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Dossier : 2010-3907(EI)

 

ENTRE :

 

SYLVIE MORIN,

appelante,

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

Avocat de l’appelante :

Me Daniel Payette

Avocat de l’intimé :

Me Gabriel Girouard

 

 

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

 

La requête de l’appelante en vertu du paragraphe 15(1) des Règles afin que la Cour accueille l’appel en vertu de l’alinéa 15(2)c) des Règles est rejetée.

 

La requête de l’intimé pour une prolongation de délai pour dépôt de la réponse à l’avis d’appel est rejetée.

 

  La Cour ordonne l’audition de l’appel en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2011.

 

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D'Auray

 


 

 

Référence : 2011 CCI 218

Date : 20110421

Dossier : 2010-3907(EI)

 

ENTRE :

 

SYLVIE MORIN,

appelante,

 

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE MODIFIÉS

 

 

La juge D'Auray

 

  • [1] Dans le présent appel, deux requêtes ont été déposées à la suite du dépôt et de la signification en retard de la réponse à l’avis d’appel de l’intimé.

 

  • [2] La première requête a été signée par le procureur de l’appelante le 11 mars 2011, mais déposée auprès de cette Cour le 22 mars 2011 seulement. L’appelante demande que la Cour accueille l’appel en constatant que les faits allégués dans l’avis d’appel lui donnent le droit d’obtenir le jugement demandé en vertu du paragraphe 15(1) et de l’alinéa 15(2)c) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi sur l’assurance-emploi (Règles).

 

  • [3] La deuxième requête concerne celle de l’intimé. Ce dernier demande à la Cour une prolongation de délai pour le dépôt de la réponse à l’avis d’appel, en vertu de l’article 18.16 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt.

 

  • [4] À la suite de ces requêtes, la Cour a reçu des observations écrites de l’appelante en opposition à la requête pour extension de délai. Ces observations ont été déposées à la Cour le 22 mars 2011, mais signées par le procureur de l’appelante le 16 mars 2011.

 

  • [5] Le 18 mars, l’intimé déposait une réplique aux observations écrites en opposition à la requête pour extension de délai.

 

  • [6] Dans cette affaire, l’avis d’appel a été déposé en date du 15 décembre 2010. La réponse à l’avis d’appel a été déposée le 9 mars 2011, alors qu’elle aurait dû être déposée le 8 mars 2011, soit une journée en retard. Quant à la signification de la réponse à l’avis d’appel, cette dernière a été signifiée le 16 mars 2011, soit huit jours en retard.

 

Analyse

 

  • [7] Commençons par la requête de l’intimé, soit de permettre le dépôt de la réponse à l’avis d’appel en prorogeant le délai pour son dépôt. L’intimé fait valoir :

 

C’est un principe bien établi que cette Cour, en vertu de sa compétence inhérente, possède les pouvoirs nécessaires pour régir ses propres procédures1.

______________________________

1  Scarola c. Ministre du Revenu National, [2003] 4 F.C. 645; 2003 CAF 157, par. 8.

 

 

L’alinéa 12(2)(a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (assurance-emploi) prévoit la possibilité d’obtenir une prolongation du délai, dans un cas où le ministre prévoit ne pas être en mesure de rencontrer son délai et ainsi peut présenter une demande, avant l’expiration du délai. En l’espèce, ce que l’intimé demande par sa requête est plutôt d’être relevé du défaut accidentel de produire sa procédure dans le délai imparti.

 

Par conséquent, l’intimé présente sa requête en s’inspirant du paragraphe 18.16(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et en se fondant sur les pouvoirs inhérents de cette Cour. De plus, l’alinéa 15(2)(d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (assurance-emploi) accorde le pouvoir à cette Cour de donner toute directive juste lorsqu’elle est saisie d’une demande de jugement par l’appelant, suite au défaut du ministre de produire sa réponse à l’avis d’appel dans le délai imparti.

 

Soulignons que cette Cour a exercé ses pouvoirs inhérents à plusieurs reprises, s’inspirant des autres règles de procédure de cette Cour ou d’articles de sa Loi, afin de solutionner des questions de procédure non prévues par une disposition législative spécifique.

 

À titre d’exemple, dans Duchesne c. Ministre du Revenu national2, cette Cour s’est fondée sur le paragraphe 18.21(3) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt pour donner droit à une demande de rétractation de jugement en matière d’assurance-emploi même si cette disposition ne régissait que les appels aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans Biron c. Ministre du Revenu National3, il a été décidé que le pouvoir général d’administration de cette Cour lui permettait de s’inspirer également du paragraphe 18.21(3) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt pour rejeter une requête en rétractation même si le litige en question devait être régi par les Règles de pratique et de procédure régissant les appels à la Commission de révision de l’impôt. Un autre exemple se trouve dans la décision Savoie c. Ministre du Revenu National4 où cette Cour s’était appuyée sur le paragraphe 172(2) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) pour rejeter une requête en rétractation de jugement en matière d’assurance-emploi. Il est à noter que dans toutes ces causes, cette Cour a accepté le dépôt d’une requête en rétractation de jugement malgré l’absence de disposition législative habilitant expressément cette Cour à permettre le dépôt d’une telle requête.

______________________

2 2004 CCI 304; 2004 CarswellNat 1325.

3 98 D.T.C. 1186 (C.C.I.)

4 [1993] 2 C.T.C. 2330, 93 D.T.C. 555 (C.C.I.)

 

  • [8] Je ne suis pas d’accord avec les prétentions de l’intimé.

 

  • [9] L’article 18.29 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt détermine les articles de la procédure informelle applicables à l’assurance-emploi.

 

18.29 (1) Les articles 18.14 et 18.15 — sauf au regard des droits qui y sont visés —, le paragraphe 18.18(1), l’article 18.19, le paragraphe 18.22(3) et les articles 18.23 et 18.24 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux appels interjetés sous le régime des dispositions suivantes :

 

a) la partie I du Régime de pensions du Canada ;

 

b) les parties IV, VII et VII.1 de la Loi sur l’assurance-emploi ;

 

c) la Loi sur la sécurité de la vieillesse, dans la mesure où l’appel porte, au moins en partie, sur une décision à l’égard du revenu;

 

d) la Loi sur les allocations aux anciens combattants ou la partie XI de la Loi sur les prestations de guerre pour les civils, dans la mesure où l’appel porte sur une décision rendue par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) sur ce qui constitue un revenu ou une source de revenu.

 

  • [10] En vertu de l’article 18.29 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, on constate que tous les articles de la procédure informelle dans la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt ne s’appliquent pas à l’assurance-emploi.

 

  • [11] L’assurance-emploi ne fait qu’emprunter certains articles à cette procédure. À cet égard, on note que l’article 18.16 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt qui permet à la Cour d’accorder une prolongation de délai soit avant ou après l’expiration du délai pour le dépôt de la réponse à l’avis d’appel en matière d’impôt ne s’y retrouve pas. L’article 18.16 ne s’applique donc pas à l’assurance-emploi.

 

  • [12] De plus, les Règles prescrivent comment la réponse à l’avis d’appel doit être déposée et signifiée et quels sont les conséquences d’un retard.

 

  • [13] L’article 12 des Règles régit le dépôt et la signification de la réponse à l’avis d’appel en matière d’assurance-emploi.

 

12. (1) Le ministre répond par écrit à chaque avis d’appel ou d’intervention déposé ou expédié par la poste à un greffe en vertu du paragraphe 5(5) ou 9(1).

 

(2) a) Le ministre dépose la réponse au greffe et la signifie à l’appelant ou à l’intervenant, ou aux deux, selon le cas, dans les 60 jours qui suivent la date de la signification au ministre de l’avis d’appel ou de l’avis d’intervention, ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut accorder sur demande faite dans ces 60 jours.

 

  • [14] On constate qu’en vertu de l’article 12 des Règles, la demande à la Cour pour déposer hors délai une réponse à l’avis doit être faite dans les 60 jours de la signification de l’avis d’appel au ministre.

 

  • [15] Si je prorogeais le délai en m’inspirant de l’article 18.16 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt comme l’intimé me demande de le faire, je ferais fi au cadre juridique établi en matière d’assurance-emploi.

 

  • [16] La jurisprudence citée par l’intimé relative à la compétence inhérente à la Cour pour régir ses propres procédures n’est pas pertinente dans le présent appel [1] . Dans ces arrêts qui touchent la rétraction de jugement, la Cour s’est inspiré des Règles des procédures informelle et générale. On note qu’il n’y avait aucune règle sur la rétraction de jugement dans les Règles, ce qui n’est pas le cas présent, les articles 12,14 et 15 des Règles régissent les délais et conséquences juridiques du dépôt et de la signification de la réponse à l’avis d’appel hors délai.

 

  • [17] Je suis d’accord avec la prétention de l’appelante que le délai, en vertu du paragraphe 12(1) des Règles, pour déposer une réponse à l’avis d’appel en matière d’assurance-emploi est un délai de déchéance. Par conséquent, je ne peux pas proroger le délai pour déposer et signifier une réponse à l’avis d’appel après que le délai de 60 jours se soit écoulé [2] .

 

  • [18] L’appelante dans sa requête demande que la Cour accueille l’appel en vertu de l’alinéa 15 (2)c) des Règles.

 

  • [19] L’article 15 des Règles indique que lorsque la Cour est saisie d’une demande de jugement suite au retard de la signification de la réponse à l’avis d’appel la Cour peut :

 

15. (1) Lorsqu’une réponse à l’avis d’appel n’a pas été signifiée dans le délai de 60 jours prescrit en vertu de l’alinéa 12(2)a) ou dans tout délai supplémentaire que la Cour peut accorder, l’appelant peut, par voie de requête, demander que le jugement soit prononcé à l’égard de la mesure de redressement demandée dans l’avis d’appel.

 

(2) Lorsqu’elle est saisie d’une demande de jugement, la Cour peut :

a) [Abrogé, DORS/2007-146, art. 7]

b) ordonner l’audition de l’appel en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques;

c) accueillir l’appel si les faits allégués dans l’avis d’appel donnent à l’appelant le droit d’obtenir le jugement demandé;

d) donner toute autre directive juste.

 

(3) La présomption visée à l’alinéa (2)b) est une présomption réfutable.

 

  • [20] Dans l’arrêt Paulus c. British Columbia (Minister of Finance) [3] , l’appelant demandait le rejet de l’appel suite à une erreur administrative. Il faut noter que le juge devait soit accorder la prolongation de délai, soit réputer la réponse à l’avis d’appel valide ou soit accueillir l’appel.

 


  • [21] Le juge a énoncé les critères suivants pour déterminer quel serait le remède le plus approprié :

 

- est-ce que le retard était excessif ;

- est-ce que le retard avait été justifié d’une manière satisfaisante ;

- est-ce que la demande pour palier au manquement avait été faite le plus rapidement possible ;

- est-ce que l’appelante a subi un préjudice sérieux.

 

  • [22] Dans le présent cas, on ne peut pas dire que le retard était excessif, la réponse à l’avis d’appel a été déposée une journée en retard et la signification de cette réponse a été faite avec huit jours de retard.

 

  • [23] Quant à savoir si le retard avait été justifié, l’affidavit de madame Bienvenue pour l’intimé indique une erreur administrative, une absence du bureau de sa part. Ceci dit, elle ne fait pas état dans son affidavit de la requête qu’elle aurait reçu de l’appelante le 11 mars 2011, demandant que le jugement soit accueilli. De plus, l’affidavit ne traite pas non plus de la signification à l’appelante qui doit aussi être faite dans les 60 jours de la signification de l’avis d’appel au ministre, surtout qu’en attendant à la dernière journée pour déposer, il était impossible de respecter les délais pour la signification en utilisant le courrier. On ne sait pas non plus combien de temps a duré l’absence de madame Bienvenue. Avait-elle demandé à un ou une collègue de s’occuper de ses dossiers pendant son absence. On ne peut pas dire que le retard a été justifié d’une façon satisfaisante.

 

  • [24] La demande de prolongation de délai a été déposée dès le retour de madame Bienvenue à son bureau. Le délai entre la signification et le dépôt de la réponse à l’avis d’appel est sûrement dû au fait que la réponse a été déposée électroniquement et la signification envoyée par courrier.

 

  • [25] Aucun préjudice sérieux n’a été soulevé par l’appelante, il est donc difficile de dire que l’appelante a subi un préjudice sérieux.

 

  • [26] Il faut aussi noter que dans l’arrêt Paulus, le juge Colliver n’avait pas l’option qu’offre l’alinéa 15(2)b) des Règles et le délai pour le dépôt de la réponse à l’avis d’appel n’en était pas un de déchéance.

 

  • [27] À la lumière des faits à la suite de l’analyse des critères, je suis d’avis que le remède approprié dans le présent appel est d’ordonner l’audition de l’appel en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques en vertu en de l’alinéa 15(2)b) des Règles.

 

  • [28] La requête de l’appelante en vertu du paragraphe 15(1) des Règles afin que la Cour accueille l’appel en constatant que les faits allégués dans l’avis d’appel donnent à l’appelante le droit d’obtenir le jugement demandé en vertu de l’alinéa 15(2)c) des Règles est rejetée.

 

  • [29] La requête de l’intimé pour une prolongation de délai pour dépôt de la réponse à l’avis d’appel est rejetée.

 

  • [30] La Cour ordonne l’audition de l’appel en considérant que les faits allégués dans l’avis d’appel sont présumés véridiques.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d'avril 2011.

 

 

 

« Johanne D’Auray »

Juge D'Auray

 


RÉFÉRENCE :    2011 CCI 218

 

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-3907(EI)

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :    SYLVIE MORIN ET M.R.N.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :  L'honorable juge Johanne D'Auray

 

 

DATE DE L’ORDONNANCE

MODIFIÉE:    le 21 avril 2011

 

 

DATE DES MOTIFS MODIFIÉS :    le 21 avril 2011

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER : 

 

  Pour l'appelante:

 

  Nom :   

 

  Cabinet : 

 

  Pour l’intimé :    Myles J. Kirvan

    Sous-procureur général du Canada

    Ottawa, Canada



[1] R. c. Cunningham, [2010] 1 R.C.S. 331, Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] R.C.S. 626

[2] Bien que le paragraphe 27(3) des Règles prévoit que la Cour peut dispenser de l’observation de toute règle si l’intérêt de la justice l’exige, le remède offert à l’alinéa 15(2)b) des Règles est approprié dans cet appel.

[3] Paulus c. British Columbia (Minister of Finance) [1990] 1 C.T.C. 322

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