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Dossier : 2016-4766(IT)I

ENTRE :

ALEXEY LAVRINENKO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 27 octobre 2017 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Dominique Gallant

 

JUGEMENT

L’appel de la détermination de l’Allocation canadienne pour enfants et du Crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joint.

L’appel interjeté en ce qui concerne la Prestation universelle pour la garde d’enfants en vertu de la Loi sur la prestation universelle pour la garde d’enfants et la Prestation ontarienne pour enfants et la Prestation Trillium de l’Ontario en vertu de la Loi sur les impôts est cassé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de novembre 2017.

« B. Paris »

Juge Paris


Référence : 2017 CCI 230

Date : 20171120

Dossier : 2016-4766(IT)I

ENTRE :

ALEXEY LAVRINENKO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Juge Paris

[1]              La Cour est saisie d’un appel de la détermination par la ministre du Revenu national (la « ministre ») selon lequel l’appelant n’était pas admissible à recevoir l’Allocation canadienne pour enfants et le Crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (les « crédits ») en lien avec son fils « S » pour la période s’étendant de décembre 2012 à juin 2016. La ministre est parvenue à cette détermination, car l’appelant n’était pas un « parent ayant la garde partagée » de S.

[2]              Selon la définition figurant dans la Loi, une personne sera dite « parent ayant la garde partagée » si certaines conditions sont réunies. La seule condition contestée dans le présent appel consiste à savoir si l’appelant et son ex-épouse résidaient avec leur fils S durant une période égale ou quasi égale durant les années visées.

[3]              L’appelant a également évoqué avoir droit à la Prestation universelle pour la garde d’enfants en vertu de la Loi sur la prestation universelle pour la garde d’enfants et à la Prestation ontarienne pour enfants et à la Prestation Trillium de l’Ontario en vertu de la Loi sur les impôts (les « autres crédits ») pour la même période. Cependant, cette Cour n’ayant pas la compétence de juger la détermination des autres crédits, cette partie de l’appel doit être cassée : Fatima c. La Reine, 2012 CCI 49; Perron c. La Reine, 2017 CCI 220.

[4]              Dans un autre appel soumis auparavant par l’appelant devant cette Cour en ce qui concerne une détermination relative à son droit aux crédits pour la période allant de juillet 2011 à novembre 2012, la Cour avait déterminé que lui et son ex‑épouse étaient des « parents ayant la garde partagée ». L’appelant maintient que la Cour devrait suivre cette décision en l’espèce, puisque les périodes de garde S des deux parents sont demeurées inchangées au cours de la période visée par la présente.

Faits

[5]              Au cours de la période visée, l’appelant et son ex-épouse (la mère de S) étaient divorcés. La Chambre de la famille de la Cour supérieure de l’Ontario a rendu une ordonnance en date du 29 juin 2011 (la « première ordonnance ») accordant la garde partagée de S à l’appelant et son ex-épouse. S devait principalement résider chez l’ex-épouse de l’appelant.

[6]              La première ordonnance statuait également que S vivrait avec l’appelant selon le calendrier suivant :

       une fin de semaine sur deux après l’école du vendredi au commencement de l’école le lundi suivant, ou le mardi en cas de longue fin de semaine;

       un jour durant la semaine;

       deux semaines non consécutives chaque été;

       de la fin des classes avant les vacances de Noël jusqu’à 16 h le jour de Noël les années impaires;

       de 16 h le jour de Noël au début des classes après le retour des Fêtes les années paires;

       de la fin des classes le jeudi précédant le Vendredi saint au mardi matin suivant les années paires;

       de la fin des classes le vendredi avant l’Action de grâce au mardi matin suivant les années impaires;

       le jour de la fête des Pères de 10 h à 20 h 30 si l’appelant n’a pas la garde cette fin de semaine, le privilège équivalent étant accordé à la mère relativement à la fête des Mères; et

       deux heures le jour de l’anniversaire de S si ce jour ne figure pas dans les accès de l’appelant.

[7]              Les droits d’accès de l’appelant en vertu de la première ordonnance ont été quelque peu modifiés à la suite d’une ordonnance rendue par la même cour le 16 octobre 2015 (la « deuxième ordonnance »). La deuxième ordonnance prévoyait que l’appelant devait récupérer S au plus tard à 19 h pour son accès du milieu de la semaine, faute de quoi, celui-ci serait annulé. L’appelant devait également venir chercher S au plus tard à 19 h 30 le vendredi pour l’accès de la fin de semaine, faute de quoi l’accès débuterait le lendemain matin. Ces changements ont été apportés, car l’appelant éprouvait des difficultés à arriver à temps pour prendre S après l’école pour ses droits d’accès en raison de la congestion routière. L’appelant est conducteur de camion.

[8]              L’appelant a indiqué que lui et son ex-épouse respectaient la première ordonnance et la seconde ordonnance rigoureusement et que, s’il manquait des jours d’accès, il les reprenait ultérieurement sur entente avec celle-ci. L’appelant a produit un calcul des jours où S résidait avec lui entre septembre 2011 et août 2012. L’appelant avait préparé ce calcul aux fins de son appel antérieur devant cette Cour. Le calcul démontrait qu’il résidait avec S 146 jours sur 365 au cours de ces mois, soit 40 % du temps.

[9]              En contre-interrogatoire, il a admis qu’il avait été en retard pour récupérer S à l’école les vendredis de ses accès au cours de la période visée et d’avoir alors demandé à son ex-épouse de récupérer S à ces occasions. L’appelant a affirmé que son ex-épouse venait alors reconduire S à son domicile, aux soins de sa nouvelle conjointe, ou qu’il passait le chercher chez elle plus tard en soirée. Il a affirmé avoir parfois du retard lorsqu’il était temps d’aller S en raison de la congestion routière ou de ses obligations professionnelles.

[10]         S’il ne pas du tout récupérer S, il a affirmé qu’il reprenait le temps de ses accès à une date ultérieure, après entente avec son ex-épouse. Il a également dit qu’il réorganisait parfois les droits d’accès de celle-ci.

[11]         L’ex-épouse de l’appelant a témoigné en disant que celui-ci avait manqué bon nombre de ses accès avec S et qu’il arrivait en retard pour récupérer S au moment de ses accès. Elle estimait que l’appelant manquait ses accès une fois toutes les deux semaines et qu’il récupérait S en retard au moins tout aussi fréquemment. Elle a admis qu’une partie des accès manqués était récupérée, mais estimait que S avait vécu avec elle entre 70 % et 80 % du temps de décembre 2012 à juin 2016. Elle avait pris des notes concernant des difficultés entourant les accès durant la période de janvier à avril 2013. Ces notes faisaient état de retards de l’appelant lors de six accès de mi-semaine et d’un accès de fin de semaine; certains ayant été complètement manqués. Elle ne pouvait se souvenir si ces accès avaient été rattrapés ultérieurement par l’appelant.

[12]         Hormis ces notes, ni l’appelant ni son ex-épouse n’ont conservé de journal quant au temps passé par S avec eux.

Discussion et décision

[13]         L’appelant doit correspondre à la définition d’un « particulier admissible » se trouvant à l’article 122.6 de la Loi afin d’être admissible aux crédits en regard de S. La définition d’un « particulier admissible » comprend un « parent ayant la garde partagée ».

[14]         Un particulier peut seulement être un « parent ayant la garde partagée », conformément à l’article 122.6 de la Loi à condition de respecter certaines conditions. La seule condition contestée dans le présent appel consiste à savoir si l’appelant et son ex-conjointe résidaient avec S sur « une base d’égalité ou de quasi-égalité » durant les années visées.

[15]         Quant à la position de l’appelant selon laquelle la Cour doit simplement suivre sa décision antérieure, je soulignerais que la Cour doit fonder sa décision dans chaque dossier sur les faits établis par la preuve concernant la période visée : Cyr c. M.R.N., 1998 CanLII 545. Je remarque également que le jugement de la Cour dans l’appel antérieur ne fait pas état de la durée de temps passé par S avec l’appelant durant la période visée par cette affaire.

[16]         L’appelant soutient également que S a résidé avec lui 40 % de la période visée par l’espèce. Par ailleurs, il affirme qu’une garde répartie selon une proportion de 40 %/60 % entre deux parents répond à la définition de « parent ayant la garde partagée » prévue à l’article 122.6 de la Loi.

[17]         Je ne suis pas d’accord. Dans Brady c. La Reine, 2012 CCI 240, la juge Campbell a estimé que l’intention du parlement relativement à l’expression « quasi-égalité » dans la définition de « parent ayant la garde partagée » signifiait une petite différence dans le temps passé avec chaque parent. Elle a poursuivi en disant que « [...] la modification s’applique aux cas des parents où il n’y a qu’une fort légère différence ou une différence « peu marquée ». (Je souligne.) Dans Brady, la répartition du temps passé par l’enfant avec chaque parent était de 45 % et de 55 %, soit quasi égale.

[18]         Dans Van Boekel c. La Reine, 2013 CCI 132, le juge Woods s’est penché sur la signification de l’expression : « une base d’égalité ou de quasi-égalité » figurant dans la définition de « parent ayant la garde partagée » et figurant au paragraphe 21. À ce chapitre, il dit :

Pour ce qui est des principes généraux à appliquer, dans la décision Brady la juge Campbell a conclu que l’expression « quasi-égalité » ne se limite pas qu’à une très légère variation de la proportion de 50/50. À mon avis, la loi n’englobe pas non plus une variation très marquée par rapport à une période de résidence égale. Sinon, le législateur aurait dit les choses autrement.

(Je souligne.)

[19]         Je souscris à la conclusion du juge Woods selon laquelle l’expression « une base d’égalité ou de quasi-égalité » ne permet pas un très grand écart d’un temps de résidence égal. À mon sens, une répartition de 60 % et de 40 % constitue un écart marqué. Un enfant qui passe 40 % de son temps avec un parent passe seulement les deux tiers de son temps avec celui-ci plutôt qu’avec l’autre. Je n’estime pas ici qu’il s’agisse d’une quasi-égalité. Une conclusion contraire viendrait élargir indûment la définition de l’expression « une base d’égalité ou de quasi-égalité ». Un temps de garde inférieur à 40 % ne se qualifierait clairement pas comme une « quasi-égalité ».

[20]         Dans l’espèce, l’appelant a reconnu qu’il avait manqué certains accès durant la période visée, mais il a également indiqué que ses accès [traduction] « se situaient à près de 40 % » du temps. Or, son ex-épouse a soutenu que ses accès représentaient une proportion de temps inférieure à ceci. Malheureusement, ni l’un ni l’autre n’a tenu un journal du temps passé par S avec eux. Considérant la preuve produite, je conclus que S a résidé avec l’appelant moins de 40 % du temps durant la période visée, bien que je sois incapable de déterminer la proportion exacte en deçà de 40 %. Néanmoins, je n’estime pas qu’il soit nécessaire de déterminer celle‑ci, car à mon sens, une répartition de 40 % et 60 % du temps ne permettrait pas à l’appelant de répondre à la définition de « parent ayant la garde partagée ».

[21]         Pour tous les motifs précédents, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de novembre 2017.

« B.Paris »

Juge Paris


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 230

NUMÉRO DU DOSSIER :

2016-4766(IT)I

INTITULÉ :

ALEXEY LAVRINENKO ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU ET DATE DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

Le 27 octobre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 novembre 2017

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Dominique Gallant

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

S. O.

Cabinet :

S. O.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

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