Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2008-3345(IT)I

ENTRE :

ÉLIAS JAVIER AYALA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 13 janvier 2010, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

 

Dadiona Dazin

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Olivier de Launière

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en date du 29 mars 2007 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2004 et 2005, sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'avril 2010.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 206

Date : 20100415

Dossier : 2008-3345(IT)I

ENTRE :

ÉLIAS JAVIER AYALA,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Favreau

 

[1]              Il s’agit des appels, par voie de la procédure informelle, à l’encontre de nouvelles cotisations établies en date du 29 mars 2007 en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) c. 1 (5e Suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), relativement aux années d’imposition 2004 et 2005 de l’appelant.

 

[2]              Les questions qui font l’objet du présent litige sont les suivantes :

 

a.                  Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a-t-il dûment conclu que le profit résultant des trois dispositions d’immeubles effectuées par l’appelant, au cours des années 2004 et 2005, constitue pour lui du revenu d’entreprise et non pas des gains en capital?

 

b.                 Le ministre a-t-il dûment refusé à l’appelant la déduction pour amortissement de 11 400 $ réclamée sur les immeubles de la rue Wurtèle et de l’avenue Monty relativement à l’année d’imposition 2004?

 

c.                 Le ministre a-t-il dûment refusé à l’appelant des dépenses de l’ordre de 13 320,35 $ relativement à l’immeuble de la 2e Avenue et de 511,08 $ relativement à l’immeuble de la rue Wurtèle?

 

[3]              L’appelant oeuvre dans le domaine de la construction depuis 1991. À compter du 30 avril 2002, il a opéré une entreprise de rénovation générale sous la raison sociale de « Rénovation Ayala » et le 17 février 2005, il a constitué la société « Rénovation Ayala inc. » dont les activités économiques comprenaient la construction et la rénovation générale, travaux de finition intérieure/extérieure. Entre 1996 et 2005 inclusivement, l’appelant a vendu sept immeubles dont trois immeubles ont été vendus en 2004 et 2005 par l’intermédiaire d’agents immobiliers. L’appelant n’a habité aucun des immeubles vendus en 2004 et 2005.

 

[4]              Pour fixer l’impôt payable par l’appelant pour les années d’imposition 2004 et 2005, le ministre a tenu pour acquis les faits suivants relatifs à chacun des trois immeubles vendus au cours desdites années d’imposition, décrits au paragraphe 13 de la Réponse à l’avis d’appel :

 

Immeuble sis au 9332-9334, 2E Avenue, Montréal, Québec

 

e)                  dans sa déclaration de revenu, pour son année d’imposition 2004, l’appelant a déclaré un gain en capital imposable de 33 977,58 $ relativement à la vente de l’immeuble; (admis)

 

f)                    l’immeuble comporte deux logements locatifs; (admis)

 

g)                  l’appelant a acquis l’immeuble le 8 mai 2003 pour un montant de 142 000 $; (admis)

 

h)                  pour financer l’acquisition, l’appelant a effectué un emprunt hypothécaire de l’ordre de 106 500 $; (admis)

 

i)                    la considération principale de l’appelant, au moment où il a acquis l’immeuble, était de le revendre à profit; (nié)

 

j)                    l’appelant a effectué ou fait effectuer des réparations sur l’immeuble de l’ordre de 13 679,65 $; (admis)

 

k)                  l’appelant a vendu l’immeuble le 20 janvier 2004 pour un montant de 247 000 $; (admis)

 

l)                    l’appelant a été propriétaire pendant approximativement 8 mois et 14 jours; (admis)

 

m)                l’appelant n’a déclaré aucun revenu de location à l’égard de cet immeuble; (nié)

 

n)                  dans sa déclaration de revenu pour son année d’imposition 2004, l’appelant a déduit un montant de 37 045 $ à titre de dépenses liées à la vente de l’immeuble; (admis)

 

o)                  l’appelant n’a pas encouru certaines des dépenses visées au sous‑paragraphe précédent et qui totalisent une somme de 13 320,35 $; (ignoré)

 

 

Immeuble sis au 2081-2085, rue Wurtèle, Montréal, Québec

 

p)                  dans sa déclaration de revenu, pour son année d’imposition 2005, l’appelant a déclaré un gain en capital imposable de 32 262 $ relativement à la vente de l’immeuble; (admis)

 

q)                  l’immeuble comporte trois logements locatifs; (admis)

 

r)                   l’appelant a acquis l’immeuble le 20 mars 2002 pour un montant de 90 000 $; (admis)

 

s)                   pour financer l’acquisition, l’appelant a effectué un emprunt hypothécaire de l’ordre de 67 500 $; (admis)

 

t)                    la considération principale de l’appelant, au moment où il a acquis l’immeuble, était de le revendre à profit; (nié)

 

u)                  l’appelant a effectué ou fait effectuer des réparations sur cet immeuble de l’ordre de 6 290,80 $; (admis)

 

v)                  en 2003, une deuxième hypothèque de l’ordre de 97 500 $ a été inscrite sur l’immeuble; (ignoré)

 

w)                l’appelant a vendu l’immeuble le 8 avril 2005 pour un montant de 175 000 $; (admis)

 

x)                  l’appelant a été propriétaire de l’immeuble pendant approximativement 3 ans et 19 jours; (admis)

 

y)                  dans sa déclaration de revenu, pour son année d’imposition 2005, l’appelant a déduit un montant de 18 475 $ è titre de dépenses liées à la vente de l’immeuble; (admis)

 

z)                   l’appelant n’a pas encouru certaines dépenses visées au sous‑paragraphe précédent, qui totalisent une somme de 511,08 $; (admis)

 

 

Immeuble sis au 11970, avenue Monty, Montréal, Québec

 

aa)               dans sa déclaration de revenu, pour son année d’imposition 2005, l’appelant a déclaré un gain en capital imposable de 9 736 $ relativement à la vente de l’immeuble; (admis)

 

bb)              l’immeuble comporte huit logements locatifs; (admis)

 

cc)               l’appelant a acquis l’immeuble le 14 mai 2004 pour un montant de 390 000 $; (admis)

 

dd)              pour financer l’acquisition, l’appelant a effectué un emprunt hypothécaire de l’ordre de 249 999 $; (admis)

 

ee)               la considération principale de l’appelant au moment où il a acquis l’immeuble était de le revendre à profit; (nié)

 

ff)                  l’appelant a vendu l’immeuble le 9 mai 2005 pour un montant de 435 000 $

 

gg)               l’appelant a été propriétaire de l’immeuble pendant approximativement 11 mois et 25 jours; (admis)

 

hh)               dans sa déclaration de revenu, pour son année d’imposition 2005, l’appelant a déduit un montant de 25 528 $ à titre de dépenses liées à la vente de l’immeuble. (admis)

 

 

[5]              Lors de l’établissement des nouvelles cotisations, le ministre a apporté les modifications suivantes :

 

REDRESSEMENTS

 

2004

2005

Revenu antérieur

92 338 $

68 011 $

Ajouter

Revenu d’entreprise suite à la disposition de

l’immeuble sis au 9332-9334, 2e Avenue, Montréal,

Québec

 

80 106 $

 

Revenu d’entreprise suite à la disposition de

l’immeuble sis au 2081-2085, rue Wurtèle, Montréal,

Québec

 

 

66 386 $

Revenu d’entreprise suite à la disposition de

l’immeuble sis au 11970, avenue Monty, Montréal,

Québec

 

 

15 122 $

Allocation du coût en capital refusée

11 400 $

 

Soustraire

Gain en capital imposable déclaré par l’appelant sur

la disposition de l’immeuble sis au 9332-9334,

2e Avenue, Montréal, Québec

 

 

(33 978 $)

 

Gain en capital imposable déclaré par l’appelant sur

la disposition de l’immeuble sis au 2081-2085, rue

Wurtèle, Montréal, Québec

 

 

 

(32 262 $)

Gain en capital imposable déclaré par l’appelant sur

la disposition de l’immeuble sis au 11970, avenue

Monty, Montréal, Québec

 

 

 

(9 736 $)

Revenu révisé

149 866 $

107 522 $

 

 

[6]              L’appelant a témoigné à l’audience et il a confirmé qu’il a vendu ses immeubles en 2004 et 2005 afin de pouvoir acheter un immeuble de 16 ou 20 logements pour pouvoir prendre sa retraite. Son projet ne s’est toutefois pas matérialisé parce que l’agent d’immeuble mandaté pour lui trouver ce genre d’immeuble n’a pas été en mesure de le faire. L’appelant a, de plus, allégué qu’il a acquis les immeubles en question avec l’intention de les garder à long terme mais qu’il a dû les vendre parce qu’ils étaient soit trop petits, soit mal situés ou requéraient trop de réparations. La hausse du marché immobilier au cours des années en litige l’a également incité à vendre ses immeubles.

 

[7]              Le témoignage de l’appelant n’est toutefois pas conforme à ses déclarations ou représentations antérieures. Selon le rapport de vérification, il ressort des informations fournies par l’appelant lors de l’entrevue initiale que sa seule intention était de vendre à profit ses immeubles et il a affirmé avoir acquis les immeubles dans le but de les réparer et de les vendre à un prix plus élevé. En réponse à la première question du paragraphe 3 du questionnaire d’entrevue initiale, l’appelant a déclaré avoir acheté, réparé et vendu les immeubles. Ce fait a été corroboré par le représentant du contribuable dans le cadre de ses représentations suite à l’envoi du projet de cotisation en ces termes :

 

Monsieur Ayala, comme tout investisseur, fait des placements dans l’immobilier avec le dessein de réaliser des gains : soit de vendre à profit au moment opportun.

 

[8]              Dans son avis d’opposition daté du 1er juin 2007, l’appelant a déclaré ce qui suit :

 

Je ne suis nullement d’accord avec les décision de la vérificatrice qui me prête des intentions différentes de ce que j’ai fait. J’ai investi (sic) dans l’immobilier, j’achète et je vends des immeubles ce que j’ai fait.

 

[9]              À l’égard de biens immobiliers, la Loi ne contient aucun critère permettant de distinguer un gain en capital d’un revenu d’entreprise (y compris un revenu résultant d’une affaire de caractère commercial), ce qui oblige la Cour à référer aux critères élaborés par la jurisprudence. Par contre, il n’existe aucun critère permettant de déterminer avec certitude si une transaction donne lieu à la réalisation d’un gain en capital ou d’un revenu d’entreprise. Chaque situation constitue donc un cas d’espèce à analyser à la lumière des faits.

 

[10]         Parmi les critères élaborés par la jurisprudence, il y a lieu de mentionner les suivants :

 

                    i.            la nature des biens vendus;

                  ii.            la durée au cours de laquelle le contribuable est demeuré propriétaire des biens;

                iii.            la fréquence et le nombre de transactions réalisées par le contribuable;

               iv.            les travaux réalisés par le contribuable sur les biens;

                 v.            les circonstances entourant la vente des biens; et

               vi.            l’intention du contribuable lorsqu’il a fait l’acquisition des biens, telle que relevée par sa conduite.

 

[11]         En plus de ces critères, les tribunaux canadiens ont développé le critère de « l’intention secondaire » qui peut s’appliquer même lorsqu’il est établi que le contribuable avait comme intention principale de réaliser un investissement à long terme. Ce critère s’applique, si au moment de l’acquisition du bien, le contribuable avait à l’esprit la possibilité de vendre le bien à profit si son projet d’investissement à long terme ne pouvait se réaliser pour quelque raison que ce soit.

 

[12]         Dans le cas présent, l’appelant est un entrepreneur en construction/rénovation, qui a de l’expérience dans ce domaine et des antécédents commerciaux. Entre 1996 et 2005 inclusivement, il a réalisé sept ventes d’immeubles à profit. Il a effectué lui‑même l’entretien et les travaux de réparation aux immeubles vendus.

 

[13]         L’appelant a reconnu avoir vendu deux de ses immeubles à l’intérieur de la période d’une année et l’autre immeuble après trois ans. Pour vendre ses immeubles, l’appelant a eu recours aux services d’agents d’immeuble du groupe Sutton. La vente des immeubles ne résulte pas d’offres d’achat non sollicitées.

 

[14]         Selon la preuve, la façon d’opérer de l’appelant consistait à acheter des immeubles, à les rénover et à les revendre à profit. Au moment de faire l’acquisition des immeubles, l’appelant avait à tout le moins l’intention secondaire, si ce n’est l’intention primaire, de les revendre à profit. L’appelant n’a pas été en mesure de démontrer, à la lumière des circonstances entourant les achats des immeubles, qu’il avait l’intention de les garder à long terme. À cet égard, la Cour ne peut se fier uniquement au témoignage de l’appelant qui, de toute façon, comporte des affirmations non-conformes aux déclarations antérieures.

 

[15]         L’examen des critères applicables amène à la conclusion qu’il est beaucoup plus plausible que l’appelant ait acquis les immeubles dans le but de revente rapide plutôt que comme un investissement à long terme.

 

[16]         Le ministre a dûment refusé à l’appelant la déduction pour amortissement de 11 400 $ réclamée sur les immeubles de la rue Wurtèle et de la rue Monty puisque les immeubles en question constituent des biens en inventaire et non des immobilisations.

 

[17]         Le ministre a dûment refusé à l’appelant des dépenses de l’ordre de 13 320,35 $ relativement à l’immeuble de la 2e Avenue et de 511,08 $ relativement à l’immeuble de la rue Wurtèle. Ces dépenses ne peuvent être accordées du fait qu’elles ne sont pas appuyées par des pièces justificatives. L’appelant a allégué que ces factures avaient été perdues par son comptable. Lors de la vérification, ces factures ont été demandées à l’appelant et il n’a pas alors indiqué que ces factures avaient été perdues par son comptable. Comme le comptable concerné n’a pas été appelé à témoigner à l’audience pour confirmer la perte desdits factures, une inférence négative doit en résulter.

 

[18]         Pour ces motifs, les appels doivent être rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d'avril 2010.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 206

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-3345(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Élias Javier Ayala et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 15 avril 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

 

Dadiona Dazin

Avocat de l'intimée :

Me Simon-Olivier de Launière

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.