Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2007-2489(GST)G

ENTRE :

MARIO BROUILLETTE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Requête entendue le 16 septembre 2010, à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Normand Roy

 

Avocat de l’intimée :

Me Éric Labbé

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

Vu la requête de l’appelant en vue d’obtenir une ordonnance accueillant l’appel avec dépens, conformément à l’avis d’appel modifié du 20 janvier 2010;

 

Et vu la requête de l’intimée en vue d’obtenir une ordonnance annulant l’appel;

 

Et après avoir entendu les allégations des parties;

 

La requête de l’appelant est rejetée, la requête de l’intimée est accueillie, avec dépens accordés à l’appelant, et l’appel de l’avis de cotisation à l’égard de la taxe sur les produits et services pour la période du 1er novembre 2004 au 30 avril 2005 est annulé.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 616

Date : 20101202

Dossier : 2007-2489(GST)G

ENTRE :

MARIO BROUILLETTE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Hogan

 

[1]              L’appelant a interjeté appel d’un avis de cotisation daté du 11 mai 2006 à l’égard de la taxe sur les produits et services (« TPS ») pour la période du 1er novembre 2004 au 30 avril 2005. De nouveaux avis de cotisation ont été émis le 26 mars 2010, remplaçant l’avis de cotisation précédent. Ces nouveaux avis de cotisation portent que l’appelant ne doit payer aucune TPS pour cette période.

 

[2]              Les parties reconnaissent que la Cour n’est plus compétente pour se prononcer sur l’avis de cotisation du 11 mai 2006 sur lequel repose l’avis d’appel modifié le 20 janvier 2010.

 

[3]              L’appelant a présenté à la Cour une requête à être tranchée sans comparution et sur la base d’observations écrites, en vertu du paragraphe 69(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »).

 

[4]              La requête vise à obtenir une ordonnance accueillant l’appel avec dépens, conformément à l’avis d’appel modifié du 20 janvier 2010, alors que l’intimée demande plutôt à la Cour de rendre une ordonnance annulant l’appel.

 

 

I. La question en litige

 

[5]              La seule question en litige est de savoir si la Cour devrait accueillir ou annuler l’appel.

 

 

II. La position de l’appelant

 

[6]              Les nouveaux avis de cotisation, qui sont des « avis de cotisation à zéro ou créditeur », ont valeur de confession à jugement.

 

 

III. La position de l’intimée

 

[7]              L’émission des nouveaux avis de cotisation n’a pas valeur de confession à jugement, mais résulte plutôt d’une erreur administrative.

 

[8]              Cette erreur administrative a pour effet d’annuler l’avis de cotisation antérieur. Il n’y a plus d’objet en litige.

 

[9]              L’intimée consent à payer au titre de dépens les frais payés par l’appelant pour introduire l’instance à la Cour canadienne de l’impôt.

 

 

IV. La Loi

 

[10]         La Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») porte au paragraphe 309(1) que :

 

Loi sur la taxe d’accise

Excise Tax Act

 

309(1) Règlement d’appel − La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel concernant une cotisation en le rejetant ou en l'accueillant. Dans ce dernier cas, elle peut annuler la cotisation ou la renvoyer au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

 

309(1) Disposition of appeal − The Tax Court may dispose of an appeal from an assessment by

(a) dismissing it; or

(b) allowing it and

(i) vacating the assessment, or

(ii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

 

La Loi de l'impôt sur le revenu (« LIR ») porte au paragraphe 171(1) que :

 

Loi de l’impôt sur le revenu

Income Tax Act

 

171(1) Règlement d’un appel − La Cour canadienne de l'impôt peut statuer sur un appel :

a) en le rejetant;

b) en l'admettant et en :

(i) annulant la cotisation,

(ii) modifiant la cotisation,

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

 

171(1) Disposal of appeal − The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

(a) dismissing it; or

(b) allowing it and

(i) vacating the assessment,

(ii) varying the assessment, or

(iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

 

 

V. Analyse

 

[11]         En fiscalité canadienne, un contribuable ne peut interjeter appel d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable car l’émission d’un avis de cotisation n’équivaut pas à une cotisation. Le juge Hugessen de la Cour d’appel fédérale s’est exprimé ainsi dans l’arrêt R c. The Consumers’ Gas Company Ltd. :

 

[…] C’est la cotisation du ministre qui fait l’objet d’un appel devant les tribunaux aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Bien que le terme « cotisation » puisse être interprété de deux manières différentes, soit comme la procédure au moyen de laquelle l’impôt est évalué, soit comme le produit de cette évaluation, il me semble évident, à la lecture des articles 152 à 177 de la Loi de l’impôt sur le revenu, que le terme y est employé seulement dans son second sens. Cette conclusion découle en particulier du paragraphe 165(1) et du principe bien établi selon lequel un contribuable ne peut ni s’opposer à une cotisation égale à zéro ni interjeter appel contre celle‑ci [1].

 

[12]         Par conséquent, l’appelant ne peut faire appel et, de son côté, la Cour ne peut statuer sur un appel conformément au paragraphe 171(1) de la LIR en l’absence d’une cotisation. La Cour ne peut ni accueillir ni rejeter l’appel. Elle doit tout simplement l’annuler. Cette position est conforme à la jurisprudence de la Cour canadienne de l’impôt[2].

 

[13]         Dans l’affaire Bruner c. Canada[3], le contribuable avait vendu une appellation commerciale à sa société pour un billet à ordre ne portant pas intérêt d'une valeur nominale d'un billion de dollars (1 000 000 000 000 $) arrivant à échéance 499 ans plus tard. Il a également reçu un billet à ordre de 70 milliards de dollars ne portant pas intérêt, ce qui correspond à la TPS sur le montant d’un billion de dollars. La société a donc demandé un crédit de taxe sur les intrants de 70 milliards de dollars. Monsieur Bruner a demandé que les deux opérations se compensent. L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a refusé d’accorder le crédit de taxe sur les intrants et a établi une cotisation en vertu du paragraphe 296(1) de la LTA portant qu’aucune taxe n’était payable pour la période de déclaration en cause. Le contribuable a appelé de cette décision et a réclamé des intérêts pour remboursement tardif équivalant à 300 millions de dollars. S’appuyant sur la jurisprudence au sujet des cotisations portant qu’aucun impôt n’est payable, la Couronne a déposé une requête en vue d’obtenir une ordonnance annulant l’appel.

 

[14]         Monsieur Bruner a eu gain de cause en première instance. Cependant, la Cour d’appel fédérale, dans un jugement unanime, a étendu la jurisprudence relative aux cotisations portant qu’aucun impôt n’est payable à la LTA. Le juge Pelletier a déclaré dans Bruner :

 

Le défendeur interjette appel d'une cotisation dans laquelle aucun montant n'est contesté, un fait qu'il a admis devant le juge Miller et qui était en preuve devant le juge Bowie. Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives aux cotisations et aux appels trouvent leur penchant [sic] dans la Loi sur la taxe d'accise et il n'existe à notre avis aucune raison pour laquelle les principes régissant les appels interjetés de cotisations néant établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu ne devraient pas s'appliquer également aux appels interjetés en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, à condition que ces principes vaillent tant pour les crédits de taxe sur les intrants et les remboursements que pour l'impôt à payer. En conséquence, un contribuable n'a pas le droit de contester une cotisation lorsque le fait pour lui d'obtenir gain de cause en appel soit ne changerait rien à l'impôt qu'il doit payer ou à son droit à un crédit de taxe sur les intrants ou à un remboursement, soit augmenterait le montant d'impôt qu'il doit payer. Lorsque le défendeur a soutenu qu'aucun montant n'était contesté, le juge de la Cour de l'impôt aurait dû appliquer la jurisprudence relative aux cotisations néant et annuler l'avis d'appel[4].

 

[Je souligne]

 

[15]         Les faits du présent dossier sont similaires à ceux de l’affaire Bruner. Dans les deux cas, les contribuables appellent d’une cotisation sans qu’un montant ne soit contesté. De plus, et contrairement à l’affaire Bruner, l’appelant a reconnu dans sa requête que la Cour n’est plus compétente pour se prononcer sur l’avis de cotisation du 11 mai 2006.

 

[16]         Dans ces circonstances, il semble opportun que la Cour suive la ratio decidendi établie dans Bruner et annule l’appel plutôt que l’accueillir. Par conséquent, l’appel est annulé.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 616

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2489(GST)G

 

INTITULÉ :                                       MARIO BROUILLETTE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 16 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT:                L’honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Normand Roy

 

Avocat de l’intimée :

Me Éric Labbé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                        Nom :                        Me Normand Roy

 

                     Cabinet :                      

                                                          Saint‑Augustin‑de‑Desmaures (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] [1987] 2 C.F. 60, à la page 67 (C.A.F.).

[2] MacLeod c. La Reine, 2006 CCI 434, 2006 DTC 3487; Consoltex Inc. c. La Reine, 92 DTC 1567, nº 91‑231(IT), 19 décembre 1991, (CCI).

[3] 2003 CAF 54.

[4] Ibid.

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