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Dossier : 2005-36(GST)G

ENTRE :

DAVID A. BARRETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 14 mai 2008 et le 26 janvier 2009,

à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Peter D. Stephens

 

 

Avocat de la défenderesse :

Me Brent E. Cuddy

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Conformément aux motifs ci-joints, l’appel formé contre la cotisation établie en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis est daté du 8 septembre 2003 et porte le numéro 50180, est accueilli, et la cotisation est annulée.

 

          Les dépens sont adjugés à l’appelant conformément au Tarif B des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale).

 


Signé à Ottawa (Ontario), ce 4e jour de juin 2010.

 

 

 

 Gaston Jorré 

Juge Jorré

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Référence : 2010 CCI 298

Date : 20100604

Dossier : 2005-36(GST)G

ENTRE :

DAVID A. BARRETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

Introduction

 

[1]              La législation relative à la taxe sur les produits et services (la « TPS ») établit une fiducie réputée en ce qui a trait à la TPS perçue[1] et oblige les administrateurs d’une personne morale à agir avec la diligence requise pour s’assurer que leur société verse la TPS nette perçue[2]. S’ils n’agissent pas avec la diligence requise, les administrateurs pourraient devoir répondre personnellement de la taxe nette non versée.

 

[2]              L’appelant fait appel de la cotisation établie pour la somme de quelque 128 000 $, en application de l’article 323 de la Loi sur la taxe d'accise (la LTA), au titre de sa responsabilité en tant qu’administrateur.

 

[3]              Certaines conditions doivent être remplies avant qu’un administrateur puisse encourir une responsabilité. La présente affaire concerne uniquement l’une de ces conditions. Selon l’alinéa 323(2)a) de la LTA, un administrateur n’encourt de responsabilité que si :

 

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale.... et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

 

[4]              En l’espèce, il n’est pas contesté qu’un certificat a été enregistré ni que l’appelant avait le statut d’administrateur. Il n’est présenté aucune défense alléguant qu’il a fait preuve de diligence[3].

 

[5]              La position de l’appelant est que, dans la présente affaire, la condition selon laquelle il doit y avoir eu défaut d’exécution n’est pas remplie.

 

[6]              L’appelant et son épouse ont lancé en 1975 et exploité ensemble une société appelée Creative Promotions Limited (« Creative Promotions »). L’appelant s’occupait des ventes et de la commercialisation tandis que son épouse s’occupait du volet financier.

 

[7]              L’entreprise a cessé ses activités en 1995 alors même que le couple était sur le point de se séparer. L’appelant et son épouse ont plus tard divorcé.

 

Position de l’appelant

 

[8]              Il serait utile à ce stade de décrire la position de l’appelant. Il fait valoir que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et le shérif n’ont pas montré suffisamment d’empressement à recouvrer la créance : les mesures de recouvrement prises contre la société ont été beaucoup trop tardives; si elles avaient été prises assez rapidement, il y aurait eu largement de quoi acquitter la dette dans le compte bancaire de la société; lorsque des mesures ont été engagées, les moyens pris pour découvrir des actifs ont été insuffisants et, lorsque les mesures d’exécution ont effectivement eu lieu, elles ont été trop superficielles. L’appelant fait donc valoir que les mesures d’exécution ne répondent pas aux conditions de l’alinéa 323(2)a) de la LTA.

 

Célérité

 

[9]              Les événements se sont déroulés effectivement avec lenteur. Les périodes pour lesquelles les montants de TPS nette n’ont pas été versés ont débuté en octobre 1993 et ont pris fin en mars 1995. La créance n’a été enregistrée à la Cour fédérale qu’en octobre 1998. Le shérif a été prié d’exécuter le bref en octobre 2000, il a présenté en novembre 2000 un procès-verbal de non-exécution du bref, et la cotisation en cause portait la date du 8 septembre 2003.

 

[10]         Cependant, le ministre n’est pas resté inactif durant cette période, comme le montrent les dépositions des deux témoins de l’intimée et, entre autres choses, selon l’hypothèse 11q) de la réponse de l’intimée, hypothèse qui n’a pas été contredite :

 

[traduction]

 

Entre le 17 mars 1993 et le 28 septembre 2001, le ministre a fait délivrer à l’adresse de la société et à celle de l’appelant pas moins de 33 relevés de compte indiquant la dette de la société au titre de la TPS.

 

[11]         L’appelant a produit une preuve montrant que, au 31 mars 1995, Creative Promotions avait plus de 230 000 $ en espèces à la banque et quelque 270 000 $ en actions et obligations, chiffrées à leur coût historique, tandis que le passif était inférieur à 175 000 $. L’appelant a témoigné que, en 1998, la société avait toujours suffisamment d’actifs pour payer la TPS due, encore qu’il n’ait pu offrir que des généralisations sur les fonds restants et sur la date à laquelle les actifs avaient pu être employés.

 

[12]         L’appelant a témoigné que son épouse s’occupait des questions financières, mais tous deux avaient accès au compte bancaire[4]. Quant à savoir ce qu’il était advenu des actifs de la société après qu’elle eut cessé ses activités, non seulement l’épouse de l’appelant avait elle mis la main sur une partie des fonds[5], mais encore l’appelant a affirmé[6] : [traduction] « Il s’est écoulé 14 années entre 1995 et aujourd’hui. Durant cette période, j’ai envoyé quatre enfants à l’université, et je suis passé par un divorce, ce qui a eu raison des fonds restants ». L’appelant avait aussi investi environ 20 000 $ dans l’entreprise d’un ami. Lui et ses enfants avaient donc bénéficié d’une partie des actifs encore existants de la société après le 31 mars 1995.

 

[13]         La question de savoir si la société avait ou non suffisamment d’actifs pour payer la TPS due, si le ministre avait tenté de saisir lesdits actifs en 1998, ne change rien à la responsabilité de l’appelant, ni d’ailleurs à la lenteur des mesures de recouvrement. Il faut se rappeler qu’il incombe à la société d’acquitter la dette et à l’appelant, en tant qu’administrateur, de voir à ce que la dette soit acquittée. Il ne fait aucun doute que la période en question fut une période très difficile dans la vie de l’appelant, mais cela ne change pas ses responsabilités d’administrateur.

 

[14]         Les seuls délais de prescription qui s’appliquent ici aux actions du ministre sont ceux qui sont indiqués explicitement dans la LTA[7]. Il y a de nombreux délais inscrits dans la LTA, mais le seul qui puisse être applicable ici est le délai indiqué au paragraphe 323(5), qui prévoit que l’établissement d’une cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé d’être administrateur. Nul ne prétend que l’appelant a cessé d’être administrateur plus de deux ans avant l’établissement de la cotisation au titre de sa responsabilité d’administrateur.

 

[15]         Par conséquent, l’affirmation selon laquelle la cotisation devrait être infirmée parce que le ministre a agi trop lentement n’a aucun fondement.

 

Étendue des efforts collectifs

 

[16]         La question de savoir s’il y a eu défaut d’exécution est essentiellement une question de fait, ainsi que l’écrivait le juge en chef Bowman (tel était alors son titre) dans la décision Miotto c. La Reine[8] :

 

42        La question de savoir si le bref a bel et bien été exécuté est essentiellement une question de fait. L’exécution d’un bref de fieri facias demande des efforts raisonnables de la part de l’huissier. La perfection n’est pas exigée. [...]

 

[17]         Il est clair que, s’agissant de ce en quoi consistent des efforts raisonnables, on ne doit pas considérer uniquement les mesures prises par le shérif, mais également les mesures prises par le créancier, à savoir l’intimée, dans ses directives adressées au shérif[9]. Autrement dit, pour savoir si des efforts raisonnables ont été faits, on examine le processus tout entier d’exécution, un processus qui englobe les moyens pris par l’ARC pour vérifier l’existence d’actifs et pour déterminer les instructions à donner au shérif, ainsi que les mesures que celui-ci devra prendre.

 

[18]         Les efforts ont-ils été raisonnables? Deux agents de recouvrement ont témoigné, Hilda Kopli et Jack Rizkallah. M. Rizkallah est intervenu en 2003, bien après le procès-verbal nulla bona dressé par le shérif en novembre 2000. Il y a eu plusieurs agents de recouvrement durant la période où le dossier de recouvrement était actif.

 

[19]         Durant leurs témoignages, il a été fait référence au contenu d’un agenda électronique et d’un dossier. Si je comprends bien, ces documents servent à consigner les mesures prises en vue d’un recouvrement. Ce sont des documents qui n’ont pas été produits[10]. Ils auraient fort bien pu attester davantage d’efforts en vue d’un recouvrement que ne l’ont montré les témoignages. Ils auraient également pu avoir l’avantage de préciser certains témoignages.

 

[20]         Il est utile à ce stade de décrire ce que le shérif a effectivement accompli.

 

[21]         Dans une lettre datée du 31 octobre 2000, Mme Kopli priait le shérif d’enregistrer le bref de saisie-exécution[11] au bureau du shérif et au bureau d’enregistrement des droits immobiliers. Elle le priait aussi d’exécuter le bref à une adresse située sur le boulevard Lakeshore et de percevoir auprès de l’appelant et de son épouse le montant intégral du bref.

 

[22]         À cette époque, l’appelant était l’unique administrateur.

 

[23]         Mme Kopli avait obtenu l’adresse de l’appelant après avoir fait une recherche dans le registre des véhicules automobiles, et elle croyait qu’il s’y trouvait.

 

[24]         Selon le procès-verbal du shérif en date du 21 novembre 2000[12], deux agents du shérif se sont présentés à l’adresse en question le 2 novembre 2000 :

 

[traduction]

 

[...] Il s’agit d’un immeuble d’habitation. Le bureau de réception de l’immeuble a tenté de communiquer avec les occupants, mais sans résultat. Patricia Barrett est indiquée comme la personne habitant à ladite adresse. Une carte de visite a été laissée au bureau de réception à l’intention de Patricia Barrett, mais, jusqu’à maintenant, elle n’a pas rappelé. On n’a pas observé la présence de biens meubles, et un procès-verbal nulla bona est transmis.

 

[25]         Mme Kopli s’en était satisfaite parce qu’elle s’attendait à un procès-verbal nulla bona[13].

 

[26]         Elle n’a pas fait d’autres démarches après cela et, à la suite d’une réorganisation, le dossier fut transféré à un autre agent de recouvrement.

 

[27]         Les mesures évoquées dans les six paragraphes ci-dessus pourraient en soi être qualifiées de superficielles et ne constitueraient pas des « efforts raisonnables ». Il faut alors se demander si, au vu non seulement des mesures prises par le shérif, mais également des démarches susmentionnées faites par les agents de recouvrement, toutes ces mesures constituent globalement des « efforts raisonnables ».

 

[28]         Il importe de noter que, bien qu’un shérif agissant en vertu d’un bref de saisie‑exécution puisse recourir à une force raisonnable pour entrer dans des locaux, autres qu’une habitation, il ne peut le faire que s’il croit, d’après des motifs raisonnables et probables, qu’il s’y trouve des biens susceptibles de saisie-exécution. Dans le cas d’une habitation, le shérif ne peut recourir à la force pour y pénétrer qu’à la faveur d’une ordonnance judiciaire; l’ordonnance ne sera accordée que si la Cour est persuadée qu’il existe des motifs raisonnables et probables[14].

 

[29]         Quelles ont été alors les mesures prises hormis l’enregistrement de la créance? D’après le témoignage de Mme Kopli, il s’est produit ce qui suit outre l’enregistrement, la délivrance du bref et le procès-verbal de non-exécution dressé par le shérif :

 

a)    d’après les mentions figurant dans l’agenda, il y avait eu des conversations avec l’appelant avant qu’elle ne prenne la responsabilité du dossier;

b)    l’agenda indiquait que, en 1995, l’appelant avait déclaré que la société n’avait pas d’actifs et pas d’argent pour payer la dette;

c)    il mentionnait aussi que la société avait cessé ses activités en 1995;

d)    Mme Kopli a vérifié l’existence de biens mobiliers pour voir si la société avait en quelque endroit des actifs;

e)    en septembre 2000, elle a envoyé à l’adresse personnelle de l’appelant une lettre d’avis de responsabilité de l’administrateur, lettre qui a été retournée le 23 octobre, non réclamée;

f)     elle l’a envoyée à l’adresse de l’appelant qu’elle avait découverte en faisant une recherche dans le registre des véhicules automobiles. Elle n’a pas utilisé l’adresse apparaissant sur la déclaration personnelle de revenu de l’appelant parce que le courrier envoyé à cette adresse avait été retourné, ce qui l’avait conduite à conclure que l’adresse n’était plus valable;

g)    Mme Kopli a témoigné aussi qu’elle avait découvert dans les dossiers que la société n’avait plus d’adresse séparée de celle de ses propriétaires. Elle n’a pas envoyé la lettre à la dernière adresse de la société apparaissant dans le dossier, parce que cette adresse était celle de l’ancien domicile du couple Barrett et parce que, selon l’agenda, cette habitation avait été mise en vente en 1997; elle a présumé qu’elle avait déjà dû être vendue depuis[15]. Pour la même raison, elle n’y a pas envoyé le shérif;

h)    elle a aussi vérifié l’existence d’un possible compte bancaire appartenant à une nouvelle société exploitée par l’appelant, dans l’espoir qu’il puisse encore s’agir du compte bancaire de la société Creative Promotions[16]. Elle a constaté que la nouvelle société avait son propre compte bancaire;

i)     Mme Kopli n’a pas vérifié l’existence d’un compte bancaire pouvant appartenir à la société Creative Promotions et elle ne savait pas si un agent de recouvrement avant elle avait fait cette vérification[17];

j)     Mme Kopli a constaté aussi qu’un bref d’exécution s’était déjà soldé par un procès-verbal de non-exécution à propos d’une dette de Creative Promotions représentant des retenues à la source.

 

[30]         M. Rizkallah est intervenu en juillet 2003, après le procès-verbal de non‑exécution du bref susdit. Il était l’agent de recouvrement à l’époque où fut établie la cotisation en cause. La partie essentielle de son témoignage se rapporte à la question de savoir si l’on avait vérifié l’existence d’un compte bancaire.

 

[31]         Selon son témoignage, il avait constaté qu’un agent, M. Stein, qui était intervenu auparavant dans le dossier, avait trouvé un compte bancaire et découvert qu’il ne contenait qu’une somme négligeable. Il ne se souvenait pas de la somme en question, mais il aurait pu s’agir d’environ 9 $[18]. Cette vérification avait eu lieu avant que M. Rizkallah ne prenne le dossier sous sa responsabilité, mais il ne savait pas à quelle date.

 

Analyse

 

[32]         En résumé, les principales démarches accomplies jusqu’à la date des instructions données au shérif ont été les suivantes :

 

a)    on avait parlé à l’appelant, qui avait déclaré qu’il n’y avait pas d’actifs;

b)    on avait appris que l’entreprise avait cessé ses activités en 1995;

c)    on avait vérifié l’existence possible de biens mobiliers;

d)    on avait décidé de l’endroit où envoyer le shérif et, à cette occasion, on avait conclu, à la lecture du dossier, que la société n’avait plus d’adresse distincte bien à elle;

e)    on avait constaté qu’un bref d’exécution antérieur portant sur des retenues à la source s’était soldé par un procès-verbal de non-exécution; et

f)     on avait sans doute découvert un compte bancaire dont le solde était très faible (cette découverte avait eu lieu, mais il est impossible d’après la preuve de savoir si elle avait eu lieu avant ou après que le shérif a été dépêché).

 

[33]         Les efforts entrepris pour exécuter le bref étaient-ils raisonnables? Comme je l’écrivais plus haut, l’exécution est un processus et l’on doit considérer le processus tout entier pour savoir si les efforts de l’ARC et du shérif ont été raisonnables compte tenu des circonstances.

 

[34]         Je suis d’avis qu’il était raisonnable pour Mme Kopli d’envoyer le shérif à l’adresse qu’elle avait trouvée à la faveur de son examen du registre des véhicules automobiles, étant donné qu’elle avait des raisons de penser que les autres adresses n’étaient pas valides.

 

[35]         L’appelant a fait grand cas du fait que les agents de recouvrement avaient tenu compte de sa déclaration selon laquelle la société n’avait plus d’actifs lorsqu’ils avaient décidé des mesures qu’il convenait de prendre.

 

[36]         On s’attendrait d’un agent de recouvrement qu’il considère avec prudence une telle déclaration faite par un administrateur et copropriétaire, mais l’on pouvait raisonnablement compter que l’appelant saurait si la société avait des actifs, et je suis d’avis que, dans ces circonstances, il était raisonnable de la part des agents de recouvrement de considérer la déclaration comme ils l’ont fait, étant donné, entre autres choses, le temps qui s’était écoulé depuis que la société avait cessé ses activités[19].

 

[37]         On s’attendrait normalement à ce que l’une des étapes du processus d’exécution consiste à utiliser les renseignements figurant dans les dossiers de l’ARC pour y découvrir des comptes bancaires, d’autant que l’ARC aura souvent à sa disposition un moyen de savoir quel est l’établissement financier d’un contribuable.

 

[38]         En l’absence d’une telle vérification de l’existence d’un compte bancaire, et compte tenu des autres mesures attestées par la preuve, je suis d’avis qu’il n’était pas raisonnable d’interrompre le processus d’exécution au stade où il a pris fin.

 

[39]         Si la preuve avait montré que la vérification de l’existence d’un compte bancaire avait eu lieu avant que le shérif ne soit dépêché, alors, vu la déclaration de l’appelant, le fait que la vérification de l’existence d’un compte bancaire ou de biens mobiliers n’avait pas fait apparaître d’actifs pouvant présenter de l’intérêt, et vu enfin le délai qui s’était écoulé depuis que Creative Promotions avait cessé ses activités, j’aurais conclu que la décision de ne pas demander au shérif de prendre d’autres mesures après le 21 novembre 2000 était raisonnable. J’aurais également conclu que les mesures prises constituaient des efforts raisonnables en vue d’exécuter le bref. Cependant, il n’a pas été établi que la vérification de l’existence du compte bancaire avait eu lieu avant le procès-verbal du shérif concernant le bref[20].

 

[40]         Je me suis demandé s’il suffirait que la vérification de l’existence d’un compte bancaire ait eu lieu après le procès-verbal du shérif, mais avant l’établissement de la cotisation à l’égard de l’appelant.

 

[41]         Si le shérif avait été prié de faire d’autres démarches après le 21 novembre 2000 et avant l’établissement de la cotisation, il ne fait aucun doute que de telles démarches seraient prises en compte pour savoir si des efforts raisonnables avaient ou non été entrepris. Puisque l’exécution d’un bref est un processus, on pourrait prétendre que ce devrait être aussi le cas pour des efforts additionnels de recouvrement faits par l’ARC qui ne font pas intervenir le shérif, pour autant que de telles mesures soient antérieures à l’établissement de la cotisation.

 

[42]         Je suis arrivé à la conclusion qu’une telle approche n’est pas celle qu’exige l’alinéa 323(2)a) de la LTA. Le législateur n’a pas écrit, dans cet alinéa, que « des efforts raisonnables de recouvrement devront avoir été faits » avant l’établissement d’une cotisation au titre de la responsabilité d’un administrateur; le législateur a écrit qu’il doit y avoir eu défaut d’exécution. Puisque l’ARC peut entreprendre d’établir une cotisation à l’encontre d’administrateurs après le procès-verbal du shérif concernant le bref, il est clair que, selon ledit alinéa, les mesures d’exécution sont alors achevées. Les « efforts raisonnables » doivent donc avoir abouti lorsque le procès-verbal est dressé.

 

Dispositif

 

[43]         Par conséquent, selon la preuve qui m’a été soumise, les efforts raisonnables n’ont pas été faits avant le procès-verbal relatif au bref, et la condition de l’alinéa 323(2)a) n’était pas remplie. L’appel sera donc accueilli, et la cotisation annulée.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 4e jour de juin 2010.

 

 

 

 Gaston Jorré 

Juge Jorré

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2010.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 298

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :     2005-36(GST)G

 

INTITULÉ :                                       DAVID A. BARRETT c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :               Le 14 mai 2008 et le 26 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 4 juin 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Peter D. Stephens

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Brent E. Cuddy

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Peter D. Stephens

 

                          Cabinet :                  Mills & Mills

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 



[1] Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, article 222.

[2] Ibid., article 323.

[3] La somme calculée qui est en cause ici est de 128 696,47 $, et la cotisation contestée porte la date du 8 septembre 2003.

[4] Transcription du 26 janvier 2009, page 13.

[5] Ibid., page 14.

[6] Ibid., page 11.

[7] Voir la décision du juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre), Datacalc Research Corp. c. R., [2002] 2 C.T.C. 2548, au paragraphe 10.

[8] 2008 CCI 128.

[9] Comme on peut le lire dans les deux dernières phrases du paragraphe 41 de la décision Miotto, où le juge en chef Bowman prend en considération les mesures prises par l’agente de recouvrement ainsi que par l’huissier.

[10] Ce sont des documents qui auraient pu être présentés en vertu de l’une des dispositions de la Loi sur la preuve au Canada relatives aux documents, ou en vertu des dispositions de l’article 335 de la LTA. Peut-être les divers efforts entrepris en vue d’un recouvrement auraient-ils pu être plaidés dans le cadre des hypothèses du ministre, ou dans le cadre du fondement de la cotisation au titre de la responsabilité de l’administrateur. Cependant, tel n’a pas été le cas ici – sans doute parce que l’avis d’appel, déposé au nom de l’appelant par un mandataire avant que l’appelant ne consulte un avocat, portait sur la question de savoir si les efforts entrepris avaient été rapides et non s’ils avaient été raisonnables.

[11] La lettre figure dans l’onglet 8 de la pièce R-1. Le bref délivré par la Cour fédérale le 6 octobre 1998 concernait une somme de 81 564,90 $, plus une pénalité de 6 p. 100 l’an, et les intérêts au taux réglementaire (pièce R-1, onglet 7, page 26).

[12] Pièce R-1, onglet 9, page 34.

[13] Transcription du 26 janvier 2009, page 65.

[14] Loi sur l’exécution forcée, L.R.O. 1990, ch. E.24, et modifications.

[15] Comme il est mentionné plus haut, le courrier portant l’adresse qui figurait dans la déclaration personnelle de revenu de l’appelant avait été retourné. L’adresse que Mme Kopli avait pour la société, sur la rue St-George, était l’ancien lieu d’habitation de l’appelant et de son épouse, lequel, selon l’agenda, avait été mis en vente en 1997. Voir la transcription du 26 janvier 2009, page 70, ligne 10, jusqu’à la page 71, ligne 24; page 93, ligne 14, jusqu’à la page 96, ligne 11; page 99, ligne 23, jusqu’à la page 100, ligne 9.

[16] Ibid., page 62, lignes 14-22; page 76, lignes 4-22; page 92, ligne 1, jusqu’à la page 93, ligne 13.

[17] Ibid., page 77, lignes 2-14; page 78, lignes 10-22; page 79, lignes 7-24; page 89, lignes 8-16.

[18] Ibid., page 149, ligne 13, jusqu’à la page 151, ligne 1. En raison des frais que cela entraîne, l’ARC n’adresse pas aux banques de mises en demeure de payer lorsqu’il s’agit de sommes négligeables (ibid., page 126, lignes 10-20).

[19] Je note que l’appelant n’a pas contesté avoir fait une telle déclaration, alors même qu’il aurait pu être appelé à témoigner de nouveau par son avocat. Ce qui importe ici, ce n’est pas la véracité de la déclaration, mais le constat qu’elle a été faite, puisque la déclaration est un facteur à prendre en compte pour savoir si les efforts entrepris dans l’exécution du bref étaient ou non raisonnables. Aucune objection n’a été formulée au cours de l’audience à l’encontre de la preuve attestant la déclaration – le souvenir qu’ont les témoins d’une inscription figurant dans l’agenda.

[20] Sans entrer dans une longue analyse de la charge de la preuve, je ferais simplement observer que, dans les circonstances de la présente affaire, vu la preuve et vu que l’intimée est la mieux placée pour prouver les mesures de recouvrement prises, il est apparu nécessaire pour l’intimée, au cours de l’audience, d’exposer les efforts raisonnables entrepris pour exécuter le bref.

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