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Dossier : 2009-2803(IT)I

ENTRE :

MAUREEN McCARGAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 21 mai 2010, à Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 Devant : L’honorable juge E.A. Bowie

 

 Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

 

Représentants de l’intimée :

Aman Sanghepa (stagiaire en droit)

Me Matthew Canzer

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 sont rejetés.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2010.

 

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 293

Date : 20100601

Dossier : 2009-2803(IT)I

ENTRE :

MAUREEN McCARGAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bowie

 

[1]     Le 20 mars 2008, des nouvelles cotisations ont été établies à l’égard de Mme McCargar relativement aux années d’imposition 2004, 2005 et 2006. Par ces nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajouté 26 000 $ aux revenus de Mme McCargar pour chacune de ces années‑là. Le 18 novembre 2008, une nouvelle cotisation a été établie à l’égard de Mme McCargar pour ajouter 11 147 $ à ses revenus pour l’année d’imposition 2007.

 

[2]     Pour établir les nouvelles cotisations, le ministre s’est fondé sur l’hypothèse voulant que Mme McCargar ait reçu les sommes en cause, sous la forme de paiements en espèces, de la filiale # 15 de la Légion royale canadienne, située à Abbotsford, en Colombie‑Britannique (la « Filiale »), en application d’un contrat qu’elle avait conclu avec la Filiale le 19 septembre 2003. Selon le contrat, Mme McCargar devait fournir ses services à titre de [traduction] « secrétaire‑gestionnaire » à la Filiale pendant cinq années en contrepartie d’un salaire de 500 $ par semaine. L’existence du contrat n’a pas été niée – il a d’ailleurs été déposé en preuve (pièce R‑1) – et Mme McCargar reconnaît qu’il a été exécuté. Le ministre soutient qu’à titre de secrétaire‑gestionnaire, Mme McCargar contrôlait les reçus de caisse de la Filiale, qu’elle était capable de se payer les 500 $ par semaine auxquels elle avait droit, qu’elle s’est fait ces paiements en espèces et qu’elle a omis de les déclarer dans ses déclarations de revenus pour les quatre années d’imposition en cause.

 

[3]     Mme McCargar soutient que les finances de la Filiale n’étaient pas assez solides pour que celle‑ci puisse lui payer les 500 $ par semaine et qu’elle n’a jamais reçu la moindre somme en application du contrat pendant les trois années et demie où elle a travaillé comme secrétaire‑gestionnaire.

 

[4]     Mme McCargar a témoigné que, de 1998 à 2002, un ancien commis comptable avait commis une fraude de plus de 200 000 $ à l’endroit de la Filiale. Elle a dit avoir découvert cette fraude en menant une vérification. Mme McCargar a affirmé qu’à titre de comptable agréée, elle était qualifiée pour faire cette vérification. Par suite de cette vérification, l’ancien commis comptable a été poursuivi et déclaré coupable de fraude. Cette fraude a notamment forcé la Filiale à vendre l’immeuble où elle était installée pour payer des cotisations relatives à la taxe de vente provinciale non versée. La fraude a aussi mené à la conclusion du contrat avec Mme McCargar, contrat que j’ai déjà mentionné.

 

[5]     Mme McCargar a témoigné qu’elle avait accepté son poste en sachant que la Filiale n’avait ni les ressources ni les revenus pour la payer et qu’elle ne s’attendait pas à être payée. Son témoignage ne permet pas de savoir si elle était membre de la Filiale ou si elle y était simplement associée de près. Cependant, Mme McCargar a clairement soutenu qu’elle ne s’attendait pas à ce que la Filiale puisse la payer et que cela ne la dérangeait pas. Elle a aussi témoigné que trois officiers supérieurs de la Filiale, MM. Campbell, Henning et Welford, savaient qu’elle ne s’attendait pas à être payée malgré ce que le contrat prévoyait. Ces trois personnes étaient respectivement le trésorier, le vice‑président et le président de la Filiale. Ils avaient signé le contrat au nom de la Filiale. Au moment de l’audition des présents appels, en mai 2010, ils étaient tous décédés, et n’ont donc pas pu témoigner.

 

[6]     Mme McCargar, à titre de secrétaire‑gestionnaire, tenait les livres de la Filiale. Elle contrôlait aussi les reçus de caisse, dont la grande majorité provenait du bar payant que la Filiale exploitait dans son local. Pendant la période où Mme McCargar a été secrétaire‑gestionnaire de la Filiale, le personnel du bar déposait les reçus de caisse dans un coffre‑fort à la fin de chaque journée. Le lendemain, Mme McCargar prenait l’argent contenu dans le coffre‑fort et allait le déposer à la banque. Elle rédigeait aussi des écritures de journal pour consigner de ces reçus, de même que toutes les autres écritures faites dans les livres comptables de la Filiale.

 

[7]     M. Franklin Burton est le commis comptable actuel de la Filiale, et il occupe ce poste depuis mars 2008. L’intimée l’a fait témoigner au sujet des dossiers financiers de la Filiale pour les années en cause. Mme McCargar a témoigné qu’après la vente de l’immeuble initial et le déménagement de la Filiale dans un nouvel immeuble, [traduction] « ils pouvaient s’estimer heureux si les ventes atteignaient 100 $ pas jour ». C’est pourquoi elle a dit qu’elle ne s’attendait pas à recevoir les 500 $ par semaine auxquels elle avait droit. M. Burton a témoigné que, de 2004 à 2007, les ventes brutes du bar étaient les suivantes :

 

2004

211 563 $

2005

229 170 $

2006

206 310 $

2007

170 054 $

 

Ces sommes dépassent largement 100 $ par jour. Pour cette période, les bénéfices nets provenant du bar étaient les suivants :

 

2004

55 340 $

2005

84 254 $

2006

84 185 $

2007

76 775 $

 

Malgré ces bénéfices, pour trois de ces quatre années, la Filiale a subi des pertes avant amortissement :

 

2004

62 299 $

2005

(34 438 $)

2006

(13 538 $)

2007

(13 469 $)

 

Manifestement, le témoignage de Mme McCargar au sujet des reçus de caisse n’est pas véridique, et les résultats financiers de la Filiale pour la première année entière où le contrat était en vigueur n’étaient pas aussi désastreux que Mme McCargar a voulu me le faire croire.

 

[8]     Il existe aussi une contradiction entre le témoignage de Mme McCargar et celui de M. Horton relativement à la façon dont Mme McCargar avait inscrit ses honoraires dans les livres comptables de la Filiale. Mme McCargar a dit qu’elle débitait ses 500 $ par semaine du compte de frais de bureau. Lorsque je lui ai demandé à quel compte elle portait le crédit correspondant, elle a répondu qu’elle le créditait au compte du sommaire des résultats et qu’elle le [traduction] « radiait » à la fin de l’année. M. Burton a dit avoir examiné les écritures de journal faites pour la période en cause et il a expliqué que les honoraires de Mme McCargar avaient été débités du compte # 5614 [traduction] « frais de gestion du bureau ». Ces débits n’étaient pas des sommes de 500 $, mais plusieurs sommes plus faibles (des chiffres ronds) qui totalisaient 500 $ par semaine. M. Burton a dit que les crédits correspondants étaient portés à divers comptes de produits.

 

[9]     Je trouve le témoignage de M. Burton plus crédible que celui de Mme McCargar. L’explication de cette dernière selon laquelle elle portait les crédits au « compte du sommaire des résultats » n’a aucun sens. Le témoignage de M. Burton au sujet de ces écritures de journal est sensé.

 

[10]    Bien entendu, M. Burton n’a aucun intérêt relativement à l’issue des présents appels. Il m’a aussi donné l’impression d’avoir étudié la question sérieusement, et il a témoigné avec autant de sérieux.

 

[11]    Le témoignage de Mme McCargar est aussi problématique à d’autres égards. À mon avis, il est probable que, si elle avait vraiment conclu l’entente avec la Filiale sans s’attendre à être payée, comme elle l’a affirmé, le contrat aurait stipulé spécifiquement que le paiement de ses honoraires était différé jusqu’à ce que la Filiale soit en meilleure santé financière.

 

[12]    Si Mme McCargar a dit vrai, il est inexplicable qu’elle ait consigné ses honoraires non payés comme elle l’a décrit. Elle était une comptable ayant quelque 40 années d’expérience. Elle savait certainement que, si ses honoraires s’accumulaient sans être payés, il fallait les débiter du compte « frais de gestion du bureau » et porter les crédits correspondants au compte « créditeurs ». C’était la seule façon de tenir le compte de la dette que la Filiale avait envers elle. Ces sommes auraient dû être inscrites chaque semaine à hauteur de 500 $ (ou peut‑être mensuellement). Mme McCargar a témoigné qu’elle n’accordait pas d’importance à ces questions parce qu’elle ne s’attendait pas à être payée un jour. Cependant, elle a mentionné deux legs considérables reçus par la Filiale, le premier, de 370 000 $, fait avant la fraude, et le deuxième, moins important, fait plus récemment. Manifestement, il existait toujours une perspective de voir la Filiale recevoir d’autres legs, et il n’était pas impossible qu’une partie des sommes volées par l’ancien commis comptable soit récupérée, soit par ordonnance de restitution, soit au moyen d’un jugement découlant d’une poursuite civile. La Filiale pouvait aussi espérer recevoir un remboursement pour la taxe de vente provinciale versée en trop. Mme McCargar a affirmé qu’elle savait que la cotisation provinciale était trop élevée et que la Filiale avait bel et bien fini par recevoir un remboursement du trésorier provincial.

 

[13]    Compte tenu de ces diverses sources de revenus potentielles (même si certaines d’entre elles ne se sont jamais vraiment concrétisées), il est fort peu probable que Mme McCargar aurait conclu le même contrat, aurait travaillé sans être payée et n’aurait pas consigné correctement sa rémunération en créant un compte créditeur pour y créditer ses honoraires afin de tenir le compte de sa créance. Si elle avait travaillé pour la Filiale pendant les cinq années du contrat sans être payée, ses honoraires impayés auraient totalisé 130 000 $.

 

[14]    En fait, Mme McCargar n’a pas travaillé pendant les cinq années prévues. En juillet 2007, elle a déménagé à Lillooet et a cessé de travailler pour la Filiale. Les témoignages de Mme McCargar et de M. Burton étaient contradictoires quant au moment exact où Mme McCargar a cessé de travailler pour la Filiale. Pour établir la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 2007, le ministre s’est fondé sur l’hypothèse voulant que Mme McCargar ait reçu 11 475 $ de la Filiale pendant cette année‑là. Cette hypothèse reposait sur un feuillet T‑4 établi par M. Burton. Comme j’ai conclu que M. Burton était un témoin plus crédible que Mme McCargar, j’admets son témoignage selon lequel Mme McCargar a reçu 11 475 $ en 2007 et 26 000 $ pendant chacune des années 2004, 2005 et 2006.

 

[15]    Il reste la question soulevée par l’intimée quant à la validité de l’appel relatif à l’année d’imposition 2004. Elle soutient que Mme McCargar n’a pas déposé son avis d’appel pour cette année‑là dans le délai de 90 jours imparti. Compte tenu de ma conclusion sur le bien‑fondé de cet appel, il n’est pas nécessaire que je décide si cet appel a été dûment déposé. Les appels interjetés à l’égard des années 2004, 2005, 2006 et 2007 sont rejetés.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 2010.

 

 

 

« E.A. Bowie »

Juge Bowie

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de juillet 2010.

 

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.



RÉFÉRENCE :

2010 CCI 293

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2009-2803(IT)I

 

INTITULÉ :

Maureen McCargar c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge E.A. Bowie

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er juin 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Représentants de l’intimée :

Aman Sanghepa (stagiaire en droit)

Me Matthew Canzer

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

Pour l’appelante :

 

Nom :

s.o.

 

Cabinet :

s.o.

 

Pour l’intimée :

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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