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Dossier : 2006-2996(IT)G

 

ENTRE :

 

LA BANQUE TORONTO-DOMINION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu les 5, 6, 7, 8 et 9 octobre 2009, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge L. M. Little

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Al Meghji

Me Pooja Samtani

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Donald G. Gibson

Me Pascal Tétrault

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1989 est rejeté avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2010.

 

 

« L. M. Little »

Juge Little

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’octobre 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

Référence : 2010 CCI 275

Date : 20100603

Dossier : 2006-2996(IT)G

 

ENTRE :

 

LA BANQUE TORONTO-DOMINION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Little

A.         Les faits

 

[1]              L'appelante est une grande société au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[2]              L'appelante a déposé des avis d'appel à l’encontre des nouvelles cotisations suivantes, établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour son année d'imposition 1989, qui a pris fin le 31 octobre 1989 :

 

Avis de nouvelle cotisation

Date de l'avis

3810298

7 octobre 1994

3953034

13 février 1997

-

25 février 2004

 

[3]              L'appel a été entendu à Toronto (Ontario), du 5 au 9 octobre 2009.

 

[4]              Au début de l'audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits (pièce A‑1), qui est rédigé ainsi :

 

[traduction]

 

Les parties à la présente instance admettent, aux fins de la présente instance seulement, l'exactitude des faits ci‑après énoncés ainsi que l'authenticité des documents mentionnés dans le présent exposé :

 

A.        L'appelante – Profil de la société

 

1.         La Banque Toronto‑Dominion (l'« appelante ») est une société canadienne imposable et une grande société au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») telle qu'elle s'appliquait à l'année d'imposition 1989 de l'appelante (l'« année d'imposition 1989 »).

 

2.         L'appelante est une banque à charte mentionnée à l'annexe I de la Loi sur les banques (Canada).

 

3.         Dans le cours de ses activités, l'appelante s'occupe, directement et par l’intermédiaire de ses filiales, de quatre principaux secteurs d'activité : services bancaires personnels et commerciaux canadiens; gestion du patrimoine; services bancaires de gros; services bancaires personnels et commerciaux américains.

 

B.        Oxford Development Group Ltd.

 

4.         Pendant la période pertinente :

 

a)         Oxford Development Group Ltd. (« Oxford ») était une grande société du secteur de l'immobilier commercial s'occupant de la promotion, de l'acquisition et de la gestion d'immeubles commerciaux et de détail au Canada et aux États‑Unis;

 

b)         le regretté M. G. Donald Love (« M. Love »), qui était alors président du conseil d'administration et président d'Oxford, était l'unique propriétaire réel de Kent Holdings Ltd. (« Kent »);

 

c)         M. Love et certains membres de sa famille (collectivement, la « famille Love ») étaient les seuls propriétaires réels de Loford Properties Ltd. (« Loford »);

 

d)         l'appelante ne détenait pas au moins 50 p. 100 des actions d'Oxford, de Holdings (telle qu'elle est définie ci‑dessous), de Kent ou de Loford;

 

e)         M. Love, Oxford, Holdings, Kent ou Loford ne détenaient pas au moins 50 p. 100 des actions de l'appelante.

 

5.         Au mois de janvier 1976, l'appelante a initialement acquis une participation dans Oxford, qui était alors une société ouverte, lorsqu'elle a acheté 82 000 actions privilégiées de la série A d'Oxford pour la somme de 902 000 $ (soit 11 $ l'action).

 

6.         Au mois d'avril 1978, l'appelante a acheté 205 000 actions ordinaires d'Oxford pour la somme de 2 562 500 $ (soit 12,50 $ l'action) et, au mois de novembre 1979, l'appelante a souscrit 50 000 actions privilégiées additionnelles de la série A d'Oxford pour la somme de 804 776,25 $ (soit 16,10 $ l'action), de sorte qu'elle détenait 337 000 actions ordinaires et actions privilégiées en tout.

 

C.        La privatisation d'Oxford

 

7.         En 1979, la famille Love, directement ou indirectement, détenait moins de 10 p. 100 des actions émises et en circulation d'Oxford. Les autres actionnaires d'Oxford comprenaient alors l'appelante, parmi d'autres membres du public.

 

8.         Après la constitution en personne morale de 91922 Canada Limited, le 11 mai 1979, la famille Love a conclu des transactions en vue d'acquérir, au moyen d'un achat privé, environ 75 p. 100 des actions émises et en circulation d'Oxford.

 

9.         Le 19 décembre 1979, l'appelante a accepté de participer à la privatisation en mettant à la disposition de 91922 Canada Limited une ligne de crédit de 255 000 000 $ et en transférant à 91922 Canada Limited les actions qu'elle détenait dans Oxford.

 

10.       Le 15 janvier 1980, l'appelante a conclu une convention d'actionnaires (la « convention d'actionnaires ») avec M. Love, Kent et Loford (collectivement, le « groupe Love ») :

 

a)         l'appelante a souscrit 51 200 actions ordinaires, 285 800 actions de la catégorie A et 313 000 actions de la catégorie B de 91922 Canada Limited moyennant une contrepartie globale de 16 900 000 $ (soit 26 $ l'action), comprenant un paiement en espèces de 8 138 000 $ et les 337 000 actions qu'elle détenait dans Oxford;

 

b)         Kent a souscrit 801 555 actions ordinaires et Loford a souscrit 173 445 actions ordinaires de 91922 Canada Limited moyennant une contrepartie de 20 840 030 $ et de 4 509 570 $, respectivement. En paiement intégral de pareille contrepartie, Kent a transféré 801 555 actions ordinaires et Loford a transféré 173 445 actions ordinaires d'Oxford à 91922 Canada Limited.

 

11.       L'appelante, Kent et Loford ont chacune conjointement fait un choix, avec 91922 Canada Limited, sur le formulaire prescrit, pour que les dispositions du paragraphe 85(1) de la Loi s'appliquent au transfert d'actions. Les montants dont l'appelante et 91922 Canada Limited ont convenu dans le choix conjoint étaient réputés, conformément à l'alinéa 85(1)a) de la Loi, être le coût pour l'appelante des trois catégories d'actions reçues lors de l'échange, comme suit :

 

Catégorie d'actions

Nombre d'actions

Coût réputé

Ordinaires

51 200

1 331 200

Catégorie A

285 800

2 938 076

Catégorie B

313 000

8 138 000

Total

650 000

12 407 276

 

12.       Chacune des actions que l'appelante détenait dans 91922 Canada Limited était une action pleinement participante et occupait le même rang que chaque autre action de la société à l'égard du versement de dividendes et de la répartition des actifs au moment de la liquidation.

 

13.       Les actions des catégories A et B étaient convertibles en actions ordinaires, au gré du détenteur, au moment d'une vente des actions à un tiers qui n'était pas une banque à charte canadienne. Les actions de la catégorie B étaient convertibles en actions de la catégorie A au gré du détenteur. Ni les actions de la catégorie A ni les actions de la catégorie B ne comportaient de droit de vote.

 

14.       Au 18 janvier 1980, 91922 Canada Limited avait acquis, par achat privé, de cinq autres actionnaires environ 70,5 p. 100 des actions émises et en circulation d'Oxford.

 

15.       Le 18 janvier 1980, 91922 Canada Limited a présenté aux autres actionnaires publics d'Oxford une offre en vue de l'achat, moyennant une contrepartie en espèces, du reste des actions émises et en circulation, offre qui a été acceptée le 20 mai 1980 ou auparavant.

 

16.       Le 29 octobre 1980, Oxford a fusionné avec 91922 Canada Limited conformément aux dispositions de la Companies Act (Alberta) et a poursuivi ses activités sous le nom d'« Oxford ». Les actions alors détenues par l'appelante dans 91922 Canada Limited ont été remplacées par un nombre équivalent d'actions de l'entité issue de la fusion, lesquelles comportaient des attributs identiques.

 

17.       À la suite de la privatisation d'Oxford, et pendant toute la période pertinente par la suite :

 

            a)         Oxford était une société privée pour l'application de la Loi;

 

b)         l'appelante détenait 40 p. 100 du nombre total d'actions émises et en circulation d'Oxford, mais son droit de vote dans Oxford n'a jamais dépassé 5 p. 100, de façon à respecter la Loi sur les banques;

 

c)         l'appelante était propriétaire réel des actions par l’intermédiaire d'un prête‑nom (appelé « la société Bantor »), à titre de mandataire, et ces actions étaient détenues au compte du capital;

 

d)         le reste (60 p. 100) des actions émises et en circulation d'Oxford étaient détenues directement ou indirectement par le groupe Love;

 

e)         l'appelante comptait deux représentants (sur au moins cinq mais au plus six membres) au sein du conseil d'administration d'Oxford, à savoir MM. Ernest C. Mercier et Ronald E. Ruest.

 

D.        Versements de dividendes et réinvestissements : 1982 à 1988

 

18.       Le présent paragraphe résume les transactions décrites plus en détail aux paragraphes 19 à 32 ci‑dessous. Entre 1982 et 1988, l'appelante et le groupe Love ont reçu des dividendes d'Oxford. À part le versement de dividendes, le 5 mai 1988, l'appelante a réinvesti entre 77 et 100 p. 100 de chacun des autres versements de dividendes (soit 78 600 000 $ en tout), en souscrivant en tout 241 666 actions de la catégorie E d'Oxford, pour un prix de souscription global de 72 499 800 $. Le groupe Love a de la même façon réinvesti entre 77 et 100 p. 100 de chacun des autres versements de dividendes (soit 117 900 024 $ en tout) en souscrivant en tout 362 500 actions de la catégorie D d'Oxford pour un prix de souscription global de 108 750 000 $. L'appelante et le groupe Love ont conservé pendant toute la période pertinente, dans une proportion de 40 et de 60 p. 100 respectivement, les actions qu'ils détenaient dans Oxford.

 

19.       Le 29 juillet 1982, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 22 000 000 $ (soit 13,538 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A et B en circulation à ce moment‑là. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 8 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires, de ses 285 800 actions de la catégorie A et de ses 313 000 actions de la catégorie B. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 13 200 000 $ (soit 60 p. 100) à l'égard de ses actions ordinaires.

 

20.       Le 29 juillet 1982, au moyen d'une résolution spéciale des actionnaires d'Oxford, on a autorisé l'émission de deux nouvelles catégories d'actions, à savoir les actions des catégories D et E. Les actions des catégories D et E étaient des actions à valeur nominale sans droit de vote. Il s'agissait d'actions pleinement participantes qui comportaient les mêmes droits que les actions ordinaires et les actions des catégories A et B quant aux dividendes et à la répartition au moment de la liquidation.

 

21.       Le conseil d'administration d'Oxford a fixé le prix de souscription des actions des catégories D et E à 300 $ l'action et a attribué une valeur nominale d'un dollar à chaque action.

 

22.       Le 29 juillet 1982 :

 

a)         l'appelante a souscrit 22 667 actions de la catégorie E d'Oxford pour un prix de souscription de 6 800 100 $. Par conséquent, Oxford a porté un montant de 22 667 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (6 777 433 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

b)         le groupe Love a souscrit 34 000 actions de la catégorie D d'Oxford pour un prix de souscription de 10 200 000 $. Par conséquent, Oxford a porté un montant de 34 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (10 166 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

23.       Le 15 avril 1983 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 27 000 000 $ (soit 16,615 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A et B. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 10 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A et de ses 313 000 actions de la catégorie B. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 16 200 000 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires;

 

b)         l'appelante a souscrit 30 667 actions de la catégorie E d'Oxford dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 9 200 100 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 30 667 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (9 169 433 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 46 000 actions de la catégorie D d'Oxford dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 13 800 000 $ (soit 300 $ l'action).

 

Par conséquent, Oxford a porté un montant de 46 000 $ (soit un dollar pour chaque action de catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (13 754 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

24.       Le 28 décembre 1983 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 013 $ (soit 5,152 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 4 000 005 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 53 334 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 6 000 008 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 12 000 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 3 600 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 12 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (3 588 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 18 000 actions de la catégorie D d'Oxford dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 5 400 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 18 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (5 382 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

25.       Le 30 avril 1984 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 12 500 008 $ (soit 6,990 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 5 000 003 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 65 334 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 7 500 005 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 15 000 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 4 500 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 15 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (4 485 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 22 500 actions de la catégorie D d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 6 750 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 22 500 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (6 727 500 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 


26.       Le 30 juillet 1984 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 003 $ (soit 5,477 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 4 000 001 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 80 334 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 6 000 002 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 10 666 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 3 199 800 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 10 666 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (3 189 134 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 16 000 actions de la catégorie D d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 4 800 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 16 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (4 784 000 $ ou de 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

27.       Le 31 octobre 1984 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 10 000 000 $ (soit 5,398 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 4 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 91 000 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 6 000 000 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 10 667 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 3 200 100 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 10 667 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (3 189 433 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 16 000 actions de la catégorie D d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 4 800 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 16 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (4 784 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

28.       Le 23 mai 1985 :

 

a)         Oxford a déclaré des dividendes de 20 000 000 $ (soit 10,643 $ l'action) à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. En ce qui concerne les actions des catégories A, B et E, les dividendes ont été versés le 29 novembre 1985. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 8 000 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 101 667 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 12 000 000 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 1 816 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur normale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 544 800 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 1 816 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (542 984 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 40 000 actions de la catégorie D d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 12 000 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 40 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (11 960 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

29.       Le 29 novembre 1985, l'appelante a souscrit 24 850 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 7 455 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 24 850 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (7 430 150 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

30.       Le 31 décembre 1985 :

 

a)         Oxford a déclaré et versé des dividendes de 85 000 000 $ (soit 43,683 $ l'action) provenant de son compte de surplus d'apport à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant aux actions ordinaires et aux actions de la catégorie D soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 33 999 991 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 128 333 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 51 000 009 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D;

 

b)         l'appelante a souscrit 113 333 actions de la catégorie E d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 33 999 900 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 113 333 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie E) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (33 886 567 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport;

 

c)         le groupe Love a souscrit 170 000 actions de la catégorie D d'Oxford, dont la valeur nominale était d'un dollar chacune, pour un prix de souscription de 51 000 000 $ (soit 300 $ l'action). Par conséquent, Oxford a porté un montant de 170 000 $ (soit un dollar pour chaque action de la catégorie D) au crédit de son capital‑actions, et le solde du prix de souscription (50 830 000 $ ou 299 $ l'action) a été porté au crédit de son compte de surplus d'apport.

 

31.       Le 5 mai 1988, Oxford a déclaré et versé des dividendes de 2 000 000 $ (soit 0,897 $ l'action) provenant de son compte de surplus d'apport à l'égard des actions ordinaires ainsi que des actions des catégories A, B, D et E. Oxford a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) de la Loi pour que les dividendes se rapportant à toutes ces catégories d'actions soient des dividendes en capital. La partie des dividendes revenant à l'appelante s'élevait à 800 000 $ (soit 40 p. 100), montant reçu à l'égard de ses 51 200 actions ordinaires ainsi que de ses 285 800 actions de la catégorie A, de ses 313 000 actions de la catégorie B et de ses 241 666 actions de la catégorie E. La partie des dividendes revenant au groupe Love s'élevait à 1 200 000 $ (soit 60 p. 100), montant reçu à l'égard de ses actions ordinaires et de ses actions de la catégorie D.

 

32.       L'annexe I renferme un résumé des dividendes qu'Oxford a versés à l'appelante entre les années 1982 et 1988 (le « versement de dividendes » et, collectivement, les « versements de dividendes ») ainsi que des montants que l'appelante a réinvestis dans les actions de la catégorie E d'Oxford (les « réinvestissements »). Un résumé encore plus succinct est reproduit ci‑dessous :

 

Oxford

à la fin de l'exercice

Versement de dividendes

Fraction réinvestie

Fraction non répartie

 

(millions $)

(millions $)

%

(millions $)

%

31 mars 1983

8,8

6,8

77,3

2,0

22,7

31 mars 1984

10,8

9,2

85,2

1,6

14,8

 

4,0

3,6

90

0,4

10

31 décembre 1984

5,0

4,5

90

0,5

10

 

4,0

3,2

80

0,8

20

 

4,0

3,2

80

0,8

20

31 décembre 1985

8,0

0,5 + 7,5

100

0,0

0

 

34,0

34,0

100

0,0

0

31 décembre 1988

0,8

0,0

0

0,8

100

 

79,4 $

72,5 $

91,3 %

6,9 $

8,7%

 

E.         Traitement comptable et fiscal des versements de dividendes

 

33.       Chacun des versements de dividendes provenait des bénéfices d’exploitation ou des bénéfices non répartis d'Oxford, à l'exception des deux derniers versements, le 31 décembre 1985 et le 5 mai 1988, lesquels provenaient du compte de surplus d'apport d'Oxford.

 

34.       Dans le calcul de son revenu aux fins de la comptabilité générale et conformément aux principes comptables généralement reconnus, l'appelante a inclus dans ses bénéfices le plein montant des versements de dividendes qu'elle avait reçus d'Oxford, à part les versements de dividendes des 31 décembre 1985 et 5 mai 1988.

 

35.       À part les dividendes pour lesquels un choix a été fait afin qu’ils soient considérés comme des dividendes en capital (c'est‑à‑dire les versements de dividendes se rapportant aux actions ordinaires et le versement de dividendes du 5 mai 1988), l'appelante a inclus dans le calcul de son revenu, en vertu de la partie I de la Loi, le plein montant des versements de dividendes qu'elle avait reçus à l'égard des actions des catégories A, B et E d'Oxford, conformément au paragraphe 82(1) et à l'alinéa 12(1)j), et elle a déduit ce montant conformément au paragraphe 112(1) dans le calcul de son revenu imposable.

 

F.         La disposition effectuée en 1988

 

36.       Le 21 février 1987, l'appelante a échangé les actions qu'elle détenait dans Oxford contre des actions identiques d'Oxford Holdings Ltd. (« Holdings »), la société remplaçante d'Oxford. Cet échange a été effectué sur la base d'un report d'impôt conformément aux dispositions de l'article 85.1 de la Loi.

 

37.       Le 1er décembre 1988, l'appelante et Loford ont résilié la convention d'actionnaires. Le même jour, l'appelante a disposé, de la manière suivante, des actions qu'elle détenait dans Holdings (la « disposition ») :

 

a)         Holdings a racheté les 51 200 actions ordinaires, les 285 800 actions de la catégorie A et les 313 000 actions de la catégorie B détenues par l'appelante moyennant un prix de 46,809 $ l'action, pour un prix global d'achat de 30 425 850 $, payable en espèces. Sur le prix global d'achat, un montant de 14 522 860 $ était réputé, en vertu du paragraphe 84(3), être un dividende pour l'application de la Loi (le « dividende réputé »), et le solde (15 902 990 $) représentait le produit de disposition au sens de la définition de « produit de disposition », à l'article 54. Holdings a fait le choix prévu au paragraphe 83(2) pour que le dividende réputé soit traité comme un dividende en capital pour l'application de la Loi;

 

b)         Loford a acquis les 241 666 actions de la catégorie E de Holdings que l'appelante détenait, pour un prix de 46,809 $ l'action, le prix global d'achat étant de 11 312 150 $, payé en espèces.

 

38.       À la suite de la disposition des actions qu'elle détenait dans Holdings, l'appelante a acquis les actions suivantes d'Oxford Properties Canada Ltd. (une société affiliée à d'Oxford) :

 

a)         2 000 000 actions ordinaires, moyennant une contrepartie en espèces de 3 200 000 $;

 

b)         1 792 000 actions privilégiées de premier rang (dont la valeur nominale était de 44 800 000 $), moyennant une contrepartie en espèces de 36 288 000 $.

 

G.        Les attributs fiscaux

 

39.       L'appelante a réparti la totalité du produit reçu lors de la disposition (41 738 000 $) entre les actions ordinaires, les actions de la catégorie A, les actions de la catégorie B et les actions de la catégorie E au prorata en fonction du nombre d'actions.

 

40.       Dans le calcul de son revenu en vertu de la partie I de la Loi pour l'année d'imposition 1989, l'appelante a déclaré :

 

a)         une perte en capital de 61 187 650 $ à l'égard des actions de la catégorie E, laquelle perte a été ramenée à 52 243 540 $ par suite de l'application du paragraphe 112(3) de la Loi;

 

b)         des pertes en capital de 78 533 $ et de 480 099 $ à l'égard des actions ordinaires et des actions de la catégorie B respectivement, lesquelles pertes ont été ramenées à zéro par suite de l'application du paragraphe 112(3);

 

c)         un gain en capital de 4 054 346 $ à l'égard des actions de la catégorie A.

 

41.       L'annexe II renferme un résumé des calculs (en chiffres arrondis) sous‑tendant les montants déclarés par l'appelante à l'égard de la disposition.

 

42.       Dans le calcul de son revenu imposable en vertu de la partie I de la Loi pour l'année d'imposition 1989, l'appelante a inclus les deux tiers imposables du gain en capital déclaré à l'égard des actions de la catégorie A (2 702 897 $), lequel gain, après compensation par les deux tiers déductibles de la perte en capital déclarée à l’égard des actions de la catégorie E (34 829 027 $), a donné lieu à la déclaration d’une perte en capital nette déductible de 32 126 129 $ (la « perte en capital ») par l’appelante.

 

H.        Les nouvelles cotisations

 

43.       Conformément à l'alinéa 152(3.1)a) de la Loi, la période normale de nouvelle cotisation à l'égard de l'année d'imposition 1989 aurait expiré le 1er janvier 1995 ou vers cette date. Avant l'expiration de cette période, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a demandé, et l'appelante a fourni, une renonciation prorogeant la période de nouvelle cotisation telle qu'elle se rapportait à la détermination de la perte en capital.

 

44.       Au moyen d'une nouvelle cotisation dont l'avis était daté du 7 octobre 1994 (la « nouvelle cotisation de 1994 »), le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour l'année d'imposition 1989 et, entre autres choses, il a refusé au complet la perte en capital déclarée à l'égard de la disposition. L'appelante s'est dûment opposée à la nouvelle cotisation de 1994 au moyen d'un avis d'opposition daté du 29 décembre 1994.

 

45.       L'appelante a déposé un avis de révocation de la renonciation le 3 mai 2002.

 

46.       Des avis de nouvelle cotisation datés des 13 février 1997 et 25 février 2004 (les « nouvelles cotisations de 1997 et de 2004 ») ont été établis par le ministre à l'égard des impôts à payer par l'appelante en vertu de la partie I de la Loi pour l'année d'imposition. Dans les nouvelles cotisations de 1997 et de 2004, la perte en capital initialement établie était encore refusée.

 

47.              L'appelante s'est dûment opposée aux nouvelles cotisations de 1997 et de 2004 au moyen d'avis d'opposition datés des 12 mai 1997 et 15 mars 2004 respectivement.

 

 

 

B.                Le point litigieux

 

[5]              Il s'agit de savoir si, par suite d'une série de transactions, l'appelante a artificiellement ou indûment occasionné une perte ou augmenté le montant de la perte subie lors de la disposition des actions de la catégorie E qu'Oxford avait émises en sa faveur.


C.               Analyse et décision

 

La position prise par l'appelante

 

[6]     L'avocat de l'appelante maintient que le coût des actions devrait être déterminé en fonction de la contrepartie que l’appelante a versée pour les acquérir et que la déduction de la perte devrait être admise au complet.

 

[7]     L'avocat de l'appelante admet que la perte en capital était réputée être de 48 189 193 $, en vertu du paragraphe 112(3) de la Loi.

 

[8]     L'avocat de l'appelante fait remarquer que le ministre n'a pas obtenu d'évaluation des actions de la catégorie E et qu'un long retard, attribuable à l'action ou à l'inaction des représentants du ministre, a été accusé.

 

[9]     L'appelante a déposé une renonciation et, à mon avis, le fait que le ministre n'a pas obtenu d'évaluation des actions de la catégorie E ou qu'il a longuement tardé à établir les nouvelles cotisations importe peu.

 

[10]    Au paragraphe 30 de son argumentation écrite, l’avocat de l'appelante, Me Meghji, dit ce qui suit :

 

[traduction]

 

La seule disposition considérée comme étant peut‑être pertinente en ce qui concerne le refus de la perte en capital était le paragraphe 245(1) de la Loi, tel qu'il était libellé avant son abrogation [...]

 

[11]    Me Meghji maintient que le paragraphe 55(1) de la Loi a été abrogé et qu'il est à première vue inapplicable (paragraphe 33). Je ne suis pas d'accord. Le paragraphe 55(1) était manifestement en vigueur au moment où la présente transaction a été conclue.

 

[12]    Me Meghji maintient également que, selon la preuve, la disposition des actions d'Oxford détenues par l'appelante n'était pas décidée d'avance et que le paragraphe 55(1) de la Loi ne s'applique donc pas. Nota : Je reviendrai plus loin sur ce point.

 

[13]    Au paragraphe 57 de la transcription, Me Meghji a parlé du prix de souscription des actions (300 $ l'action) et il a demandé à son témoin, Robert Teskey, de faire des commentaires à ce sujet. La preuve soumise par M. Teskey était la suivante :

 

[traduction]

 

Q.        Aviez-vous l'intention, lorsque vous avez proposé le prix de 300 $ l'action, de proposer la juste valeur marchande comme mesure? Aviez‑vous l'intention de proposer la juste valeur marchande des actions, lorsque vous avez proposé un prix de 300 $?

 

R.         Je crois que je cherchais un chiffre qui pouvait être justifié, un chiffre qui ne s'éloignait pas énormément de la juste valeur marchande. Cela n'avait manifestement rien de scientifique. Il s'agissait d'un chiffre qui, eu égard aux circonstances, semblait sensé.

 

(Transcription, interrogatoire principal de M. Teskey, pages 86 et 87)

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]    Au paragraphe 73 de son argumentation, Me Meghji dit ce qui suit :

 

[traduction]

 

La Couronne est allée jusqu'à alléguer que l'un des principaux objectifs des transactions, en fait le seul objectif « outrageant », doit avoir été de permettre à la Banque TD de « contourner » l'application du paragraphe 112(3).

 

Le paragraphe 152(9)

 

[15]    D'une façon générale, le paragraphe 152(9) de la Loi prévoit que le ministre peut avancer un argument subsidiaire à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la « période normale de nouvelle cotisation », cette expression étant définie conformément au paragraphe 152(3.1) de la Loi. Les alinéas 152(9)a) et b) prévoient une exception à la règle susmentionnée lorsque le contribuable n'est plus en mesure de produire des éléments de preuve sans l'autorisation du tribunal et qu'il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

[16]    Cette disposition a été ajoutée à la Loi par suite de la décision que la Cour suprême du Canada avait rendue dans l'arrêt Banque Continentale du Canada c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 358. Il importe de noter que, dans cette affaire‑là, le nouvel argument avait été avancé pour la première fois lors de l'audience devant la Cour suprême.

 

[17]    Un certain nombre de décisions, notamment The Queen v. Loewen, 2004 DTC 6321, portent sur la capacité du ministre de soulever de nouvelles allégations de faits après avoir établi la nouvelle cotisation. En l'espèce, le ministre invoque un nouveau fondement à l'appui de la nouvelle cotisation, mais il ne soulève pas de nouvelles allégations de faits. Les alinéas 152(9)a) et b) ne semblent pas pertinents, puisqu'il n'existe aucun nouveau fondement factuel à l'appui de la nouvelle cotisation et que l'appelante n'a donc pas à produire d'éléments de preuve supplémentaires.

 

[18]    L'arrêt qui fait autorité, en ce qui concerne le paragraphe 152(9), est Walsh et al. v. The Queen, 2007 DTC 5441. Dans l'affaire Walsh, le ministre sollicitait une ordonnance modifiant ses actes de procédure pour qu'ils incluent des dispositions et des arguments permettant de confirmer la cotisation si les contribuables n'étaient pas des résidents du Canada. La cour a également fait remarquer que, dans l'arrêt Anchor Pointe Energy Ltd. c. La Reine, 2003 CAF 294, il avait été conclu qu'il n'y avait pas de distinction à établir entre un nouveau fondement pour une cotisation et un nouvel argument à l'appui d'une cotisation quant à la portée du paragraphe 152(9). Dans l'arrêt Walsh, la cour a ensuite souligné les conditions suivantes, qui s'appliquent lorsque le ministre cherche à répondre en ce qui concerne le paragraphe 152(9) :

 

[18] [] 1)      Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

 

      2)      Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

 

      3)      Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

[19]    Sans examiner plus à fond les critères susmentionnés, la cour a conclu qu'aucune de ces conditions ne s'appliquait aux faits de l'espèce.

 

[20]    Dans l'arrêt RCI Environment Inc. v. The Queen, 2009 DTC 5037, le juge Noël, de la Cour d'appel fédérale, a dit que le paragraphe 152(9) permet au ministre d'« avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation » (ou selon la version anglaise, « at any time after the normal reassessment period ») (non souligné dans l’original). La cour a conclu que les modifications étaient permises, comme l'avait conclu le juge de la Cour canadienne de l'impôt, étant donné que l'argument subsidiaire invoquait des dispositions additionnelles de la Loi, mais ne donnait pas lieu à un impôt additionnel. La cour a également fait remarquer que les modifications en question avaient été annoncées bien avant le début de l’audition et que le contribuable n'avait pas soutenu qu’il ne disposait d'aucun élément de preuve en vue de réfuter ce nouveau fondement de nouvelle cotisation.

 

[21]    L'avocat de l'appelante soutient que le paragraphe 152(9) ne confère pas au « ministre le droit absolu d’invoquer un nouveau motif » et cite l'arrêt Walsh à cet égard. Je crois que l'avocat de l'appelante a raison sur ce point. Les alinéas 152(9)a) et b) ainsi que les conditions énoncées dans l'arrêt Walsh restreignent le droit du ministre d'invoquer un nouveau motif.

 

[22]    J'ai conclu que le paragraphe 152(9) s'applique en vue de permettre au ministre de présenter l'argument fondé sur le paragraphe 112(3), même à ce stade tardif de l'instance. Quant à la question de l'équité procédurale, j'ai conclu qu'il n'y a pas eu de manquement étant donné que l'appelante a eu la possibilité de répondre à l'argument fondé sur le paragraphe 112(3) au moyen d'observations écrites.

 

Le paragraphe 112(3)

 

[23]    Le paragraphe 112(3) de la Loi est une règle de minimisation des pertes réduisant le montant d'une perte résultant de la disposition d'une action qui fait partie des immobilisations lorsque le contribuable a reçu des dividendes en capital à l'égard de cette action. Plus précisément, l'alinéa 112(3)b) réduit le montant d'une perte en capital subie, lors de la disposition d'une action, du total des dividendes libres d'impôt, y compris les dividendes que la société peut déduire, les dividendes en capital non imposables et les dividendes en capital d'assurance‑vie. Cette disposition ne s'applique pas lorsque les dividendes ont été reçus à un moment où le contribuable et des personnes ayant avec lui un lien de dépendance détenaient au plus cinq pour cent d'une catégorie d'actions de la société, à condition que le contribuable ait détenu l'action particulière ou les actions particulières pendant toute la période de 365 jours qui a pris fin immédiatement avant la disposition.

 

[24]    L'avocat de l'appelante soutient que le paragraphe 112(3) s'applique à une perte déterminée indépendamment du paragraphe 112(3) et que cela veut dire que la perte à laquelle le paragraphe 112(3) s'applique est la perte déterminée après que le paragraphe 55(1) a été appliqué. L'appelante affirme en outre que le paragraphe 112(3) ne peut pas s'appliquer de la façon proposée par le ministre en vue de contrer l'abus allégué étant donné qu'il ne s'agit pas d'une perte artificielle ou indue et que le ministre n'a pas plaidé ou invoqué une autre disposition anti‑évitement.

 

La position prise par l'intimée

 

[25]    L'intimée a soutenu que le paragraphe 112(3) devrait s'appliquer en vue de réduire le montant de la perte subie à l'égard des actions de la catégorie E. L'intimée fait avec raison remarquer que le fondement de la politique fiscale sous‑tendant le paragraphe 112(3) veut que la société recevant des dividendes libres d'impôt à l'égard d'actions ne puisse pas déduire une perte par suite de la disposition des actions, quant au montant des dividendes qui ont été reçus. L'intimée soutient que le paragraphe 112(3) devrait être interprété de façon à empêcher que son effet soit évité lorsque le contribuable prend des dispositions pour recevoir de nouvelles catégories d'actions qui sont identiques aux anciennes actions. Plus précisément, en l'espèce, l'avocat de l'intimée soutient que les actions de la catégorie E nouvellement créées sont presque identiques aux actions ordinaires ainsi qu'aux actions des catégories A et B préexistantes, la seule différence étant que les actions ordinaires comportent des droits de vote, différence qui, selon l'intimée, n'est pas importante. L'avocat de l'intimée soutient que la Cour devrait se fonder sur le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, pour conclure que le terme « action » figurant au paragraphe 112(3) inclut le pluriel, à savoir des « actions ». En outre, l'avocat de l'intimée affirme que le paragraphe 112(3) devrait s'appliquer lorsque le contribuable prend des dispositions pour recevoir de nouvelles catégories d'actions qui sont identiques aux catégories existantes d'actions. Selon moi, le paragraphe 112(3) ne s'applique pas de la façon préconisée par l'intimée étant donné que la perte créée ne peut pas être imputée à une catégorie différente d'actions, et ce, peu importe jusqu'à quel point les attributs des actions sont similaires.

 

[26]    L'avocat de l'intimée a cité le paragraphe 55(1). Selon lui, il est bien connu qu'il a été conclu que les parties qui agissent de concert ont entre elles un lien de dépendance. Selon l'intimée, les parties qui agissent de concert sont en mesure de manipuler la situation, lorsqu'un aspect particulier d'une transaction les laisse indifférentes mais que le fait d'exercer un choix particulier plutôt qu'un autre peut produire un avantage fiscal considérable (c’est‑à‑dire le prix de souscription des actions de la catégorie E). L'intimée poursuit en disant que, dans ce cas‑ci, la situation des parties, sur le plan économique, est la même, et ce, qu'il s'agisse d'un montant de 300 $ l'action, la valeur nominale étant d'un dollar, ou de 30 $ pour dix actions, la valeur nominale étant de 0,10 $, mais que le montant de la perte fiscale est trois fois plus élevé lorsque le premier choix est exercé plutôt que le second.

 

[27]    Je note qu'il ne s'agit pas ici d'un cas dans lequel le prix des actions est déterminé par le marché, mais plutôt d'un cas dans lequel, comme l'a dit M. Thomson, le prix a été déterminé par une [traduction] « société de personnes [composée de deux personnes] » qui entretenaient entre elles [traduction] « d'étroites relations ». Dans la décision The Toronto-Dominion Bank v. The Queen, 2008 DTC 3937, le juge Webb a conclu que la charge de la preuve, pour ce qui est de la question du lien de dépendance, incombe à l'appelante, qui doit établir que M. Love et ses sociétés n'avaient aucun lien de dépendance avec elle. Or, l'appelante a soumis fort peu d'éléments de preuve sur ce point et je conclus donc qu'au cours de la période pertinente, M. Love et l'appelante avaient entre eux un lien de dépendance.

 

[28]    Même si l'ancien article 55 figurait dans la section B, sous‑section c, cela ne veut pas pour autant dire qu'en appliquant cette disposition, on peut omettre de tenir compte du reste de la Loi. Le début de la disposition : « aux fins de la présente sous‑section », veut simplement dire que cette disposition constitue un code complet en matière d'évitement en ce qui concerne les gains et les pertes en capital. L'appelante fait valoir un argument qui équivaudrait à incorporer les mots [traduction] « eu égard uniquement aux dispositions de la présente sous‑section », dans l'ancien article 55. Or, l'argument de l'appelante est dénué de fondement puisque la Cour ne peut pas incorporer de termes dans une disposition.

 

[29]    J'aimerais faire remarquer que deux variantes possibles de cette disposition pourraient s'appliquer, le paragraphe 55(1) tel qu'il était libellé avant d'être abrogé et la version de cette disposition qui existait au cours de la période transitoire. Il semble que, pour que le paragraphe 55(1) puisse être invoqué, il doive y avoir une vente ou une autre disposition de biens, de sorte qu'en l'espèce, la disposition transitoire doit s'appliquer étant donné que la vente a eu lieu au cours de la période où cette disposition transitoire était en vigueur.

 

[30]    Le terme « série » fait l'objet de maints débats dans ce cas‑ci. L'avocat de l'appelante a dit que le ministre (avant que des arguments aient été présentés par écrit) avait toujours agi en se fondant sur le fait que l'application de l'ancien paragraphe 55(1) serait uniquement déclenchée si la disposition faisait partie d'une seule série de transactions qui ont débuté avant le 13 septembre 1988 et qui ont été achevées avant l'année 1989.

 

[31]    Il importe de noter que le terme « série » ne figure pas au paragraphe 55(1) tel qu'il était libellé avant que la disposition transitoire ait pris effet. L'avocat de l'intimée a soutenu que le mot « série » figurant dans la disposition transitoire est employé dans son sens ordinaire et n'exige pas qu'il y ait détermination d'avance. Il affirme que l'exigence voulant qu'il y ait détermination d'avance résulte d'un commentaire que la Chambre des lords a fait lorsqu'elle examinait une série de transactions faites l’une à la suite de l’autre dans le contexte d'un évitement fiscal d'envergure. Selon l'avocat de l'intimée, il n'est pas concevable que le législateur ait voulu que le mot « série » figurant dans la disposition transitoire, qui s'est appliquée pendant trois mois, ait le même sens qu'au paragraphe 55(1) et comporte en outre l'idée d'une série décidée d'avance selon la common law, indépendamment du paragraphe 248(10).

 

[32]    L'avocat de l'appelante n'est pas d'accord sur ce point; il affirme que la disposition transitoire ne crée pas de régime distinct et que la disposition s'applique uniquement à une série de transactions au sens de la common law.

 

[33]    J'ai conclu qu'il faut interpréter le mot « série » selon son sens ordinaire; il n'est donc pas nécessaire de décider s'il existait un élément de détermination d'avance.

 

[34]    L'avocat de l'intimée a invoqué l'argument suivant :

 

[traduction]

 

            Les termes essentiels, dans l'ancien paragraphe 55(1), en ce qui concerne la disposition d'un bien, sont les mots « artificiellement ou indûment [...] occasionner une perte ». Ils sont semblables aux termes de l'ancien paragraphe 245(1), qui s'applique à une dépense qui réduirait indûment ou artificiellement le revenu. Par conséquent, les décisions portant sur l'interprétation de l'ancien article 245 sont pertinentes lorsqu'il s'agit d'interpréter l'ancien article 55. La principale différence factuelle est habituellement une question d'échelonnement. Il faut parfois du temps pour conclure une vente, de sorte qu'il s'écoulera probablement moins de temps entre les faits qui constituent un évitement et la dépense contestée qu'entre les faits qui constituent un évitement et la disposition contestée.

 

            Dans l'arrêt Novopharm, 2003 DTC 5195, le juge Rothstein a réglé un débat de longue date lorsqu'il a dit, aux paragraphes 28 et 34, qu'en interprétant l'ancien article 245, « il faut suivre l'analyse de l'arrêt Fording ». Au paragraphe 24, le juge a énuméré les facteurs suivants définis dans l'arrêt Fording Coal permettant de déterminer si une déduction a indûment ou de façon factice réduit le revenu pour l'application du paragraphe 245(1) : (1) La déduction, si on la permettait, irait‑elle à l'encontre de l'objet et de l'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu? (2) Les opérations donnant lieu aux déductions ont‑elles été réalisées conformément aux habitudes normales du commerce? (3) Les opérations avaient‑elles un objet commercial véritable?

 

            Selon l'appelante, ces facteurs sont cumulatifs, en ce sens qu'ils doivent tous exister pour qu'il soit possible de conclure que la disposition d'évitement s'applique. L'intimée a adopté le point de vue contraire, en disant que, lorsque l'objet et l'esprit de la Loi ont été suffisamment contournés, la présence d’éléments relatifs aux pratiques commerciales ou à l’objet commercial ne changera rien à la situation. Cette approche est davantage compatible avec la décision que le juge Strayer a rendue dans l'arrêt Fording Coal, 95 DTC 5672 (C.A.F.) où, au paragraphe 49, le juge a parlé d'un élément indiquant qu'une déduction réduit le revenu de façon factice. Cela donne à penser que le juge avait à l'esprit des critères non cumulatifs.

 

[35]    L'un des arrêts faisant autorité en ce qui concerne le paragraphe 55(1) est l'arrêt The Queen v. Nova Corporation of Alberta, 97 DTC 5229, dans lequel la Cour d'appel fédérale a conclu que la disposition ne s'appliquait pas. Dans cette affaire‑là, Nova, au moyen d'une série de transactions, avait acquis des actions dont le prix de base rajusté s'élevait à 42 millions de dollars, avec une juste valeur marchande nominale. Par la suite, Nova avait disposé de ces actions et elle avait demandé la déduction d'une perte en capital de près de 42 millions de dollars. Nova avait acquis deux ensembles d'actions. Un tiers sans lien de dépendance, Carma, détenait des actions privilégiées d'Allarco, dont le prix de base rajusté était de 16,5 millions de dollars mais dont la valeur marchande était nulle. Allarco avait créé trois niveaux de filiales en vue de faciliter cette transaction. Carma avait ensuite fait en sorte que les actions d'Allarco soient vendues à la filiale du troisième niveau pour une somme d'un dollar et cette dernière société avait acquis le prix de base rajusté des actions. Nova avait acheté de la filiale du deuxième niveau la seule action émise et en circulation de la filiale du troisième niveau qui possédait les actions dépréciées. La filiale du troisième niveau avait été liquidée, de sorte que Nova avait acquis les actions dépréciées dont le prix de base rajusté était élevé. Nova avait vendu ces actions à un tiers sans lien de dépendance pour un prix d'un dollar et elle avait demandé la déduction d'une perte.

 

[36]    Le juge McDonald, qui a rédigé un jugement concordant, a fait les remarques suivantes au sujet du paragraphe 55(1) (page 5234) :

 

 

[...] l’application de cette dernière est soumise à une condition préalable : la contribuable doit avoir fait quelque chose pour augmenter artificiellement ou indûment le montant de ses pertes découlant de la disposition. C’est‑à‑dire qu’il ne suffit pas qu’il y ait une perte, ou que le montant de cette dernière ait augmenté artificiellement ou indûment. Pour que la disposition s’applique, il faut qu’il – le contribuable – ait augmenté le montant de la perte subie par lui au moment de la disposition.

 

Les mots « perte résultant d’une disposition » sont définis au sous‑alinéa 40(1)b)(i) de la Loi : il s’agit de l’excédent du prix de base rajusté (PBR) sur le produit, pour le contribuable, de la disposition du bien en question. Selon le sens ordinaire du paragraphe 55(1), le contribuable doit donc avoir fait quelque chose pour influencer soit le prix de base rajusté soit le produit de la disposition de manière à faire augmenter artificiellement ou indûment ses pertes.

 

[…]

 

Elle [la contribuable] a hérité du PBR des actions, et il y a eu disposition de ces dernières à leur valeur marchande, qui n’était rien. Les pertes que la contribuable a déclarées découlent du PBR dont elle a hérité, et cela était dû à l’application de la Loi. La contribuable n’a rien fait d’autre que de se prévaloir des dispositions, telles qu’elles existaient à l’époque.

 

[37]    Dans l'arrêt Nova, la cour a fait remarquer qu'une perte ne peut pas être artificielle ou indue si elle résulte de l'application précise de la Loi. La cour a conclu que rien n'indiquait que la portée des dispositions de la Loi dont l'effet était que la perte était essentiellement transférée à une personne sans lien de dépendance avait été élargie au‑delà de leur sens clair. La perte fiscale dont la déduction était demandée par l'appelante excédait clairement la perte réellement subie lors de la transaction, mais le paragraphe 55(1) a été interprété strictement. La cour a conclu que le paragraphe 55(1) n'est pas une disposition anti‑évitement générale et qu'en l'absence d'ambiguïté, sa portée ne peut pas être élargie au‑delà de son sens clair. La dissidence portait sur le fait que l'appelante avait fait en sorte qu'il soit dérogé aux dispositions relatives au transfert libre d'impôt, ce qui veut dire qu'il peut être raisonnable de considérer l'appelante comme ayant indûment ou artificiellement augmenté le prix de base rajusté.

 

[38]    Dans la décision Hollinger Inc. v. The Queen, [1998] 4 C.T.C. 2424, l'arrêt Nova a été suivi étant donné que la transaction en question était similaire, c'est‑à‑dire qu'il s'agissait d'un transfert de pertes entre des personnes sans lien de dépendance. Toutefois, dans cette affaire‑là, la perte avait été transmise d'une société américaine à un contribuable canadien.

 

[39]    Dans la décision Les Industries S.L.M. Inc. v. Her Majesty The Queen, 2000 DTC 6648, la Section de première instance de la Cour fédérale, qui entendait un appel d'une décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt, a conclu que le paragraphe 55(1) s'appliquait à l'une des deux transactions en cause. Une filiale à cent pour cent de l'appelante, Manufacture St‑Laurent Inc. (« St‑Laurent ») devait être vendue pour un prix d'un dollar à l'un des actionnaires de l'appelante, mais avant la vente, St‑Laurent avait déclaré un dividende en actions d'un million de dollars, de sorte que le prix des actions avait augmenté de ce montant. Lorsque les actions avaient été vendues tel qu'on l'avait prévu, l'appelante avait réalisé une perte en capital d'un million de dollars. Une distinction a été faite par rapport à l'arrêt Nova susmentionné compte tenu du fait que la déclaration du dividende en actions d'un million de dollars par St‑Laurent devait être attribuée à l'appelante à cause du degré de contrôle que cette dernière exerçait sur la filiale. En outre, la déclaration du dividende « a eu comme effet direct d'augmenter le PBR des actions de [l’appelante] [...], ce qui a mené à la perte en question ». La cour a conclu que l'appelante avait artificiellement occasionné une perte au sens du paragraphe 55(1).

 

[40]    Le juge Mogan a également examiné le paragraphe 55(1) dans la décision 216663 Ontario Limited v. The Queen, 98 DTC 1628. Il a conclu que la création, la souscription, l'émission et le rachat des actions de la catégorie B étaient des transactions qui avaient pour effet d'assujettir le contribuable au paragraphe 55(1). Après avoir examiné l'expression « artificiellement ou indûment », conformément à l'arrêt Nova, le juge Mogan a conclu que le contribuable avait fait quelque chose pour influencer sa perte en retirant un montant de 4,9 millions de dollars de la filiale uniquement afin de réduire la juste valeur marchande des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de la filiale :

 

[29] Je ne puis m'empêcher de conclure que la perte que l'appelante a occasionnée au moment de la disposition des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de [la filiale] était à la fois artificielle et indue. Elle était artificielle (c'est-à-dire simulée ou factice) en ce cens que la vente des actions ordinaires et des actions de la catégorie A de [la filiale] le 1er février 1988, si l'on y ajoute l'émission et le rachat des actions de la catégorie B, n'a pas du tout donné lieu à une perte, mais à un avantage financier important pour l'appelante. Elle était indue (c'est-à-dire excessive) en ce sens qu'on a permis à l'appelante de déclarer une perte élevée alors qu'en fait elle avait réalisé un gain important.

 

[41]    La présente affaire ressemble énormément à l'affaire 216663 Ontario. L'appelante « a fait quelque chose » pour déclencher la perte ou pour augmenter le montant de la perte en souscrivant des actions de la catégorie E pour un prix gonflé de 300 $ l'action.

 

[42]    J'ai employé le terme « gonflé » au paragraphe précédent parce que j'ai conclu que l'appelante avait payé un prix trop élevé lorsqu'elle avait acheté les actions de la catégorie E pour un prix de 300 $ l'action.

 

[43]    J'ai conclu que le prix de 300 $ l'action était gonflé, et ce, pour les raisons ci‑après énoncées :

 

a)       Au paragraphe [13] ci‑dessus, j'ai cité M. Teskey lorsqu'il a expliqué pourquoi il avait choisi un montant de 300 $ l'action pour les actions de la catégorie E. M. Testkey a déclaré que le choix d'un montant de 300 $ l'action n'avait rien de scientifique et qu'il ne s'agissait pas de la juste valeur marchande. Voici ce qu'il a déclaré :

 

[traduction]

 

Il s’agissait d’un chiffre qui, eu égard aux circonstances, semblait sensé.

 

(Transcription, volume 1, page 87, lignes 1 et 2)

 

b)      Dans son argumentation écrite, l'avocat de l'intimée a dit ce qui suit au paragraphe 51 :

 

[traduction]

 

Il ne s'agit pas d'un cas dans lequel le « prix » des actions de la catégorie D et de la catégorie E a été déterminé sur le marché libre. Il s'agit d'un cas dans lequel, comme M. Thompson l'a dit, le prix a été déterminé par une « société de personnes [composée de deux personnes] » qui entretenaient d’« étroites relations ».

 

Je souscris à cette remarque.

 

c)       L'avocat de l'appelante a soutenu que le prix payé par l'appelante pour les actions de la catégorie E n'importait pas parce qu'Oxford et l'appelante (les deux seules actionnaires en cause) ont chacune payé le même prix pour des actions similaires. Cela est peut‑être bien exact en leurs qualités d'actionnaires, mais le prix gonflé que l'appelante a payé a pour effet de faire augmenter le prix des actions de la catégorie E lorsqu'il s'agit de déterminer le prix de base des actions acquises par l'appelante;

 

d)      Je note également qu'au cours de son témoignage, M. Teskey a déclaré ce qui suit :

 

[traduction]

 

La différence était que PriceWaterhouse [le cabinet comptable de l'appelante] a introduit ce qu'elle a appelé un blocage de 45 p. 100, de sorte qu'au lieu d'arriver à mon chiffre [Nota : 300 $ l'action], elle est arrivée à peu près à la moitié. [...] elle est arrivée à environ 142 $ l'action.

 

(Transcription, volume II, page 319, lignes 11 à 16)

 

e)       J'aimerais également faire remarquer que les actions de la catégorie E d'Oxford ont été acquises sur plusieurs années et qu'il est probable que la juste valeur marchande des actions d'Oxford ait fluctué au cours de cette période.

 

[44]    Au paragraphe [40] ci‑dessus, j'ai cité la décision que le juge Mogan avait rendue dans l'affaire 216663 Ontario, où il a été conclu que le contribuable avait fait quelque chose pour influencer la perte. À mon avis, l'appelante a également « fait quelque chose » lorsqu'elle a pris des dispositions pour que Holdings rachète les actions des catégories A et B au lieu de racheter ces actions directement, de sorte que le bénéfice sur les actions était fait séparément.

 

[45]    Sur ce point, je citerai les paragraphes 11 et 12 de l'argumentation écrite de l'intimée, où il est dit ce qui suit :

 

[traduction]

 

11. Par conséquent, l'appelante a occasionné une augmentation encore plus importante du montant de la perte en capital lors de la disposition en faisant en sorte que les actions ordinaires ainsi que les actions des catégories A et B soient rachetées, ce qui a déclenché un dividende réputé qui était libre d'impôt pour l'appelante. Ce dividende réputé au rachat a finalement occasionné une petite perte en capital sur les actions ordinaires ainsi que sur les actions de la catégorie B, laquelle a été ramenée à zéro par suite de l'application du paragraphe 112(3), ainsi qu'un faible gain en capital sur les actions de la catégorie A. La disposition des actions de la catégorie E a entraîné une perte élevée faisant l’objet d’une légère réduction ainsi que d’un léger bénéfice sur les actions de la catégorie A.

 

12. La perte a également été obtenue au moyen de l'attribution du produit de la disposition au prorata, à 46,81 $ l'action, sur toutes les actions détenues par l'appelante, malgré la différence entre le prix de souscription de 26 $ (pour les actions ordinaires et les actions des catégories A et B) et de 300 $ pour les actions « spéciales » de la catégorie E.

 

Je souscris aux remarques de l'avocat de l'intimée.

 

[46]    Compte tenu des motifs susmentionnés, l'appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour de juin 2010.

 

 

 

« L. M. Little »

Juge Little

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour d’octobre 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 275

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-2996(IT)G

 

INTITULÉ :                                       LA BANQUE TORONTO-DOMINION

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 5, 6, 7, 8 et 9 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge L. M. Little

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 3 juin 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Al Meghji

Me Pooja Samtani

 

 

Avocats de l'intimée :

Me Donald G. Gibson

Me Pascal Tétrault

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                   Nom :                             Al Meghji

                                                          Pooja Samtani

 

                   Cabinet :                         Osler, Hoskin et Harcourt, s.e.n.c.r.l./s.r.l.

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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