Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2008-3306(GST)G

 

ENTRE :

 

BIJOUTERIE ALMAR INC.,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 14, 15 et 16 septembre 2010, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Benoît Denis

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie par le ministre du Revenu du Québec (ministre) en date du 18 avril 2008 en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) pour des périodes s’échelonnant du mois d’août 2003 au mois de mars 2007 (33 périodes) pour un montant de 3 911 530,61 $, incluant les pénalités et intérêts, est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelante a droit aux crédits de taxe sur les intrants pour un montant de 2 303 351,63 $ relativement aux fournitures de bijoux acquises de 2867‑8555 Québec Inc. (JemGold) et de 4114299 Canada Inc. au cours des périodes en litige.


 

Les pénalités et intérêts imposés aux termes de l’article 280 de la LTA sont annulés en conséquence. La pénalité imposée en vertu de l’article 285 de la LTA est annulée.

 

L’appelante a droit à ses dépens aux termes du tarif B des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

Référence : 2010 CCI 618

Date : 20101202

Dossier : 2008-3306(GST)G

 

ENTRE :

 

BIJOUTERIE ALMAR INC.,

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelante en date du 18 avril 2008 par le ministre du Revenu du Québec (ministre) en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (LTA) pour des périodes s’échelonnant du mois d’août 2003 au mois de mars 2007 (33 périodes) pour un montant de 3 911 530,61 $, incluant les pénalités et intérêts (voir réponse à l’avis d’appel, paragraphe 11, et pièce A-1).

 

[2]              Par cette cotisation, le ministre a refusé des crédits de taxe sur les intrants (CTI) au montant de 2 310 614,18 $, dont un montant de 2 303 351,63 $ relativement à des fournitures de bijoux en or que l’appelante n’aurait pas acquises. Cette dernière conteste cette partie de la cotisation uniquement et réclame donc des CTI pour ce dernier montant de 2 303 351,63 $ (voir réponse à l’avis d’appel, paragraphe 13, et l’avis d’appel, au paragraphe 6), de même que l’annulation des intérêts et pénalités exigés aux termes de l’article 280 LTA, et de la pénalité imposée en vertu de l’article 285 LTA.

 

[3]              Plus précisément, le ministre refuse les CTI réclamés à l’égard de bijoux en or que l’appelante prétend avoir acquis de deux fournisseurs, qui se détaillent comme suit :

 

2867-8555 Québec Inc. (JemGold)

1 461 022 87 $

4114299 Canada Inc.

842 328,75 $

Total :

2 303 351,63 $

 

[4]              Selon l’intimée, les pièces justificatives soumises par l’appelante au soutien des CTI refusés sont fausses et constituent des factures de complaisance, puisque, selon le ministre, l’appelante n’aurait pas acquis les bijoux en or de ces deux fournisseurs. Dans sa réponse à l’avis d’appel, l’intimée soutient que les deux sociétés mentionnées ci-dessus étaient détenues par M. Michel Henri, et que ces sociétés n’avaient ni le personnel ni les équipements pour fabriquer autant de bijoux, et n’avaient pas non plus acquis une telle quantité de bijoux leur permettant de fournir l’appelante selon ce que cette dernière prétend avoir acquis. L’intimée soutient de plus que les factures fournies ne contiennent pas une description suffisante pour identifier les bijoux qui auraient été vendus par les deux fournisseurs en question, se contentant d’indiquer « assorted gold jewellery » ou « assorted gold merchandise ». De ce que je comprends, 2867-8555 Québec Inc. (JemGold), a cessé d’exister au moment de la création de 4114299 Canada Inc., qui a repris les actifs de JemGold (voir Rapport de vérification, pièce A‑8, page 4).

 

Faits

 

[5]              L’appelante a fait entendre onze témoins et l’intimée cinq témoins. Le président de l’appelante, monsieur Allan Puzantyan, a d’abord témoigné. Il exploite cette entreprise depuis 1993, avec un associé, Berc Pabucyan, lequel a aussi témoigné.

 

[6]              Au départ, ils fabriquaient des bijoux en or et en argent à partir de moules. Les bijoux fabriqués étaient vendus à des grossistes et détaillants. En 1999, ils ont commencé à acheter des bijoux en gros pour la revente. Berc Pabucyan a continué à s’occuper de la fabrication de bijoux et Allan Puzantyan a pris en charge la partie achat-revente de bijoux. Ils avaient alors treize ou quatorze employés. Au fil des ans, la fabrication de bijoux a diminué et constituait, au cours des années en litige, environ 30 pour cent des ventes. Le nombre d’employés a diminué en conséquence et l’entreprise compte maintenant trois employés.

 

[7]              Le site de l’entreprise a toujours été au même endroit, sur la rue Cathcart à Montréal, sur le Carré Phillips. Il y a une salle d’exposition avec comptoirs et quatre autres pièces.

 

[8]              Allan Puzantyan a connu Michel Henri par l’intermédiaire de son oncle. Ils ont commencé à faire affaires ensemble en août 2003. Au début, Michel Henri venait à son lieu d’affaires pour lui montrer les bijoux qu’il avait à vendre. Par la suite, c’est Allan Puzantyan qui se déplaçait. Le lieu d’affaires de Michel Henri était également au Carré Phillips, à quatre minutes de marche. Michel Henri détenait un local avec une salle d’exposition contenant plusieurs étalages.

 

[9]              Monsieur Henri a mentionné dans son témoignage qu’il détenait une partie de son stock de bijoux ailleurs, à deux autres endroits différents, l’un sur la rue Bates, et l’autre sur la rue Mont-Royal, tous deux à Montréal.

 

[10]         Monsieur Puzantyan a expliqué qu’il prenait rendez-vous avec monsieur Henri avant d’aller le rencontrer à son lieu d’affaires au Carré Phillips. Monsieur Henri travaillait avec monsieur Jan Cienki, lequel agissait comme son bras droit. Le frère de monsieur Henri, Paul Henri, pouvait se trouver sur les lieux également occasionnellement. Monsieur Puzantyan faisait son choix de bijoux et négociait le prix avec monsieur Henri, selon le prix de l’or du moment, calculé en fonction du poids, auquel s’ajoutait un montant pour la main-d’œuvre. Il n’y avait aucun frais de transport à cause de la proximité des deux lieux d’affaires. On mettait simplement les bijoux dans un sac que l’on transportait à pied d’une place à l’autre, sans plus de sécurité. Ce pouvait être Allan Puzantyan, ou son père Levon Puzantyan, qui aidait son fils, ou monsieur Cienki ou monsieur Henri qui transportaient les bijoux, une fois la transaction finalisée.

 

[11]         Monsieur Henri acceptait de recevoir des paiements échelonnés sur une période de temps déterminée. Des factures ont été déposées en preuve démontrant la façon de faire. Ainsi, à titre d’exemple, à la pièce A-4, volume 2, onglet « juillet », on voit la facture numéro 04371 datée du 2 juillet 2004, par laquelle on indique qu’il y a eu une vente de « assorted gold jewellery » à l’appelante par JemGold pour un montant de 200 000 $ avant taxes, et de 230 050 $ avec les taxes. Selon ce qui est inscrit sur cette facture, le paiement aurait été effectué en trois versements par chèques, les 9 septembre, 10 septembre et 14 septembre 2004.

 

[12]         Monsieur Puzantyan a expliqué que la description « assorted gold jewellery » correspondait à la façon de faire dans l’industrie des bijoux. On détaillait les bijoux vendus seulement aux fins d’importation de l’étranger. Autrement, pour les ventes faites localement, on ne détaillait jamais les bijoux vendus. Ceci a été confirmé par Jan Cienki et par Michel Henri, qui ont expliqué qu’il n’y aurait pas assez de place sur la facture pour inscrire chaque bijou vendu, compte tenu de la quantité vendue. Monsieur Cienki a expliqué que 98 pour cent de la facturation était ainsi faite, et que c’était la procédure suivie dans l’industrie.

 

[13]         Monsieur Puzantyan a expliqué que les paiements pouvaient s’étendre sur six à neuf mois, mais que le paiement pouvait tout aussi bien se faire sur livraison des bijoux ou sur une période plus courte, comme le démontre l’exemple de la facture ci-dessus mentionnée. Monsieur Puzantyan a également dit qu’il pouvait perdre de l’argent sur certains achats de bijoux. Ainsi, s’il ne les revendait pas dans un certain laps de temps, il essayait de les liquider ou les faisait fondre tout simplement, soit pour fabriquer de nouveaux bijoux, soit pour en faire des lingots d’or qu’il revendait principalement à une entreprise spécialisée dans le domaine du nom de Federal Commercial Metals & Company (Federal Commercial), au prix de l’or du marché. Il a dit que, lorsqu’il faisait fondre les bijoux, il calculait une perte d’environ trois pour cent sur ces bijoux (en tenant compte du prix de l’or et de la main-d’œuvre). Globalement, il dit avoir fait des profits avec les bijoux achetés de Michel Henri, de même que d’autres fournisseurs.

 

[14]         Les états financiers déposés sous la cote A-5 démontrent des ventes brutes variant de 11 à 18 millions de dollars au cours des années 2004 à 2007, des profits bruts variant entre 700 000 $ et un million de dollars pour la même période, et un roulement du stock aux deux ou trois mois (selon le calcul effectué par l’appelante en divisant les revenus bruts par la valeur du stock en fin d’année, ce qui est admis de part et d’autre par les parties).

 

[15]         Monsieur Puzantyan a également reconnu avoir acheté directement de fournisseurs en Italie, tel que le démontrent les factures produites sous la cote A‑7. Toutefois, il a dit que, bien qu’il connût beaucoup de fournisseurs là-bas, il ne privilégiait pas cette formule car il devait acquitter en totalité le prix d’achat avant d’obtenir livraison de la marchandise. L’avantage de passer par monsieur Henri était que celui‑ci lui octroyait du financement, en permettant le paiement sur une période échelonnée. Il a été mis en preuve qu’il s’est aussi approvisionné au Mexique (pièce I‑1), aux Etats-Unis (pièce I‑2) et en Espagne (pièce I‑3).

 

[16]         En contre-interrogatoire, monsieur Puzantyan a reconnu que parfois il payait les bijoux achetés avec des lingots d’or. Ceci a été confirmé par son père, Levon Puzantyan. On a donné un exemple dans la pièce A-4, volume 2, onglet « déc. », où l’on voit que la facture numéro 06112, datée du 7 décembre 2004, pour un montant total de 301 377 $, taxes incluses, a été payée avec de l’or. On retrouve, attachées à cette facture, trois chèques faits par l’appelante à Federal Commercial qui auraient servi à acheter l’or pour payer la facture ci‑dessus mentionnée.

 

[17]         Levon Puzantyan a compilé toutes les factures faisant l’objet de la cotisation pour lesquelles il a retracé, à l’exception d’une facture, le paiement aux deux fournisseurs, ou à d’autres agissant pour leur compte, soit par chèques ordinaires ou par chèques certifiés pour lesquels il avait les reçus de la banque. Il a également noté chaque facture qui aurait été payée avec de l’or acheté à Federal Commercial et les chèques faits à cette dernière pour l’acquisition de l’or qui aurait servi à payer les fournisseurs. Tous les états de compte bancaire de l’appelante sont joints, lesquels démontrent que tous les chèques en question ont été tirés sur le compte bancaire de l’appelante. Cette compilation se retrouve à la pièce A‑4, volumes 1, 2 et 3.

 

[18]         Arman Puzantyan, le frère de Allan et le fils de Levon, a aussi témoigné. Il a travaillé pendant douze ans pour l’appelante. Il choisissait, à l’occasion, les bijoux avec son frère Allan au lieu d’affaires de Michel Henri. Il dit y être allé une dizaine de fois et avoir transporté lui-même les bijoux à deux reprises dans une valise à roulettes. Il a mentionné que Jan Cienki et le frère de Michel Henri, Paul, transportaient également les bijoux chez l’appelante. Arman Puzantyan était lui‑même vendeur dans l’Ouest canadien et à Toronto. Il pouvait transporter des bijoux avec lui pour une valeur allant jusqu’à 400 000 $ sans sécurité spécifique. Il s’absentait en moyenne une fois par mois.

 

[19]         Berc Pabucyan, l’associé de Allan Puzantyan, a confirmé qu’ils achetaient leurs bijoux chez Michel Henri et qu’ils les transportaient eux-mêmes ou qu’ils étaient livrés en personne chez l’appelante, soit par Michel Henri, soit par Jan Cienki. Il a confirmé également que, si les bijoux ne se vendaient pas, ils les faisaient fondre pour revendre les lingots d’or à Federal Commercial.

 

[20]         Monsieur Denis Filiatreault, un représentant vendeur pour le compte de l’appelante a aussi témoigné. Il n’a aucun lien de parenté avec les propriétaires de l’appelante. Il était un employé qui était assigné au comptoir du lieu d’affaires sur la rue Cathcart de 2004 à 2007.

 

[21]         Il a décrit la salle d’exposition comme un grand comptoir en forme de U entouré d’étagères de bijoux sur les murs. Lui-même s’occupait des acheteurs avec Arman Puzantyan, quand ce dernier n’était pas dans l’Ouest pour vendre des bijoux. Il a dit qu’il y avait perpétuellement du monde qui venait pour acheter (les clients étant principalement des bijouteries de Montréal). Par ailleurs, il voyait deux à trois fournisseurs par jour, dont monsieur Michel Henri. Il n’a pas vu ce dernier avec de la marchandise, mais Jan Cienki et Paul Henri, oui. Les bijoux étaient d’abord pesés dans le bureau, pour un contrôle du stock, pour ensuite être apportés dans la salle d’exposition.

 

[22]         Michel Henri a ensuite témoigné. Il travaille dans l’industrie des bijoux depuis 1989. Il a commencé comme vendeur à commissions et a fondé sa propre entreprise d’achat et de revente de bijoux quelques années plus tard.

 

[23]         Il avait connu Jan Cienki auparavant et ils ont décidé de travailler ensemble, mais c’est Michel Henri qui était le propriétaire et qui prenait toutes les décisions importantes. Il a connu Allan Puzantyan alors qu’il en était à ses débuts. Il a donc fait des démarches auprès de lui pour lui vendre des bijoux et ils ont fait beaucoup d’affaires ensemble. Quand Michel Henri recevait de la marchandise, il appelait Allan Puzantyan, qui venait choisir ce qu’il voulait, puis il négociait le prix selon le prix de l’or à ce moment, et Michel Henri tenait aussi compte de sa marge de profit. Le paiement pouvait être fait immédiatement ou étalé sur une période de temps. Il a confirmé tous ceux qui pouvaient transporter la marchandise de son lieu d’affaires à celui de l’appelante comme étant les personnes mentionnées par les autres témoins.

 

[24]         Monsieur Henri avait obtenu lui-même du financement auprès d’une entreprise du nom de C.A.B.L.E., et il est arrivé que l’appelante doive payer C.A.B.L.E. directement. Michel Henri avait plus d’une dizaine d’autres clients à Montréal et des clients à Toronto également. Il a mentionné qu’il avait plusieurs fournisseurs et qu’il lui arrivait aussi de vendre à Federal Commercial lorsqu’il avait besoin d’argent.

 

[25]         Monsieur Jan Cienki a confirmé travailler avec Michel Henri et avoir vendu des bijoux à Allan Puzantyan durant une période de quatre à cinq ans. Il a également confirmé que Michel Henri avait d’autres clients. Il a également dit que lui-même, ou toutes les personnes travaillant avec Allan Puzantyan, pouvaient transporter les bijoux d’une place à l’autre et que le paiement se faisait de la main à la main. Il a dit que Michel Henri gardait ses bijoux dans une chambre forte (une « voûte ») au bureau principal au Carré Phillips et sur la rue Bates.

 

[26]         Monsieur Emmanuel Phaneuf, syndic de faillite chez Raymond Chabot Inc., a administré le dossier de la faillite de 4114299 Canada Inc., laquelle est devenue faillie en août 2007. Les biens de la faillie ont été saisis par le ministre en juin 2007. Ceux‑ci comprenaient de l’équipement servant à la fonte d’or (incluant des fours), une balance et des plaquettes de ventilation servant à la transformation de l’or « à la manufacture », des moules, des soudeuses et autres machines industrielles (pièces A‑9, A‑10 et A‑11). M. Phaneuf a expliqué que les bijoux saisis qui se retrouvaient dans la chambre forte de la Banque Canadienne Impériale de Commerce (BCIC) avaient été évalués aux fins de la faillite à quinze millions de dollars au total. Chaque bien était listé et étiqueté. Il a déposé la pièce A‑12 à ce sujet.

 

[27]         Monsieur David Malka, bijoutier grossiste depuis 36 ans, a également témoigné. Son lieu d’affaires se trouve depuis 22 ans sur la rue Cathcart, près du Carré Phillips, à Montréal. Il achète les bijoux localement ou en importe de l’étranger ou en fabrique sur place. Il ne vend qu’à des bijoutiers. Lui aussi s’approvisionnait auprès de JemGold. Lorsque Michel Henri recevait de la marchandise, il contactait monsieur Malka qui achetait les bijoux qu’il voulait en réglant la facture rapidement. Monsieur Malka a fait des affaires ainsi avec monsieur Henri du 9 août 2001 au 5 octobre 2004 selon les détails chronologiques des fournisseurs qu’il a listés, produits sous la cote A‑13. Il a également joint quelques factures provenant de JemGold.

 

[28]         Certaines ressemblent exactement à celles produites par l’appelante sous la cote A‑4, à la différence qu’on ajoute, sur certaines d’entre elles, 14kt – 18kt à la mention « assorted gold jewellery ». Sur une seule facture, on a inscrit deux mots, dont un se lit « chains » et l’autre je ne peux pas le lire. Monsieur Malka a expliqué que, s’il payait rapidement, il obtenait un prix plus intéressant pour la marchandise, laquelle lui était livrée par le frère de Michel Henri, à son lieu d’affaires, qui était à quelques pas. Il lui remettait alors un chèque en paiement, lequel était parfois postdaté. Il dit avoir vu Allan Puzantyan à quelques reprises.

 

[29]         Madame Ani Hovanessian, également grossiste en bijoux à Toronto, depuis 15 ans, est aussi venue témoigner. Elle est directrice générale de Shiny Jewellers, que possède son père. Elle s’occupe de tous les achats. Elle importe des bijoux de partout dans le monde et revend à des détaillants au Canada. Elle a dit qu’elle achetait des bijoux italiens en or de Michel Henri. Lui ou son frère ou Jan Cienki venaient vendre ses produits sur place à Toronto généralement, mais il lui est arrivé d’aller au lieu d’affaires de Michel Henri au Carré Phillips à Montréal à deux ou trois reprises.

 

[30]         Le prix négocié était fonction du prix de l’or du moment, auquel on ajoutait la main‑d’œuvre, les taxes et une marge bénéficiaire. Elle ramenait les bijoux avec elle. Elle n’utilisait pas de services de messagerie. Elle a également produit quelques factures sous la cote A‑14, lesquelles sont exactement sur le même modèle que celles fournies par l’appelante (pièce A‑4). Elle a commencé à acheter auprès de Michel Henri en octobre 2002 et aurait cessé en janvier 2005. Elle payait immédiatement ou avec un délai d’une semaine ou d’un mois.

 

[31]         Finalement, monsieur Kevin Klieman, grossiste en bijoux à Toronto, sous le nom de Traders, a aussi témoigné. Il est copropriétaire de Traders avec un dénommé Frank Merdocca. Ils fabriquent et importent des bijoux en or et des bijoux de diamants, et les vendent à des détaillants, depuis 13 ans. Lui aussi s’est approvisionné auprès de Michel Henri, du mois d’octobre 2003 au mois de novembre 2006. Il se déplaçait à Montréal pour acheter des bijoux directement au lieu d’affaires de Michel Henri, qui lui faisait un prix selon le prix de l’or, auquel il ajoutait une marge bénéficiaire, et pour lequel monsieur Klieman lui remettait des chèques, généralement payables sur une période de six ou sept mois. Lui aussi transportait les bijoux avec lui.

 

[32]         Il dit avoir déjà vu Allan Puzantyan chez Michel Henri et avoir eu connaissance de plusieurs autres propriétaires d’entreprise qui s’approvisionnaient là.

 

[33]         Il a aussi produit des factures d’achat auprès de Michel Henri, lesquelles sont sur le même modèle que celles produites par l’appelante (pièce A‑15). Les factures produites ont été payées à C.A.B.L.E., qui avait saisi les comptes clients de 4114299 Canada Inc.

 

[34]         À quelques occasions, les marchandises lui ont été livrées par JemGold en consignation, avec un bordereau de livraison. Il pouvait les retourner ou pouvait les garder et alors il recevait une facture.

 

[35]         Du côté de l’intimée, j’ai d’abord entendu le témoignage de madame Nancy Gaudreault, qui a été la vérificatrice pour le ministre dans le dossier de l’appelante. Dans son rapport de vérification déposé sous la cote A‑8, elle a constaté que la proportion des achats faits par l’appelante auprès de JemGold et 4114299 Canada Inc. (les deux fournisseurs pour lesquels elle a refusé les CTI à l’appelante) pouvait représenter jusqu’à 83 pour cent des achats totaux de l’appelante. Selon le document déposé sous la cote I‑4, on voit que la proportion des achats par l’appelante chez ces deux fournisseurs, par rapport à ses achats totaux, était de 60,5 pour cent pour l’année financière se terminant le 31 mars 2004, de 83,64 pour cent pour celle se terminant le 31 mars 2005 et de 72,87 pour cent pour l’année finissant le 31 mars 2006, pour diminuer de façon importante à 0,89 pour cent pour l’année se terminant le 31 mars 2007.

 

[36]         Par ailleurs, les ventes de l’appelante à Federal Commercial résultant de la fonte des bijoux achetés représentaient un pourcentage de 34,8 pour cent de ses ventes totales pour l’année financière 2004, de 45,25 pour cent pour l’année financière 2005, de 27,64 pour cent pour 2006 et de 4,92 pour cent pour 2007 (pièce I‑5). Ces ventes d’or fondu (« scrap gold ») ne se faisaient pas uniquement à Federal Commercial, mais aussi à d’autres clients. Ainsi, pour l’année financière 2006, la totalité des ventes de « scrap gold » de l’appelante correspondait à 30,89 pour cent de la totalité des ventes et à 11,39 pour cent pour l’année financière 2007 (pièce I‑6). Lors de sa vérification, le mandataire de l’appelante lui avait dit qu’il y avait une perte d’environ 7 à 8 pour cent sur la vente de « scrap gold ».

 

[37]         Quant à sa décision de refuser d’accepter les factures d’achat pour accorder des CTI à l’appelante, elle a dit que, suite aux vérifications faites par le ministre relativement à JemGold et à 4114299 Canada Inc., auxquelles elle‑même n’avait pas participé, le ministre en avait conclu que ces deux fournisseurs n’étaient pas en mesure de fournir les bijoux. Elle en a donc conclu qu’aucun de ces deux fournisseurs, dont le propriétaire était Michel Henri, ne pouvait fournir l’appelante. Elle a aussi considéré que les factures déposées en preuve n’étaient pas assez détaillées. Selon elle, le poids et le prix unitaire des bijoux achetés auraient dû paraître sur ces factures. En contre-interrogatoire, elle a reconnu que, selon la prise d’inventaire faite à l’entreprise de l’appelante le 20 avril 2006 par le ministre, il y avait du stock sur place d’une valeur totalisant 1 652 487 $, et du stock envoyé à Miami en Floride d’une valeur de 1 152 584 $ (pièce A‑7, document E‑2)[1]. Elle a également reconnu que l’absence de frais de transport et le fait que l’appelante avait acheté directement de fournisseurs en Italie avaient influencé sa décision, sans qu’elle demande d’explications.

 

[38]         Monsieur Huu Bang Nguyen, vérificateur fiscal pour le ministre, a ensuite témoigné pour l’intimée. Il a vérifié les achats effectués par 4114299 Canada Inc. pour lesquels cette dernière avait demandé des CTI du mois d’avril 2004 au mois de mars 2006. Il a constaté que cinq fournisseurs de cette société n’avaient pas de lieu d’affaires ni d’activités commerciales.

 

[39]         On retrouve la liste des fournisseurs de 4114299 Canada Inc. à la pièce I‑8. Le premier des cinq fournisseurs en question est la Bijouterie A.N.D. (A.N.D.). 4114299 Canada Inc. prétendait avoir acheté des bijoux d’une valeur de 38 millions de dollars au cours de la période étudiée de A.N.D. et réclamait des CTI d’une valeur de quelque 2,7 millions de dollars.

 

[40]         C’est monsieur Pierre Gariépy, vérificateur pour le ministre, qui a procédé à la vérification de A.N.D. pour la période du 30 avril 2004 au 31 janvier 2006. Selon monsieur Gariépy, qui a également témoigné, cette entreprise n’avait aucun registre, mais avait produit des déclarations de taxe jusqu’à ce qu’elle soit vendue en janvier 2005. Toutefois, elle n’avait aucun document justifiant de ses achats. Elle n’avait que des factures de vente, et son plus gros client était 4114299 Canada Inc. (pièce I‑9). Monsieur Gariépy a fermé le compte de taxe sur les produits et services (TPS) de A.N.D. le 31 janvier 2006, car elle n’exploitait aucune entreprise. De plus, monsieur Nguyen a constaté que son président déclarait un très faible revenu et qu’il était aussi le président de deux autres sociétés, qui avaient fait faillite en 2004 et en 2005. A.N.D. aurait fait l’objet d’une cotisation pour un montant de TPS impayé de 15,9 millions de dollars.

 

[41]         Le deuxième fournisseur de 4114299 Canada Inc. analysé par monsieur Nguyen est la bijouterie A.S.N. (A.S.N.). Cette dernière a subi une vérification, laquelle a été effectuée par madame Marina Raposo pour le ministre. Celle-ci est venue expliquer en cour que A.S.N. avait produit des déclarations de taxe de juillet 2001 à mars 2004. À compter du mois d’avril 2004, il n’y avait plus aucune facture ni aucun document comptable. Elle n’a pu retracer les fournisseurs de A.S.N. pour lesquels cette dernière réclamait des CTI, lesquels ont été refusés. Il ressort de la pièce I‑8 que 4114299 Canada Inc.aurait acheté des bijoux pour une valeur de 35,5 millions de dollars auprès de A.S.N. Toutefois, madame Raposo n’a pas considéré ceci dans son projet de cotisation de A.S.N., car, au moment où elle travaillait sur le dossier A.S.N., la vérification de 4114299 Canada Inc. n’avait pas encore commencé. Monsieur Nguyen, de son côté, a refusé les CTI réclamés par cette dernière au montant d’environ 2,5 millions de dollars pour les achats auprès de A.S.N., suite à la vérification de madame Raposo, d’autant que A.S.N. n’avait plus produit de déclarations de taxe depuis 2004.

 

[42]         Le troisième fournisseur de 4114299 Canada Inc. pour lequel on lui a refusé des CTI, au montant d’environ 2 millions de dollars, est 9141-2882 Québec Inc., dont le président était le même que pour A.S.N. C’est madame Raposo qui a effectué la vérification de cette dernière société qui émettait beaucoup de factures, mais elle ne produisait aucune déclaration de taxes. Monsieur Nguyen a constaté de son côté que cette société n’avait aucun lieu d’affaires.

 

[43]         Le quatrième fournisseur de 4114299 Canada Inc. pour lequel monsieur Nguyen lui a refusé des CTI, au montant de 234 554 $, est Kristor Inc. Cette dernière entreprise a fait l’objet d’une vérification par madame Raposo. Cette entreprise ne produisait pas de déclaration de taxes et n’a pas fourni à madame Raposo toutes ses factures de vente. Kristor disait avoir acquis des bijoux d’une valeur de 52 millions de dollars de A.N.D. et de A.S.N., alors que ces dernières n’étaient clairement pas en mesure d’avoir fourni ces bijoux.

 

[44]         Le cinquième fournisseur de 4114299 Canada Inc. pour lequel monsieur Nguyen a refusé des CTI, au montant de 2 084 $, est Jackin-Or. Monsieur Nguyen ne s’est pas rendu au lieu d’affaires de cette entreprise, mais le revenu du président était très faible et monsieur Nguyen a refusé tous les CTI.

 

[45]         En tout, monsieur Nguyen a refusé à 4114299 Canada Inc. un montant de CTI totalisant 7 511 868 $, relativement à la fourniture d’or seulement. En contre-interrogatoire, il a reconnu ne pas avoir analysé les ventes de 4114299 Canada Inc. aux acheteurs que l’on retrouve sur la pièce I‑8, et dont fait partie l’appelante.

 

[46]         L’intimée a également fait témoigner madame Myrlande Rochelin, laquelle a procédé à la vérification de JemGold pour le ministre pour la période du 1er septembre 2000 au 24 février 2004. Elle a vérifié si les sept plus grands fournisseurs de JemGold produisaient leurs déclarations de taxe. On retrouve la liste de ces fournisseurs à la pièce I‑10. Elle a refusé en tout et pour tout des CTI de 7 750 996 $, réclamés par JemGold relativement aux achats qu’elle aurait faits de ces fournisseurs durant la période s’étalant du 1er septembre 2000 au 24 février 2004. Ces fournisseurs n’avaient pas produit de déclarations de taxe et n’avaient pas de lieu d’affaires. En contre-interrogatoire, elle a dit qu’elle ne s’était pas attardée sur les ventes effectuées par JemGold, car il y avait trop de problèmes avec les achats. Je crois comprendre qu’elle a jugé que JemGold ne pouvait vendre ce qu’elle n’avait pas acheté.

 

[47]         Madame Raposo a également procédé à la vérification de certains fournisseurs de JemGold. Parmi ceux-ci, il y avait la bijouterie Serkab, qui a plaidé coupable d’avoir fourni des factures de complaisance à JemGold. Par ailleurs, elle a constaté qu’en 2003 JemGold s’est vu refuser 90 pour cent de ses achats par rapport à la totalité des achats selon les états financiers, aux fins de la réclamation de CTI (pièce I‑10). En contre-interrogatoire, madame Raposo a mentionné que l’appelante n’apparaissait pas dans sa vérification comme un acheteur des fournisseurs pour lesquels elle a procédé à une vérification.

 

Arguments des parties

 

[48]         L’appelante soutient que ce n’est pas parce que le propriétaire des deux fournisseurs relatifs auxquels elle réclame des CTI qui font l’objet du litige a été accusé de fraude qu’elle doit elle‑même en subir les conséquences.

 

[49]         L’appelante soutient qu’elle est une entreprise profitable depuis des années, dont le stock se renouvelle aux deux ou trois mois selon les états financiers, et tel qu’a pu le vérifier le ministre en constatant le stock sur place. Elle soutient qu’elle ne négociait aucune ristourne avec les fournisseurs en question au moment de l’achat des bijoux et que la preuve du paiement a bel et bien été faite par les factures auxquelles sont attachés les chèques ou reçus et les états de compte bancaire. L’appelante a fait témoigner plusieurs personnes qui ont confirmé la façon de faire dans l’industrie et qui ont corroboré que l’appelante a réellement acheté les bijoux pour lesquels elle demande des CTI que le ministre lui refuse. L’appelante a fait témoigner monsieur Phaneuf, le syndic de faillite de 4114299 Canada Inc., et elle soutient que ce dernier a confirmé l’existence de l’entreprise de Michel Henri, qui possédait l’équipement nécessaire à la fabrication de bijoux. Monsieur Phaneuf a également mentionné le stock de bijoux que possédait celui‑ci d’une valeur d’environ 15 millions de dollars. D’ailleurs, des représentants de compétiteurs sont venus témoigner pour dire qu’ils achetaient des bijoux de Michel Henri.

 

[50]         Toute la preuve de l’intimée repose, selon l’appelante, sur la fraude qu’aurait effectuée Michel Henri et certains de ses fournisseurs. L’appelante ne figure pas au palmarès des entreprises ciblées pour fraude. La preuve ne démontre pas de connivence de sa part. La preuve ne révèle pas que l’appelante est une entreprise qui a été mise sur pied dans l’unique but de souscrire à un stratagème frauduleux. L’intimée s’est contentée de faire la preuve de l’insolvabilité de fournisseurs des entreprises de Michel Henri et n’a fait aucune analyse des ventes effectuées par ces mêmes entreprises. L’intimée n’a apporté aucune preuve que ceux qui achetaient auprès de Michel Henri, et encore moins l’appelante, étaient au courant de la soi‑disant fraude de ses fournisseurs. La preuve est prépondérante pour démontrer que l’appelante a bel et bien acheté les bijoux de Michel Henri, selon la marche à suivre dans l’industrie. Ce n’est pas à l’appelante à supporter le fardeau économique de ceux qui sont accusés de fraude.

 

[51]         De son côté, l’intimée dit ne pas nier l’existence même des entreprises de Michel Henri. Ce que l’intimée nie, c’est la fourniture de bijoux que l’appelante prétend avoir acquise. L’intimée ne croit pas que l’appelante a acquis une quantité aussi importante de bijoux qu’elle le prétend, pour le prix indiqué sur les factures. D’ailleurs, les factures sont muettes sur la quantité exacte de bijoux achetés.

 

[52]         L’intimée argumente que le fait que les fournisseurs de Michel Henri n’étaient pas en mesure de fournir tous ces bijoux a une importance dans ce dossier, puisque cela démontre que Michel Henri n’avait pas de stock suffisant pour fournir la quantité de bijoux que l’appelante prétend avoir acquise. Ainsi, jusqu’à 80 pour cent des bijoux achetés par l’appelante provenaient, dans une seule année, des entreprises de monsieur Henri, et environ 70 pour cent des achats de ces dernières ont été refusés puisqu’il n’y avait pas de fournisseurs véritables. Comment Michel Henri pouvait-il revendre autant de bijoux à l’appelante? De plus, en analysant les factures faites à l’appelante à la pièce A‑4, l’intimée a noté que la numérotation des factures était incohérente.

 

[53]         Finalement, la vente de « scrap gold » est très élevée. Pourquoi acheter tant de bijoux et les revendre sous forme de « scrap gold » à perte?

 

[54]         L’appelante a simplement souligné en réplique que ce n’est pas parce que certains fournisseurs de Michel Henri fournissaient de fausses factures que Michel Henri n’avait pas de bijoux à vendre.

 

Analyse

 

[55]         Pour refuser les CTI réclamés par l’appelante sur les achats de bijoux provenant de JemGold et de 4114299 Canada Inc., le ministre s’est fondé sur, entre autres, les allégations que l’on retrouve au paragraphe 18, alinéas g et suivants de la réponse à l’avis d’appel, qui se lisent comme suit :

 

g)         l’appelante n’a pas fourni au Ministre, lorsque requis de le faire, les renseignements suffisants, y compris les renseignements visés par règlement, pour établir le montant de 2 303 351,63 $ de CTI mentionné au sous-paragraphe précédent qu’elle a demandé et obtenu dans le calcul de sa taxe nette pour les 33 périodes visées;

 

h)                  plus précisément, l’appelante a fourni au Ministre des pièces justificatives et des documents pour établir ledit montant de CTI qui ne rencontraient pas les exigences de la L.T.A. et de la réglementation y relative;

 

i)                    essentiellement, les pièces justificatives au soutien des CTI refusés au montant de 2 303 351,63 $ relativement à des fournitures de bijoux en or qu’elle a acquises pendant les 33 périodes visées sont fausses et constituent des factures d’accommodation afin de permettre à l’appelante de demander, sans droit, des CTI dans le calcul de sa taxe nette pour les 33 périodes visées;

 

j)                    le stratagème a pour but, par le biais de l’utilisation de factures dites «d’accommodation», de pouvoir effectuer des demandes de CTI indues en fonction des exigences de la L.T.A.;

 

 

k)                  en l’espèce, l’appelante, la personne «accommodée», a fait appel aux services de tierces personnes exploitant de véritables entreprises ou des entreprises bidon, selon le cas, peu importe, les deux (2) fournisseurs en cause, à savoir les personnes «accommodatrices», afin qu’elles émettent des factures à l’appelante pour des fournitures de produits qu’elles n’ont pas effectuées à l’appelante et que cette dernière n’a pas acquises de l’une ou l’autre d’entre-elles;

 

l)                    l’appelante n’a acquis aucune desdites fournitures de bijoux en or en cause desdits deux (2) fournisseurs;

 

m)                lesdits deux (2) fournisseurs ont été détenus par monsieur Michel Henri;

 

n)                  lesdits deux (2) fournisseurs en cause n’ont ni le personnel et les équipements pour fabriquer autant de bijoux ni n’ont acquis une telle quantité de bijoux leur permettant d’effectuer les fournitures qu’ils se sont engagés à fournir à l’appelante;

 

 

o)                  les pièces justificatives (factures) fournies ne contiennent pas une description suffisante pour identifier les fournitures effectuées par ces deux (2) fournisseurs qui ont été acquises par l’appelante (les quantités et la qualité des bijoux fournis, la contrepartie exigée pour chacun d’eux, etc.) autre que «assorted gold jewellery», «assorted gold merchandise» ou toute autre nomenclature du même ordre, et n’indiquent qu’un montant global exigé comme contrepartie de la fourniture;

 

p)                  l’appelante est donc redevable au Ministre du montant des rajustements apportés à sa taxe nette déclarée pour les 33 périodes visées, plus les intérêts et les pénalités.

 

[56]         Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, la Cour suprême du Canada disait que la charge initiale de démolir les présomptions prises en compte par le ministre pour établir sa cotisation était imposée au contribuable. Dans l’arrêt Amiante Spec Inc. c. Canada, 2009 CAF 139, au paragraphe 15, la Cour d’appel fédérale établissait que le contribuable s’acquittait de ce fardeau initial s’il présentait au moins une preuve prima facie démolissant l’exactitude des présomptions ainsi formulées. La Cour d’appel fédérale se prononçait ainsi sur la notion de preuve prima facie, aux paragraphes 23 et 24 :

 

23        Une preuve prima facie est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n’est pas la même chose qu’une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie » (Stewart c. Canada, [2000] T.C.J. No. 53 au paragraphe 23).

 

24        Bien qu’il ne s’agisse pas d’une preuve concluante, « le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement » considérant « qu’il s’agit de l’entreprise du contribuable » (Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425 au paragraphe 20). Cette Cour a précisé que c’est le contribuable « qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle » (ibid.).

 

[57]         Si le contribuable s’acquitte de ce fardeau initial, c’est au ministre que revient le fardeau de réfuter la preuve prima facie faite par le contribuable afin de prouver ses propres présomptions.

 

[58]         Aussi, l’on impose ce premier fardeau de preuve au contribuable puisque c’est ce dernier qui connaît son entreprise et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas.

 

[59]         Dans la présente instance, la preuve ne révèle pas que l’appelante était au courant du fait que ses deux fournisseurs s’étaient fait refuser 70 pour cent de leurs achats par le ministre, aux fins de la réclamation des CTI. C’est plutôt des informations que le ministre possédait et qui échappaient au contrôle de l’appelante. Dans les circonstances, il faut garder cet élément en mémoire lorsqu’il s’agit d’analyser si l’appelante a apporté une preuve prima facie pour démolir les présomptions du ministre.

 

[60]         Ceci étant dit, est-ce possible de conclure que la preuve apportée par l’appelante crée un tel degré de probabilité en sa faveur que je dois l’accepter si j’y ajoute foi? Cette preuve a-t-elle été contredite ou le contraire a-t-il été prouvé?

 

[61]         La première présomption du ministre est que les factures fournies par l’appelante sont fausses et constituent des factures de complaisance. Le ministre s’appuie sur le fait que les deux fournisseurs n’avaient ni le personnel ni les équipements pour fournir autant de bijoux, ni n’ont acquis une telle quantité de bijoux leur permettant d’effectuer les fournitures qu’ils se sont engagés à fournir à l’appelante.

 

[62]         Tous les témoins de l’appelante ont décrit les lieux d’affaires des deux fournisseurs en cause, qui étaient la propriété de Michel Henri. Ce dernier avait son lieu d’affaires au Carré Phillips et le syndic de faillite a confirmé qu’au moment de la faillite de 4114299 Canada Inc., il y avait un stock de bijoux de 15 millions de dollars dans la chambre forte de la BCIC, de même que des équipements qui ont été saisis au lieu d’affaires. Je considère donc que l’appelante a démoli prima facie la présomption du ministre que les deux fournisseurs n’étaient pas en mesure de fournir les bijoux à l’appelante.

 

[63]         Pour se décharger de son fardeau de prouver que les factures fournies par l’appelante étaient des factures de complaisance, l’intimée a voulu établir par ses vérificateurs que plusieurs fournisseurs de JemGold et de 4119299 Canada Inc. n’existaient pas ou n’avaient pas d’activité commerciale. Ce faisant, l’intimée a déduit que ces derniers ne pouvaient fournir à Michel Henri la quantité qu’aurait acquise l’appelante. L’intimée ajoute qu’une grosse proportion des achats de l’appelante provenait de ces deux fournisseurs.

 

[64]         De son côté, l’appelante a établi par une preuve objective que ses deux fournisseurs, JemGold et par la suite 4119299 Canada Inc., exerçaient bel et bien une activité commerciale, et de surcroît, 4119299 Canada Inc., au moment de faire faillite en 2007, possédait un stock très important de bijoux.

 

[65]         L’intimée a voulu aussi mettre en doute la crédibilité de l’appelante en soutenant qu’une proportion des ventes d’environ 35 pour cent dans une année provenait de la fonte des bijoux achetés.

 

[66]         À mon avis, l’intimée n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’appelante n’a pas acquis la quantité de bijoux qu’elle dit avoir acquise des deux fournisseurs en question. L’appelante a déposé en preuve ses états financiers, de même que tous ses états de compte bancaire et preuves de paiement, et l’intimée n’a pas apporté d’éléments tangibles me permettant de conclure que l’appelante n’avait pas réellement déboursé ces sommes en échange des bijoux acquis. Il n’y a pas de preuve que les chèques sont passés par des centres d’encaissement pour ensuite revenir dans les poches de l’appelante, tel que semble le soutenir l’intimée. Il s’agit là d’une preuve très difficile à faire par l’intimée et, en l’instance, je ne suis pas en mesure de dire que la fourniture de bijoux était fictive et qu’il n’y a pas eu de paiement en contrepartie.

 

[67]         L’intimée reconnaît l’existence des fournisseurs et de leurs activités commerciales. Elle ne reconnaît pas la quantité de bijoux achetée au motif que les deux fournisseurs auraient été impliqués dans des stratagèmes de fraude avec leurs propres fournisseurs. L’intimée n’a pas réussi à me démontrer l’existence d’une connivence quelconque de la part de l’appelante. Le stratagème invoqué par l’intimée est ressorti d’une enquête faite par l’Agence du revenu du Canada, dans laquelle l’appelante n’apparaît nulle part. La preuve n’a pas révélé que celle‑ci connaissait ces faits ou agissait de concert avec les personnes impliquées dans ce stratagème. Le procureur de l’intimée a soulevé en argumentation que la numérotation des factures était incohérente. Toutefois, aucune question n’a été posée aux nombreux témoins à ce sujet, et il m’est impossible dans les circonstances, d’en tirer une inférence négative à l’égard de l’appelante.

 

[68]         Par ailleurs, le fait qu’une plus grande proportion des bijoux ait été revendue dans une année sous forme de lingots d’or, à perte, peut être attribuable au risque relié à l’exploitation de ce type d’entreprise. Je ne suis pas en mesure de conclure qu’il s’agit là d’une preuve de participation à un stratagème frauduleux. Quoi qu’il en soit, l’intimée n’a pas réussi à établir un lien suffisant pour me convaincre du contraire.

 

[69]         L’autre présomption du ministre est que l’appelante n’a pas fourni des pièces justificatives qui remplissaient les exigences de la L.T.A. et de la règlementation y relative. Le paragraphe 169(4) de la L.T.A. dit ceci :

 

(4) Documents — L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

b) dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d’indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

 

[70]         L’article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) (règlement) se lit comme suit :

3.                 Renseignements — Les renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

 

a)      lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de moins de 30 $ :

(i)             le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire,

(ii)           si une facture a été remise pour la ou les fournitures, la date de cette facture,

(iii)          si aucune facture n’a été remise pour la ou les fournitures, la date à laquelle il y a un montant de taxe payée ou payable sur celles‑ci,

(iv)         le montant total payé ou payable pour la ou les fournitures;

b)      lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $;

(i)             le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément au paragraphe 241(1) de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

(ii)           les renseignements visés aux sous-alinéas a)(ii) à (iv),

(iii)          dans le cas où la taxe payée ou payable n’est pas comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures :

(A)     ou bien, la taxe payée ou payable pour toutes les fournitures ou pour chacune d’elles,

(B)      ou bien, si une taxe de vente provinciale est payable pour chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée, mais ne l’est pas pour une fourniture exonérée ou une fourniture détaxée :

(I)   soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour chaque fourniture taxable, ainsi qu’une déclaration portant que le total pour chaque fourniture taxable comprend la taxe payée ou payable selon cette section,

(II)  soit le total de la taxe payée ou payable selon la section II de la partie IX de la Loi et de la taxe de vente provinciale payée ou payable pour toutes les fournitures taxables, ainsi qu’une déclaration portant que ce total comprend la taxe payée ou payable selon cette section.

(iv)         dans le cas où la taxe payée ou payable est comprise dans le montant payé ou payable pour la ou les fournitures et que l’une ou plusieurs de celles-ci sont des fournitures taxables qui ne sont pas des fournitures détaxées :

(A)     une déclaration portant que la taxe est comprise dans le montant payé ou payable pour chaque fourniture taxable,

(B)      le total (appelé « taux de taxe total » au présent alinéa) des taux auxquels la taxe a été payée ou était payable relativement à chacune des fournitures taxables qui n’est pas une fourniture détaxée,

(C)     le montant payé ou payable pour chacune de ces fournitures ou le montant total payé ou payable pour l’ensemble de ces fournitures auxquelles s’applique le même taux de taxe total,

(v)           dans le cas où deux fournitures ou plus appartiennent à différentes catégories, une mention de la catégorie de chaque fourniture taxable qui n’est pas une fourniture détaxée;

c)      lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

(i)             les renseignements visés aux alinéas a) et b),

(ii)           soit le nom de l’acquéreur ou son nom commercial, soit le nom de son mandataire ou de son représentant autorisé,

(iii)          les modalités de paiement,

(iv)         une description suffisante pour identifier chaque fourniture. [Je souligne.]

 

[71]         Les factures fournies par l’appelante établissaient le nom de l’acquéreur et du fournisseur, le numéro d’inscription du fournisseur, la date et le montant total payé, et donnaient une description globale, soit « assorted gold jewellery ». Le règlement dit que la description doit être suffisante pour identifier chaque fourniture. Le ministre a indiqué dans ses présomptions que la description n’était pas suffisante en ce que les quantités et la qualité des bijoux fournis, de même que la contrepartie exigée pour chacun d’eux, n’y apparaissaient pas.

 

[72]         Chacun des trois témoins assignés par l’appelante qui n’avaient aucun lien avec elle, soit David Malka, Ani Hovanessian et Kevin Klieman, a dit qu’il avait acheté des bijoux de Michel Henri et a fourni des factures identiques ou quasi identiques à celles fournies par l’appelante. L’intimée n’a pas questionné ces personnes sur la description que contenaient ces factures. L’intimée n’a pas non plus remis en cause le témoignage de ces trois personnes ni n’a attaqué leur crédibilité.

 

[73]         Par ailleurs, il a été mis en preuve que les factures établies pour les achats de bijoux à l’étranger sont plus détaillées, en ce qu’elles indiquent parfois le poids, parfois la quantité, parfois les deux, ainsi qu’une description, parfois sommaire, des produits achetés. On y indique également dans certains cas le prix de l’or ou de la main‑d’oeuvre, dans d’autres cas le prix unitaire (voir pièces A‑7, I‑1, I‑2 et I‑3).

 

[74]         Des témoignages entendus, il ressort qu’on différencie la facturation pour les produits importés de celle effectuée pour les bijoux achetés localement. Bien que la preuve soit très mince à ce sujet, je crois comprendre qu’il serait beaucoup trop fastidieux de produire une description détaillée de chaque bijou acheté sur chaque facture.

 

[75]         Le règlement exige une description suffisante pour identifier chaque fourniture. L’intimée a allégué que pour ce faire, la facture doit indiquer la quantité, la qualité et la contrepartie exigée pour chaque bijou. L’intimée n’a pas expliqué sur quoi elle se basait pour identifier de telles exigences.

 

[76]         De la preuve, je retiens que les pièces justificatives soumises en preuve ne sont pas hors norme dans l’industrie. Toutefois, la description des produits achetés ne correspond évidemment pas à ce que l’intimée allègue dans ses présomptions. Mais la question demeure : que signifie l’exigence du règlement qui dit que la pièce justificative doit comporter comme renseignement une description suffisante pour identifier chaque fourniture? Le règlement ne parle pas des exigences requises selon l’intimée. Le règlement parle d’une description suffisante pour identifier chaque fourniture. Que faut-il entendre par « chaque fourniture »? Dans le cas actuel, peut-on dire qu’un bijou est une fourniture, ou bien un lot de bijoux est-il une fourniture? Dans le premier cas, les pièces justificatives ne seraient pas conformes, dans le deuxième cas, elles pourraient l’être. Les parties n’ont pas mis l’accent sur ce point.

 

[77]         Compte tenu du peu d’éléments que je possède à ce sujet, et de l’expression plutôt vague utilisée dans le règlement, et puisque je conclus que l’intimée n’a pas démontré l’existence de factures de complaisance, je suis d’avis de considérer les factures soumises comme étant conformes au règlement. Si la pratique commerciale, usuelle dans l’industrie n’est pas conforme au règlement selon l’intimée, il lui reviendra de faire une démonstration plus approfondie que les exigences qu’elle invoque sont celles qui sont requises. En l’instance, je considère que l’appelante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les factures soumises sont conformes aux termes de l’article 3 du règlement.

 

[78]         Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel et de renvoyer la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l’appelante a droit aux CTI pour un montant de 2 303 351,63 $ relativement aux fournitures de bijoux acquises de JemGold et de 4114299 Canada Inc. au cours des périodes en litige. Les pénalités et intérêts imposés aux termes de l’article 280 de la LTA seront annulés en conséquence. La pénalité imposée en vertu de l’article 285 de la LTA est annulée.

 

[79]         L’appelante a droit à ses dépens selon le tarif B des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de décembre 2010.

 

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 618

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3306(GST)G

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Bijouterie Almar Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 14, 15 et 16 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 décembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

 

Avocat de l’intimée :

Me Benoît Denis

 

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante :

 

                     Nom :                            Me Louis-Frédérick Côté

                 Cabinet :                           SPIEGEL SOHMER INC.

                     Ville :                            Montréal (Québec)

 

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Cela correspond à une augmentation, sur une période de trois semaines, d’environ 500 000 $ par rapport au stock de fin d’année indiqué aux états financiers au 31 mars 2006, qui était de 2 261 170 $ (pièce A‑5).

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