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Dossier : 2007-1093(IT)APP

ENTRE :

LOUIS MILLS,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Demande entendue le 28 mai 2007, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

Me Jacques Matte

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

JUGEMENT

          Vu la demande du requérant dans le but d’obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003 et 2004 peut être interjeté;

 

          Et après l’audition de la demande;

 

          La demande est rejetée, selon les motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de mai 2008.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


 

 

 

Référence : 2008CCI318

Date : 20080526

Dossier : 2007-1093(IT)APP

 

ENTRE :

LOUIS MILLS,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

[1]              Il s’agit d’une demande en vertu de l’article 167 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour obtenir une ordonnance prorogeant le délai pour interjeter appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2003 et 2004.

 

[2]              Le paragraphe 167(3) de la LIR prévoit que la demande doit être accompagnée de trois copies de l’avis d’appel. Selon l’avis d’appel, le litige serait relatif à i) une déduction pour amortissement de 50 000 $ en 2003 et 50 000 $ en 2004 relativement à une licence d’exploitation d’un logiciel et ii) une pénalité de 50 % imposée selon le paragraphe 162(2) de la LIR.

 

[3]              Le requérant, Dr Louis Mills, n’a pas témoigné.

 

[4]              Aucune preuve n’a été présentée relativement à certains faits allégués dans la demande.

 

Les faits

 

[5]              Il y a eu un témoin, Mme Fannie Roy Huard, assistante planificatrice financière chez Pascale Cauchi. Six pièces ont été déposées par l’intimée.

 

[6]              Mme Huard a témoigné que le requérant était un client depuis dix ans et qu’il était vétérinaire près de Drummondville.

 

[7]              La procédure mise en place était que les clients étaient avisés que s’ils étaient cotisés, ils devaient immédiatement faxer les documents au bureau de Pascale Cauchi, afin que ce bureau les transmette « … au bureau de Prospector qui mandatait à cet effet-là Jacques Matte de produire toute opposition dans le dossier[1]. »

 

[8]              Prospector Master détenait les franchises qui étaient l’objet des nouvelles cotisations.

 

[9]              Le requérant a demandé de s’opposer aux nouvelles cotisations.

 

[10]         Pascale Cauchi avait plus de 100 clients avec ce genre de problèmes, mais le cas du requérant était différent, car il était le seul cotisé au niveau fédéral alors que les autres ont été cotisés au niveau provincial.

 

[11]         Dans le cas des cotisations provinciales, des oppositions ont été faites et des requêtes furent déposées à la Cour du Québec.

 

[12]         Ils ont reçu un appel du requérant selon lequel son compte bancaire était saisi et c’est à ce moment que Mme Huard a appris « … que l'opposition n'avait pas été faite telle [sic] que demandée [sic] par le client. »

 

[13]         En contre-interrogatoire, Mme Huard a confirmé qu’elle avait envoyé le fax pour que l’opposition soit faite à Prospector Master, et non à Me Jacques Matte.

[14]         Le 19 mai 2005, l’Agence du revenu du Canada a écrit au requérant pour l’informer qu’elle examinerait sa déclaration de revenus pour 2003 et a demandé des renseignements additionnels (pièce I-1).

 

[15]         Le 11 juillet 2005, l’Agence du revenu écrivait de nouveau au requérant pour l’informer qu’elle n’avait rien reçu à la suite de sa lettre du 19 mai 2005 et a de nouveau demandé des renseignements (pièce I-2).

 

[16]         Le 19 août 2005, l’Agence du revenu a de nouveau écrit au requérant :

 

Faisant suite à votre message téléphonique en date du 15 juillet dernier stipulant de contacter votre représentant Me Matte, nous lui avons laissé des messages en date du 18 juillet et du 16 août 2005 et ce dernier ne nous a jamais retourné nos appels.

 

La lettre explique au requérant qu’étant donné qu’il n’avait pas fourni les renseignements demandés dans les lettres du 19 mai 2005 et du 11 juillet 2005, l’Agence du revenu proposait d’établir une nouvelle cotisation et d’imposer des pénalités de 50 %. La lettre disait que le requérant aurait jusqu’au 6 septembre 2005 pour fournir tout renseignement ou toute explication que le requérant jugerait utile. Après cette date, si l’Agence du revenu ne recevait pas de renseignements, elle établirait une nouvelle cotisation (pièce I-3).

 

[17]         Le ministre a cotisé le requérant le 31 octobre 2005 et le requérant a déposé des avis d’opposition en date du 8 novembre 2005.

 

[18]         Le 25 janvier 2006, l’Agence du revenu a écrit au Dr Mills au sujet de l’opposition lui demandant de communiquer le plus tôt possible avec l’agente des appels (pièce I-4).

 

[19]         Le 15 mars 2006, l’Agence du revenu a écrit à Me Matte avec copie au requérant (pièce I-6). Les deux premiers paragraphes disent ce qui suit :

 

Nous vous avons écrit et téléphoné au sujet des oppositions susmentionnées et aucune réponse n’a été reçue à ce jour.

 

Si vous ne communiquez pas avec nous d’ici le 24 mars 2006, nous traiterons les oppositions à l’aide des renseignements que nous possédons.

 

[20]         Le ministre a confirmé les cotisations le 30 mars 2006.

 

[21]         L’avis de compte daté du 25 octobre 2006 (pièce I-5, page 2) a été reçu par Mme Huard qui l’a faxé à Luc Bouchard. L’avis est un avis final. Mme Huard a également reçu des avis de compte du requérant avant cette date.

[22]         L’avis final indique qu’en cas de non-paiement, l’Agence du revenu pourrait prendre des mesures de recouvrement si le montant n’est pas payé ou si le requérant n’informe pas l’Agence d’une intention de déposer un avis d’opposition.

 

[23]         Luc Bouchard est un employé de Prospector qui s’occupe des questions réglementaires et fiscales.

 

[24]         Il a envoyé des documents à l’Agence du revenu par télécopieur le 21 novembre 2006 (pièce I-5).

 

[25]         La page de couverture dit, entre autres, « voici l’avis d’opposition pour M. Louis Mills pour l’année 2003 & 2004 ». En plus de l’avis de compte du 25 octobre 2006, les avis d’opposition datés du 8 novembre 2005 sont joints à la page de couverture.

 

[26]         Mme Huard dit avoir appris vers février ou mars 2007 que le compte du requérant avait été saisi[2].

 

[27]         La demande de prorogation en date du 27 février 2007 a été déposée à cette Cour le 28 février 2007.

 

Analyse

 

[28]         La fin du délai prescrit par le paragraphe 169(1) de la LIR pour interjeter un appel de la confirmation des nouvelles cotisations était à la fin juin 2006. Cette demande a été déposée à la fin février 2007, huit mois plus tard, à l’intérieur du délai d’un an pour faire une demande (la première condition requise pour une telle demande[3]).

 

[29]         Quatre autres conditions se trouvent à l’alinéa 167(5)b) de la LIR :

 

b)   le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n'a pu ni agir ni charger quelqu'un d'agir en son nom, ou il avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

 

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

 

(iv) l'appel est raisonnablement fondé.

 

[30]         Le requérant n’a pas évoqué qu’il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom et l’intimée n’a pas soulevé le sous-alinéa 167(5)b)(iv) de la LIR. En conséquence, je dois décider si la preuve démontre que les trois conditions suivantes sont remplies :

 

a)    le requérant avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

 

b)    compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande et

 

c)    la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

 

[31]         Nous n’avons pas de témoignage du requérant quant à son intention. Nous n’avons pas de témoignage de Me Matte quant au mandat qu’il aurait reçu et quand. Nous n’avons pas de documents relatifs au mandat qui aurait été donné.

 

[32]         Nous avons seulement le témoignage de Mme Huard qui agissait comme lien entre le requérant et Prospector qui à son tour « mandatait » Me Matte[4]. Elle a décrit la pratique qui était suivie quand les clients avaient des problèmes avec Revenu Québec ou l’Agence du revenu du Canada, mais son témoignage ne démontre pas que le requérant a spécifiquement demandé qu’un appel des nouvelles cotisations soit déposé.

 

[33]         Son témoignage parle toujours d’opposition et non d’avis d’appel, même en réponse à une question formulée en termes d’avis d’appel[5].

 

[34]         Le 21 novembre 2006, Prospector envoie de nouveau les avis d’opposition à l’Agence du revenu du Canada malgré le fait que la confirmation avait été émise le 30 mars 2006[6]. Ceci est surprenant si le requérant a envoyé la confirmation à Mme Huard et a demandé qu’un avis d’appel soit déposé — une demande qui aurait été retransmise par elle à Prospector et de Prospector à Me Matte selon le processus qu’elle a décrit.

 

[35]         La totalité de la preuve et, notamment, les éléments que je viens de décrire me font conclure que le requérant n’a pas démontré qu’il avait une véritable intention d’interjeter appel à l’intérieur du délai par ailleurs imparti.

 

[36]         Bien qu'il ne soit pas nécessaire d'examiner les deux autres conditions, j'ajouterai que dans l'hypothèse où il aurait eu une intention véritable, le requérant n'a pas démontré que la demande de prorogation a été présentée dès que les circonstances le permettaient. Nous avons le témoignage de Mme Huard qui parle du moment où elle est devenue consciente « … que l'opposition n'avait pas été faite telle [sic] que demandée [sic] par le client[7]. » Par contre, en l’absence du témoignage du requérant, nous ne savons pas quand il est devenu conscient qu’il n’y avait pas d’appel et en conséquence, vu l’absence du temps de départ, il est impossible de savoir si la demande a été faite dès que les circonstances le permettaient.

 

[37]         Le résultat aurait peut-être été différent si le requérant avait témoigné et s’il y avait eu de la preuve relativement à certaines allégations faites dans la demande de prorogation[8]. Après l’audition originale, j’ai décidé de rouvrir l’audition par conférence téléphonique et, dans les circonstances particulières, exceptionnellement j’ai décidé de donner au requérant la possibilité de présenter une preuve additionnelle[9]. Le requérant a choisi de ne pas présenter de preuve additionnelle.

 

Conclusion

 

[38]         Le requérant n’a pas démontré qu’il a réuni toutes les conditions énoncées au paragraphe 167(5) de la LIR. En conséquence, la demande est rejetée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour de mai 2008.

 

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI318

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1093(IT)APP

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LOUIS MILLS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 28 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 mai 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat du requérant :

Me Jacques Matte

 

 

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant :

 

                     Nom :                            Me Jacques Matte

 

                 Cabinet :                           Matte, Bouchard

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]     Transcription, page 11, question 7.

[2]     Transcription, pages 16 à 18, questions 30 à 35.

[3]     Alinéa 167(5)a) de la LIR.

[4]     Transcription, page 11, paragraphe 7. Le processus qu’a décrit Mme Huard semble être un arrangement où l’on dit au client que s’il a des problèmes avec le fisc, il faut l’aviser immédiatement, et la firme de Pascale Cauchi s’en occupera (voir le paragraphe 7 ci-dessus) plutôt que d’avoir un arrangement où le client décide consciemment de faire un avis d’opposition. Par contre, à une autre question, Mme Huard dit que le requérant a demandé à la firme de Pascale Cauchi de faire en son nom l’opposition à sa cotisation (transcription, pages 11 et 12, question 8 — la question étant suggestive, cela a diminué un peu la valeur de la réponse).

[5]     Voir la transcription, paragraphes 7 à 15. À la question 15, la réponse parle d'opposition bien que la question soit formulée en termes d'avis d'appel.

[6]     Pièce I-5.

[7]     Transcription, page 13, question 15.

[8]     Notamment aux paragraphes 4 à 8.

[9]     Et également à l’intimée.

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