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Dossier : 2009-3455(CPP)

 

ENTRE :

RYAN THOMAS McKENNA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Ryan Thomas McKenna (2009-3454(EI)),

à Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 4 novembre 2010.

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Patrick K. MacEwen

Avocat de l’intimé :

Me Gregory King

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2010.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2011.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-3454(EI)

ENTRE :

RYAN THOMAS McKENNA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de

Ryan Thomas McKenna (2009-3455(CPP)),

à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 4 novembre 2010.

 

Devant : L’honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Patrick K. MacEwen

Avocat de l’intimé :

Me Gregory King

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2010.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de janvier 2011.

 

Marie-Christine Gervais

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 601

Date : 20101125

Dossiers : 2009-3455(CPP),

2009-3454(EI)

 

ENTRE :

RYAN THOMAS McKENNA,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Les présents appels intéressent certaines décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi, selon lesquelles Ryan Thomas McKenna (le « travailleur ») n’exerçait pas un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès de Rick’s Fine Drywall Ltd. (le « payeur ») au cours de la période du 2 octobre 2008 au 10 décembre 2008 (la « période pertinente »).

 

[2]              Le payeur exploitait une entreprise de pose de cloisons sèches et son seul client était un promoteur d’immeubles en copropriété divise à Fort McMurray, en Alberta. Le payeur fournissait uniquement la main‑d’œuvre nécessaire à la pose des cloisons sèches pour ce promoteur. Le travailleur avait été engagé par le payeur, dans le cadre d’une entente verbale, pour poser des cloisons sèches.

 

[3]              Le ministre fait valoir que le travailleur était un entrepreneur indépendant et qu’il n’exerçait pas un emploi aux termes d’un contrat de louage de services.

 

[4]              Chaque affaire soulevant la question de savoir si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant doit être tranchée à la lumière des faits qui lui sont propres. Il faut accorder à chacun des quatre volets (contrôle, propriété de l’outillage, possibilité de profit et risque de perte) du critère énoncé dans les arrêts Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, et 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, le poids qui lui revient compte tenu des circonstances de l’affaire. En outre, selon de récents arrêts de la Cour d’appel fédérale, l’intention des parties au contrat constitue maintenant un facteur dont le poids paraît varier d’une affaire à l’autre (Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87; Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396; City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350; National Capital Outaouais Ski Team c. M.R.N., 2008 CAF 132).

 

[5]              Les faits sur lesquels le ministre s’est appuyé pour rendre sa décision dans l’affaire touchant le Régime de pensions du Canada (2009‑3455(CPP)) et celle touchant l’assurance‑emploi (2009-3454(EI)) sont les mêmes. Dans chaque affaire, les faits sont énoncés comme suit au paragraphe 10 de la réponse à l’avis d’appel :

 

[traduction]

 

a.       le payeur a été constitué en société le 2 juillet 2008; (ignoré)

 

b.      Ricky Leclerc était l’unique actionnaire du payeur; (ignoré)

 

c.       Ricky Leclerc agissait également comme président et administrateur du payeur; (ignoré)

 

d.      les activités de l’entreprise du payeur consistaient en la pose de cloisons sèches; (admis)

 

e.       pendant la période frappée d’appel, le payeur exploitait son entreprise à Fort McMurray, en Alberta; (admis)

 

f.        lorsqu’il a engagé l’appelant, le payeur avait l’intention déclarée de l’embaucher comme sous‑traitant, tandis que l’appelant avait l’intention déclarée de travailler à titre d’employé; (nié)

 

g.       pendant la période frappée d’appel, le payeur a retenu les services d’un autre travailleur (l’« autre travailleur »), lequel il considérait comme un sous‑traitant; (ignoré)

 

h.       l’autre travailleur avait l’intention déclarée d’être un sous‑traitant et non un employé du payeur; (ignoré)

 

i.         l’appelant ne possédait aucune expérience antérieure dans le domaine de la pose de cloisons sèches; (admis)

 

j.        Ricky Leclerc a donné un ou deux jours de formation à l’appelant, lequel a ensuite pu travailler de façon autonome; (nié)

 

k.      ni l’appelant ni le payeur ne tenait un relevé des heures travaillées par l’appelant; (nié)

 

l.         pendant la période frappée d’appel, le payeur a obtenu des contrats d’un promoteur d’immeubles en copropriété divise; (ignoré)

 

m.     le payeur fournissait au promoteur d’immeubles en copropriété divise la main‑d’œuvre nécessaire à la pose des cloisons sèches; (admis)

 

n.       le promoteur d’immeubles en copropriété divise fournissait tout le matériel requis pour faire les travaux; (ignoré)

 

o.      la rémunération de l’appelant et de l’autre travailleur se fondait sur un pourcentage déterminé de chacun des contrats du payeur; (nié)

 

p.      l’appelant et l’autre travailleur étaient payés deux fois par mois, par chèque, vers le 15e et le 30e jour de chaque mois; (admis)

 

q.      le payeur avait pour habitude d’inscrire la mention « contrat de sous‑traitance » sur les chèques faits à l’ordre de l’appelant et de l’autre travailleur; (ignoré)

 

r.        les heures de travail étaient fonction de l’horaire du promoteur d’immeubles en copropriété divise et étaient fixées de manière plus précise d’un commun accord entre l’appelant, l’autre travailleur et Ricky Leclerc, lesquels travaillaient en équipe; (nié)

 

s.       pendant la période frappée d’appel, les heures de travail variaient de 50 à 60 heures par semaine, habituellement jusqu’à six jours par semaine; (admis)

 

t.        l’appelant et l’autre travailleur avaient tous deux la possibilité d’engager un assistant, à la condition que ce dernier soit payé sur leur part respective des revenus; (nié)

 

u.       Ricky Leclerc, l’appelant et l’autre travailleur avaient tous l’obligation de rendre compte au promoteur d’immeubles en copropriété divise de la qualité du travail accompli par l’équipe; (nié)

 

v.       l’appelant payait les frais qu’il supportait pour se rendre en Alberta; (admis)

 

w.     l’appelant a acheté une perceuse (visseuse) pour la pose des cloisons sèches et cette dépense ne lui a pas été remboursée; (admis)

 

x.       le payeur fournissait à l’appelant une ceinture porte‑outils d’occasion; (admis)

 

y.       le promoteur d’immeubles en copropriété divise fournissait un logement commun aux travailleurs qui travaillaient activement à ses projets de construction; (ignoré)

 

z.       le payeur n’a pas retenu d’impôt ni effectué aucune autre retenue à la source prévue par la loi relativement à l’appelant ou à l’autre travailleur. (admis)

 

[6]              Robert A. Grant et Ricky Leclerc ont témoigné au soutien de la thèse de l’intimé. Seul le travailleur a témoigné pour son propre compte.

 

[7]              Il convient de faire certaines observations sur la crédibilité des témoins. Premièrement, M. Leclerc et l’autre travailleur ont témoigné et ont simplement raconté leur histoire. Leur témoignage n’était pas vague. Ils ont répondu aux questions précises qui leur étaient posées. Ils ont très bien surmonté l’épreuve du contre‑interrogatoire. M. Leclerc a offert certaines précisions ainsi que des éléments de preuve documentaire (voir les pièces R‑2 et R‑3) qui visaient plus particulièrement la façon dont la rémunération que le promoteur d’immeubles en copropriété divise versait au payeur était fixée et dont les revenus bruts du payeur étaient partagés entre le travailleur, l’autre travailleur et lui‑même en leur qualité d’équipe. Le travailleur, quant à lui, a offert des explications évasives. De plus, je dirais que l’hésitation manifestée par le travailleur, le temps qu’il a pris pour répondre aux questions et son comportement ont soulevé des doutes dans mon esprit quant à sa crédibilité. Son témoignage selon lequel il n’était pas certain si le payeur avait retenu de l’impôt sur sa rémunération ou effectué d’autres retenues à la source prévues par la loi n’était tout simplement pas digne de foi puisqu’il recevait le montant brut de cette rémunération (c.‑à‑d. 30 $ l’heure). Il est également invraisemblable qu’un travailleur (qui avait été un employé pendant de nombreuses années et qui connaissait donc bien les retenues à la source prévues par la loi, les feuillets T4 et les relevés d’emploi) dont l’intention déclarée était d’agir comme employé n’ait jamais demandé au payeur pourquoi les retenues prévues par la loi n’étaient pas faites et pourquoi un feuillet T4 et un relevé d’emploi n’avaient pas été délivrés. Pour toutes ces raisons, je préfère la version des faits présentée par M. Leclerc et l’autre travailleur.

 

Témoignage du travailleur

 

[8]              Pour l’essentiel, le témoignage du travailleur tenait à ce qui suit :

 

                                      i.      Avant d’être engagé par M. Leclerc pour rendre des services au payeur, il travaillait pour Boncor Building Products (« Boncor ») à titre d’employé. Je signale immédiatement que les raisons invoquées par le travailleur dans son avis d’appel et dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi (voir la pièce R‑2, pages 8 et 9) sont fort différentes. Dans son avis d’appel, il allègue avoir quitté son emploi chez Boncor [traduction] « soit un poste permanent à temps plein de 40 heures fixes par semaine offrant des avantages sociaux gratuits en matière de santé et de soins dentaires, [qu’il avait] occupé pendant quatre ans, parce que Ricky [lui] avait garanti du travail pendant deux ou trois ans avec sa société ». Or, dans sa demande de prestations d’assurance‑emploi, le travailleur a pour l’essentiel déclaré qu’il avait quitté son travail chez Boncor à cause des conditions de travail dangereuses et des mauvaises relations qu’il avait avec son [traduction] « principal supérieur hiérarchique ». Dans son témoignage, il a fait mention d’une manière évasive des discussions ayant eu lieu entre lui et M. Leclerc avant qu’il ne conclue une entente verbale avec le payeur. Il a affirmé que M. Leclerc lui avait promis qu’il gagnerait beaucoup plus d’argent chez le payeur que chez Boncor puisqu’il serait payé à un taux horaire de 30 $ et qu’il travaillerait en moyenne 50 heures par semaine.

 

                                    ii.      Le payeur et lui tenaient tous deux un relevé de ses heures travaillées.

 

                                  iii.      Il ignorait que le promoteur d’immeubles en copropriété divise versait au payeur une rémunération fondée sur le nombre de pieds carrés.

 

                                 iv.      Il n’a pas remarqué ni mis en doute la mention [traduction] « contrat de sous‑traitance » qui figurait sur les chèques qu’il recevait du payeur.

 

                                   v.      Il ignorait que la rémunération de l’autre travailleur se fondait sur un pourcentage déterminé des revenus du payeur.

 

                                 vi.      Il n’avait pas la possibilité d’engager des remplaçants ou des assistants, et il ne l’a pas fait.

 

                               vii.      Les heures de travail étaient fixées par M. Leclerc.

 

                             viii.      Il n’était pas responsable des défauts observés dans son travail et, le cas échéant, il n’était pas tenu d’effectuer les réparations dans ses temps libres ou à ses frais.

 

                                 ix.      Pendant la période pertinente, il a partagé un condominium avec M. Leclerc. Il a admis que le logement était gratuit, mais il a ajouté qu’il ignorait si celui‑ci était fourni par le payeur ou le promoteur d’immeubles en copropriété divise.

 

                                   x.      Comme il n’avait aucune expérience en pose de cloisons sèches, il faisait l’objet d’une surveillance constante de la part de M. Leclerc.

 

                                 xi.      Il avait l’obligation d’informer M. Leclerc lorsqu’il voulait prendre un congé. Il a admis qu’il n’avait pas demandé de congé pendant la période pertinente.

 

                               xii.      Au début de sa relation avec le payeur, ce dernier lui fournissait tous les outils nécessaires pour poser les cloisons sèches (une perceuse, un ruban à mesurer, une ceinture porte‑outils d’occasion). Un mois plus tard, il a décidé d’acheter ses propres outils. Il a payé 450 $ pour la perceuse, 30 $ pour la ceinture et 20 $ pour le couteau.

 

                             xiii.      Il a déclaré son revenu à titre de revenu d’emploi et il payé de l’impôt sur celui‑ci. Il n’était pas certain si le payeur avait retenu de l’impôt ou effectué d’autres retenues à la source prévues par la loi sur sa rémunération. Il s’est rendu compte que le payeur n’avait pas fait ces retenues lorsque l’ARC l’a appelé (après qu’il eut produit sa déclaration de revenus pour l’année pertinente) pour lui dire qu’il n’avait pas payé suffisamment d’impôt sur son revenu d’emploi.

 

[9]              Dans son témoignage, M. Leclerc a pour l’essentiel affirmé ce qui suit :

 

                                      i.      Il a clairement déclaré au travailleur que le payeur l’engagerait à titre de sous‑traitant. Il a également mentionné que, pendant la période pertinente, le payeur avait embauché M. Robert A. Grant (l’« autre travailleur ») et le considérait comme un sous‑traitant. Je signale immédiatement que l’autre travailleur a témoigné que M. Leclerc l’avait clairement informé qu’il serait engagé par le payeur à titre de sous‑traitant. Il a ajouté que son intention déclarée était d’être un sous‑traitant et non un employé du payeur.

 

                                    ii.      Le payeur n’a jamais tenu un relevé des heures travaillées par le travailleur et par l’autre travailleur.

 

                                  iii.      La rémunération versée au travailleur et à l’autre travailleur se fondait sur un pourcentage déterminé de chacun des contrats du payeur. Il a précisé que le payeur était payé en fonction du nombre de pieds carrés, habituellement entre 0,30 $ et 0,35 $ le pied carré. Il a ajouté que les revenus bruts du payeur étaient partagés comme suit : 20 pour 100 au travailleur, 60 pour 100 du reste à lui‑même et 40 pour 100 à l’autre travailleur. Il a précisé que l’autre travailleur recevait un pourcentage plus élevé des revenus bruts du payeur simplement parce qu’il était davantage expérimenté et productif. M. Leclerc a expliqué que le travailleur et l’autre travailleur savaient pertinemment comment les revenus bruts du payeur étaient calculés puisqu’ils recevaient avec leur rémunération une feuille faisant état du nombre de pieds carrés de cloisons sèches installées par le payeur pour chaque contrat, du nombre total de pieds carrés de cloisons sèches posées, de la somme facturée au promoteur d’immeubles en copropriété divise et, enfin, du calcul montrant comment cette somme facturée était partagée. Pour corroborer son témoignage sur ce point, il a produit en preuve un double d’un chèque de 2 948,56 $ émis à l’ordre du travailleur le 8 décembre 2008 (pièce R‑1) ainsi qu’un double de la feuille (pièce R‑3) qu’il avait remise à ce dernier (de même qu’à l’autre travailleur) montrant les chiffres à l’appui de ce paiement.

 

                                 iv.      La mention [traduction] « contrat de sous‑traitance » figurait habituellement sur les chèques émis à l’ordre du travailleur et de l’autre travailleur (voir la pièce R‑2).

 

                                   v.      Le travailleur et l’autre travailleur étaient tous deux payés par chèque lorsque le payeur recevait un paiement du promoteur d’immeubles en copropriété divise, habituellement deux fois par mois, vers le 15e et le 30e jour de chaque mois.

 

                                 vi.      Les heures de travail étaient fonction de l’horaire du promoteur et étaient fixées de manière plus précise d’un commun accord entre M. Leclerc, le travailleur et l’autre travailleur, lesquels travaillaient en équipe. M. Leclerc a ajouté que, pendant la période pertinente, les heures travaillées variaient de 50 à 60 heures par semaine, jusqu’à six jours par semaine. Il a enfin témoigné à cet égard qu’ils avaient tous travaillé le même nombre d’heures pendant la période pertinente.

 

                               vii.      Le travailleur et l’autre travailleur avaient tous deux la possibilité d’engager un assistant, à la condition que ce dernier soit payé sur leur part respective des revenus.

 

                             viii.      Le travailleur et l’autre travailleur avaient le droit de ne pas travailler. M. Leclerc a toutefois admis que le travailleur et l’autre travailleur n’avaient pas exercé ce droit et que, dans le cas contraire, ils n’auraient pas été payés pour le temps pendant lequel ils n’auraient pas travaillé.

 

                                 ix.      Monsieur Leclerc, le travailleur et l’autre travailleur avaient tous l’obligation de rendre compte au promoteur d’immeubles en copropriété divise de la qualité des travaux effectués par l’équipe. Il a affirmé que, pendant la période pertinente, l’équipe n’avait jamais eu à refaire des travaux.

 

                                   x.      Le promoteur d’immeubles en copropriété divise fournissait un logement commun gratuit aux travailleurs qui travaillaient activement à son projet de construction. M. Leclerc a ajouté que le promoteur d’immeubles en copropriété divise avait fourni au travailleur et à lui‑même un condominium qu’ils avaient partagé durant la période frappée d’appel.

 

                                 xi.      Pendant la période pertinente, le payeur a obtenu des contrats du promoteur d’immeubles en copropriété divise. Le payeur fournissait la main‑d’œuvre nécessaire à la pose des cloisons sèches au promoteur d’immeubles en copropriété divise et ce dernier fournissait tout le matériel requis pour faire les travaux.

 

                               xii.      Au début de leur relation, le payeur fournissait au travailleur tous les outils (à l’exception de la perceuse, laquelle était fournie par le promoteur d’immeubles en copropriété divise) nécessaires à la pose des cloisons sèches, soit une ceinture porte‑outils d’occasion, un ruban à mesurer et un couteau pour couper les cloisons sèches. Il a ajouté qu’après quelques semaines de travail, le travailleur avait acheté ses propres outils (y compris une perceuse de 600 $), dont le coût ne lui avait pas été remboursé.

 

                             xiii.      Après quelques jours, le travailleur n’avait plus besoin de surveillance puisque les tâches qu’il accomplissait ne nécessitaient aucune habileté particulière. Il a expliqué que les tâches confiées au travailleur consistaient essentiellement à veiller à ce que l’autre travailleur et lui‑même disposent des matériaux nécessaires et à visser des vis avec la perceuse.

 

                             xiv.      Le travailleur et l’autre travailleur pouvaient offrir leurs services à des tiers.

 

Témoignage de M. Grant

 

[10]         Monsieur Grant (ami de M. Leclerc) a pour l’essentiel corroboré le témoignage de M. Leclerc. Son témoignage nous a également appris ce qui suit :

 

                                      i.      Il lui était permis de travailler pour d’autres personnes, ce qu’il a fait pendant la période pertinente;

 

                                    ii.      Il fournissait ses propres outils;

 

                                  iii.      Il a déclaré son revenu à titre de revenu d’entreprise;

 

                                 iv.      Il n’avait ni numéro d’entreprise ni nom commercial;

 

                                   v.      Il a travaillé pour le payeur pendant six mois seulement.

 

[11]         La preuve a en outre révélé les faits suivants :

 

                                      i.      L’appelant n’avait ni numéro d’entreprise ni nom commercial et il ne possédait pas d’expérience antérieure dans le secteur d’activité particulier du payeur.

 

                                    ii.      Le payeur n’a pas fourni de relevé d’emploi au travailleur.

 

                                  iii.      Le payeur n’a pas délivré de feuillet T4 ni d’autre feuillet d’information au travailleur.

 

                                 iv.      L’appelant a payé l’impôt exigible sur le revenu qu’il a déclaré lorsqu’il a produit sa déclaration de revenus relative à 2008.

 

Analyse et conclusion

 

[12]         Examinons d’abord la question de l’intention. A‑t‑on présenté à la Cour des éléments de preuve établissant quelle était l’intention du payeur et du travailleur au moment d’établir leur relation juridique? Premièrement, il importe de signaler que je ne suis saisi d’aucune entente écrite sur laquelle m’appuyer. Deuxièmement, le payeur a déclaré que son intention, au moment d’engager le travailleur, était que ce dernier soit un sous‑traitant, tandis que le travailleur a déclaré que son intention était d’être un employé. Je ne puis donc inférer de la preuve que les parties avaient une vision commune de la nature de la relation juridique qu’elles avaient établie entre elles. Lorsque l’intention des parties ne peut être déterminée, il est tout à fait approprié, voire nécessaire, d’examiner l’ensemble des faits pour tenter de définir la relation juridique intervenue entre elles. À cet égard, les quatre volets du critère énoncé dans l’arrêt Wiebe Door sont pertinents et utiles pour établir tant l’intention des parties au contrat que la nature juridique de celui‑ci.

 

[13]         À la lumière des faits, quels facteurs donnent à penser que le travailleur exploitait une entreprise pour son propre compte?

 

Contrôle

•        Le travailleur ne faisait pas réellement l’objet d’une surveillance directe de la part de M. Leclerc puisque les tâches qui lui étaient confiées ne nécessitaient aucune habileté particulière. Après un jour ou deux de formation, le travailleur savait quoi faire.

•        Les heures de travail étaient fonction de l’horaire du promoteur d’immeubles en copropriété divise et étaient fixées de manière plus précise d’un commun accord entre le travailleur, l’autre travailleur et M. Leclerc, lesquels travaillaient en équipe.

•        Il pouvait travailler pour quelqu’un d’autre.

•        Il pouvait engager quelqu’un pour l’aider.

 

Possibilité de profit et risque de perte

1.                 Compte tenu de la façon dont il était rémunéré, le travailleur avait en réalité la possibilité d’augmenter son revenu : de fait, plus le travailleur, l’autre travailleur et M. Leclerc étaient efficaces dans le cadre de leur travail en équipe, plus le travailleur avait l’occasion d’augmenter son revenu.

2.                 Le travailleur assumait une certaine responsabilité l’exposant à un risque de perte : de fait, si des travaux étaient mal exécutés par le travailleur, l’autre travailleur ou M. Leclerc dans le cadre de leur travail en équipe, ils avaient l’obligation de les refaire à leurs propres frais.

 

Outillage

3.                 Le travailleur fournissait ses propres outils même s’il n’y était pas tenu.

 

[14]         Quels facteurs donnent à penser que le travailleur était un employé du payeur?

 

Outillage

1.                 Au début, le payeur et le promoteur d’immeubles en copropriété divise fournissaient l’ensemble des outils et du matériel requis.

 

Obligation au titre des mises de fonds et de la gestion

2.                 Le travailleur n’assumait aucune obligation à cet égard.

 

[15]         Il s’agit donc d’un travailleur qui, si j’accepte son allégation, était un employé mais qui, néanmoins, bénéficiait de la possibilité de réaliser un profit et assumait un risque de perte, qui fournissait ses propres outils, même s’il n’en avait pas l’obligation, et qui ne travaillait pas réellement sous la surveillance et la direction de M. Leclerc. En réalité, les heures de travail et les tâches à accomplir étaient fonction des instructions, des directives et de l’horaire du promoteur d’immeubles en copropriété divise et elles étaient fixées de manière plus précise d’un commun accord entre le travailleur, l’autre travailleur et M. Leclerc, lesquels travaillaient en équipe. Je ne puis voir comment, dans ces circonstances, le travailleur pouvait être un employé.

 

[16]         Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de novembre 2010.

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de janvier 2011.

 

Marie-Christine Gervais

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 601

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :          2009-3455(CPP), 2009-3454(EI)

 

INTITULÉ :                                       Ryan Thomas McKenna c. Le ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 4 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 25 novembre 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Patrick K. MacEwen

Avocat de l’intimé :

Me Gregory King

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Patrick K. MacEwen

                          Cabinet :                  Newton & Associates

                                                          Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

 

       Pour l’intimé :                             Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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