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Dossier : 2006-1736(IT)G

ENTRE :

MIKE SCHEWE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 27 octobre 2009, à Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

Devant : L’honorable juge T. E. Margeson

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Elizabeth McDonald

____________________________________________________________________

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») à l’égard de l’année d’imposition 2001 de l’appelant est accueilli, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national afin qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en partant du principe que le montant en cause ne constituait pas une allocation de retraite au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et n’était donc pas imposable pour l’année en question en vertu du sous‑alinéa 56(1)a)(ii) de la Loi.

 

Aucuns dépens ne seront adjugés.

 


Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 26e jour de janvier 2010.

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mai 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 

 

 

 

 


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 47

Date : 20100126

Dossier : 2006-1736(IT)G

ENTRE :

MIKE SCHEWE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Margeson

 

[1]              Le présent appel a été interjeté à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») dans laquelle ce dernier a ajouté 90 000 $ dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2001. Ce montant a été adjugé à l’appelant comme dommages pour rupture de son contrat d’emploi auprès du Collège universitaire de l’Okanagan (le « CUO »). Le CUO a produit un feuillet T4A à l’égard de ce montant.

 

[2]              Le 11 mars 2004, le ministre a établi une cotisation arbitraire dans laquelle il a ajouté le montant de 90 000 $, étant d’avis que ce montant constituait une « allocation de retraite » au sens donné à ce terme au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), dans sa version modifiée (la « Loi »), c’est-à-dire  :  

 

[…] une somme reçue […]

 

b)         soit à l’égard de la perte par le contribuable d’une charge ou d’un emploi, qu’elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d’un tribunal compétent.

 

Le ministre a donc inclus le montant dans le calcul du revenu de l’appelant en application du sous‑alinéa 56(1)a)(ii) de la Loi.

 

Les faits

 

[3]              Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits, rédigé en ces termes :

 

[traduction]

 

[…]

 

2.                  L’appelant a commencé son emploi auprès du Collège universitaire de l’Okanagan (le « Collège universitaire ») en 1981 à titre de chargé de cours. 

 

3.                  À l’automne 1990, l’appelant a été nommé vice-doyen à temps partiel des programmes professionnels au Collège universitaire, nomination entrant en vigueur le 2 janvier 1991.

 

4.                  Le 31 décembre 1990, l’appelant a été nommé doyen des programmes professionnels au Collège universitaire. Une copie de la lettre de nomination datée du 31 décembre 1990 est jointe en annexe 1 de l’exposé conjoint des faits.

 

5.                  En 1993, le Collège universitaire a modifié sa politique concernant le personnel administratif (la « politique »), qui régissait la position de l’appelant à titre de doyen. Une copie de la politique est jointe en annexe 2 de l’exposé conjoint des faits.

 

6.                  En 1995, l’appelant, en fonction du choix dont il disposait suivant les modifications à la politique, a demandé que le Collège universitaire évalue son admissibilité à un poste de chargé de cours en plus de son poste de doyen.

 

7.                  Dans une lettre datée du 21 avril 1995, le comité de sélection du Collège universitaire a unanimement recommandé que le poste de l’appelant à titre de doyen soit rattaché à un poste de chargé de cours permanent et à temps plein (le « poste de chargé de cours »). Une copie de la lettre datée du 21 avril 1995, y compris l’annexe « C », est jointe en annexe 3 de l’exposé conjoint des faits.

 

8.                  Le Collège universitaire a mis fin à l’emploi de l’appelant et lui a offert une indemnité de cessation d’emploi sous la forme de certains paiements forfaitaires, que l’appelant n’a pas acceptée.

 

9.                  L’appelant n’a reçu aucun paiement de la part du Collège universitaire pour la cessation d’emploi.

 

10.              L’appelant a intenté une action en justice devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique contre le Collège universitaire pour congédiement injustifié et rupture de contrat.

 

11.              Le juge Brooke de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a tranché en faveur de l’appelant le 6 mars 2001 [Schewe v. Okanagan University College, 2001 BCSC 343, 103 A.C.W.S. (3d) 747].

 

12.              Lorsque le jugement a été rendu, le Collège universitaire a versé à l’appelant la somme de 90 000 $ en dommages pour rupture de contrat, suivant l’ordonnance. 

 

13.              L’avocat de l’appelant a demandé que le Collège universitaire verse un intérêt avant jugement sur le montant de 90 000 $ adjugé à l’appelant pour rupture de contrat, mais sa demande a été rejetée. Une copie de la lettre de l’avocat du Collège universitaire, datée du 13 mars 2001, à l’intention de l’avocat de l’appelant concernant l’intérêt avant jugement est jointe en annexe 4 de l’exposé conjoint des faits.

 

14.              Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation arbitraire à l’égard de l’année d’imposition 2001 de l’appelant le 11 mars 2004 et a inclus le montant de 90 000 $ reçu du Collège universitaire dans le calcul du revenu de l’appelant au titre d’allocation de retraite.

 

15.              Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2001 de l’appelant le 29 novembre 2004, à la suite d’une opposition présentée par l’appelant. Dans la nouvelle cotisation, le ministre a admis la déduction d’un montant de 26 103 $ au titre de frais judiciaires.

 

[4]              Cynthia Borch, vérificatrice auprès de l’Agence du revenu du Canada, est venue témoigner à l’audience. Elle a fait des études en administration des affaires et en comptabilité.

 

[5]              En 2004, Mme Borch a traité la cotisation de l’appelant et a examiné son opposition. Elle a reçu le feuillet T4A produit par le CUO, qui a été déposé en preuve sous la cote R3. L’appelant n’a pas produit de déclaration T1, ce qui explique l’établissement d’une cotisation arbitraire.

 

[6]              Mme Borch a admis la déduction du montant de 26 103 $ au titre de frais judiciaires. Le CUO n’a fait aucune déduction concernant le paiement en cause.

 

Les observations de l’intimée

 

[7]              Dans ses observations écrites et orales, l’avocate de l’intimée soutient que l’appelant avait droit à un poste de chargé de cours permanent et à temps plein en plus de son poste de doyen. Il y a eu un intervalle entre le moment où le ministre a établi la cotisation de l’appelant (le 1er novembre 1999) et le moment où ce dernier avait l’intention de retourner travailler à titre de chargé de cours (le 1er juillet 2001).

 

[8]              Cependant, les conclusions de fait tirées par la Cour suprême de la Colombie‑Britannique en vue d’établir quelles étaient les modalités du contrat d’emploi et de savoir s’il y avait bel et bien eu rupture de contrat indiquent que le poste de doyen et le poste de chargé de cours connexe étaient inextricablement liés. Par conséquent, la présente affaire ne tombe pas sous le coup de l’arrêt Schwartz v. The Queen, 96 D.T.C. 6103 (C.S.C.).

 

[9]              En l’espèce, il y avait une occasion d’emploi éventuel. Par conséquent, la relation entre l’appelant et le CUO n’a subi aucune interruption. Le montant reçu par l’appelant est donc imposable. 

 

[10]         Aux fins de l’établissement des dommages issus de la perte du poste de chargé de cours, l’ancienneté de l’appelant remontait à la date à laquelle le poste de chargé de cours permanent et à temps plein est devenu connexe au poste de doyen.

 

[11]         La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a conclu que l’annexe « C » de la politique concernant le personnel administratif constituait une partie du contrat d’emploi de l’appelant. Selon cette politique, un doyen pouvait accéder à un poste de chargé de cours après avoir donné avis de son intérêt en ce sens.

 

[12]         Rien dans le libellé de l’annexe « C » n’exigeait qu’un doyen choisissant d’occuper un poste connexe de chargé de cours permanent et à temps plein ait à passer une certaine période sans emploi ou sans salaire avant l’entrée en vigueur du changement. Ce n’est que le 22 novembre 1999 que l’appelant a choisi de briguer le poste connexe de chargé de cours.

 

[13]         Le montant en cause représente des dommages adjugés à l’appelant pour la perte du poste de chargé de cours et la perte de son emploi. Ce montant se voulait une indemnisation à l’égard de la perte de l’emploi et des avantages qui y étaient liés (voir Tremblay c. Sa Majesté la Reine, 2009 CCI 437, 2009 D.T.C. 1284, aux paragraphes 35 et 46). À ce moment‑là, le CUO a violé le contrat d’emploi en ne laissant pas l’appelant occuper le poste de chargé de cours. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a tiré la conclusion suivante :

 

[traduction]

 

Même si le demandeur a été congédié sommairement en date du 1er novembre 1999, il détenait toujours un statut lui permettant de demander des avantages pendant une période d’avis d’au moins trois mois. [Schewe v. Okanagan University College, 2001 BCSC 343, 103 A.C.W.S. (3d) 747]

 

[14]         Il est donc clair que les dommages adjugés à l’appelant étaient afférents à ses services antérieurs auprès du CUO. Plus particulièrement, ils concernaient l’avantage auquel il avait choisi d’adhérer (c.‑à‑d., le poste connexe de chargé de cours) alors qu’il y avait droit.

 

[15]         L’avocate de l’intimée soutient que, selon quatre facteurs précis, il est clair que les dommages pour la perte du poste connexe de chargé de cours constituaient une allocation de retraite et n’étaient pas des dommages pour la perte d’un emploi « éventuel » ou « projeté » :

 

a)                 le poste de chargé de cours que l’appelant avait choisi de briguer avait été lié des années plus tôt, soit en 1995, à son contrat d’emploi permanent à titre de doyen;

 

b)                le poste de chargé de cours connexe au contrat d’emploi était un avantage accordé à l’appelant dans le cadre de son emploi permanent, la perte duquel justifiait l’indemnisation en dommages;

 

c)                 l’appelant, en 1999, a exercé son droit de briguer le poste de chargé de cours en application de l’annexe « C », à un moment où il détenait toujours un statut lui permettant de demander des avantages relatifs à son contrat d’emploi;

 

d)                l’ancienneté de l’appelant pour ce qui est du poste de chargé de cours (dont la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a tenu compte lorsqu’elle a calculé les dommages accumulés) remontait à 1995, soit le moment où le poste de chargé de cours est devenu lié au poste de doyen de l’appelant. 

 

[16]         Il donc clair, compte tenu de ces facteurs et de toutes les conclusions tirées par le juge Brooke dans Schewe v. Okanagan University College, précité, qu’en l’espèce, il n’est pas question d’un employé congédié qui n’entretenait plus aucune relation d’emploi avec son employeur ou qui n’avait plus aucune obligation de fournir des services à l’employeur, comme c’était le cas dans Schwartz v. R., précité.   

 

[17]         L’avocate de l’intimée s’est fondée sur Anderson v. The Queen 98 D.T.C. 1190 (C.C.I.) et a affirmé que, dans cette affaire, comme dans l’affaire en l’espèce, il y avait un lien entre les dommages et la perte d’emploi.

 

[18]         Elle a répété que rien dans la politique ne prévoyait qu’un intervalle dans l’emploi soit nécessaire. S’il y en a eu un, c’est en raison de la façon dont l’appelant a fait son choix.

 

[19]         L’appel devrait donc être rejeté.

 

Les observations de l’appelant

 

[20]         Dans ses observations écrites et orales, l’appelant soutient que son appel devrait être accueilli. Dans l’affaire portée devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, le juge d’instance a tranché deux questions de la façon suivante [Schewe v. Okanagan University College, précité] :

 

(1)   l’établissement était tenu de verser une indemnité à l’appelant pour l’absence d’avis et d’indemnité de cessation d’emploi;

 

(2)   l’établissement était tenu de verser une indemnité de 90 000 $ pour avoir refusé à l’appelant le droit à un autre emploi, soit le poste de chargé de cours prévu dans son contrat.

 

[21]         L’établissement a refusé de payer de l’intérêt sur les 90 000 $ en partant du principe que le montant avait été adjugé au titre de dommages pour rupture de contrat, lequel contrat aurait permis à l’appelant d’assumer un poste de chargé de cours, et qu’il n’était donc pas assujetti à un intérêt.

 

[22]         Aucune valeur monétaire n’était associée au transfert vers le poste de chargé de cours connexe au poste de doyen. Il était nécessaire de mener un processus de sélection tout comme s’il s’agissait d’un nouvel employé. L’obtention du poste de chargé de cours n’avait aucune incidence sur le poste de doyen.

 

[23]         Le poste connexe ne garantit pas l’obtention d’un emploi éventuel. Cependant, la politique concernant le personnel administratif contenait une disposition de cessation d’emploi.

 

[24]         On pouvait mettre fin à l’emploi de l’appelant à titre de doyen à n’importe quel moment, sans motifs et sans redressement. Le fait qu’il ne détenait pas le poste connexe importe peu à la question en cause.

 

[25]         L’appelant a donné un avis en bonne et due forme de son intention d’occuper le poste de chargé de cours à compter du 1er juillet 2001. On lui a répondu que ce poste n’était pas connexe à son poste de doyen. L’appelant a donc intenté une action en justice contre le CUO.

 

[26]         Le jugement de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans cette affaire comportait deux volets : (1) le congédiement injustifié à titre de doyen; (2) le fait que le demandeur (l’appelant, en l’espèce) a reçu un montant forfaitaire équivalent à neuf mois de salaire et a payé l’impôt afférent.

 

[27]         Les dommages s’élevant à 90 000 $ étaient liés au poste connexe, comme c’était le cas dans Schwartz v. R.,  précité.

 

[28]         L’appelant soutient que le moment où on devient un employé n’est pas défini au paragraphe 248(1) de la Loi. On peut tous avoir un contrat d’emploi, mais dans son cas, il n’était pas payé comme un employé. L’emploi n’avait pas encore débuté. Le contrat concernait un emploi éventuel. Il était prêt à commencer à occuper son emploi en fonction du contrat d’emploi le 1er juillet 2001, mais le CUO lui a refusé le poste de chargé de cours.

 

[29]         La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a adjugé 90 000 $ au titre de dommages pour rupture de contrat à l’égard de ce poste. Elle a compris qu’il y avait un laps de temps au cours duquel le CUO n’était pas tenu d’employer l’appelant. Selon les bulletins en matière d’impôt sur le revenu, s’il y a indemnisation pour rupture d’un contrat préalable à l’emploi, cette indemnisation n’est pas imposable.

 

[30]         Comme c’était le cas dans Schwartz v. R., précité, le montant en cause ne constituait pas une allocation de retraite au sens du paragraphe 248(1) parce que les dommages n’ont pas été adjugés à l’égard de la perte d’un emploi. Il faut tenir compte du point de départ. La personne doit déjà être en service. Ceci exclut donc un emploi éventuel ou projeté.

 

[31]         L’appelant est d’avis que les autres cas cités par l’avocate de l’intimée concernaient des personnes qui étaient employées.

 

[32]         L’emploi ne débute pas à la signature du contrat. Le paragraphe 248(1) contient les mots « emploi » et « perte […] d’une charge ou d’un emploi ». Le contribuable doit être un employé.

 

[33]         Dans le bulletin d’interprétation en matière d’impôt sur le revenu IT‑337R4 (consolidé), on traite des mots « perte […] d’une charge ou d’un emploi ». On énonce deux questions servant à établir s’il existe un lien pour les besoins de l’allocation de retraite :

 

1 – N’eut été de la perte de son emploi, le particulier aurait‑il reçu le paiement?

2 – Le but du paiement était‑il d’indemniser le particulier pour la perte de son emploi?

 

La somme reçue n’est considérée comme une allocation de retraite que si la réponse à la première question est « non » et que la réponse à la seconde question est « oui ».

 

[34]         En l’espèce, la réponse à la première question est « oui » et la réponse à la seconde question est « non ». Par conséquent, la somme n’est pas considérée comme une « allocation de retraite » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.  

 

[35]         Les dommages en question concernent un événement étant survenu à une date ultérieure à la date du jugement.

 

[36]         L’appel devrait être accueilli.

 


Analyse et décision

 

[37]         Les parties ont bien cerné la question en litige en l’espèce. Pour trancher la question, il faut tenir compte du sous‑alinéa 56(1)a)(ii) de la Loi et de la définition d’« allocation de retraite » énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi. Si on conclut que le montant en cause constitue effectivement une « allocation de retraite » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi, il est donc imposable entre les mains de l’appelant en application du sous‑alinéa 56(1)a)(ii).

 

[38]         Le terme « allocation de retraite » est défini en ces termes au paragraphe 248(1) de la Loi :

 

« allocation de retraite » Somme, sauf une prestation de retraite ou de pension, une somme reçue en raison du décès d’un employé ou un avantage visé au sous-alinéa 6(1)a)(iv), reçue par un contribuable ou, après son décès, par une personne qui était à sa charge ou qui lui était apparentée, ou par un représentant légal du contribuable :

 

a) soit en reconnaissance de longs états de service du contribuable au moment où il prend sa retraite d’une charge ou d’un emploi ou par la suite;

b) soit à l’égard de la perte par le contribuable d’une charge ou d’un emploi, qu’elle ait été reçue ou non à titre de dommages ou conformément à une ordonnance ou sur jugement d’un tribunal compétent.

 

 

[39]         Afin d’établir la nature du paiement, il faut tenir compte du jugement rendu par le juge Brooke en faveur de l’appelant le 6 mars 2001 [Schewe v. Okanagan University College, précité].

 

[40]         Sur la question de savoir si le poste connexe était lié au contrat d’emploi, le juge Brooke a affirmé ce qui suit, à la page 9 :

 

[traduction]

 

Je conclus que le poste connexe est bel et bien lié au contrat d’emploi. Même s’il ne faisait pas partie du contrat au moment où il a été conclu entre les deux parties, le poste était comme un avantage accordé par l’employeur à un employé dans le cadre d’un emploi permanent.

 

[41]         Le juge d’instance a aussi conclu que l’appelant s’est à juste titre prévalu, par son avocat, de son droit de demander à accéder, à compter du 1er juillet 2001, au poste de chargé de cours. Le juge a affirmé ce qui suit au paragraphe 15 :

 

[traduction]

 

[…] Le défendeur a privé le demandeur d’une chose de valeur. La question est donc de savoir quels dommages il est raisonnable d’adjuger relativement à cet aspect de la rupture du contrat d’emploi de la part du défendeur.

 

[42]         De toute évidence, le juge d’instance ne se souciait pas des répercussions fiscales lorsqu’il a fait cette dernière affirmation, sinon, il aurait décrit les dommages plus en détail.

 

[43]         Cependant, comme l’a souligné l’appelant dans ses observations, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a aussi conclu qu’il avait été congédié injustement et lui a adjugé des dommages équivalents à neuf mois de salaire.  

 

[44]         Au paragraphe 24 du jugement, le juge Brooke s’est exprimé ainsi :  

 

[traduction]

 

Pour la perte du poste connexe, j’adjuge la somme de 90 000 $ au demandeur. Pour en arriver à cette conclusion, je tiens compte de la valeur incertaine que représentait le retour à l’unité de négociation à titre de membre ayant le moins d’ancienneté « à des fins de licenciement », ainsi que des risques d’un différend avec le syndicat ou de toute action en justice qui aurait pu être intentée contre le défendeur s’il avait mis fin à l’emploi du demandeur au bout d’une année.

 

[45]         La présente Cour est convaincue que le juge d’instance parlait ici d’un contrat d’emploi qui aurait été mis en application ultérieurement, soit, par exemple, le 1er juillet 2001, suivant l’avis donné par l’appelant.  

 

[46]         La Cour accepte les observations de l’appelant à cet égard.

 

[47]         La Cour n’accepte pas l’observation de l’intimée selon laquelle le poste de doyen et le « poste connexe » étaient inextricablement liés. Ils étaient liés dans la mesure où, au moment où l’appelant occupait le poste de doyen, il avait convaincu le comité de sélection du CUO qu’il possédait les qualités nécessaires pour occuper le poste connexe de chargé de cours. Les deux emplois étaient cependant distincts et, afin d’obtenir le poste de chargé de cours, l’appelant devait suivre certaines procédures. Ce qu’il a bel et bien fait.

 

[48]         La Cour accepte l’observation de l’appelant selon laquelle la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a adjugé la somme de 90 000 $ pour rupture de contrat à l’égard du poste connexe qui était, essentiellement, un contrat d’emploi éventuel.

 

[49]         La Cour est convaincue, compte tenu de la preuve dont elle a été saisie, que les dommages adjugés pour la perte du poste de chargé de cours n’étaient pas directement liés, et étaient même étrangers, à la perte du poste de doyen. La Cour est convaincue qu’il est clair que les dommages adjugés à l’appelant n’étaient pas liés à ses services antérieurs, mais bien à la perte d’un poste éventuel qu’il avait choisi de briguer.  

 

[50]         En concluant ainsi, la Cour tient compte de la position de l’intimée voulant que le poste de chargé de cours avait été lié au contrat d’emploi permanent pour le poste de doyen des années plus tôt, soit en 1995. Toutefois, pendant cette période, l’appelant occupait le poste de doyen et ne détenait aucun contrat d’emploi à titre de chargé de cours parce qu’il n’avait pas encore choisi de briguer ce poste.  

 

[51]         Le droit de briguer le poste de chargé de cours constituait un avantage, mais n’avait rien à voir avec le poste de doyen, poste auquel on aurait pu mettre fin à n’importe quel moment.

 

[52]         Le fait que, pour établir le montant des dommages, on a tenu compte de l’ancienneté du poste remontant à 1995 n’est pas déterminant pour trancher la question. Pas plus que ne l’est le fait qu’en 1999, l’appelant s’est prévalu de son droit de briguer le poste en fonction de l’annexe « C », à un moment où il détenait toujours un statut lui permettant de demander des avantages relatifs à son contrat d’emploi (à titre de doyen). L’appelant n’aurait eu aucun droit relatif au poste de chargé de cours avant de l’occuper ultérieurement.

 

[53]         Dans l’arrêt Schwartz v. The Queen, précité, la Cour a conclu ainsi :

 

[…] ce que l’appelant a perdu lors de l’annulation du contrat, ce n’est pas son emploi ni son poste, mais le droit à un emploi ultérieur.

 

[54]         Comme l’appelant a soutenu en l’espèce, c’était là la situation dans laquelle il se trouvait. Il était prêt à commencer à occuper son emploi le 1er juillet 2001, mais le CUO le lui a refusé. La Cour accepte le point de vue de l’appelant selon lequel les dommages en question concernent un événement étant survenu à une date ultérieure à la date du jugement.

 

[55]         La Cour est du même avis que l’appelant lorsque celui‑ci indique que la réponse à la question « N’eut été de la perte de son emploi, le particulier aurait‑il reçu le paiement? » est « oui » et que la réponse à la question « Le but du paiement était‑il d’indemniser le particulier pour la perte de son emploi? » est « non ».

 

[56]         En fin de compte, la Cour conclut que les dommages reçus par l’appelant ne constituaient pas une « allocation de retraite » au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et n’étaient pas imposables pour l’année en cause suivant le sous‑alinéa  56(1)a)(ii) de la Loi.  

 

[57]         L’appel est accueilli, et l’affaire est déférée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse une nouvelle cotisation en fonction des présentes conclusions.

 

[58]         L’appelant a agi pour son propre compte et les parties se sont entendues sur les faits. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

[59]         Signé à Winnipeg (Manitoba), ce 26e jour de janvier 2010.

 

« T. E. Margeson »

Juge Margeson

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de mai 2010.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 47

 

N° DE DOSSIER :                             2006-1736(IT)G

 

INTITULÉ :                                       MIKE SCHEWE et SA MAJESTÉ LA REINE  

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Kelowna (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 27 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge T. E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 26 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Elizabeth McDonald

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      s.o.

 

                         Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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