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Dossier : 2008-4086(GST)I

ENTRE :

 

GINETTE BISAILLON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 décembre 2009, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Paul Bédard

 

Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Caroline Briand

Avocate de l'intimée :

Me Martine Bergeron

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de l’appelante en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise dont l’avis est daté du 26 septembre 2007 et porte le numéro BR071320, est accueilli, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de janvier 2010.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


 

 

 

 

Référence : 2010 CCI 44

Date : 20100125

Dossier : 2008-4086(GST)I

ENTRE :

GINETTE BISAILLON,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bédard

 

[1]              Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une cotisation dont l’avis est daté du 26 septembre 2007 et porte le numéro BR071320 établie à l’encontre de l’appelante en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). Il s’agit en l’espèce de déterminer si, en tant qu’administrateur de la société Installation M. Vallières Inc. (la « société »), l’appelante doit être tenue, solidairement avec cette société, de payer le montant de 14 454,62 $, soit le montant de taxe nette que cette société a omis de verser, les intérêts et les pénalités.

 

Position de l’appelante

 

[2]              Bien que l’appelante était inscrite comme administrateur et secrétaire de la société dans les registres de l’Inspecteur général des institutions financières depuis le 4 février 1997, date de production du rapport annuel de la société pour l’année 1996 (pièce A‑1), l’appelante soutient qu’elle n’a jamais été élue administrateur de la société et qu’elle a été déclarée administrateur de la société auprès du Registraire des entreprises (autrefois l’Inspecteur général des institutions financières) par erreur lorsqu’elle a été déclaré secrétaire lors de la production de la déclaration annuelle pour l’année 1996. En effet, l’appelante soutient que son nom a été inscrit à la section 6 plutôt qu’à la section 7 de cette déclaration. L’appelante prétend qu’elle n’a jamais agi dans les faits comme administrateur de la société et qu’elle n’a jamais posé d’actes normalement réservés aux administrateurs.

 

Position de l’intimée

 

[3]              L’intimée soutient que, pour les périodes visées par la cotisation en litige, soit du 1er janvier 2004 au 30 juin 2005, l’appelante était administrateur de jure de la société, et ce, au moins depuis le 4 février 1997, date de production du rapport annuel de la société pour l’année 1996. En effet, le ministre prétend que les informations contenues au Registre des entreprises font preuve de leur contenu en faveur des tiers de bonne foi à compter de la date où elles sont inscrites, conformément aux dispositions de l’article 62 de la Loi sur la publicité légale des entreprises. L’intimée prétend que le Registre des entreprises indiquait clairement que l’appelante était administrateur de la société pendant plusieurs rapports annuels consécutifs, ce qui rend, selon elle, improbable la thèse de l’erreur soutenue par l’appelante.

 

Le litige

 

[4]              Le litige porte uniquement sur la question de savoir si l’appelante était administrateur de jure de la société, et ce, au moins depuis le 4 février 1997, date de production du rapport annuel de la société pour l’année 1996.

 

[5]              Il ressort de la preuve que :

 

i)                   lors de l’organisation juridique de la société le 30 mai 1994, le conseil d’administration a fixé à 1 le nombre d’administrateurs devant composer le conseil d’administration, le tout conformément aux statuts et aux règlements généraux de la société (voir la pièce A‑5), et ce nombre n’a jamais été modifié par la suite;

 

ii)                 le 30 mai 1994, l’actionnaire unique de la société, monsieur Marc Vallières, qui est également le conjoint de l’appelante, s’est élu lui‑même au poste d’administrateur de la société (voir la pièce A‑5). Par la suite, aucune élection valide d’administrateurs n’est survenue. En effet, après le 30 mai 1994, il n’existe aucun procès‑verbal d’une assemblée des actionnaires ni aucune résolution écrite tenant lieu d’une telle réunion faisant état de l’élection d’un administrateur. Par ailleurs, il existe trois résolutions (dont le texte est similaire), datées du 3 septembre 1996, du 5 mars 1997 et du 5 juin 1998 (voir la pièce A‑5), qui pourraient nous laisser croire que l’appelante était administrateur de la société. À titre d’exemple, la résolution du 5 juin 1998 se lit comme suit :

 

Par ailleurs, le livre des procès‑verbaux (voir la section « Administrateurs » de la pièce A‑5) indique que l’appelante est administrateur depuis le 22 décembre 1994, et ce, même s’il n’existe aucun procès‑verbal d’une assemblée des actionnaires (ni aucune résolution des actionnaires tenant lieu d’une telle réunion) faisant était de l’élection de l’appelante comme administrateur de la société;

 

iii)               la déclaration annuelle de la société pour l’année 1996 (voir la section 6 de la pièce I‑7) indique que l’appelante est administrateur de la société depuis 1996. Cette déclaration annuelle est signée par monsieur Vallières. Les déclarations annuelles de la société pour les années subséquentes (voir la pièce A‑1) indiquent que monsieur Vallières et l’appelante sont administrateurs de la société. Toutes les déclarations annuelles subséquentes (voir la pièce A‑1) de la société, à l’exception de la déclaration annuelle pour l’année 1998 (pièce I‑1), sont signées par monsieur Vallières. La déclaration annuelle de la société pour l’année 1998 est signée par l’appelante;

 

iv)               plusieurs chèques (voir la pièce I‑2) tirés sur le compte de banque de la société furent signés par l’appelante;

 

v)                 l’appelante n’a jamais déclaré à des tiers qu’elle était administrateur de la société et n’a jamais posé de gestes réservés aux administrateurs.

 

Témoignage de monsieur Vallières

 

[6]              Monsieur Vallières qui, au début de sa carrière professionnelle, a travaillé à titre d’employé comme soudeur puis comme technicien en chauffage, a témoigné qu’en 1994 il avait décidé de créer sa propre entreprise dans le domaine de la vente, de l’installation et de la réparation de systèmes de chauffage, d’où la constitution de la société. Monsieur Vallières a expliqué qu’il avait retenu les services d’un comptable pour procéder à la constitution et à l’organisation de la société et à la préparation des résolutions des actionnaires et des administrateurs de la société, des déclarations annuelles de la société, des états financiers de la société et des déclarations de revenus de cette dernière, étant donné qu’il n’avait aucune connaissance juridique et surtout aucune expérience en affaires. Monsieur Vallières a expliqué que sa compréhension des documents juridiques (préparés par son comptable et qu’il signait sans vraiment les lire et les comprendre) était qu’il était le seul administrateur et actionnaire de la société et qu’il était ainsi le seul maître à bord, sa conjointe n’étant que la secrétaire de la société. Monsieur Vallières a affirmé catégoriquement que l’appelante n’avait aucun pouvoir décisionnel dans la société. Monsieur Vallières a précisé que ce n’est qu’en 2005 qu’il avait réalisé que les déclarations annuelles de la société depuis 1996 indiquaient que sa conjointe était administrateur de la société et que, dès lors, il avait demandé à son comptable de corriger cette erreur. Enfin, monsieur Vallières a expliqué qu’il n’avait pas insisté pour que son comptable vienne témoigner à cet égard étant donné que ce dernier se souvenait à peine de ces faits.

 

Témoignage de l’appelante

 

[7]              L’appelante (une coiffeuse de formation ayant terminé son secondaire V) a témoigné qu’avant de travailler pour la société, elle n’avait aucune expérience en affaires, s’étant contentée jusqu’alors d’élever ses trois jeunes enfants à la maison. L’appelante a aussi expliqué que :

 

i)                   son rôle de secrétaire consistait essentiellement à agir comme réceptionniste, à tenir les livres comptables selon les instructions du comptable de la société, à signer à l’occasion des chèques de la société conformément aux instructions de monsieur Vallières et à faire des dépôts bancaires. L’appelante a ajouté que ces activités représentaient environ trois heures de travail par jour, activités qui étaient exercées essentiellement à la résidence familiale qui tenait lieu de siège social de la société;

 

ii)                 selon sa compréhension des documents juridiques de la société (tels les procès‑verbaux et les déclarations annuelles), elle n’était pas administrateur de la société, le comptable l’ayant assuré qu’elle n’était que la secrétaire de la société. Somme toute, l’appelante a expliqué qu’elle n'avait aucun pouvoir décisionnel dans la société et qu’ainsi elle ne faisait qu’exécuter les ordres de son conjoint, le seul maître à bord.

 

Analyse et conclusion

 

[8]              Le Registre des entreprises indique que l’appelante était, à partir de 1996, administrateur de la société. Certes, les informations dans ce registre font preuve de leur contenu en faveur des tiers de bonne foi à compter de la date où elles sont inscrites conformément aux dispositions de l’article 62 de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. Toutefois, je suis d’avis que la présomption créée par l’article 62 de cette loi est réfutable et qu’en l’espèce l’appelante a réfuté cette présomption en présentant une preuve satisfaisante à l’effet qu’elle n’avait pas été élue administrateur de la société et n’avait pas agi dans les faits comme administrateur de la société. Les témoignages de l’appelante et de son conjoint à cet égard étaient tout simplement crédibles et vraisemblables, compte tenu de leur peu d’instruction, de leurs connaissances juridiques limitées et de leur manque d’expérience en affaires. En effet, monsieur Vallières m’a tout simplement convaincu qu’il n’a jamais voulu que sa conjointe soit élue administrateur de la société. Par ailleurs, l’appelante m’a convaincu qu’elle n’avait jamais accepté d’être élue administrateur de la société et que son rôle de secrétaire consistait à exécuter les directives de son conjoint. Ils m’ont aussi convaincu qu’ils ne savaient pas vraiment et surtout qu’ils n’avaient pas compris avant 2005 que les déclarations annuelles indiquaient que l’appelante était administrateur de la société à partir de 1996. Ils m’ont aussi convaincu que le comptable avait commis une erreur en préparant ces déclarations annuelles. Mon examen des procès‑verbaux de la société préparés par le comptable accrédite la thèse de l’erreur du comptable. Ces procès‑verbaux préparés par le comptable démontrent clairement le peu de connaissance que ce dernier avait de la Loi sur les compagnies du Québec. En effet, ces procès‑verbaux indiquent clairement que le comptable n’a pas vraiment compris que certaines décisions (dont celle d’élire des administrateurs) dans une société ne peuvent être prises que par les actionnaires. En outre, ce comptable ne semble pas avoir fait de distinction entre le rôle d’un administrateur et celui d’un officier. Certes, il aurait été préférable que le comptable vienne témoigner à cet égard. Bien que souhaitable, le témoignage du comptable ne me semble pas indispensable, compte tenu des témoignages très clairs et crédibles de l’appelante et de son conjoint.

 

[9]              Pour ces motifs, l’appel est accueilli.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de janvier 2010.

 

 

 

« Paul Bédard »

Juge Bédard


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 44

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-4086(GST)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GINETTE BISAILLON ET SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 17 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Paul Bédard

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 25 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelant :

Me Caroline Briand

Avocate de l'intimée :

Me Martine Bergeron

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                            Me Caroline Briand

                 Cabinet :                           Cain Lamarre Casgrain Wells

                                                          Montréal, Québec

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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