Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Référence : 2010 CCI 46

Date : 20100126

Dossier : 2007-4093(IT)I

ENTRE :

BRENDAN J. JORDAN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Pour l’appelant : L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée : Me Jill Chisholm

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Rendus oralement à l’audience le 24 novembre 2009,
à St. John’s (Terre-Neuve))

 

 

Le juge Margeson

[1]             L’affaire sur laquelle la Cour doit maintenant se prononcer est celle de Brendan J. Jordan et Sa Majesté la Reine. La seule question dont la Cour est saisie consiste à savoir si, pour l’année 2005, l’appelant, Brendan Jordan, a droit à une déduction ou à un crédit de 5 000 $ à l’égard de son fils Neil Jordan, ou Neil.

[2]             La seule preuve dont dispose aujourd’hui la Cour sur une infirmité ou sur le statut de personne à charge du fils, Neil, est celle que l’appelant a fournie, et le mieux que l’on puisse dire au sujet de sa propre preuve est qu’il a dit : [traduction] « Je dois subvenir aux besoins de Neil ». Le fils vit à la maison, avec l’appelant, et il ne paie aucune facture, comme le loyer et la nourriture, même s’il est clairement ressorti de la preuve que, s’il l’avait voulu, il aurait pu payer une partie de ces dépenses.

[3]             L’appelant et son épouse, des personnes manifestement très généreuses, ont décidé qu’ils n’allaient rien lui faire payer, même si, d’après la preuve, Neil a gagné durant l’année 2005 un revenu imposable de 12 123 $.

[4]             Selon la preuve qu’ont fournie l’appelant lui-même et M. Barry Gaulton, le fils travaillait [traduction] « dans un chantier de fouilles », comme on dit, et gagnait de 10 $ à 12 $ l’heure environ. Il effectuait en général une semaine de travail de 40 heures, et il travaillait habituellement à partir du mois de mai jusqu’au mois de septembre ou d’octobre.

[5]             L’appelant a déclaré aujourd’hui à la Cour (et il s’agit là de la seule preuve que nous avons sur le sujet qui, pourrais-je dire, contredit celle que le médecin a fournie) que son fils souffre d’un trouble social, en ce sens qu’il a de la difficulté à se trouver en compagnie d’autres personnes. Il souffre de ce trouble depuis toujours. Il est âgé de 39 ans. Il souffre d’un problème d’anxiété sociale et il s’agit là d’un problème qui préoccupe grandement l’appelant et sa famille. Il a toujours été solitaire, et il se tient à l’écart des autres.

[6]             Il a terminé ses études secondaires et s’est inscrit à l’université. Là, il a logé dans sa propre chambre et n’a ni partagé une chambre avec quelqu’un d’autre ni occupé un appartement. Il n’avait pas d’amis proches. Il a consulté un médecin. Il souffrait de crises de colère.

[7]             Cependant, il est très évident que Neil lui-même n’a voulu suivre aucun traitement. Il ne croyait pas qu’il avait un problème ou un trouble psychologique. L’appelant a parlé de Neil à un psychiatre et à un psychologue, et son fils a refusé d’aller les consulter, mais une psychiatre l’a tout de même observé et elle aurait dit à l’appelant que son fils souffrait d’anxiété sociale mais qu’il était possible d’en guérir.

[8]             Aucune preuve de cette nature n’a été fournie aujourd’hui à la Cour. M. Jordan a déclaré qu’il avait apporté à la maison des documents traitant de ce trouble pour que son fils les lise, et qu’il les avait mis à sa disposition.

[9]             Neil a obtenu un baccalauréat ès arts de l’Université Memorial dans les années 1990. Il travaille au cours des mois d’été, au salaire minimum. Après avoir terminé ses études universitaires, Neil devait environ 20 000 $ en prêts étudiants. L’appelant a déclaré que son épouse et lui s’inquiètent beaucoup pour leur fils. Celui-ci ne paie rien, sauf l’antenne parabolique de télévision. Il travaille encore, et il dépose son argent dans son compte bancaire. L’appelant est d’avis qu’étant donné que son épouse et lui ne seront pas toujours là, la meilleure solution est que leur fils dépose cet argent dans son compte bancaire. Le jour où quelque chose leur arrivera, le fils pourra ainsi compter sur un peu d’argent. Ce dernier suit encore quelques cours à l’université. En 2005, quand l’appelant a produit sa déclaration de revenus, il a demandé une déduction de 5 000 $. Celle-ci a été refusée. Il y a fait opposition et a déclaré que les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») l’avaient traité comme un chien. Il n’avait rien de bon à dire sur eux, et les a trouvés ignorants, têtus et contrariants. Ils n’ont voulu rien écouter de ce qu’il avait à dire et n’ont pas voulu examiner les documents qu’il leur avait remis. L’agent intervieweur a renvoyé les documents. L’appelant s’est adressé à ce sujet à  la Division des appels et il s’est entretenu avec une agente des appels. Celle-ci s’est comportée de la même façon et il est sorti dégoûté de la réunion. Il a ensuite demandé la tenue d’une enquête et, a-t-il déclaré, les deux agents ont été exonérés.

[10]        En contre-interrogatoire, il a déclaré que son fils avait accumulé les prêts avant 2005. La Dre Kelly LeDrew l’a observé. Elle n’était pas le médecin de Neil, mais elle l’a observé à l’Hôtel Delta au cours d’un déjeuner, un jour où les parties s’y trouvaient pour prendre un repas.

[11]        Dans la déclaration de 2005, l’appelant a demandé la déduction de 5 000 $. La déduction a été admise mais, plus tard, l’appelant a fait l’objet d’une nouvelle cotisation et la déduction a été refusée. Il avait demandé la déduction, a-t-il dit, parce qu’il touchait un revenu peu élevé et que c’était pour cette raison qu’il l’avait fait. L’onglet 1 de la pièce R‑1 montre la déclaration de Neil, que l’appelant a remplie. Il avait un revenu brut de 13 423 $, et l’appelant a également déduit la somme de 750 $ pour des médicaments achetés pour son fils au cours de cette année-là.

[12]        Pour ce qui est de la déduction de 5 000 $ qui est soumise aujourd’hui à la Cour, l’appelant a déclaré : [traduction] « J’ai juste pensé qu’il s’agissait d’un montant raisonnable, et cela n’était basé sur rien de particulier. Il était fondé sur le fait que Neil gagnait un faible revenu. » Il n’a pas invoqué des  dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). La déduction a été admise et, ensuite, refusée.

[13]        Il y a, à l’onglet 4 du recueil de documents de l’intimée, une lettre que l’appelant dit ne pas se souvenir d’avoir vue, mais il s’agit d’une lettre dans laquelle le ministre explique pourquoi il n’a pas droit au crédit de 5 000 $.

[14]        L’appelant a déclaré lors de son propre témoignage : [traduction] « Je savais que mon revenu était trop élevé et que je n’avais pas droit au crédit. » Il était au courant de l’existence de cette disposition dans la Loi. Il a ajouté : [traduction] « Je ne sais pas quand j’ai fait la demande concernant un règlement de 5 000 $ », c’est-à-dire un montant de 5 000 $ qui n’était pas les 5 000 $ qu’il voulait déduire à titre de crédit. Il s’agissait d’une demande de règlement qu’il avait présentée au ministre. Rien n’indique quel était le fondement de cette demande, mais celle-ci n’avait rien à voir avec celle dont il est question ici.

[15]        Il a déclaré que Neil vivait à la maison en 2005 et qu’il travaillait et touchait des prestations d’assurance-emploi. Il n’est pas capable de trouver un autre emploi, il manque de confiance en lui-même. Le fils, Neil, n’a pas comparu devant la Cour et aucune preuve médicale, sous la forme de certificats ou d’un témoignage oral, n’a été fournie. Ils ne vivent qu’à environ 80 kilomètres de St. John’s. L’appelant a convenu que le fils pourrait venir à St. John’s et trouver du travail, mais il n’a aucune confiance en lui-même. Son fils n’est pas au courant de l’affaire actuellement soumise à la Cour et il ne croit pas qu’il souffre d’une infirmité. Il n’y a aucun diagnostic écrit et il n’y a aucune lettre à l’appui d’un tel diagnostic, pas plus qu’une lettre de la part du psychologue ou encore de la psychiatre qui, aux dires de l’appelant, a vu son fils. Ce dernier n’a pas accepté de faire l’objet d’un diagnostic.

[16]        L’intimée a appelé M. Barry Gaulton à témoigner. Ce dernier est professeur adjoint d’archéologie à l’Université Memorial et il est titulaire d’un doctorat. Il dit qu’il a été embauché en 2005. Il a de l’expérience sur le terrain et plusieurs publications à son actif. Il a participé au chantier de fouilles où Neil travaille. Au début, il s’occupait simplement des fouilles, mais il est devenu ensuite superviseur et, plus tard, coadministrateur de l’entreprise.

[17]        Il embauche des employés, cela fait partie de son travail. Il connaît Neil Jordan depuis 1992. Ce dernier travaille au chantier. C’est un bon travailleur, il a besoin de peu de supervision. [traduction] « Je connais Neil parce que j’ai vécu à Ferryland », a-t-il dit. [traduction] « En ce qui concerne le chantier de fouilles lui-même, nous commençons les travaux à la fin de mai ou au début de juin et nous travaillons jusqu’à la fin de septembre ou au début d’octobre. » En 2005, il y avait de dix à douze travailleurs, la plupart d’entre eux de Ferryland, mais il y avait là aussi quelques étudiants.

[18]        En 2005, Neil était un employé. Il faisait des fouilles et consignait les certificats de fouille. Il aidait aussi à former d’autres employés. Le chantier de fouilles est à la fois public et privé, et il accueille environ 20 000 visiteurs par année. Ceux-ci peuvent poser des questions à certains membres de l’équipe au sujet des fouilles, ainsi que sur ce qu’ils ont découvert et sur ce qui s’y fait. Neil Jordan faisait partie de cette équipe. Il avait des contacts avec les visiteurs et il répondait à leurs questions.

[19]        Le témoin a déclaré que Neil répondait aux questions du public; [traduction] « il est intelligent et travaille dur ». À son avis, il est leur meilleur employé.

[20]        Il n’était au courant d’aucune infirmité médicale ou d’aucun trouble psychologique dont Neil pouvait souffrir. Il l’aurait embauché à temps plein s’il y avait eu suffisamment de travail à faire. Neil a un baccalauréat ès arts en archéologie et il a dix-huit ans d’expérience en matière de fouilles ou dans le domaine de l’archéologie. Au chantier de fouilles, il n’y a que du travail saisonnier, mais Neil est libre d’aller chercher un autre emploi s’il peut en trouver. La plupart des autres travailleurs demandent des prestations d’assurance-emploi au cours de l’hiver, comme Neil le fait, et il y en a quelques-uns qui trouvent un autre travail ailleurs. Il ignorait si cet autre travail se faisait au noir ou non. Neil lui a demandé des références et il était disposé à lui en donner et, à l’évidence, d’après ce qu’il a déclaré, il l’aurait très chaudement recommandé, mais personne ne l’a appelé au sujet de Neil.

[21]        Il y a quelques semaines de cela, Neil s’est présenté à l’un de ses cours et a demandé s’il pouvait y assister. Il n’a parlé d’aucune infirmité médicale ou psychologique dont il pourrait souffrir. Il gagne de 10 $ à 12 $ l’heure, de 400 $ à 450 $ par semaine, pour 40 heures de travail. [traduction] « Il est discret, très amical, et je le considère comme un ami. »

[22]        En contre-interrogatoire, M. Jordan a eu l’autorisation de déborder le cadre de ce qu’il aurait dû demander au témoin, mais il a fallu le ramener dans la bonne voie parce qu’il commençait à faire montre d’une attitude antagoniste vis-à-vis du témoin et posait des questions qui, pour l’affaire qui nous occupe ici, étaient peu pertinentes.

[23]        Le témoin a déclaré avoir vu Neil à quelques reprises dans un contexte social. Il arrivait parfois que le personnel prépare des repas, et Neil était présent. Il ignorait si des employés le harcelaient au travail, mais il a quand même dit qu’il y avait une personne qui était venue au chantier de fouilles et qui avait harcelé presque tous ceux qui s’y trouvaient, et qu’il n’avait pas pu la jeter dehors ou lui dire de s’en aller. Cette personne croyait avoir un droit quelconque de se trouver là. Il a dit ne pas croire que c’était particulièrement Neil que cette personne harcelait, et il a dit ignorer si cela avait eu un effet marqué sur lui. Il a ajouté qu’un jour Neil s’était mis en colère contre Gerard et qu’il avait peut-être même menacé de lui arracher la tête, ou quelque chose du genre. C’était là son témoignage.

[24]        En réinterrogatoire, il a déclaré que lors des rencontres sociales, Neil agissait comme les autres personnes présentes. Il était discret, mais il a dit présumer qu’il n’avait pas de problèmes à de telles occasions.

[25]        Dans sa plaidoirie, l’avocate de l’intimée a déclaré que la question en litige était celle de savoir si l’appelant avait le droit de demander une déduction de 5 000 $ pour son fils. Tout d’abord, l’appelant n’a pas indiqué au ministre en vertu de quelle disposition de la Loi il demandait la déduction, de sorte qu’il avait fallu que le représentant du ministre passe en revue les diverses dispositions afin d’essayer de déterminer s’il y en avait une qui pouvait s’appliquer. L’idée de l’appelant était tout simplement un chiffre global que, croyait-il, il avait le droit de demander.

[26]        Selon le ministre, il incombe à l’appelant de réfuter les présomptions formulées dans la réponse. D’après les documents joints à la déclaration de revenus, il a demandé la déduction à cause du revenu peu élevé, et aucune déduction n’était prévue à cette fin.

[27]        La preuve de l’appelant était que Neil souffre d’un trouble d’anxiété sociale. L’avocate a fait référence aux dispositions du paragraphe 118(1), afin de vérifier si ce dernier s’appliquait.

[28]        L’avocate a émis l’avis que cette disposition exige qu’il y ait une infirmité et, à cause de cette dernière, le statut de personne à charge. Cependant, la demande de l’appelant était tout simplement [traduction] « un chiffre tout à fait arbitraire ». C’est peut-être fort bien une simple coïncidence, mais il s’agit du même montant que l’appelant a tenté d’obtenir du ministre par voie de règlement. Il ne l’a pas obtenu d’une façon, de sorte qu’il cherche à l’obtenir d’une autre.

[29]        L’avocate a fait référence à l’alinéa 118(1)d), qui est une autre disposition que le ministre a prise en considération pour déterminer si ce crédit pouvait être accordé ou non. L’exigence est la même, une infirmité mentale ou physique et le statut de personne à charge. L’appelant n’a pas établi que Neil était à sa charge en raison d’une infirmité mentale ou physique au cours de l’année en question.

[30]        L’avocate a aussi fait mention de la preuve qu’a donnée le témoin cité pour le compte de l’intimée et qui, dit-elle, donne à penser que Neil n’était effectivement pas une personne à charge. Le fait d’être solitaire ou timide, comme le laisse entendre l’appelant, ne fait pas de lui une personne infirme.

[31]        L’avocate s’est aussi reportée au paragraphe 118(6). Il s’agit de la définition d’une personne à charge. Cette définition indique que, pour l’application des alinéas (1)d) et e) et (4)e), « personne à charge », relativement à un particulier au cours d’une année d’imposition, signifie une personne aux besoins de laquelle un particulier subvient à un moment de l’année. Là encore, il est obligatoire d’être une personne aux besoins de laquelle le particulier doit subvenir à un moment de l’année. Neil n’étant pas une telle personne, et l’appelant n’a donc pas le droit de présenter une demande en vertu du paragraphe 118(6). L’appelant n’a pas indiqué qu’il s’agit là du fondement de sa demande.

[32]        Pour ce qui est du droit applicable, l’avocate a invoqué la décision Calek v. R.[1] qu’a rendue le juge Hershfield, ainsi que le paragraphe 28 de cette décision :

28        Donc, dans le cas d’une personne à charge, nous parlons de moyens de subsistance et non du maintien d’un mode de vie. Une personne qui n’a pas totalement les moyens d’assurer sa subsistance, mais qui a des moyens et n’est pas entièrement dépendante (c’est‑à‑dire qui a certains moyens, mais a aussi besoin d’une certaine aide) pourrait quand même être considérée comme une personne à charge.

[33]        La Cour souscrit à ce qui précède. Dans le cas présent, l’appelant dépense de l’argent pour son fils en fournissant la maison et en n’exigeant pas de loyer. Comme l’a conclu le juge Hershfield dans l’affaire Calek, il est possible qu’une personne ne puisse recevoir qu’un peu d’aide durant une année et être quand même une personne à charge. Cependant, dans la présente affaire, ce n’était pas le cas. Vivre à la maison n’est pas une infirmité et, là encore, il faut souffrir de l’infirmité et il faut être à charge, mais le fils n’avait aucune infirmité.

[34]        L’avocate a fait référence aussi à la décision Fleury c. R.[2], une décision du juge Rip, aujourd’hui juge en chef , qui peut être d’une certaine utilité. Dans cette affaire, ce dernier a déclaré : « […] il est bien établi en droit que, pour qu’une personne déficiente soit considérée comme une personne à charge, on doit subvenir financièrement à ses besoins […] ». Il a rejeté l’appel. Mais l’avocate a fait valoir que Neil doit aussi être « infirme » et qu’il doit être à charge, ce qu’il n’était pas.

[35]        À l’onglet 9 du recueil de doctrine et de jurisprudence de l’intimée, l’avocate a fait référence à la décision Mahoney v. R.[3], dans laquelle le juge Hershfield a examiné le paragraphe 118(1) de la Loi et a déclaré, au paragraphe 38 :

C’est le contexte à attribuer au sens du mot « infirmité » utilisé à l’alinéa 118(1)b). Dans ce contexte, il semble que le sens attribué dans l’affaire Diaz est tout à fait acceptable et approprié. Le mot « infirmité » désigne un état de mauvaise santé ou de vitalité affaiblie. À cela j’ajoute, comme je l’explique plus bas, le mot « anormalement ». Le crédit pour personne à charge est disponible à l’égard d’un enfant adulte qui vit dans le domicile et à la charge de quelqu’un en raison d’une santé anormalement mauvaise ou d’une vitalité anormalement affaiblie. […]

[36]        Cela n’est pas le cas en l’espèce. Il n’y a, dans le cas présent, aucune preuve de cette nature qui ferait que les faits s’appliquent à l’affaire Mahoney.

[37]        À l’onglet 10 du recueil de doctrine et de jurisprudence de l’intimée, l’avocate a fait référence à la décision Borden c. R.[4], qui traite de l’alinéa 118(1)d). Au paragraphe 15, le juge C. Miller a déclaré :

15  […] Glen était-il une personne à charge […].

Telle est la question qu’il s’est posée : Glen, dans cette affaire, était-il :

[…] une personne à charge à cause de son infirmité? Si ce n’était pas à cause de son infirmité, à cause de quoi alors? Était-il juste un vaurien s’étant aventuré sur une pente glissante? Tout compte fait, je conclus que la prépondérance de la preuve m’incite à conclure qu’il était à charge en raison de son infirmité mentale. Rien dans les antécédents de Glen ou dans les propos qu’il tenait lors des entretiens téléphoniques quotidiens ne me permet de penser que c’était un enfant normal qui se plaisait juste à manipuler ses parents. Même si M. Borden a indiqué qu’il envisageait de couper les vivres à son fils, il n’a jamais abandonné sa thèse que c’était à cause de l’état de Glen que la famille se trouvait dans cette situation on ne peut plus difficile.

[38]        La Cour a conclu qu’il s’agissait d’un cas limite. Le juge a ajouté :

16  Ce n’est pas une affaire facile à trancher parce que c’est un cas limite et que les preuves sont rares. Je conclus toutefois en votre faveur, mais tout juste […].

[39]        Le juge C. Miller a fait droit à l’appel. Dans cette affaire, le juge était manifestement convaincu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour étayer une conclusion d’infirmité mentale.

[40]        Dans le cas présent, l’avocate dit qu’il n’y a pas d’infirmité de cette nature. La présente affaire ne suit pas les paramètres qui ont été appliqués dans les affaires que les juges Hershfield et C. Miller ont tranchées. L’affaire se doit d’être rejetée ici.

[41]        L’appelant a décidé de ne pas faire valoir un point quelconque ou de présenter quelque observation que ce soit dans ce cas particulier, même si la Cour lui a donné la possibilité de le faire.

L’analyse et la décision

[42]        Tout d’abord, la Cour souscrit à l’argument de l’avocate de l’intimée selon lequel l’appelant n’a énoncé aucune disposition particulière de la Loi sur laquelle il entendait se fonder. En fait, la Cour est persuadée, après un examen de tous les éléments de preuve disponibles et de tous les documents, que l’appelant dit en fait qu’il devrait avoir droit au montant de 5 000 $ à cause du revenu peu élevé de son fils, Neil. C’est manifestement la raison pour laquelle il a présenté la demande au départ. Deuxièmement, il dit à la Cour qu’il devrait avoir droit au montant de 5 000 $, qui n’est qu’un chiffre arrondi, un chiffre qu’il a basé sur le montant auquel il pensait que son épouse et lui avaient droit. Il n’a pas expliqué pourquoi il s’agissait de 5 000 $. C’est le même montant qu’il a demandé au titre d’un règlement avec le ministre, mais il a lui-même déclaré qu’il ne s’agissait pas là du fondement de ce chiffre. Il a donc choisi ce chiffre au hasard parce que, selon lui, il était raisonnable.

[43]        La Cour conclut que l’appelant n’a fait état d’aucune disposition particulière de la Loi qui l’autoriserait à recevoir le crédit. Deuxièmement, la Cour est convaincue qu’il n’a produit aucune preuve que le chiffre de 5 000 $ serait raisonnable, sauf qu’il l’a choisi au hasard et qu’il considère que c’est à ce montant-là que son épouse et lui devraient avoir droit.

[44]        La seule question dont la Cour est saisie est celle de savoir si l’appelant a droit au montant de 5 000 $ pour son fils au cours de l’année 2005. La Cour convient que sa demande est vague; elle n’énonce aucune disposition particulière. Il incombe à l’appelant de réfuter les présomptions que le ministre a formulées dans la réponse à l’avis d’appel, et le ministre, dans sa réponse, a dit que l’appelant n’avait pas droit à la déduction de 5 000 $ à l’égard de son fils.

[45]        Dans la réponse, le ministre a déclaré que Neil n’avait pas de déficience mentale ou physique et qu’il n’était pas infirme sur le plan mental ou physique. En conséquence, l’appelant n’avait pas droit au montant pour personne handicapée transféré d’une personne à charge aux termes des paragraphes 118.3(1) et 118.2(2) de la Loi, ni au crédit pour soins à domicile aux termes de l’alinéa 118(1)c.1). Il n’avait pas non plus droit au montant pour personne à charge infirme aux termes de l’alinéa 118(1)d) de la Loi.

[46]        Ce sont là toutes les dispositions que le ministre a prises en considération, et celles que la Cour vient tout juste de passer en revue. La Cour est convaincue que, d’après les éléments de preuve qui lui ont été soumis, l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de montrer qu’il avait droit au crédit de 5 000 $ au titre de l’une quelconque de ces dispositions.

[47]        La Cour croit qu’il est d’une grande importance qu’aucune preuve médicale ou psychiatrique n’a été présentée à l’appui de l’argument selon lequel Neil était infirme et à charge. L’appelant lui-même n’est ni psychiatre, ni médecin, mais pourtant il tente d’obtenir un crédit pour une personne qui était censément infirme et à charge, sans produire une preuve quelconque à l’appui de ces prétentions. Il n’a pas non plus fait comparaître Neil lui-même. La preuve que l’appelant a lui-même donnée donne à penser que son fils nie être infirme. Il nie être une personne à charge. Il n’a pas voulu se présenter devant la Cour. Il n’était même pas au courant que son père avait fait la demande de 5 000 $, et l’appelant lui-même a déclaré que si son fils en avait entendu parler, il serait en colère contre lui.

[48]        La Cour souscrit à l’argument de l’avocate selon lequel, pour que l’appelant ait droit au crédit, Neil devait être infirme et il fallait que l’appelant subvienne à ses besoins. En conséquence, la Cour conclut que ce fait n’a pas été établi. La preuve de l’archéologue qui a témoigné a été fort simple, directe, honnête et complète. Selon cette preuve, le fils de l’appelant ne souffrait pas de l’infirmité que l’appelant a évoquée.

[49]        Le fils était capable d’interagir avec d’autres personnes dans un contexte social ainsi qu’au travail. Il était capable de prendre part à des activités sociales, comme prendre un repas avec le reste des travailleurs. Il était capable d’interagir avec des personnes qui s’étaient présentées au chantier pour voir les fouilles et rien ne prouvait qu’il avait eu un problème quelconque à le faire.

[50]        Le témoin a déclaré que Neil semblait bien aller, quant à lui, et il a conclu qu’il était l’un des meilleurs travailleurs. Il l’aurait chaudement recommandé. Il ne l’aurait guère fait s’il croyait qu’il était infirme. S’il était infirme, il n’aurait certainement pas été capable de faire le travail qu’il effectuait.

[51]        Au cours de l’hiver, quand il ne travaillait pas, il recevait des prestations d’assurance-emploi, ce qui est son droit, mais la Cour est également convaincue, d’après la preuve et d’après toutes les conclusions raisonnables qu’elle est en droit de tirer de cette preuve, que s’il avait voulu trouver un emploi pendant la saison morte et s’il y en avait eu un de disponible, il aurait été capable de prendre l’emploi et de faire le travail. Il a un baccalauréat ès arts, a suivi tout récemment les cours du professeur d’archéologie et semble n’avoir aucune difficulté à se rendre dans une salle de classe, à l’université, où il doit côtoyer d’une certaine façon les autres personnes présentes.

[52]        La Cour n’est pas convaincue que l’appelant s’est acquitté du fardeau de montrer qu’il avait droit à ce crédit d’impôt. De ce fait, l’appel est rejeté et la cotisation du ministre confirmée.

 

Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 26e jour de janvier 2010.

 

 

« T.E. Margeson »

Juge Margeson

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2014.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2010 CCI 46

 

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2007-4093(IT)I

 

 

INTITULÉ :                                      BRENDAN J. JORDAN et
SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                St. John’s (Terre-Neuve)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge T.E. Margeson

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 26 janvier 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Jill Chisholm

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

            Pour l’appelant :

 

                             Nom :                   S.O.

 

                        Cabinet :                   S.O.

 

              Pour l’intimée :                   John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada



[1]           [2002] 2 C.T.C. 2857.

[2]           2005 CCI 379.

[3]           2002 D.T.C. 2203.

[4]           2003 CCI 297.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.