raison qu’il est difficile d’obtenir des données concernant des opérations non contrôlées, et indiquent bien que l’on doit s’efforcer d’apporter les ajustements nécessaires aux données, de façon à pouvoir les utiliser dans la méthode du PCML. Étant donné que la meilleure méthode est celle du PCML, l’OCDE conseille aux parties d’essayer de repérer, si possible, des opérations non contrôlées comparables[48].

 

[172]     La méthode du PCML consiste à comparer le prix demandé dans une opération contrôlée (c’est‑à‑dire entre des parties ayant entre elles un lien de dépendance) et le prix demandé pour une opération non contrôlée comparable (entre des parties sans lien de dépendance), en comparant les opérations entre l’une des parties ayant un lien de dépendance et une partie sans lien de dépendance (« comparables internes ») ou les opérations entre deux parties sans lien de dépendance (« comparables externes »)[49].

 

[173]     La méthode du PCML permet d’obtenir le degré de comparabilité le plus élevé de toutes les méthodes parce qu’elle met directement l’accent sur le prix d’une opération et qu’elle exige une comparabilité des fonctions et des produits[50]. Cependant, il faudra peut‑être utiliser d’autres méthodes traditionnelles fondées sur les transactions lorsqu’il n’y a pas suffisamment de renseignements de qualité au sujet d’opérations non contrôlées ou qu’il n’est pas possible de qualifier d’une façon fiable les différences entre les opérations contrôlées et les opérations non contrôlées. Le même raisonnement vaut pour à la fourniture de services intra‑groupe, comme c’est clairement ici le cas[51].

 

[174]     Au paragraphe 64 de la circulaire d’information 87‑2R, le ministère réitère que la méthode du PCML constitue la meilleure preuve qui soit d’un prix de pleine concurrence et explique en outre qu’il peut y avoir un PCML lorsque « le contribuable ou un autre membre du groupe vend à des parties n’ayant aucun lien de dépendance des quantités similaires d’un produit [ou de services], selon des modalités similaires et sur des marchés similaires (comparable interne) »[52].

 

[175]     Comme il en a été fait mention, l’utilisation des méthodes transactionnelles de bénéfices ne doit généralement être envisagée qu’en dernier ressort, lorsqu’aucune donnée de qualité n’est disponible en vue de permettre l’application des méthodes traditionnelles fondées sur les transactions ou que des différences importantes entre les données empêchent d’effectuer des ajustements.  

 

[176]     Lorsqu’il existe des doutes quant à la fiabilité des résultats obtenus selon une méthode donnée, le contribuable devrait confirmer ces résultats en appliquant une autre méthode, l’idée étant que les méthodes recommandées devraient avoir une certaine cohérence quant à leurs résultats[53].

 

[177]     Cette « vérification » des méthodes est uniquement nécessaire, à mon avis, s’il est raisonnable de douter de la fiabilité du résultat. Dans la décision Capital Générale Électrique du Canada Inc., il a été conclu, avec raison, que l’omission de procéder à une vérification n’était pas fatale[54].

 

[178]     En l’espèce, l’appelante se fonde sur la méthode du PCML, alors que l’intimée se fonde sur la MTMN, soit la méthode généralement considérée comme la moins fiable et celle qui se situe au bas de l’échelle.

 

Analyse

 

Les opinions des experts

 

[179]     Chaque partie a cité un expert clairement compétent pour exprimer une opinion d’expert sur les questions de détermination des prix de transfert et on peut affirmer sans risque de se tromper, après avoir examiné tous les éléments pertinents, que les experts, à savoir M. Wall pour le compte de l’appelante et Mme Wright pour le compte de l’intimée, ne s’entendaient absolument pas sur leurs conclusions ou sur la méthode de détermination des prix à utiliser.

 

[180]     Chaque expert a reconnu les méthodes de détermination des prix susceptibles d’être prises en considération en vertu des règles canadiennes de détermination des prix de transfert, conformément à la circulaire d’information 87‑2R, et évoqué la hiérarchie naturelle de ces méthodes et de leur application, questions que j’ai abordées dans ma discussion du droit en matière de détermination de prix de transfert. Il importe de noter que l’approche adoptée par M. Wall était compatible avec la hiérarchie naturelle mentionnée par le ministre, à commencer par l’application de la méthode du PCML comme méthode la plus fiable, jusqu’à la méthode transactionnelle de la marge nette, la méthode la moins fiable. En revanche, Mme Wright prenait en substance la position selon laquelle la méthode du PCML et d’autres méthodes situées à un niveau plus élevé de la hiérarchie ne s’appliquaient pas et qu’elle est directement allée au bas de la liste pour utiliser la MTMN.

 

[181]     Le témoignage de chaque expert reconnaissait la position prise par le ministère, telle qu’elle est énoncée dans la circulaire d’information 87‑2R, à savoir qu’un certain nombre de facteurs ont une incidence sur le niveau de comparabilité des opérations, comme les caractéristiques du produit ou du service, les fonctions exercées (compte tenu des risques assumés et des actifs incorporels), les modalités du contrat, les circonstances économiques et les stratégies commerciales des parties; et, bien sûr, les deux experts ont tiré des conclusions opposées[55].

 

[182]     Dans son rapport, M. Wall a tiré les conclusions suivantes :

 

[traduction]

 

1.         La méthode du PCML interne est la méthode de détermination des prix de transfert la plus acceptable et la plus fiable. Cela dit, le prix réel qu’APCI demandait d’AP Circuits est un prix de pleine concurrence;

 

2.         La méthode du PCML externe est pertinente et, tout bien pesé, s’avère être une méthode fiable. Ces renseignements sont utilisés de préférence à titre d’appui à la méthode du PCML interne;

 

3.         L’explication et l’analyse de Mme Bruce, en ce qui concerne l’utilisation de la méthode du prix de revient majoré pour l’exercice 1999, et l’explication de M. Laudano [l’économiste interne de l’ARC], en ce qui concerne le rejet de la méthode du prix de revient majoré, semblent insuffisantes ou insatisfaisantes. On ne sait trop pourquoi Mme Bruce [la vérificatrice de l’ARC] est passée à la MTMN pour les exercices 2000 et 2001;

 

4.         Dans la partie I de l’analyse de la MTMN, dans le présent rapport, il est conclu qu’AP Circuits (et non APCI) pourrait être la « moins complexe ». La partie II indique la conclusion à laquelle l’intimée aurait pu arriver si elle avait choisi AP Circuits (plutôt qu’APCI) à titre de partie évaluée. Ainsi, il  semble que la marge d’exploitation d’AP Circuits ait été située dans l’intervalle de pleine concurrence défini par douze sociétés qui fabriquent des cartes de circuit imprimé vierges. La chose est faite uniquement à titre d’exemple et ne devrait pas être considérée comme permettant de conclure que la méthode privilégiée est la MTMN, ou comme justifiant le recours à cette méthode.

 

[183]     Lors du contre‑interrogatoire, l’intimée a clairement fait savoir qu’elle rejetait ces conclusions et elle a attaqué, d’une façon générale, l’analyse que M. Wall avait effectuée à l’appui de ses conclusions ainsi que le bien‑fondé des hypothèses fondamentales émises par M. Wall. Plus précisément, l’intimée a soutenu qu’en appliquant l’analyse du PCML en particulier, M. Wall avait séparé d’une façon inappropriée les frais de montage de base des frais au pouce carré ou de la prime, selon la description qui en était faite dans l’analyse fonctionnelle, l’intimée prenant pour position que les deux types de frais faisaient partie des frais de montage. Il importe de souligner que, dans son analyse, Mme Wright a également émis la même hypothèse, en rejetant la méthode du PCML de détermination des prix, et a également supposé que l’appelante pouvait remplir une partie de la fonction de montage et qu’elle le faisait effectivement de temps en temps. J’ai déjà parlé ci‑dessus de ces divergences d’opinion quant aux hypothèses de fait et je tiens à réitérer que je retiens à la position de l’appelante sur ce point. Par conséquent, il va de soi que l’expert de l’intimée se trompait en acceptant pareilles hypothèses dans son rapport, et son rapport est donc fort suspect.

 

La méthode du PCML interne

 

[184]     Quant à sa première conclusion, M. Wall a affirmé, compte tenu du fait que certains éléments de preuve indiquaient que les prix que l’appelante facturait à ses clients sans lien de dépendance étaient les mêmes que ceux qu’APCI facturait, qu’il s’agissait d’opérations pertinentes et qu’elles étaient donc des comparables internes. L’intimée a soutenu que les niveaux de marché ou de comparabilité économique n’étaient pas les mêmes, en ce sens que l’appelante était un fabricant et qu’APCI fournissait uniquement des services de montage, de sorte qu’une opération pertinente ne serait qu’une opération conclue entre APCI, à titre de vendeur, et un fabricant sans lien de dépendance ou entre l’appelante, à titre d’acheteur, et un fournisseur de services de montage sans lien de dépendance. Madame Wright, qui souscrivait également à l’approche fondée sur la hiérarchie, a déclaré que la méthode du PCML est la meilleure si elle peut s’appliquer, mais elle a conclu que cette méthode ne s’appliquait pas en l’espèce. Elle a dit qu’il n’y avait pas de PCML interne parce qu’au cours de la période ici en cause, APCI ne vendait pas de services de montage à une partie sans lien de dépendance et que l’appelante n’achetait pas de services de montage d’une partie sans lien de dépendance.

 

[185]     Avec égards, la thèse de l’intimée comporte plusieurs points faibles. Premièrement, l’appelante et APCI assuraient les mêmes services, à mon avis, puisque l’appelante ne fabriquait pas simplement des cartes de circuit imprimé mais qu’elle fournissait en fait également des services de montage à ses clients sans lien de dépendance, comme elle l’annonçait sur son site Web. Même si elle sous‑traitait possiblement ces services, l’appelante vendait néanmoins ces services à des clients sans lien de dépendance sur le marché libre, elle facturait à ces clients les services de montage à titre d’élément distinct, et elle était responsable envers ces clients de la qualité des services fournis.

 

[186]     Deuxièmement, le fait qu’APCI assurait au même prix ces mêmes services aux mêmes clients sans lien de dépendance, même s’il s’agissait des clients nord‑américains de l’appelante, permet de conclure que les deux sociétés opéraient sur le même marché économique. Je souligne que l’avocat de l’intimée a soutenu devant M. Wall que les règles de détermination des prix de transfert doivent exister dans le contexte de ce qui est logique sur le plan commercial. À mon avis, il est tout à fait logique sur le plan commercial de traiter les services fournis à un client qui sont sous‑traités sur le même marché comme s’ils étaient directement assurés au client. Ce qui est nécessaire, c’est l’examen des ventes internes, par un membre d’un groupe ou par le groupe collectivement, qui vend à des clients sans lien de dépendance sur le même marché économique, soit dans ce cas‑ci sur le marché nord‑américain. En concluant en sens contraire, on accepterait qu’il ne peut jamais y avoir de PCML interne lorsqu’une société liée fournit des services à un membre faisant partie de son groupe ou fabrique un produit uniquement pour un tel membre.

 

[187]     En outre, le ministère accepte clairement cette position par sa définition du PCML interne, au paragraphe 64 de la circulaire d’information 82‑2R :

 

64        La méthode du PCML fournit la meilleure preuve qui soit d’un prix de transfert de pleine concurrence. Il peut y avoir un PCML lorsque, selon le cas :

 

·        le contribuable ou un autre membre du groupe vend à des parties n’ayant aucun lien de dépendance des quantités similaires d’un produit, selon des modalités similaires et sur des marchés similaires (comparable interne);[56]

[Je souligne.]

 

[188]     Le témoin expert de l’intimée fait clairement erreur lorsqu’il déclare qu’afin de trouver un PCML interne, APCI doit avoir conclu la vente avec une partie sans lien de dépendance. Selon le texte du paragraphe précité, la vente peut être conclue par le contribuable ou par un autre membre du groupe. Par conséquent, si la question est évaluée du point de vue d’APCI, l’autre membre du groupe est l’appelante, qui vend clairement des services de montage à des clients sans lien de dépendance. Si la question est considérée selon la perspective de l’appelante, cette dernière est en soi le « contribuable » qui vend clairement le même service à des clients n’ayant aucun lien de dépendance.

 

[189]     Troisièmement, la question qui préoccupe l’intimée, à savoir que l’appelante et APCI ne sont pas placées dans des circonstances économiques similaires parce qu’elles exercent leurs activités à différents niveaux du marché, a également été exprimée dans l’hypothèse selon laquelle APCI était un fournisseur de services qui assurait la fonction de montage, alors que l’appelante était en fait le distributeur de ces services, ce qui, bien sûr, est une description exacte de l’entente. Madame Wright, en faisant remarquer que les mêmes prix étaient demandés aux deux niveaux, a indiqué qu’il faut se demander pourquoi l’appelante renoncerait aux bénéfices au niveau du montage, qui comme elle l’a indiqué représentait environ 40 p. 100 de la marge brute, et qu’elle ne demanderait pas un prix plus élevé pour la distribution. Si le critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Glaxo est utilisé, la question peut être reformulée simplement comme suit : Pourquoi un homme d’affaires raisonnable qui serait placé dans la même situation que l’appelante paierait‑il le même prix[57]?

 

[190]     Selon les preuves, la réponse est que les Bamber s’y connaissaient en matière de fabrication, mais qu’ils possédaient peu de connaissances ou d’aptitudes en matière d’utilisation de logiciels, qu’ils avaient peu de savoir‑faire dans ce domaine et qu’ils comptaient fortement sur M. McMuldroch. Le fait qu’ils sous‑traitaient la fonction de montage, un procédé qui était manuel lorsqu’ils ont lancé l’entreprise mais qui est devenu un procédé plus sophistiqué comportant le développement et l’utilisation de logiciels personnalisés, les obligeait à recourir aux services de personnes tels que M. McMuldroch, qui leur permettait de se concentrer sur leur entreprise principale de fabrication tout en exerçant néanmoins un contrôle sur le client en fournissant à celui‑ci le service de montage et le produit de la fabrication. Il ressort des éléments de preuve que les ventes de l’appelante avaient monté en flèche à la suite de cet arrangement. De plus, les Bamber avaient, en substance, conclu un arrangement qui leur permettait de conserver la totalité des bénéfices tirés de la fabrication, tout en obtenant les deux tiers des bénéfices d’APCI, conformément au marché conclu. Cela dit, il est difficile d’imaginer pourquoi un homme d’affaires raisonnable n’accepterait pas que le même prix soit demandé aux différents niveaux de marché. À vrai dire, compte tenu de la marge de bénéfice brut de l’appelante avant l’installation de l’entreprise à la Barbade, laquelle selon les calculs de Mme Wright s’élevait à 45 p. 100, il semblerait que les Bamber touchaient 75 p. 100 de ce montant (à cause du pourcentage de leur participation) ou 33 p. 100 des marges brutes, alors qu’en vertu du nouvel arrangement, ils touchaient environ 32 p. 100 (les 5 p. 100 des bénéfices bruts de fabrication et 66,67 p. 100 (soit les deux tiers) des marges de service, de 40 p. 100). Toutefois, compte tenu du volume beaucoup plus élevé des ventes de fabrication et par conséquent de l’expansion des services de montage, la part du gâteau était plus grosse et ils y gagnaient. Je conclus que les raisons susmentionnées répondent à elles seules aux réserves de Mme Wright, mais j’aimerais ajouter que le fait de ne pas perdre les précieux services de M. McMuldroch était également un facteur important.

 

[191]     Quatrièmement, la thèse de l’intimée, à savoir que le recours par l’appelante au PCML interne (qui comporte le « fractionnement » d’une opération ou la séparation des composantes « fabrication » et « montage ») constitue une violation fondamentale du principe interdisant le fractionnement des composantes du prix d’une opération, semblait être fondée sur une interprétation erronée de ce qu’étaient les opérations et semble ne pas tenir compte de la position prise par le ministère et par l’OCDE. Comme il en a ci‑dessus été fait mention, le ministère ne voit pas d’inconvénient au fractionnement des opérations et, en fait, indique clairement qu’il préfère séparer les composantes d’une opération lorsqu’il existe des données de qualité permettant de fixer le prix d’opérations distinctes[58]. De fait, ce n’est que dans le cas où pareilles données ne sont pas disponibles que les opérations doivent être regroupées, suivant la circulaire d’information. En l’espèce, l’appelante vend les produits fabriqués (les cartes de circuit imprimé) et le service de montage. Elle établit le prix des deux composantes séparément, comme le montrent les factures qu’elle envoie aux clients avec lesquels elle n’a pas de lien de dépendance, et comme elle l’annonce sur son site Web, où la méthode de détermination des prix des deux composantes est clairement énoncée. Il va de soi que si le contribuable vend une pomme et une orange à une partie sans lien de dépendance, il devrait être plus facile de vérifier séparément le prix des composantes. À vrai dire, l’intimée semble ne pas tenir compte de la position qui est prise dans la circulaire d’information ainsi que de sa propre thèse, à savoir que ce qui est fait doit être logique sur le plan commercial, comme l’a fait remarquer Mme Wright.

 

[192]     Enfin, même si l’intimée réussissait à démontrer que le regroupement des composantes distinctes était un outil de commercialisation menant à l’établissement d’un prix pondéré indivisible ou que les différents niveaux de marché du fournisseur et du distributeur devraient, eu égard aux faits, justifier un prix différent, il me semble qu’il s’agirait des différences mêmes, dans les facteurs de comparabilité, à l’égard desquelles les parties sont tenues d’effectuer si possible des redressements selon le procédé accepté. De même, les différences qui existent, selon l’intimée, dans les facteurs de comparabilité du risque assumé et des actifs incorporels détenus, ainsi que les différences fonctionnelles susmentionnées dont l’intimée a initialement allégué l’existence sont dans tous les cas des différences qui auraient dû être prises en considération et débattues dans le contexte des redressements à apporter au PCML interne dans ce cas‑ci. Je reviendrai plus loin dans mon analyse sur ces autres différences étant donné qu’elles sont plus pertinentes lorsqu’il s’agit de décider de la partie devant être évaluée selon la MTMN que selon la méthode du PCML, qui met l’accent sur le prix. Le problème que présente la thèse de l’intimée, en ce qui concerne le recours au PCML, est qu’elle n’a pas tenté d’analyser l’applicabilité du PCML ou les différences dans les facteurs afin de déterminer, le cas échéant, les redressements à apporter aux prix utilisés qui pourraient être justifiés. Il s’agit là d’un abandon fondamental des tâches lui incombant selon les règles de détermination des prix de transfert.

 

[193]     Après avoir procédé à l’analyse des facteurs de comparabilité, dont une copie est jointe à l’annexe A des présents motifs, M. Wall a conclu ainsi :

 

[traduction]

 

Les renseignements et l’analyse susmentionnés montrent, conformément à la définition du PCML interne, qu’AP Circuits vendait le même montage de base en tant que composant de la carte de circuit imprimé vierge, dans les mêmes quantités et aux mêmes conditions, à des parties sans lien de dépendance, sur les mêmes marchés. Il était donc raisonnable pour AP Circuits de se fonder sur cette opération pour établir le prix des services de montage de base qu’elle achetait d’APCI et de conclure que le montant payé représentait un prix de pleine concurrence.

 

La définition d’un PCML interne figurant au paragraphe 64 de la circulaire d’information 87‑2R fait mention de la comparaison d’aspects similaires, mais il importe de noter que la comparaison susmentionnée montre que les opérations sont les mêmes pour tous les facteurs, ce qui constitue un niveau plus élevé de comparabilité.

 

[194]     Selon moi, il est important de souligner que M. Wall a trouvé des comparaisons identiques et non simplement des comparaisons similaires. Monsieur Wall a examiné les factures que l’appelante envoyait aux clients avec qui elle n’avait aucun lien de dépendance, et il a également examiné les factures qu’APCI envoyait à l’appelante, lesquelles contenaient des conditions correspondantes dans la description des frais de montage et des suppléments, ainsi que dans les modalités de paiement. De plus, M. Wall a analysé les conditions énoncées sur le site Web de l’appelante au moment pertinent, lesquelles étaient également les mêmes. Le site Web fournit une preuve additionnelle indiquant que le public bénéficiait des taux annoncés. M. Wall a également conclu qu’étant donné que l’appelante était l’unique client d’APCI, le volume des services que cette dernière fournissait (le nombre de montages) était identique au volume que l’appelante vendait à ses clients. Je retiens à l’analyse de M. Wall.

 

[195]     Bien sûr, l’intimée ne s’est pas fondée sur cette méthode et elle ne s’est tout simplement pas efforcée d’en tenir compte, malgré la hiérarchie claire des méthodes et le fait que l’application de la méthode du PCML est privilégiée, en particulier en ce qui concerne la fourniture de services. Il est clair que l’ARC savait que ces comparaisons internes se rapportaient à des opérations pertinentes, mais elle n’a pas procédé à une enquête ou à une analyse plus approfondies en vue de les vérifier. Comme M. Wall l’a souligné, au cours des entrevues qui ont eu lieu dans les bureaux de l’appelante le 15 novembre 2001, M. Sell, de l’ARC, a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

J’ai alors souligné qu’APCI recevait le même montant que celui qu’APC [AP Circuits] demandait de ses clients et qu’APCI avait reçu ce renseignement[59].

 

[196]     Au cours de son interrogatoire préalable qui a eu lieu le 15 octobre 2009, Mme Bruce, de l’ARC, a confirmé n’avoir jamais examiné les factures pour déterminer si elles étaient les mêmes, bien qu’elle eût convenu que la méthode à suivre aurait consisté à sortir les factures et à vérifier si les faits étaient exacts, c’est‑à‑dire si les mêmes prix étaient demandés.

 

[197]     Dans son rapport, M. Laudano, l’économiste de l’ARC, est allé jusqu’à déclarer ce qui suit :

 

[traduction]

 

D’après les renseignements fournis, rien ne montre l’existence d’un PCML, interne ou externe.

 

Monsieur Laudano n’a pas expliqué plus en détail pourquoi l’opération n’était pas admissible à titre de PCML interne.

 

[198]     Il semble, pour employer une expression courante, que l’ARC n’ait tout simplement pas tenu compte des opérations et qu’elle ait « baissé les bras ». Il ressort des éléments de preuve que l’appelante avait clairement fourni bon nombre de renseignements et de données, lesquels étaient suffisants pour identifier toutes les factures établies entre l’appelante et ses clients au cours des années d’imposition ici en cause, ainsi qu’au cours des années antérieures et ultérieures, afin de démontrer la cohérence, et elle avait également fourni les mémorandums et les factures établis entre APCI et elle‑même. L’intimée a simplement décidé de ne pas les analyser elle‑même.

 

[199]     Les taux publiés étaient facilement disponibles sur le site Web de l’appelante et cela en soi aurait pu servir de base pour vérifier les modalités des contrats annuels qui étaient en la possession de l’ARC. L’intimée a encore une fois omis de tenir compte de ces renseignements.

 

[200]     En conclusion, selon moi, les règles de détermination des prix de transfert, les politiques et procédés énoncés dans les Principes de l’OCDE et la circulaire d’information 87‑2R du ministère indiquent clairement une préférence marquée pour le recours aux méthodes situées au sommet  de la hiérarchie avant l’utilisation de méthodes situées à un échelon inférieur et privilégient le redressement des prix lorsque les facteurs de comparabilité justifient une différence de prix. En l’espèce, il ressort clairement des preuves qu’il existait des PCML internes et que l’intimée a omis d’en tenir compte sans motif valable. Je conclus que l’utilisation par l’appelante du PCML interne était acceptable et que cela faisait clairement partie des mécanismes privilégiés énoncés dans les règles et que l’intimée n’a pas justifié les redressements effectués lorsque l’appelante affirmait que les prix payés à APCI pour les services de montage, basés sur les taux fixes qui étaient demandés, étaient des prix de pleine concurrence. Par conséquent, 77,99 p. 100 de tous les montants que l’appelante a versés à APCI se rapportaient uniquement à des services de montage et ils étaient acceptables en tant que prix qu’une partie sans lien de dépendance aurait payés. Nous reviendrons plus loin sur le solde des frais que l’appelante a versés à APCI, c’est‑à‑dire les 22,01 p. 100 restants.

 

Le PCML externe servant à vérifier le PCML interne

 

[201]     Comme l’enseigne la Cour d’appel fédérale par l’arrêt Capital Générale Électrique du Canada Inc., il n’est pas nécessaire qu’une méthode, si elle est utilisée, soit vérifiée et, à mon avis, les règles de détermination des prix de transfert montrent clairement qu’une fois que la méthode située au haut de la hiérarchie s’applique et qu’elle est utilisée, l’appelante n’a pas à en faire plus[60]. Toutefois, conformément à l’idée des Principes de l’OCDE, à savoir que différentes méthodes doivent produire des résultats cohérents et, par conséquent, renforcer la conclusion initiale, je note que M. Wall a également procédé à l’analyse à l’aide de la méthode du PCML externe, qui consiste à comparer les prix entre des parties sans lien de dépendance, et qu’il a notamment examiné le comparable externe, à savoir Star Electronics, Corp., que l’appelante a désignée dans l’analyse fonctionnelle qu’elle avait soumise à l’ARC.

 

[202]     En ce qui concerne Star Electronics, Corp., M. Wall a procédé à une analyse des facteurs de comparabilité, non seulement à l’aide des renseignements figurant dans la lettre que cette société avait produite, mais aussi au moyen d’une recherche approfondie sur le site Web de Star Electronics, Corp., analyse dont les résultats sont énoncés à l’annexe B jointe aux présents motifs, et qu’il a tiré les conclusions suivantes, à la page 33 de son rapport d’expert :

 

[traduction]

 

Les renseignements et l’analyse susmentionnés montrent, suivant la définition du PCML externe, qu’AP Circuits vendait le même produit que Star Electronics, dans des quantités similaires et sur des marchés similaires.

 

La lettre que Star Electronics a produite (voir l’onglet 18) indique qu’en 1999, elle demandait un prix allant de 100 à 125 $US, ce qui est beaucoup plus élevé que le prix de 46 $US qu’AP Circuits facturait à ses clients en 1999 (onglet 17). Malheureusement, aucun renseignement supplémentaire ne corrobore les renseignements que Star Electronics a fournis, de sorte qu’ils sont moins fiables. Toutefois, il n’y a par ailleurs aucun renseignement qui les contredit, ce qui indique que ces renseignements peuvent néanmoins être utilisés.

 

En général, à moins qu’il n’existe des raisons précises permettant d’exclure les données des tiers, mais non des raisons suffisantes pour se fonder sur ces données comme méthode primaire, les renseignements sont souvent utilisés pour justifier le prix de pleine concurrence ou l’intervalle défini par une autre méthode de détermination des prix de transfert plus fiable.

 

[203]     L’intimée a vigoureusement rejeté la conclusion de M. Wall, à savoir qu’étant donné qu’aucun renseignement ne contredisait la fiabilité des renseignements de Star Electronics, Corp., ces derniers renseignements devaient être considérés comme fiables; je dois retenir à l’avis de l’intimée sur ce point. Des mesures raisonnables doivent être prises pour vérifier la fiabilité du PCML externe proposé, non seulement par la partie qui affirme qu’il s’applique, mais aussi par la partie qui le conteste. En l’espèce, l’intimée et son témoin expert rejettent encore une fois la possibilité d’utiliser les chiffres de Star Electronics, Corp. à titre de PCML externe, et ils le font pour le seul motif que la lettre de Star Electronics, Corp. ne renferme pas suffisamment de renseignements, sans même tenter de vérifier la véracité ou les lacunes des renseignements. D’autre part, le témoin expert de l’appelante a procédé à une enquête plus approfondie de Star Electronics, Corp. et d’autres concurrents possibles avant d’arriver à ses conclusions.

 

[204]     Il m’est difficile d’accepter le motif pour lequel l’intimée ne s’est pas souciée d’assurer le suivi du comparable porté à son attention et sur lequel l’appelante s’était fondée. L’ARC a encore une fois tout simplement omis de tenir compte de Star Electronics, Corp. en tant que comparable possible, et ce, bien que Mme Bruce eût reconnu, lors de son contre‑interrogatoire, qu’elle savait que, selon l’appelante, Star Electronics, Corp. était [traduction] « un comparable ».

 

[205]     Chose étrange, M. Laudano a tiré la conclusion suivante, à la page 2 de son rapport :

 

[traduction]

 

Selon la position de l’ARC, la méthode que le contribuable a utilisée pour déterminer le prix de pleine concurrence ne convient pas pour l’opération contrôlée conclue entre APCI et APCI.

 

[206]     L’une des deux raisons qui ont été données est que rien n’indiquait ce que Star Electronics, Corp. faisait, ou à quoi ses frais de montage se rapportaient, ou encore comment fonctionnait le procédé utilisé par cette société comparativement à celui de l’appelante et d’APCI. Toutefois, l’intimée ne s’est clairement pas efforcée de trouver ces renseignements, ce qui est tout à fait étonnant, puisqu’ils auraient facilement pu être obtenus, non seulement sur le site Web de la société, comme M. Wall l’a découvert, mais aussi directement de Star Electronics, Corp., qui, dans la lettre mentionnée dans l’analyse fonctionnelle, disait clairement que toute autre question ou réserve sera bien accueuillie. Le nom de la personne‑ressource ainsi que l’adresse et le numéro de téléphone de la société étaient clairement donnés pour que l’ARC puisse communiquer avec la société. J’abonde dans le sens de M. Wall lorsqu’il affirme que les renseignements figurant sur le site Web, tel qu’il existait au moment pertinent, décrivaient les procédés de Star Electronics, son produit, l’utilisation des données et le montage d’une façon suffisamment précise pour qu’une comparaison raisonnable puisse être faite et pour permettre du moins une analyse et une recherche préliminaires de toute différence susceptible d’être utilisée aux fins de redressements.

 

[207]     La seconde raison que M. Laudano a mentionnée lorsqu’il a dit que le PCML externe proposé par l’appelante ne convenait pas était, fondamentalement, qu’un prix indiqué n’avait pas selon lui la force d’un prix négocié et qu’il n’en avait donc pas tenu compte. Il est intéressant de noter que la lettre indique en fait que [traduction] « [le coût de préparation du programme de données panélisées et de cheminement du perçage en 1999 était d’environ] 100 à 125 $ ». Étant donné que la lettre était datée du 11 juillet 2005, une interprétation plus raisonnable aurait été qu’il évoquait le prix réellement demandé des clients en 1999, comme M. Wall l’a soutenu. En outre, compte tenu du montant beaucoup plus élevé demandé par Star Electronics, Corp., à savoir de 100 à 125 $ par opposition aux frais de montage de base de 46 $ demandés par l’appelante, il est sans aucun doute raisonnable de conclure que l’appelante disposait d’une marge de plus de 200 p. 100 en présumant que ses prix étaient concurrentiels par rapport aux soi‑disant « prix indiqués de pleine concurrence » mentionnés et que la chose aurait au moins dû susciter suffisamment d’intérêt pour justifier une enquête plus approfondie.

 

[208]     Il importe de préciser que l’avocat de l’intimée, lorsqu’il a contre‑interrogé M. Wall, a également contesté le recours à la méthode du PCML externe au motif que Star Electronics, Corp., à titre de fournisseur de fonctions de montage et de fabricant de cartes de circuit imprimé, ne pouvait pas être comparée à APCI, qui n’exécutait que des fonctions de montage, et que par déduction nécessaire cette entreprise ne pouvait pas être comparée à l’appelante, qui était chargée de la fabrication. Il m’est difficile de retenir ce raisonnement puisque l’appelante était chargée de la vente de fonctions de montage ainsi que de la fabrication de cartes de circuit imprimé pour des clients sans lien de dépendance. Les deux sociétés exerçaient leurs activités sur le marché nord‑américain et, comme l’indiquait l’analyse de M. Wall, leurs comparables étaient similaires. En outre, selon les règles de détermination des prix de transfert, il suffit que les comparables soient similaires; ils n’ont pas à être nécessairement identiques. Quoi qu’il en soit, je ne comprends toujours pas pourquoi l’intimée hésite à accepter qu’une partie qui n’exécute qu’une seule fonction puisse être comparée à une partie sans lien de dépendance qui exécute plusieurs fonctions, si ces fonctions peuvent être fractionnées, de façon à permettre la comparaison de fonctions identiques, étant donné qu’il s’agit de la méthode recommandée aux paragraphes 36 à 43 susmentionnés de la circulaire d’information 87‑2R.

 

[209]     Il importe de noter que l’analyse de M. Wall ne se limitait pas à Star Electronics. En effet, M. Wall a également effectué des recherches pour les douze concurrents que l’appelante avait fournis à l’ARC, et il a constaté que huit concurrents avaient des sites Web au cours de la période pertinente et que deux de ces huit concurrents avaient publié leurs prix. Monsieur Wall a constaté que les frais de base de ces deux concurrents se situaient dans une fourchette allant de 50 à 75 $, selon qu’une application à simple face ou à double face était faite. Ces frais étaient donc de toute évidence encore plus élevés que le taux de 46 $ demandé par l’appelante et par APCI au cours de la même année. Je conviens que M. Wall a confirmé qu’au mieux l’un des comparables [traduction] « laissait à désirer » mais l’autre comparable était, à son avis, plus valable, et l’intimée n’a pas contesté ce comparable qui, à lui seul aurait donné un PCML externe de 50 $ pour une carte à circuit imprimé à simple face et de 70 $ pour une carte à double face. L’important est que les règles de détermination des prix de transfert exigent que l’on tente d’obtenir des comparables à l’aide de la méthode du PCML, et ce, même s’il est difficile de le faire, et que l’on cherche le plus possible à relever les différences en redressant le prix. Or, il est manifeste que l’intimée n’a pas suivi cette méthode. En outre, il est tout à fait manifeste qu’il y a sur le marché de nombreux concurrents qui auraient pu être comparés, notamment Western Index Manufacturing; le dirigeant de cette société, Jame Malcolm Godfrey, a déclaré lors du procès qu’il demandait environ 120 $ pour des services de montage au cours des années antérieures aux années ici en cause, comme le montrent certaines factures produites en preuve, et qu’en raison de la concurrence sur le marché, les frais de montage étaient demeurés les mêmes au cours des années d’imposition en question. Le témoignage de M. Godfrey ne peut pas être considéré comme étant concluant quant aux taux courants au cours des années d’imposition en question, mais il montre qu’il y avait sur le marché de nombreux concurrents qui auraient pu être évalués et que son prix était dans le même intervalle que celui de Star Electronics, Corp., ce qui rendait l’entreprise encore plus fiable à titre de comparable externe.

 

[210]     Il est intéressant de souligner que M. Wall a simplement obtenu une bonne partie des renseignements concernant ces comparables sur Internet, et que l’ARC aurait de toute évidence également eu ces renseignements à sa disposition.

 

[211]     Il est également intéressant de noter que l’ARC a déployé de grands efforts pour utiliser les sites Web afin d’obtenir et d’analyser des renseignements sur les concurrents lorsqu’elle a appliqué la méthode transactionnelle de la marge nette (« MTMN ») qu’elle privilégie, des concurrents dont le chiffre d’affaires global se situait entre 120 millions et 964 millions de dollars, qui possédaient des actifs d’une valeur de 332 millions à 1 105 milliards de dollars et qui avaient à leur service de 700 à 8 700 employés, au lieu d’utiliser comme comparable Star Electronics, Corp., dont le chiffre d’affaires global s’élevait à huit millions de dollars et qui comptait 70 employés, alors que le chiffre d’affaires global d’APCI était de 2,4 millions de dollars et que la société comptait de cinq à huit employés au cours de la même période. Il semble évident que Star Electronics, Corp. était un comparable beaucoup plus rapproché. Il m’est difficile d’accepter la raison pour laquelle l’ARC n’a pas utilisé des entités plus comparables pour sa propre analyse, mais il m’est encore plus difficile de reconnaître que l’ARC a démontré qu’il existait des comparables appropriés si on les cherchait, mais qu’elle a omis de les utiliser. Le fait que l’ARC chercherait des comparables selon la méthode de détermination des prix de pleine concurrence qui se trouvait au bas de l’échelle au lieu de se fonder sur la méthode se situant au haut de la hiérarchie me laisse pour le moins perplexe.

 

[212]     Je dois maintenant conclure que l’appelante a réussi à me convaincre, en utilisant la méthode du PCML interne vérifiée au moyen de la méthode du PCML externe, que les prix qu’elle payait pour les services de montage étaient compatibles avec les prix demandés entre des parties sans lien de dépendance pour des services de montage. Je me pencherai sur la question du solde des frais que l’appelante a payés à APCI, mais il est selon moi nécessaire de faire d’abord certaines observations au sujet des autres méthodes de détermination des prix dont il a été fait mention dans le cadre du présent procès, en particulier l’utilisation par l’intimée de la MTMN et les réserves que je nourris à cet égard.

 

La méthode transactionnelle de la marge nette (MTMN)

 

[213]     Madame Wright a conclu que la MTMN était la meilleure méthode à suivre puisque les renseignements sur le prix de revient global étaient disponibles.

 

[214]     Bien sûr, Mme Wright a rejeté le recours à la méthode du PCML, interne ou externe, pour les motifs susmentionnés, mais elle a également rejeté la méthode du prix de revient majoré, qui est fondée sur une majoration comparable des bénéfices bruts, au seul motif que les états financiers d’APCI ne renfermaient pas de renseignements permettant d’utiliser la méthode du prix de revient majoré. En d’autres termes, APCI ne séparait pas ses coûts directs de ses coûts d’exploitation globaux, de façon à indiquer le coût des marchandises vendues dans ses états financiers, lequel constitue la base habituelle permettant d’utiliser la méthode du prix de revient majoré. Il est intéressant de noter que M. Laudano, l’économiste interne de l’ARC, a utilisé cette méthode pour l’année d’imposition 1999, en utilisant une majoration de 5 p. 100, sans expliquer ce taux, et qu’il est passé à la MTMN pour les deux autres années en litige, également sans donner d’explications. À vrai dire, étant donné que les états financiers et les livres de comptes d’APCI étaient disponibles, on peut se demander pourquoi ces coûts directs n’auraient pas pu être calculés; de toute évidence, l’ARC et Mme Wright ne se sont pas efforcées ou n’ont pas tenté de le faire. De même, Mme Wright n’a aucunement fait mention de la méthode du prix de revente ou de la méthode du partage des bénéfices, encore une fois sans donner d’explications.

 

[215]     Madame Wright a convenu qu’une fois que la MTMN était choisie, la partie à évaluer devait être celle qui était la plus simple et qu’il faut examiner les fonctions, les risques et les actifs incorporels dont il a ci‑dessus été fait mention pour déterminer la partie la plus simple étant donné que les règles de détermination des prix de transfert exigent que la partie la plus simple soit évaluée selon cette méthode[61]. Monsieur Wall ne conteste pas ce procédé. Madame Wright a indiqué qu’étant donné que l’appelante assumait, selon elle, les risques les plus sérieux, puisque, à son avis c’était elle qui possédait la plupart des actifs incorporels et qui accomplissait toutes les fonctions de fabrication et une partie de la fonction de montage, qu’elle gérait les activités générales de la société, qu’elle développait le marché des cartes de circuit imprimé, qu’elle exécutait toutes les fonctions de commercialisation, de vente et de service à la clientèle et qu’elle s’occupait de la facturation et des expéditions, c’était l’appelante qui était la partie la plus complexe, et qu’en comparaison, APCI était la partie la plus simple. D’autre part, M. Wall a conclu qu’APCI assumait les risques les plus graves puisqu’elle n’avait qu’une seule cliente, l’appelante, et qu’elle possédait des actifs incorporels [traduction] « de grande valeur » et « uniques », à savoir le droit d’auteur sur les logiciels et les améliorations, qu’elle avait le savoir‑faire technique quant à l’utilisation des logiciels et qu’elle accomplissait la fonction de montage, qui était plus complexe, de sorte que l’appelante était la partie la plus simple et celle qu’il fallait évaluer. Il va de soi que les parties ne s’entendent absolument pas sur la question de savoir qui était la partie la plus simple et, par conséquent, celle qu’il fallait évaluer. Je n’ai pas l’intention d’entreprendre une longue analyse du bien‑fondé relatif des positions des deux parties sur ce point. Or, je tiens à dire que je nourris de graves réserves au sujet de certaines hypothèses émises par Mme Wright, sur lesquelles je reviendrai ci‑dessous.

 

[216]     Premièrement, dans son analyse fonctionnelle, Mme Wright a supposé que les frais de montage incluaient les frais au pouce carré payés chaque année et, en outre, que l’appelante avait continué à s’occuper d’une partie du montage, comme il en a ci‑dessus été fait mention, ce qui selon moi n’était pas corroboré par la preuve. Par conséquent, le fait que Mme Wright s’est fondée sur ces deux hypothèses factuelles importantes qui ont été jugées erronées laisse planer des doutes sérieux sur son analyse.

 

[217]     Deuxièmement, l’hypothèse émise par Mme Wright, selon laquelle M. McMuldroch développait directement le logiciel, ou que le logiciel était élaboré sous la supervision de M. McMuldroch pendant qu’il était l’employé de l’appelante, avant de s’installer à la Barbade, et le fait que Mme Wright s’est fondée sur ce qu’APCI ne versait aucun montant à l’appelante pour les droits que cette dernière détenait à l’égard du développement, avant l’installation de l’entreprise à la Barbade, et que l’appelante avait donc [traduction] « donné » les actifs incorporels à APCI, en plus du fait que Mme Wright a affirmé avec insistance que les paiements que l’appelante avait effectués en faveur d’APCI pour que celle‑ci continue à développer le logiciel à la Barbade donnent à entendre que l’appelante avait payé pour le développement et qu’elle en était donc propriétaire, sont tous très sujets à caution. La question de la valeur du logiciel qui a peut-être été donné est une question d’évaluation dont l’ARC n’a apparemment pas jugé nécessaire de tenir compte. Le fait de payer pour le développement et la maintenance d’un logiciel ne se traduit pas nécessairement par un droit de propriété sur cet actif incorporel. À coup sûr, il est certain qu’étant donné que Lavenir était payée pour ses licences de logiciel, la propriété sur ces logiciels n’avait pas encore été transmise à l’appelante ou à APCI. En l’absence de preuve de titre bénéficiaire ou d’un droit réel sur le logiciel, Mme Wright fait des suppositions trop générales au sujet de la propriété de cet actif incorporel. À mon avis, il semble que ce soit APCI plutôt que l’appelante qui ait détenu la propriété du logiciel amélioré en question. En outre, j’abonde dans le sens de M. Wall lorsqu’il affirme que, bien que la liste de clients et l’emplacement où le produit était fabriqué que je considère comme étant l’achalandage aient sans aucun doute appartenu à l’appelante et puisque l’appelante avait initialement mis au point la méthode de série moins coûteuse de fabrication des cartes de circuit imprimé, méthode que d’autres concurrents ont finalement adoptée, il ne s’agit pas d’actifs incorporels [traduction] « uniques » et « de grande valeur », au sens des règles de détermination des prix de transfert; il s’agit plutôt d’actifs incorporels habituels qui ne distinguaient plus l’appelante de ses autres concurrents. J’aurais tout au moins pu conclure qu’APCI ou que l’appelante et APCI ensemble possédaient des actifs incorporels uniques ou de grande valeur ou qu’elles avaient fait apport de ces actifs, et que la MTMN n’était donc pas la meilleure méthode à suivre dans les circonstances. Quoi qu’il en soit, le paragraphe 94 de la circulaire d’information 87‑2R signale :

 

[...] la MTMN a moins de chances de donner des résultats fiables lorsque l’apport de la partie visée prend la forme de biens incorporels de grande valeur ou uniques[62].

 

[218]     Troisièmement, lorsque l’on évalue les risques de marché auxquels les deux parties étaient exposées, il est certain qu’elles assumaient toutes deux des risques. Toutefois, la thèse de Mme Wright selon laquelle, étant donné que les contrats annuels ne stipulaient pas qui était tenu responsable dans le cas où le travail de montage était mal fait ou qui garantissait ce travail, c’était l’appelante qui assumait ce risque, est incompatible avec la preuve selon laquelle des rajustements étaient effectués chaque mois pour tout travail qui devait être repris. Il semble y avoir eu en conséquence une réduction des paiements effectués en faveur d’APCI. De plus, les éléments de preuve montrent que l’appelante percevait à l’avance ses frais de ses clients, alors qu’APCI était payée au moins 30 jours plus tard, de sorte qu’APCI semble en théorie avoir été exposée à un risque de crédit plus élevé, compte tenu du fait qu’on tardait à la payer, quoique, en pratique, lorsque la partie qui effectue le paiement touche également les deux tiers des bénéfices y afférents, il est plus difficile de soutenir qu’il existe un risque de non‑paiement. D’autre part, je souscris à l’assertion de M. Wall lorsqu’il affirme qu’étant donné qu’APCI n’avait qu’un seul client, à savoir l’appelante, si APCI perdait ce client, c’en était fini de son entreprise à toutes fins utiles, de sorte que c’était APCI qui assumait le risque de marché le plus sérieux. Or, c’est en fait ce qui est arrivé. Soutenir, comme Mme Wright l’a fait, qu’étant donné que l’appelante offrait à APCI un marché garanti, une forte rentabilité était au départ assurée, c’est ne faire aucun cas de la réalité, soit que la personne qui met tous ses œufs dans le même panier risque également de cesser ses activités au gré de ce seul client.

 

[219]     Il est également constant que les deux parties étaient exposées à certains risques à l’égard des taux de change étant donné qu’elles étaient toutes deux dans une certaine mesure payées en dollars américains et qu’elles avaient toutes deux engagé des capitaux dans leurs activités et dans leur équipement. Les deux parties devaient donc également courir toutes deux certains risques du moins quant aux capitaux engagés.

 

[220]     À titre d’élément de preuve additionnel à l’appui de la thèse portant qu’APCI était la partie la plus simple et qu’elle devait donc être évaluée, Mme Wright a supposé à tort qu’APCI exécutait chaque jour plus de 500 montages, et soutenait ainsi que le procédé de montage était fort simple si le personnel relativement peu qualifié d’APCI pouvait chaque jour en faire un si grand nombre. Toutefois, il ressort des preuves qu’APCI n’exécutait en moyenne qu’une cinquantaine de montages par jour au cours des années d’imposition en question, soit le dixième seulement du nombre que Mme Wright avait supposé. À mon avis, l’admission de cette erreur est une indication claire des autres erreurs que Mme Wright a commises en interprétant l’analyse fonctionnelle de l’appelante et diminue la crédibilité de son rapport.

 

[221]     Bien que, compte tenu des preuves, je rejette un bon nombre des hypothèses émises par Mme Wright, il est également clair que Mme Wright, ainsi que M. Wall, ont interprété subjectivement les preuves qui leur avaient été produites. Lorsque, comme c’est ici le cas, des opinions subjectives peuvent donner des résultats si différents, il est clair que la MTMN se prête à des conclusions incompatibles et contraires; voilà pourquoi cette méthode est considérée comme la méthode de dernier ressort.

 

[222]     En fait, l’analyse que les deux témoins experts ont effectuée a abouti à des résultats opposés, étant donné que chaque expert a évalué une partie différente. Une brève comparaison de l’analyse des deux experts fait la lumière sur le peu de fiabilité de la MTMN.

 

L’analyse effectuée par Mme Wright selon la MTMN

 

[223]     En établissant la majoration du prix de revient pour les prestataires de service, Mme Wright a essayé d’identifier des sociétés publiques qui offraient des services de montage dans le cadre de leurs activités commerciales, et puisqu’elle n’en avait trouvé aucune qui ne se chargeait que du montage (parce qu’elle avait conclu que la plupart accomplissaient toutes les fonctions de montage et de fabrication), Mme Wright s’est ensuite penchée sur le cas d’entreprises [traduction] « généralement comparables » afin d’évaluer les majorations du prix de revient global. Pour ce faire, elle a repéré des sociétés de services dont les profils d’employés étaient similaires (degré de formation et ainsi de suite) et dont les profils de risque étaient similaires, et qui utilisaient des actifs incorporels (principalement des logiciels) pour assurer leurs services. Pour établir la fourchette inférieure des majorations, elle a recherché des fournisseurs de services dont les employés avaient peu de formation et n’avaient pas fait d’études formelles et qui utilisaient des actifs incorporels dont la valeur était relativement faible. Pour établir la fourchette supérieure, elle a recherché des prestataires de services dont les employés possédaient une meilleure formation technique et qui utilisaient des actifs incorporels de plus grande valeur en vue de procurer des avantages à leurs clients. Suivant son analyse de plusieurs sociétés, généralement qualifiées d’entreprises de services commerciaux, au cours de la période allant de 1997 à l’année 2001, le bas de la fourchette comportait en moyenne des marges allant de 4,1 à 9,6 p. 100 ou, en faisant abstraction des premiers et des derniers 25 p. 100, qu’il restait une fourchette interquartile de 2 à 9,9 p. 100. Par conséquent, Mme Wright a conclu qu’un intervalle comparable commence au point inférieur de 2 p. 100. En utilisant une méthode similaire, basée sur quatre comparables généralement décrits comme des sociétés de programmation sous contrat, la limite supérieure interquartile était de 6,7 à 10,7 p. 100. Par conséquent, la fourchette allait de 2 à 10,7 p. 100, mais Mme Wright a utilisé le pourcentage plus généreux de 10,7 p. 100 pour arriver à ses chiffres, ce qui a donné lieu, sous réserve des concessions faites par l’intimée (qui a reconnu les montants les plus élevés lorsque son économiste interne les jugeait acceptables pour l’année d’imposition 1999), aux redressements des prix de transfert qui sont matière à controverse en l’espèce. En résumé, Mme Wright a accordé à l’appelante la majoration la plus importante tout en concluant que les prix que l’appelante avait payés à APCI étaient plus élevés que ceux qu’elle aurait payés à une partie sans lien de dépendance.

 

L’analyse effectuée par M. Wall selon la MTMN

 

[224]     En fait, M. Wall a eu recours à la MTMN en utilisant l’appelante pour l’évaluer par rapport à douze comparables. Tous les comparables étaient des concurrents fabriquant des cartes de circuit imprimé qu’il avait choisis parmi les 20 possibilités en utilisant les renseignements financiers et les renseignements sur leurs procédés qui étaient disponibles en ligne. Monsieur Wall a conclu que les marges d’exploitation de l’appelante faisaient clairement partie de l’intervalle de marges établi à l’aide de ces comparables pour chacune des années d’imposition en question, comme le montre le tableau figurant à la page 42 de son rapport, reproduit ci‑dessous :

 

          [traduction]

 

 

 

 

Douze comparables

 

 

AP Circuits

 

Marge inférieure

Marge médiane

Marge supérieure

Exercice 1999

 

9,0 %

 

3,7 %

6,2 %

13,9 %

Exercice 2000

 

5,8 %

 

2,8 %

6,8 %

14,3 %

Exercice 2001

 

4,4 %

 

‑0,9 %

9,7 %

23,2 %

 

[225]     Par conséquent, il faut retenir la conclusion que M. Wall a tirée, à savoir que si ces marges d’exploitation faisaient partie de l’intervalle acceptable, il semble raisonnable de conclure que les prix qu’APCI a payés devaient être des prix de transfert concurrentiels.

 

[226]     Malgré l’argument de poids, fondé sur le seul principe qu’il ne convenait pas d’utiliser la MTMN comme l’intimée l’avait fait, M. Wall a également clairement démontré à la Cour que l’une des raisons pour lesquelles la MTMN peut être si peu fiable est qu’elle peut produire, comme c’est ici le cas, des résultats considérablement différents selon la partie qui est évaluée.

 

[227]     Ce qui est également remarquable, si les deux analyses sont comparées, c’est que M. Wall a examiné comme comparables des entreprises de l’industrie des cartes de circuit imprimé, alors que Mme Wright a adopté l’approche beaucoup plus générale selon laquelle on pouvait utiliser des entreprises de services comptant des employés qui fournissaient des services plus généraux (mais dont le niveau de compétence et de savoir‑faire technique était inférieur ou identique à celui des employés d’APCI, ou encore supérieur) pour établir un intervalle de marges. Mme Wright a comparé des entreprises de prestation de services commerciaux généraux au bas de la fourchette et des sociétés de programmation sous contrat, au haut de la fourchette. Elle a alors même fait abstraction des fabricants de cartes de circuit imprimé que M. Laudano, l’économiste interne de l’ARC, avait utilisés pour arriver à ses évaluations. Les fabricants que M. Laudano avait choisis étaient sans aucun doute dans l’ensemble des concurrents beaucoup plus importants que ceux que M. Wall avait utilisés, mais ceux que Mme Wright avait utilisés étaient des entités encore plus importantes, de sorte qu’elle a choisi des entités encore moins comparables à des fins de comparaison.

 

[228]     Cette analyse démontre les aspects incroyablement subjectifs de la MTMN : les hypothèses que chaque expert a émises en appliquant la méthode sont différentes. De plus, les comparables sur le marché vont de concurrents directs, c’est‑à‑dire des fabricants de cartes de circuit imprimé, à des entreprises prestataires de services largement comparables, soit une comparaison beaucoup plus générale et indirecte. Madame Wright semble ne pas avoir tenu compte de la valeur de comparables directs ou à peu près similaires et a plutôt favorisé une approche dans laquelle des facteurs largement comparables étaient utilisés, une approche qui, à mon avis, mène à la conclusion inévitable selon laquelle cette approche est celle qui est la moins fiable des deux analyses effectuées selon la MTMN.

 

Les frais payés pour d’autres services

 

[229]     Puisqu’il a été conclu que 77,99 p. 100 des sommes globales que l’appelante a versées à APCI se rapportaient uniquement à des services de montage et que ces sommes représentaient des prix de pleine concurrence, il s’ensuit qu’il faut réduire le pourcentage de redressement du prix de transfert. Il reste uniquement à examiner les autres 22,01 p. 100 qui, compte tenu des contrats annuels, se rapportaient, selon ce que j’ai conclu, aux autres services, décrits aux parties 1 et 3 des contrats annuels, à savoir le développement et la maintenance des logiciels et des sites Web.

 

[230]     L’appelante a fait valoir que les sommes en cause sont minimes et doivent être considérées comme se rapportant à des services fournis à des prix de pleine concurrence parce que l’analyse que M. Wall a effectuée selon la MTMN montre que si l’on considère les frais globaux payés à APCI, c’est‑à‑dire les frais de montage de base et les autres frais ensemble, il reste à l’appelante un bénéfice situé dans l’intervalle établi pour les autres fabricants de cartes de circuit imprimé auxquels M. Wall a comparé l’appelante.

 

[231]     Bien entendu, l’intimée a traité ces autres frais, comme l’a fait Mme Wright, comme se rapportant entièrement au montage, ce qui, selon ce que j’ai conclu, n’était pas le cas. Toutefois, il importe de noter que, lors des débats, l’intimée a soutenu que [traduction] « certains » frais se rapportaient au montage et que, par inférence, certains frais devaient donc se rapporter à ces autres services. Bien entendu, le problème est que l’intimée n’a avancé aucun argument indiquant quelle partie, le cas échéant, se rapportait à ces autres services et si les prix étaient considérés comme des prix de pleine concurrence, sauf pour soutenir qu’étant donné qu’en l’an 2000, l’appelante avait réduit d’un montant de 50 000 $ les frais au pouce carré parce que M. McMuldroch était revenu au Canada au cours de l’exercice (de sorte que, pendant sept mois et demi au cours de cet exercice, il ne restait effectivement personne pour s’occuper adéquatement des clients à la Barbade), ce montant doit avoir représenté les frais réels attribuables à ces services.

 

[232]     Le réalité est que, sauf la description de ces autres services, aucun élément de preuve n’a été produit par l’une ou l’autre partie au sujet du temps consacré à ces services. À part la preuve générale indiquant que ces autres services étaient fournis, il n’y avait aucune facture détaillée énumérant les composantes réelles de ces services ou le prix de pleine concurrence auquel ces services pourraient s’élever.

 

[233]     En ce qui concerne la thèse de l’appelante, il est peu sensé de se fonder sur l’analyse que M. Wall a effectuée selon la MTMN sur ce point puisque l’appelante et M. Wall ont soutenu que cette méthode était avant tout peu fiable et qu’elle ne devait pas être utilisée dans ce cas‑ci. Il aurait été plus approprié de suivre le procédé qui, selon l’appelante, était le bon, en tentant de trouver des PCML comparables, en passant ensuite la liste des méthodes en revue afin de décider de la méthode à employer après une analyse en règle des facteurs de comparabilité, et en validant ensuite cette analyse à l’aide de la méthode suivante mentionnée sur la liste pour vérifier au besoin les résultats. Une chose ressort clairement des preuves : l’appelante utilisait les services d’un programmeur de logiciels avant que M. McMuldroch se rende à la Barbade, pendant que M. McMuldroch était à la Barbade ainsi qu’après son retour, de sorte qu’il ne devrait pas être difficile de trouver des prix comparables sur le marché libre. De même, l’intimée a utilisé des renseignements se rapportant à des services de programmation en établissant le haut de la fourchette des marges, dans l’analyse que Mme Wright avait effectuée selon la MTMN, ce qui donne encore une fois à entendre que la programmation et la maintenance de logiciels et de sites Web étaient des services pour lesquels des prix comparables sur le marché libre sont disponibles.

 

[234]     Bien entendu, l’on pourrait soutenir que le ministre a bel et bien supposé que l’appelante avait versé en trop à APCI certains montants correspondant aux montants globaux des redressements que l’ARC avait apportés au prix de transfert pour les trois années d’imposition en question, tel qu’il est énoncé à l’alinéa 17dd) de la réponse de l’intimée, et qu’étant donné qu’elle a réussi à convaincre la Cour qu’au moins 77,99 p. 100 du total des montants censément payés en trop représentaient des prix de pleine concurrence, l’appelante a réfuté cette hypothèse générale comme il lui incombait. Toutefois, ce résultat ne conviendrait pas selon moi dans ce contexte, étant donné en particulier que l’appelante a fait valoir qu’en premier lieu, pour être plus fiables, les opérations devaient être traitées comme étant fractionnées. Dans ce contexte, l’appelante a la même charge lorsqu’il s’agit de réfuter l’hypothèse générale selon laquelle elle a payé en trop APCI pour chacune des opérations, à savoir les services de montage et les autres services en question, qu’elle cherche à fractionner.

 

[235]     À vrai dire, si ce n’était du fait que l’intimée a avoué que certains des montants en question se rapportaient aux frais de montage, et par conséquent que certains montants du moins, par déduction nécessaire, devaient se rapporter à ces autres services, j’aurais été porté à conclure que l’appelante ne s’est pas acquittée de son obligation.

 

[236]     L’appréciation des preuves montre très clairement que seul M. McMuldroch fournissait les services stipulés aux parties 1 et 3 des contrats annuels. Les autres employés d’APCI, y compris Brandi Lewinske, n’avaient pas le bagage, l’instruction ou la formation nécessaires pour prendre en charge le développement et la maintenance de logiciels et de sites Web, et il est clair que l’analyse fonctionnelle de l’appelante va dans ce sens. Voici, la première phrase du premier paragraphe complet figurant à la page 3 de l’analyse fonctionnelle des services :

 

[traduction]

 

L’expertise de Dan McMuldroch se rapportait aux logiciels informatiques, aux réseaux informatiques, à la conception et à la mise en œuvre de logiciels, à la conception de sites Web et à la fonction de montage.

 

[237]     L’analyse fonctionnelle ne fait mention que de trois employés de l’appelante qui étaient chargés de la fonction de montage avant que M. McMuldroch quitte le Canada pour s’installer à la Barbade : Brandi Lewinske, M. McMuldroch et David Wu, qui comptait moins d’expérience. Rien ne montre que quelqu’un d’autre, à part M. McMuldroch, eût compté l’expérience ou la formation nécessaires pour remplir les fonctions mentionnées aux parties 1 et 3 des contrats annuels et rien ne montre qu’une personne capable d’exécuter ces fonctions avec M. McMuldroch ait été embauchée ou formée à la Barbade. De fait, il ressort des preuves qu’APCI avait eu beaucoup de difficultés à trouver à la Barbade des employés possédant suffisamment de compétences de base en informatique pour assurer leur formation en matière de montage, et encore moins pour les autres fonctions.

 

[238]     L’analyse fonctionnelle confirme ceci, à la page 4 :

 

[traduction]

 

[...] Encore une fois, sur les trois actionnaires, M. McMuldroch était le seul qui possédait de l’expertise dans ce domaine.

 

La question a été examinée dans le contexte de l’exécution des services CAD/CAM (logiciel) ainsi que de la création, de la maintenance et du perfectionnement du site Web.

 

[239]     Il ressort également clairement des preuves que M. McMuldroch a quitté la Barbade pour revenir au Canada le 12 juin 1999, de sorte qu’il n’y avait en fait personne à la Barbade qui puisse par la suite accomplir une fonction ne se rattachant pas au montage. La société APCI n’aurait pas pu assurer pareils services par la suite conformément aux contrats annuels.

 

[240]     Quant aux autres services assurés jusqu’au 12 juin 1999, certains éléments de preuve montrent que des modifications ont été apportées au site Web, comme cela a été établi par les enquêtes de M. Wall, et certains éléments de preuve montrent que le site Web était devenu entièrement interactif à la fin de l’année 1998. En outre, certains éléments de preuve montrent également que M. McMuldroch avait élaboré le logiciel principal d’APCI pour qu’il puisse interagir avec le logiciel Lavenir, ainsi que des systèmes améliorés de facturation et de saisie de données, à peu près à ce moment‑là ou auparavant, mais aucun autre détail n’est donné à cet égard. Selon moi, il ressort clairement des preuves que lorsque les activités ont débuté pour de bon à la Barbade au mois de janvier 1997, APCI était en mesure d’exécuter une cinquantaine de montages par jour, ce qui était plus ou moins la moyenne effective au cours des années d’imposition en question. Il va de soi que les autres services, quels qu’ils soient, qu’il fallait mettre en place afin de permettre à APCI de le faire étaient au moins déjà presque en place à ce moment‑là. En outre, le fait que le paiement de ces services était considéré comme une prime et qu’il n’était effectué qu’une fois l’an donne à entendre qu’il n’était pas lié à une quantité précise de travail accompli ou au temps qui y était consacré. Le simple fait que le paiement est exprimé en fonction du nombre de pouces carrés de la carte de circuit imprimé, soit la base sur laquelle l’appelante se faisait payer de ses clients pour la fabrication de cartes de circuit imprimé, indique que le paiement n’était pas fondé sur le principe de pleine concurrence, compte tenu du fait, en particulier, que les programmeurs que l’appelante embauchait par contrat au cours des années d’imposition en question étaient rémunérés au moins chaque mois, en fonction du temps ou d’un prix fixe. Par conséquent, bien que l’appelante ait établi la preuve prima facie indiquant qu’elle avait assuré certains des autres services pour APCI jusqu’à la mi‑juin 1999, cette preuve ne permet pas de quantifier ces services, et encore moins leur valeur, selon le principe de pleine concurrence établi par les règles de détermination des prix de transfert.  

 

[241]     Comme il en a été question au paragraphe 56 des présents motifs, le total des frais au pouce carré, ou la prime comme on l’appelait, versés et déduits par l’appelante aux fins fiscales s’élevait à 322 625,13 $ pour l’année 1999, à 344 821,92 $ pour l’année 2000, et à 293 121,88 $ pour l’année 2001. Bien sûr, il n’est pas controversé que l’exercice d’APCI prenait fin le 31 janvier, date à laquelle ces frais étaient payés par l’appelante. C’est la raison par laquelle l’appelante a déduit les frais pour ses années d’imposition 1999, 2000 et 2001, respectivement, même si les paiements correspondaient aux services fournis par APCI au cours de l’exercice débutant le 1er février de l’année antérieure à la date de clôture de l’exercice.

 

[242]     Le seul élément de preuve indiquant le prix payé pour les autres services figure dans le sommaire de l’année 2000 : la somme de 344 821,92 $ aurait été payée en tout, somme qui, comme il a été noté, n’incluait pas une réduction de 50 000 $ attribuable au fait qu’en réalité, pendant une période de sept mois et demi au cours de l’exercice d’APCI, il n’y avait eu personne à la Barbade qui puisse assurer ces services; sur une base annualisée, la somme se serait donc élevée à 80 000 $. Étant donné que les frais au pouce carré étaient basés sur le tarif de 0,2285 $ le pouce carré au cours des années 1999 et 2000, il va de soi que l’intimée conviendrait que la valeur de ces services, pour toute l’année 1999, doit s’être élevée à 80 000 $.

 

[243]     Comme je l’ai dit, étant donné que l’appelante ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait d’établir qu’elle n’avait pas payé en trop APCI pour ces autres services, je ne puis lui accorder, pour les frais au pouce carré qu’elle a payés, un montant supérieur aux montants susmentionnés implicitement reconnus par l’intimée.

 

[244]     Par conséquent, l’appelante pourra déduire la somme de 80 000 $ pour l’année 1999 et de 50 000 $ pour l’année 2000 (puisque M. McMuldroch n’avait pas travaillé pendant sept mois et demi sur une période de douze mois, ou pendant 62,5 p. 100 du temps), mais elle ne pourra pas déduire les frais payés pour l’année 2001, pendant laquelle M. McMuldroch travaillait au Canada.

 

[245]     En d’autres termes, le prix de transfert fera l’objet d’un redressement correspondant à la différence entre les frais dont la déduction a été demandée à l’égard des autres services pour les années en question et les frais susmentionnés dont la déduction peut, selon moi, être demandée, à savoir un montant de 242 625,13 $ pour l’année 1999, de 344 821,92 $ pour l’année 2000 et de 293 121,88 $ pour l’année 2001.

 

[246]     Par conséquent, l’appel concernant les redressements apportés au prix de transfert est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre sur la base suivante : seuls les redressements suivants du prix de transfert seront ajoutés au revenu de l’appelante :

 

1)       pour l’année d’imposition 1999 : 242 625,13 $,

2)       pour l’année d’imposition 2000 : 344 821,92 $,

3)       pour l’année d’imposition 2001 : 293 121,88 $,

          le total s’élevant à 880 568,93 $;

 

[247]     Conformément à l’entente conclue entre les parties au début de l’instruction, les pénalités se rattachant aux montants susmentionnés ayant fait l’objet de redressements seront calculées conformément au paragraphe 247(3) de la Loi;

 

[248]     Les parties disposeront d’un délai de 14 jours pour informer la Cour de toute entente à laquelle elles pourraient arriver au sujet de la question des dépens ou pour soumettre à la Cour leurs observations écrites à l’égard des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 2011.

 

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de septembre 2011.

 

 

 

 

François Brunet, réviseur


ANNEXE A

 

La présente vise à confirmer que le prix coté et le prix réel qu’AP Circuits demande des clients avec lesquels elle n’a aucun lien de dépendance pour chacun des composants d’une carte de circuit imprimé vierge est approprié et qu’il peut être considéré comme un PCML interne aux fins de la détermination du prix de services identiques achetés d’APCI par AP Circuits.

 

Le tableau suivant renferme une évaluation des cinq facteurs de comparabilité visant à permettre de vérifier si le prix demandé des clients par AP Circuits est suffisamment fiable (c’est‑à‑dire comparable) aux fins de la détermination du prix des services achetés d’APCI au cours de la même période16.

 

Facteurs comparables

Commande passée auprès

d’AP Circuits par un tiers

Commande passée auprès

d’APCI par AP Circuits

Produit ou service

Les onglets 16 et 17 montrent qu’AP Circuits vendait à ses clients des cartes de circuit imprimé vierges pour lesquelles un prix individuel était fixé pour le montage de base, le perçage additionnel, etc., pour le PROTO 1 et le PROTO 2.

Les onglets 14 et 15 incluent les frais globaux pour le même montage de base, le perçage additionnel, etc., pour la carte de circuit imprimé vierge du PROTO 1 et du PROTO 2.

Fonctions exercées

Les activités de montage sont décrites aux pages 6 à 15 et à l’onglet 16 du présent rapport, ce qui comprend les fonctions, actifs incorporels et risques pour AP Circuits et APCI.

Les fonctions, actifs incorporels et risques sont les mêmes pour AP Circuits et APCI

Circonstances économiques

AP Circuits vend les cartes de circuit imprimé vierges PROTO 1 et PROTO 2 à des clients, au Canada et aux États‑Unis.

Les activités de montage se rapportent aux mêmes cartes de circuit imprimé vierges PROTO 1 et PROTO 2 que celles qu’AP Circuits vendait à des clients, au Canada et aux États‑Unis.

Stratégies commerciales

AP Circuits fabrique des prototypes qui permettent à ses clients d’économiser du temps et de l’argent avant de s’engager à commander une grosse quantité de cartes de circuit imprimé.

APCI partage la même stratégie commerciale qu’AP Circuits, en mettant l’accent sur les activités de montage pour des prototypes qui sont fabriqués par AP Circuits.

Modalités

Les onglets 16 et 17 indiquent les modalités applicables aux cartes de circuit imprimé vierges qu’AP Circuits vendait à ses clients, y compris le montage de base, le perçage additionnel, etc. pour le PROTO 1 et le PROTO 2.

Les onglets 14 et 15 indiquent qu’APCI facturait à AP Circuits le même montant que celui que le client versait à AP Circuits pour les services fournis par APCI.

 

Le tableau ci‑dessus montre que les conditions de l’opération conclue entre le client et AP Circuits sont les mêmes que les conditions de l’opération conclue entre AP Circuits et APCI. En outre, il n’y a dans les facteurs susmentionnés aucune différence exigeant un redressement.

(Paragraphe 32 de la circulaire d’information 82‑2R.)

 

Un autre élément se rapporte au volume des opérations. Toutefois, étant donné que le volume des opérations conclues entre le client et AP Circuits est le même que le volume entre AP Circuits et APCI, ces volumes sont importants et fiables aux fins de la présente comparaison.

(Paragraphe 65 de la circulaire d’information 87‑2R.)

_________________

16  La page 20 du présent rapport et le paragraphe 32 de la circulaire d’information 87‑2R, à l’onglet 2, renferment une explication des facteurs de comparabilité.

 

 

 

ANNEXE B

 

Comparabilité

 

Le tableau suivant a été préparé à l’aide de renseignements sur le prix de services (onglet 18) et du site Web (onglet 19) de Star Electronics (vers le 15 mai 2001), en tant que description fiable des activités de la société, de ses produits et services, de ses fonctions et ainsi de suite. Sauf pour le prix, le tableau montre que tous les autres renseignements concernant Star Electronics sont les mêmes que ceux qui concernent AP Circuits et APCI ou qu’ils sont similaires.

 

Facteurs comparables

Star Electronics

AP Circuits et APCI

Profil de la société

Star Electronics a la capacité interne complète de produire une carte de circuit imprimé prototype au moyen de gros lots de production de cartes à simple face, à double face et à multiples faces (jusqu’à dix).

APCI accomplit les activités de montage pour des quantités prototypes de cartes de circuit imprimé vierges qui sont fabriquées par AP Circuits.

Renseignements sur la société

Star Electronics a été lancée en 1985; ventes annuelles de 8 millions de dollars américains; 70 employés, etc.

AP Circuits a été lancée en 1984; ventes annuelles de 3 à 4 millions de dollars canadiens; au moins 10 employés, etc. APCI a été constituée en nov. 1996; jusqu’à 8 employés, etc.

Facteurs de réussite

Star Electronics économise du temps et de l’argent, assure la qualité et satisfait aux normes SMT en utilisant la technologie CAD/CAM.

AP Circuits et APCI ensemble permettent à leurs clients d’économiser du temps et de l’argent, etc., en utilisant la technologie CAD/CAM

Fonctions exercées, exigences relatives à la saisie de données

Le montage fait appel à des programmes de données panélisées et de cheminement du perçage. Les données des clients doivent inclure les fichiers Gerber, le fichier de perçage Excellon, les coordonnées, etc.

Le montage fait appel à des programmes de panélisation et de cheminement du perçage. Les données des clients doivent inclure les fichiers Gerber, le fichier de perçage Excellon, les coordonnées, etc.

Circonstances économiques

Vend à des clients aux É.‑U. et peut‑être dans d’autres pays.

Vend à des clients aux É.‑U., au Canada et dans d’autres pays.

Modalités

En 1999, demandait environ 100 à 125 $US pour préparer un programme de données panélisées et de cheminement du perçage.

En 1999, le prix était de 46 $US ou de 67 $CAN pour le montage de base, ce qui comporte le formatage, la panélisation, le programme de cheminement du perçage, etc.

 

Comme le tableau ci‑dessus le montre, ainsi que les renseignements supplémentaires figurant aux onglets 17 et 18, il semble raisonnable de conclure que la description par Star Electronics de son [traduction] « programme de données panélisées et de cheminement du perçage » est semblable, sinon identique, au [traduction] « montage de base » exécuté par APCI pour AP Circuits.


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 232

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2008‑714(IT)G

 

INTITULÉ :                                       ALBERTA PRINTED CIRCUITS LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Calgary (Alberta)

 

DATES DES AUDIENCES :              Les 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16
et 17 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 avril 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me R. Paul Jacobson, c.r.

Me Shaun T. MacIsaac

Me Elsy D. Gagné

 

Avocats de l’intimée :

Me William L. Softley

Me Margaret A. Irving

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

 

 

Nom :

R. Paul Jacobson, c.r.

 

Shaun T. MacIsaac

 

 

Cabinet :

Jacobson Law Office

 

Calgary (Alberta)

 

 

Pour l’intimée :

Myles J. Kirvan

 

Sous‑procureur général du Canada

 

Ottawa, Canada

 



[1]           L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Sauf indication contraire, toutes les autres mentions de dispositions législatives se rapportent à cette loi.

[2]           RTC 1980/29.

[3]           Ch. 308.

[4]           Ch. 77.

[5]           2008 CSC 26, [2008] 2 R.C.S. 79.

[6]           [1991] 1 C.T.C. 197 (C.F. 1re inst.).

[7]           Précité.

[8]           91 DTC 746.

[9]           71 DTC 5235.

[10]          Précité.

[11]          98 DTC 6334.

[12]          2002 CAF 260, 2002 DTC 7112.

[13]          Précité, note de bas de page 11.

[14]          Précité, note de bas de page 5.

[15]          Précité, note de bas de page 6.

[16]          2004 CAF 158, 2004 DTC 6329.

[17]          Précité.

[18]          2010 TCC 392, [2010] 6 C.T.C. 2151.

[19]          [1995] 2 R.C.S. 802, par. 54.

[20]          Précité.

[21]          Précité.

[22]          Précité.

[23]          Ch. 73.

[24]          Articles 85 et 3, respectivement.

[25]          2002 CAF 229, 2002 4 C.T.C. 93, par. 8.

[26]          2010 CAF 344, 2011 DTC 5011.

[27]          Voir, par exemple, le paragraphe 9 de la circulaire d’information 87‑2R ainsi que le paragraphe 1.15 des Principes de l’OCDE de 1995, précités.

[28]          2008 CCI 324; 2008 DTC 3957.

[29]          Prix de transfert et entreprises multinationales : rapport du Comité des affaires fiscales de l’OCDE (Paris : Organisation de coopération et de développement économiques, 1979), par. 48 (le « Rapport de 1979 sur les prix de transfert de l’OCDE »).

[30]          Ibid., par. 56.

[31]          Ibid., par. 63.

[32]          Ibid., par. 65.

[33]          Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales (Paris : Organisation de coopération et de développement économiques, 1995), par. 3.5 à 3.25 (les « Principes de l’OCDE »). Ces principes sont une refonte du Rapport de l’OCDE sur les prix de transfert et les entreprises multinationales (1979). Ils ont été approuvés par le Comité des affaires fiscales le 27 juin 1995 et par le Conseil de l’OCDE, le 13 juillet 1995, aux fins de publication.

[34]          Ibid., par. 3.26 à 3.57.

[35]          2010 CAF 201, 2010 DTC 5124.

[36]          1968 2 R.C.É. 511; 68 DTC 5210, p. 5216.

[37]          Précité.

[38]          Précité.

[39]          Voir, par exemple, les paragraphes 1.19 à 1.35 des Principes de l’OCDE et le paragraphe 32 de la circulaire d’information 87‑2R, précitée.

[40]          Précité.

[41]          Précité.

[42]          IC 87‑2R, par. 40.

[43]          Ibid., par. 33.

[44]          Ibid., par. 34.

[45]          Ibid., par. 49.

[46]          Ibid., par. 52.

[47]          Ibid., par. 61.

[48]          Principes de 1995 de l’OCDE, précités, par. 2.7 à 2.9.

[49]          Ibid., par. 2.6.

[50]          IC 87‑2R., par. 53.

[51]          Ibid., par. 160 et 161.

[52]          Ibid.

[53]          Ibid., par. 62.

[54]          Précité.

[55]          Par. 32. Voir également les Principes de 1995 de l’OCDE, précités, par. 1.19 à 1.35.

[56]          Précité.

[57]          Précité.

[58]          Voir, d’une façon générale, les paragraphes 36 à 43 de la circulaire d’information 87‑2R.

[59]          Cité dans le rapport d’expert de Matthew Wall, 21 janvier 2010, p. 22.

[60]          Précité.

[61]          Principes de 1995 de l’OCDE, précité, par. 3.43.

[62]          Précité.

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