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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Référence : 2007CCI694

Dossier : 2002‑3761 (IT)G

 

 

                                         COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

 

 

 

ENTRE :

 

                                                                        

JOAN M. MEREDITH,

                                                                                                                                                 

appelante,

 

 

                                                                       et

 

 

 

                                                                        

SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                                                                                                                 

intimée.

 

 

 

 

 

* * * * *

MOTIFS DE JUGEMENT RENDUS ORALEMENT PAR M. LE JUGE PARIS

dans la salle d’audience no 6A du Service administratif des tribunaux judiciaires,

180, rue Queen Ouest, Toronto (Ontario),

le jeudi 20 octobre 2005.

* * * * *

                                                                        

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :                                                                                     L’appelante elle‑même

 

Avocat de l’intimée :                                                                                        Me Eric Scherbert

 

 

 

                                        A.S.A.P. Reporting Services Inc. 8 2007

 

200, rue Elgin, bureau 1105                           130, rue King Ouest, bureau 1800

Ottawa (Ontario) K2P 1L5                            Toronto (Ontario) M5X 1E3

(613) 564-2727                                               (416) 861-8720


                                                                                  Toronto (Ontario)

‑‑‑ L’audience a eu lieu le jeudi 20 octobre 2005.

LE GREFFIER AUDIENCIER : La séance de la Cour canadienne de l’impôt reprend aux fins du prononcé du jugement dans le dossier 2002‑3761(IT)G.

L’appelante, Joan M. Meredith, est présente; elle agit pour son propre compte; l’intimée est représentée par Eric Scherbert.

LE JUGE : Merci.

Mme Meredith interjette appel du refus d’accorder une partie du montant qu’elle a déduit au titre d’un crédit d’impôt pour frais médicaux au cours de son année d’imposition 2000.

Le montant refusé se rapporte aux frais que Mme Meredith a engagés lors de l’achat d’une unité condominiale adaptée aux besoins de personnes ayant un handicap moteur.

En 1995, Mme Meredith a subi un accident de voiture; elle a été blessée à la colonne vertébrale et à la tête. Depuis l’accident, elle doit se déplacer dans un fauteuil roulant et elle a contracté la maladie de Parkinson.

L’appelante n’a pas pu travailler depuis l’accident.

Avant le 14 août 2000, Mme Meredith habitait une unité condominiale, au 2655, promenade Windwood, à Mississauga. Cette unité n’était pas accessible aux fauteuils roulants.

Il n’y avait pas de rampe permettant à Mme Meredith d’entrer dans l’immeuble ou d’en sortir sans se faire aider. De même, Mme Meredith ne pouvait pas ouvrir elle‑même la porte avant. Les couloirs étaient étroits, et l’intérieur de l’unité de Mme Meredith n’était pas conçu pour permettre les déplacements dans un fauteuil roulant.

Mme Meredith a déclaré qu’elle ne pouvait pas voir par les fenêtres. L’aménagement de la salle de bains ne lui permettait pas de l’utiliser d’une façon autonome. Sa place de stationnement était située de telle façon qu’elle ne pouvait pas utiliser la rampe électrique de sa fourgonnette afin d’y prendre place et d’en sortir.

Initialement, Mme Meredith a demandé au conseil d’administration de l’immeuble d’installer une rampe à l’entrée avant et de lui attribuer une autre place de stationnement.

Le conseil a refusé. Mme Meredith a décidé de chercher une résidence accessible aux fauteuils roulants. Elle a déclaré ne pas vouloir emménager dans une maison de soins infirmiers.

Mme Meredith a acheté une unité condominiale en voie de construction qui était située à proximité, au 35, Kingsbridge Garden Circle, à Mississauga. L’immeuble et l’unité étaient conçus pour les personnes handicapées. L’entrée avant était dotée de rampes d’accès et de portes automatiques. Les espaces publics et les couloirs étaient plus larges que d’habitude, et il y avait des ascenseurs additionnels.

L’unité de Mme Meredith était composée d’une cuisine ouverte munie de plans de travail plus bas, d’une salle de bains spécialement aménagée qu’elle pouvait utiliser seule ainsi que de chambres plus grandes permettant l’utilisation de son fauteuil roulant.

Mme Meredith a obtenu une place de stationnement double pour sa fourgonnette, et les portes de garage étaient entièrement automatiques.

Mme Meredith a déclaré avoir visité d’autres habitations dans le secteur, mais qu’aucune d’elles ne répondait à ses besoins. En l’an 2000, aucun immeuble comparable n’était disponible dans son quartier.

Dans sa déclaration de revenus de l’an 2000, Mme Meredith a déduit la différence entre le coût de la nouvelle unité condominiale, de 302 000 $, et la valeur de son ancienne unité condominiale, qui s’élevait à 122 500 $, au titre de frais médicaux en vertu du paragraphe 118.2(2)l.21) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est rédigé comme suit :

(2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés:

[...] l.21) pour les frais raisonnables afférents à la construction du lieu principal de résidence du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a) – ne jouissant pas d’un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé – qu’il est raisonnable de considérer comme des frais supplémentaires engagés afin de lui permettre d’avoir accès à son lieu principal de résidence, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne;

Initialement, Mme Meredith avait détaillé, dans sa déclaration de revenus, le montant qui a ultérieurement été refusé, de la façon énoncée à l’alinéa h) de la réponse à l’avis d’appel déposée par l’intimée en l’espèce.

Dans cette ventilation figuraient les frais de déménagement, les intérêts hypothécaires, les impôts fonciers et les charges de copropriété en tant que parties intégrantes de la demande, ainsi que les versements initiaux effectués pour l’achat de l’unité condominiale.

Toutefois, lors du contre‑interrogatoire, Mme Meredith a précisé que sa demande était en fait basée sur la différence, au moment de l’achat de la nouvelle unité condominiale, entre le coût de la nouvelle unité condominiale et la valeur de l’ancienne unité condominiale.

Mme Meredith a témoigné être arrivée à la valeur de l’ancienne résidence après avoir consulté deux agents immobiliers.

Je note pour référence que le ministre a admis au titre de frais médicaux de l’appelante les frais de déménagement prévus au paragraphe 118.2(2)l.5) de la Loi ainsi que le coût de certaines améliorations additionnelles apportées à la nouvelle unité condominiale, de 10 481 $, conformément au paragraphe 118.2(2)l.21).

 

Argumentation

L’appelante a soutenu que la totalité des frais additionnels qu’elle avait engagés en vue d’acheter la nouvelle unité condominiale, en sus de la valeur de l’ancienne unité, devrait être admise au titre des frais médicaux parce que toutes les conditions énoncées au paragraphe 118.2(2)l.21) étaient réunies.

L’appelante a déclaré qu’elle avait un handicap moteur grave et prolongé, que le montant en question se rapportait à la construction de sa résidence principale et que le montant se rapportait à des frais supplémentaires qu’elle avait engagés afin de lui permettre d’avoir accès à son lieu de résidence, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

L’appelante a déclaré avoir acheté la nouvelle résidence uniquement afin de pouvoir y accomplir les tâches de la vie quotidienne d’une façon aussi normale et autonome que possible.

L’appelante a déclaré qu’elle aurait préféré demeurer dans son ancienne résidence, mais que, pour les raisons déjà mentionnées, elle s’était vue obligée de s’installer ailleurs.

L’appelante a reconnu ne pas avoir droit à des frais de déménagement additionnels en sus de ceux que le ministre avait déjà admis.

L’avocat de l’intimée soutient que les frais supplémentaires mentionnés au paragraphe 118.2(2)l.21) sont les frais afférents à la construction de la nouvelle résidence qui sont en sus des frais normaux de construction et qui se rattachent expressément à des équipements techniques visant à permettre à l’occupant d’avoir accès à sa résidence, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

L’avocat a mentionné la décision rendue par la présente cour dans l’affaire Totten c. la Reine, où le juge Miller a fait la remarque suivante au sujet du mot « incremental » [supplémentaire] :

[traduction] « Supplémentaires » s’entend d’une majoration, d’un ajout ou d’une augmentation.

Cela donne à penser, selon moi, que par « supplémentaires », on entend les frais additionnels en sus de certains frais normaux.

Ainsi, dans la construction d’une nouvelle résidence, il y aura toujours une porte avant et une fourchette de coûts pour une telle porte normale. Les frais de fabrication d’une porte plus large, munie de rampes spéciales, et peut‑être d’une rampe d’accès, constitueraient des frais additionnels ou des frais supplémentaires, que les entrepreneurs retenus pourraient selon toute probabilité facilement déterminer par rapport au coût d’une porte normale. C’est selon moi ce que veut dire le mot « supplémentaires ».

L’avocat reconnaît que, dans ce cas‑ci, pareils frais existeraient, mais il affirme qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant quels sont ces frais et que la Cour devrait donc rejeter l’appel.

La question dont je suis saisi est donc de savoir quels sont les frais de construction de la nouvelle résidence qui peuvent être considérés comme des frais supplémentaires.

Je retiens la définition du mot « supplémentaires » que le juge Miller a donnée dans la décision Totten, c’est‑à‑dire ce qui se rapporte à une majoration, à un ajout ou à une augmentation. Dans la version française de la loi, le mot « supplémentaires », dont le sens est le même, est employé.

Cependant, le libellé de la disposition donne lieu à une difficulté ou à une ambiguïté parce que l’expression « frais supplémentaires » indique que ces frais doivent être considérés comme une majoration ou un ajout par rapport à un autre montant, que j’appellerai le montant de base.

Le juge Miller a parlé du montant normal. Si l’on se demande par rapport à quoi ces frais sont supplémentaires, la réponse ne ressort pas d’une façon évidente en soi du libellé de la loi. On ne sait pas trop ce qui constitue le montant de base en sus duquel il est possible de dire que des frais supplémentaires ont été engagés.

Les parties ont donné deux réponses possibles. L’intimée dit que le montant de base correspondrait aux frais de construction de la résidence en l’absence des équipements additionnels.

Tel est le sens donné par le juge Miller dans la décision Totten.

L’appelante soutient que la valeur ou le coût de l’ancienne résidence devrait être considéré comme le montant de base et que les frais supplémentaires ou additionnels mentionnés au paragraphe 118.2(2)l.1) correspondent aux frais de construction d’une nouvelle résidence que le contribuable doit engager en sus du montant qu’il aurait réalisé par suite de la vente de l’ancienne résidence.

En l’espèce, l’appelante a payé la différence entre le prix de la nouvelle résidence et la valeur de l’ancienne résidence uniquement afin d’avoir accès à sa résidence, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.


À mon avis, il faut retenir l’interprétation proposée par l’avocat de l’intimée. Cette interprétation tient compte du fait que ce ne sont pas tous les frais de construction d’une résidence conçue pour une personne ayant un handicap moteur qui peuvent être considérés comme ayant été engagés afin de permettre à cette personne d’avoir accès à sa résidence, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

Il semble que l’objet législatif soit d’accorder un certain allégement pour les frais afférents aux modifications et commodités nécessaires qu’il faut engager en construisant une résidence pour une personne ayant un handicap moteur, plutôt que pour la totalité des frais de construction.

Mme Meredith cherche uniquement à déduire la différence entre la valeur de son ancienne résidence et le coût de la nouvelle résidence, mais, selon l’interprétation de la disposition qu’elle préconise, la totalité des frais de construction serait déductible dans le cas d’une personne qui n’était pas antérieurement propriétaire d’une résidence.

Tous les frais de construction seraient des frais supplémentaires pour une personne se trouvant dans cette situation. Je ne crois pas que telle était l’intention du législateur lorsqu’il a édicté le paragraphe 118.2(2)l.21).

En l’espèce, il s’agit de déterminer les frais supplémentaires que Mme Meredith a engagés pour ce que j’appellerai les équipements facilitant l’accès à sa nouvelle résidence.

Ces équipements étaient importants, et je reconnais que les frais y afférents seraient élevés.

Selon la preuve, Mme Meredith a visité un grand nombre d’appartements situés dans son quartier lorsqu’elle a décidé qu’elle devait déménager. Elle a déclaré que les unités condominiales existantes de deux chambres à coucher étaient semblables à sa nouvelle résidence, quant à la superficie et à l’emplacement, mais qu’elles ne comportaient pas d’équipements facilitant l’accès et que leur prix de vente variait de 210 000 à 230 000 $.

Je reconnais que la différence de prix entre ces appartements et la nouvelle unité condominiale était en bonne partie attribuable aux équipements additionnels qui ont été mentionnés et que le coût de ces équipements additionnels allait de 72 000 à 92 000 $.

Je retiens la limite inférieure de cette fourchette comme représentant le coût le plus probable, étant donné qu’il faut effectuer certains rajustements compte tenu du fait que la résidence de Mme Meredith était neuve, alors que les appartements comparables dont Mme Meredith a fait mention n’étaient pas neufs, ainsi que du fait que l’acquéreur d’une nouvelle résidence paie un certain supplément pour une construction neuve.

Par conséquent, eu égard à la preuve dans son ensemble, je conclus que Mme Meredith a droit à un crédit d’impôt additionnel pour frais médicaux au motif qu’un montant de 72 000 $ sur le coût de la nouvelle résidence est admissible au titre des frais médicaux en vertu du paragraphe 118.2(2)l.21) de la Loi.

L’appel est accueilli en partie; aucune ordonnance n’est rendue au sujet des dépens.


 

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