Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

Dossier : 2007-579(IT)I

ENTRE :

JACQUELINE DALE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 15 mars 2011, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Brandon Siegal

 

 

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002 et 2003 sont rejetés sans frais, en conformité avec les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour d’avril 2011.

 

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2011.

 

Marie‑Christine Gervais


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 206

Date : 12 avril 2011

Dossier : 2007-579(IT)I

ENTRE :

JACQUELINE DALE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge suppléant Weisman

 

[1]              Jacqueline Dale (l’« appelante ») est une Indienne inscrite, membre de la bande Six Nations de Grand River, dont la réserve est située à Ohsweken, en Ontario.

 

[2]              Pendant toute la période pertinente, l’appelante a vécu hors de la réserve, à Hamilton, en Ontario, où elle a travaillé comme collectrice de fonds, puis comme aide-conseillère aux locataires. Dans ces deux emplois, les clients de l’appelante étaient des Autochtones, dont certains résidaient dans des réserves.

 

[3]              Les tâches quotidiennes de l’appelante lui étaient assignées et étaient supervisées par une agence de placement appelée Urban Native Homes Corporation (l’« UNH »), mais l’appelante avait conclu un contrat de travail avec une entité nommée OI Employee Leasing (« OIEL »), qui lui versait sa rémunération, et dont les bureaux sont situés sur la réserve des Six Nations. L’appelante recevait apparemment aussi des instructions et des conseils d’un certain David Martin, un expert-conseil en emploi de l’organisme Grand River Employment and Training (« GREAT »), qui est également situé sur la réserve des Six Nations.

 

[4]              Des représentants d’OIEL, de GREAT et de l’UNH ont tous assuré à l’appelante qu’à titre d’employée d’OIEL, dont les services étaient loués à UNH pour aider des Indiens inscrits vivant soit hors réserve ou dans une réserve, l’appelante serait exemptée de l’impôt sur le revenu. Elle a également été avisée que son époux pouvait demander la déduction au titre de montant pour conjoint prévue à l’alinéa 118(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)[1] étant donné qu’elle n’avait aucun revenu imposable.

 

[5]              Lorsque l’intimée a établi une cotisation à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2002 et 2003 parce que le salaire de l’appelante n’était pas un bien meuble d’un Indien situé sur une réserve, l’appelante a interjeté le présent appel.

 

[6]              Il est ressorti du témoignage de l’appelante que sa plainte ne visait pas tant l’intimée que les trois organismes qui étaient en situations d’autorité et en qui elle avait mis sa confiance. Elle estime que ces organismes devraient être tenus de répondre de leurs erreurs. Bien qu’elle ait cotisé volontairement à une caisse de services juridiques, on ne lui a jamais dit que cette caisse était requise pour défendre les gens se trouvant dans sa situation contre les risques auxquels elle était exposée vis‑à‑vis de l’intimée, à cause de son régime d’emploi.

 

[7]              En conséquence, elle n’a pas répondu lorsque l’intimée lui a demandé si les faits de sa cause étaient comparables à ceux des causes-types touchant ce domaine du droit, comme Shilling c. M.R.N.[2] et Horn c. M.R.N.[3]

 

[8]              L’appelante a également refusé de préciser quels facteurs pertinents rattachaient son revenu à une réserve de manière à permettre qu’un poids approprié soit accordé à ces facteurs dans les circonstances et qu’une décision soit rendue quant à savoir si le salaire de l’appelante était visé par l’exemption de taxation prévue à l’alinéa 87(1)b) de la Loi sur les Indiens[4], en vertu de Williams c. Canada[5].

 

[9]              L’appelante a donné l’explication suivante : [TRADUCTION] « Pour moi, ceci n’est pas tant une question autochtone que le fait que j’ai mis ma confiance dans des symboles d’autorité. Il s’agit d’un acte de négligence dont quelqu’un devrait être tenu responsable. » Chose intéressante, ces sentiments font écho aux commentaires exprimés par le juge en chef adjoint Rossiter dans Googoo c. La Reine[6].

 

[10]         L’appelante s’adresse apparemment maintenant à la Cour pour que celle-ci la protège contre OIEL, GREAT et l’UNH. Elle s’appuie sur l’alinéa 1b) de la Déclaration canadienne des droits[7], qui garantit « le droit de l’individu à l’égalité devant la loi et à la protection de la loi », et sur la Charte canadienne des droits et libertés[8]. Elle invoque probablement le paragraphe 15(1), qui est ainsi rédigé :

 

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

Malheureusement, la Cour n’a pas compétence pour régler les plaintes de l’appelante contre OIEL, GREAT ou l’UNH.

 

[11]         En ce qui concerne la nature du travail, le lieu de travail et les circonstances dans lesquelles ce travail est accompli par l’appelante[9], les éléments de preuve établissent qu’en 2002 et en 2003, l’appelante était une Indienne inscrite qui travaillait hors de la réserve à aider d’autres Indiens – dont certains résidaient dans des réserves et d’autres résidaient hors réserve – à obtenir des logements. Ceux qui vivaient dans des réserves représentaient une faible proportion de la charge de travail de l’appelante, proportion qu’elle estime être d’environ 10 %. Malheureusement pour l’appelante, il a été jugé dans Shilling[10] que l’emploi n’est pas rattaché à une réserve indienne au sens physique du terme du simple fait que la nature de l’emploi consiste à fournir des services à des Indiens.

 

[12]         Le principal facteur qui rattache le revenu de l’appelante à une réserve est le fait que les bureaux de son employeur, OIEL, se trouvent dans la réserve des Six Nations. Toutefois, l’arrêt Shilling a également établi qu’il sera accordé peu de poids au fait que l’employeur est situé dans une réserve en l’absence d’éléments de preuve indiquant de quelle façon la réserve bénéficie du contrat de travail de l’appelante, l’étendue des activités de l’employeur dans la réserve, et si des résidents de la réserve sont employés par OIEL[11].

 

[13]         L’avocat de l’intimée a produit des éléments de preuve indiquant qu’OIEL employait environ dix personnes dans la réserve, que peu de leurs revenus y étaient dépensés, et qu’OIEL payait un loyer minime à la réserve. En conséquence, il sera accordé peu de poids à ce facteur de rattachement.

 

[14]         L’appelante travaille sur le marché. Assujettir sa rémunération à la taxation en vertu de la Loi ne porte d’aucune façon atteinte à son droit à titre d’Indienne de détenir des biens personnels sur la réserve[12].

 

[15]         L’appelante est clairement une personne honorable. Elle s’est trouvée un emploi afin de pouvoir [TRADUCTION] « voler de ses propres ailes ». Elle est actuellement conseillère culturelle autochtone lors d’audiences de libération conditionnelle d’Autochtones. Elle estime que les droits des Indiens devraient être les mêmes peu importe qu’ils travaillent dans la réserve ou hors de la réserve. Toutefois, la jurisprudence établit qu’exempter les revenus de l’appelante de la taxation lui conférerait un avantage par rapport aux autres travailleurs sur le marché du travail, qu’ils soient Indiens ou non.

 

[16]         Pour ces motifs, il est ordonné que l’appel interjeté par l’appelante à l’encontre des cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2002 et 2003 soit rejeté sans frais.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour d’avril 2011.

 

 

 

« N. Weisman »

Juge suppléant Weisman

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juin 2011.

 

Marie‑Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 206

 

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-579(IT)I

 

INTITULÉ :                                       JACQUELINE DALE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 mars 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant N. Weisman

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 12 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Brandon Siegal

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                        Nom :                       

 

                    Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] 2001 CAF 178, 201 D.L.R. (4th) 523.

[3] 2008 CAF 352, [2008] C.A.F. 352.

[4] L.R.C. 1970, ch. I-6.

[5] [1992] 1 R.C.S. 877, aux paragraphes 37 et 38.

[6] 2008 CCI 589, 2009 D.T.C. 1061, au paragraphe 118.

[7] L.R.C. 1985, app. III.

[8] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.

[9] Shilling, précité, au paragraphe 31.

[10] Précité, au paragraphe 51.

[11] Précité, au paragraphe 36.

[12] Williams, précité, au paragraphe 37.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.