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Dossier : 2006­1557(EI)

ENTRE :

DYNAMEX CANADA CORP.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel 2006­1558(CPP) les 9 et 10 octobre 2008 et les 1er et 2 octobre 2009,

à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Guy Dussault

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Josée Tremblay

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2010.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2010.

Marie­Christine Gervais, traductrice


Dossier : 2006­1558(CPP)

ENTRE :

DYNAMEX CANADA CORP.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel 2006­1557(EI) les

9 et 10 octobre 2008 et les 1er et 2 octobre 2009,

à Québec (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Pierre Archambault

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Guy Dussault

 

 

Avocate de l’intimé :

Me Josée Tremblay

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2010.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2010.

 

Marie­Christine Gervais, traductrice


 

Référence : 2010 CCI 17

Date : 20100111

Dossiers : 2006­1557(EI)

2006­1558(CPP)

ENTRE :

DYNAMEX CANADA CORP.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Archambault

 

[1]              Dynamex Canada Corp. (« Dynamex ») interjette appel de décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi »)[1]. Dans les deux appels, il s’agit de déterminer si, du 1er janvier 2002 au 1er mars 2005 (la « période pertinente »), Roger Fontaine travaillait pour Dynamex aux termes d’un contrat de louage de services et occupait par conséquent pour cette société un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens des lois susmentionnées. Le ministre a déterminé que M. Fontaine était effectivement un employé de Dynamex pendant la période pertinente. Dynamex soutient quant à elle que M. Fontaine était un entrepreneur indépendant. Les deux appels ont été entendus sur preuve commune.

 

[2]              Aux fins de rendre sa décision, le ministre s’est fondé notamment sur les faits suivants, énoncés dans la réponse qui a été déposée dans l’appel interjeté en vertu de la Loi :

 

[TRADUCTION]

 

a)         l’appelante exploite une entreprise de ramassage et de livraison d’enveloppes et de colis au Canada; [admise]

 

b)         l’appelante a engagé Roger Fontaine pour effectuer la livraison des enveloppes et des colis de ses clients dans la région de Winnipeg; [admise]

 

c)         l’appelante a dirigé, contrôlé et supervisé les cueillettes et les livraisons effectuées par Roger Fontaine; [niée]

 

d)         pendant toute la période pertinente, Roger Fontaine et ses collègues de la région de Winnipeg étaient collectivement représentés par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale de Red River; [admise]

 

e)         pendant toute la période pertinente, une convention collective conclue entre l’appelante et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale de Red River – était en vigueur; [admise]

 

f)          l’appelante fournissait entre autres choses une carte d’identification à des fins de sécurité, des uniformes et une protection en cas d’accident du travail; [niée]

 

g)         Roger Fontaine devait exécuter ses tâches personnellement; [niée]

 

h)         Roger Fontaine était payé deux fois par mois par l’appelante, en fonction en partie d’un pourcentage des livraisons effectuées; [admise][2]

 

i)          Roger Fontaine était tenu de :

 

i)          signaler immédiatement tout accident; [admise]

ii)         tenir un relevé quotidien des cueillettes et des livraisons effectuées; [admise]

iii)         présenter ses demandes de congé ou d’autres absences autorisées à l’avance; [niée]

iv)        se présenter de manière jugée acceptable par l’appelante qui, si elle était insatisfaite, pouvait lui demander de retourner chez lui; [niée]

v)         fournir son propre véhicule pour exécuter ses tâches; [admise]

 

j)          Roger Fontaine n’était pas inscrit comme fournisseur aux fins de la taxe sur les produits et services. [admise]

 

 

Contexte factuel

 

[3]              La principale activité commerciale de Dynamex à Winnipeg consiste en le ramassage et la livraison d’enveloppes et de colis (ci‑après appelés collectivement les « colis ») le jour même. Elle fournit également des services de livraison et de logistique garantis le lendemain au Canada et aux États‑Unis. Dynamex est une filiale de Dynamex Inc., une société ouverte américaine (voir la pièce R‑33, onglet 42), et dispose de centres d’affaires partout au Canada, de St. John’s à Victoria. D’après James Aitken, président de Dynamex[3], elle est la seule société nationale de livraison le jour même au Canada. Elle compte environ 600 employés, et tous les conducteurs qui effectuent des livraisons pour elle sont des entrepreneurs indépendants. Dans le cadre de son entreprise, Dynamex a recours aux services de livreurs qui se déplacent à pied (appelés les « marcheurs »), qui utilisent une bicyclette (appelés les « cyclistes »), ou qui utilisent leur propre véhicule (appelés les « conducteurs propriétaires » ou les « conducteurs »). D’après John McMaster, un représentant du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (syndicat) et un marcheur de Dynamex, il y avait en 2002 dans la région de Winnipeg trois ou quatre marcheurs, un cycliste et entre 140 et 145 conducteurs propriétaires. Pendant la période pertinente, Dynamex traitait les marcheurs et les cyclistes comme des employés parce que, d’après M. Aitken, ils n’utilisaient pas ni ne devaient être propriétaires de biens substantiels pour effectuer leurs livraisons, et en raison de l’application du critère de contrôle établi par les tribunaux. Les conducteurs propriétaires utilisaient leur propre véhicule — une auto, une mini‑fourgonnette, un camion ou même un tracteur et une remorque. Certains des conducteurs propriétaires utilisaient également un aéronef.

 

[4]              Les types de livraisons effectuées dans les limites de la ville de Winnipeg pendant la période pertinente se divisent en deux catégories. La première regroupe les [traduction] « livraisons à la pièce », c’est‑à‑dire les livraisons de colis d’un point à un autre de la ville. Les demandes de livraisons de ce type proviennent d’un répartiteur, un employé de Dynamex, qui, au moyen de matériel de communication, demeure en contact avec les livreurs et leur transmet les adresses auxquelles les colis doivent être cueillis et livrés. La seconde catégorie regroupe les [traduction] « livraisons suivant un itinéraire attitré ». Pour ce genre de livraisons, le travail consiste à répondre aux besoins en matière de livraisons d’un client particulier, comme une banque. Le livreur a un horaire régulier suivant lequel il se présente à l’établissement du client, à savoir la banque, pour y recevoir les commandes de livraisons pour celui­ci.

 

[5]              Monsieur Fontaine a été embauché en 1989 par une entreprise de messagerie appelée Zipper Courier Service Ltd. (ci­après « Zipper »), qui a été achetée par Dynamex en 1995 ou en 1996, d’après M. Aitken[4]. Dynamex a alors pris en charge certaines des obligations de Zipper à l’endroit de ses conducteurs. Ainsi, Zipper offrait à ses entrepreneurs indépendants un régime de prestations de maladie auquel elle versait des contributions financières. Le droit de M. Fontaine à ces prestations a été maintenu après l’achat de Zipper. Pendant la période pertinente, le travail de M. Fontaine a consisté généralement à effectuer des livraisons à la pièce, exception faite d’une brève période au cours de laquelle il a effectué des livraisons pour IBM suivant un itinéraire attitré.

 

[6]              Le 16 juin 1998, le directeur du Bureau des services fiscaux de Winnipeg a déterminé que l’emploi de M. Fontaine ne pouvait pas être considéré comme un emploi ouvrant droit à pension au sens de l’alinéa 6(1)a) du RPC ou assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi. Cette détermination était [TRADUCTION] « exécutoire pour la période du 1er janvier 1997 jusqu’à présent ».

 

[7]              D’après M. McMaster, une convention collective (la « convention collective ») conclue entre Dynamex et le syndicat est entrée en vigueur le 1er mars 2000, et a expiré le 31 janvier 2003. Elle a ensuite été renouvelée, puis a expiré le 31 janvier 2006 (voir les pièces R‑1, onglets 1 et 2). L’objet de cette convention collective consistait à établir et à maintenir les taux de rémunération ainsi que les heures de travail et autres conditions de travail, et à  [TRADUCTION] « établir les modalités applicables aux fins du règlement des griefs et des problèmes prenant naissance pendant la durée de la convention collective » (article 1.01 de la pièce R‑1, onglet 1).

 

[8]              Monsieur Fontaine a dû signer avec Dynamex un contrat d’entreprise appelé « Contrat d’embauche d’un conducteur propriétaire » (le « contrat de M. Fontaine »), dont il n’a pu négocier les modalités. Il n’a eu d’autre choix que de le signer s’il souhaitait continuer à fournir ses services à Dynamex. Le syndicat lui a dit qu’il pouvait le signer. Il est utile de reproduire à ce moment‑ci les principales dispositions de ce contrat, daté du 13 mars 2000 [5] :

 

[TRADUCTION]

 

[…]

 

ATTENDU QUE la société exploite une entreprise de transport et de distribution le jour même et qu’elle détient les permis requis pour utiliser certaines marques de commerce en relation avec cette entreprise;

 

ET ATTENDU QUE le conducteur propriétaire possède à titre de propriétaire ou de locataire un véhicule[6] (le « véhicule ») qui convient à l’entreprise et à la prestation de services pour la société, que le conducteur propriétaire souhaite fournir de tels services et que la société souhaite engager le conducteur propriétaire pour fournir certains services de distribution et de livraison pour la société;

 

ET ATTENDU QUE, sous réserve des dispositions applicables de toute convention collective en vigueur, la société et le conducteur propriétaire souhaitent établir et déterminer entre eux leurs droits et leurs obligations respectifs :

 

EN CONSÉQUENCE, en contrepartie des ententes et des engagements mutuels exposés ci‑après, les parties aux présentes conviennent de ce qui suit :

 

1.         Le conducteur propriétaire qui utilise le véhicule fournit ses services conformément aux normes de la société en temps opportun et de manière efficiente.

 

2.         Le conducteur propriétaire maintient le véhicule dans un état sécuritaire, libre de tout dommage, en bon état et propre, et maintient, répare, immatricule, assure (protection globale pour responsabilité civile et dommages matériels d’un montant de 1 000 000 $ dont la preuve est fournie à la société) et conduit chaque véhicule qu’il utilise à ses frais.

 

3.                  Le conducteur propriétaire fournit tous les services de manière sécuritaire, efficiente, courtoise et légale et se conforme à l’ensemble des règlements, des règles et des lois applicables concernant la conduite du véhicule et la prestation de services aux termes des présentes. Le conducteur propriétaire se conduit en tout temps de manière à ne pas compromettre la relation entre la société et ses clients.

 

4.                  La société conclut la présente entente avec le conducteur propriétaire et permet à ce dernier de fournir des services aux clients de la société, en contrepartie de quoi le conducteur propriétaire convient, reconnaît et confirme par les présentes que pendant la durée de la présente entente et en cas d’annulation de celle‑ci pour tout motif ou par tout moyen pendant une période d’un (1) an à compter de l’annulation, personnellement ou par l’intermédiaire de ses mandataires, par voie de lettres, de circulaires ou d’annonces ou de toute autre manière que ce soit, pour son propre compte ou pour le compte d’un ou de plusieurs particuliers, d’une firme, d’une association, d’un consortium ou d’une société, il ne prospectera ni ne sollicitera aucun particulier ou consortium, ou aucune firme, association ou société ― ni ne mènera avec ceux‑ci aucune activité commerciale de nature semblable à l’entreprise de la société ― qui :

 

4.1              soit est un client de la société à la date de l’annulation de la présente entente;

 

4.2              soit a été un client de la société au cours des douze (12) mois précédant l’annulation de l’entente;

 

4.3              est maintenant connu du conducteur propriétaire en tant que client de la société;

 

4.4              est maintenant connu du conducteur propriétaire du fait que, pendant une certaine période, ce dernier lui a fourni des services.

 

5.                  La société conclut la présente entente avec le conducteur propriétaire et permet à ce dernier de fournir des services aux clients de la société, en contrepartie de quoi le conducteur propriétaire convient, reconnaît et confirme par les présentes que pendant la durée de l’entente et en cas de résiliation de celle‑ci pour tout motif ou par tout moyen pendant une période d’un (1) an à compter de la résiliation, le conducteur propriétaire n’utilisera ni ne communiquera aucun renseignement concernant l’entreprise ou les clients de la société qu’il a pu acquérir dans le cadre de sa relation avec celle‑ci pour son propre bénéfice ou aux dépens ou au détriment souhaité ou probable de la société.

 

[…]

 

9.         En cas de résiliation de la présente entente, le conducteur propriétaire retire immédiatement du véhicule l’ensemble des marques de commerce, des logos et des autres éléments de décoration qui caractérisent la société ou ses clients et retourne immédiatement, en bon état, le matériel, les biens ou les documents de la société, y compris le matériel de communication.

 

10.       Le conducteur propriétaire s’engage à indemniser la société à l’égard des réclamations, dettes, demandes, actions, poursuites et causes d’actions, quelles qu’elles soient, pour pertes, dommages, retards et obligations, de quelque nature que ce soit, présentées ou intentées par un particulier, une firme ou une société relativement aux services rendus par le conducteur propriétaire.

 

[…]

 

12.       Le conducteur propriétaire reconnaît que sa fonction et sa qualité aux termes de la présente entente ressortissent et doivent ressortir entièrement et exclusivement à un statut d’entrepreneur indépendant. Aucune relation de partenariat, d’employeur‑employé, de coentreprise ou autre relation semblable n’est souhaitée. Le conducteur propriétaire s’engage à se présenter en tout temps comme étant un entrepreneur indépendant, et non comme étant un mandataire, un employé ou un représentant juridique de la société, à quelque égard que ce soit. Le conducteur propriétaire est responsable du paiement de toutes les taxes fédérales, provinciales et locales découlant de ses activités et prend toutes les mesures nécessaires à cette fin.

 

13.       Le conducteur propriétaire reconnaît expressément que la société ne versera pas pour son compte de cotisations d’assurance­emploi, ni ne retiendra sur son salaire d’impôt sur le revenu ou de cotisations au Régime de pension du Canada, ni ne fournira de feuillets T‑4, et que le conducteur propriétaire assume la seule et entière responsabilité à cet égard.

 

14.       Le conducteur propriétaire protège et indemnise la société et ses dirigeants, administrateurs, employés et mandataires contre l’ensemble des coûts, pertes, réclamations, dommages ou obligations que la société peut subir ou engager, en droit ou en equity, directement ou indirectement, du fait d’un acte ou d’une omission par le conducteur propriétaire dans le cadre de la prestation de services à la société aux termes de la présente entente, y compris les dommages causés à une personne ou à des biens, qu’ils appartiennent à la société, à ses clients ou à ses comptes ou à ceux d’une tierce partie.

 

15.       Le présent contrat ne peut être vendu, cédé ou transféré sans le consentement écrit explicite de la société.

 

[…]

 

19.       Le conducteur propriétaire loue auprès de la société l’équipement radio et le téléavertisseur appropriés ou tout autre matériel de communication que la société peut désigner suivant les modalités énoncées dans le formulaire de location joint aux présentes.

 

20.       Le conducteur propriétaire obtient à ses frais une police de caution ou en rembourse le coût à la société conformément au barème de police de caution joint.

 

21.       Le conducteur propriétaire ne facture à la société aucuns frais, quels qu’ils soient et pour quelque raison que ce soit, sauf avec l’autorisation de la société.

 

22.       Les parties aux présentes reconnaissent et conviennent qu’elles tireraient toutes deux profit d’une présence accrue de la société sur le marché et, à cette fin, conviennent de ce qui suit :

i)          Le conducteur propriétaire porte un uniforme approuvé par la société lorsqu’il fournit des services aux clients de cette dernière. Il achète l’uniforme au prix coûtant de la société, plus les taxes applicables, qu’il paie sur réception d’une facture à cet égard.

ii)         Lorsque les marques de commerce, le nom commercial, les logos ou les décalques de la société sont affichés ou apposés sur l’uniforme ou sur le véhicule à moteur du conducteur propriétaire, ce dernier ne place sur les uniformes ou le véhicule à moteur aucun nom, avis, publicité, décalque ou peinture de quelque nature que ce soit autre que ce que la société permet expressément, ce qu’elle peut arbitrairement et sans raison refuser de faire.

iii)         La marque de commerce « Dynamex », la couleur distinctive et le dessin utilisés en relation avec celle‑ci, appartiennent tous à la société, qui est la seule à bénéficier de leur utilisation. Sur demande écrite de la société, le conducteur propriétaire cède immédiatement à cette dernière tout article portant l’une ou l’autre de ses marques de commerce et retire celles‑ci de son véhicule.

 

23.       Si l’entrepreneur réussit à trouver un nouveau client pour la société, cette dernière lui verse une rémunération supplémentaire équivalant à cinq pour cent (5 %) des trois (3) premiers mois de facturation au cours desquels le client utilise le service de la société. Cette rémunération ne s’applique que si le montant facturé au client excède cent dollars (100 $) par mois. Lorsqu’il accepte un nouveau client, le conducteur propriétaire peut mettre en gage le crédit de la société dans la mesure limitée où ce crédit doit être acceptable pour la société et à condition qu’une demande de crédit soit remplie et remise à la société par l’entrepreneur et que le nouveau client franchisse ensuite avec succès l’étape de la vérification du crédit par la société.

 

24.       Les parties reconnaissent que la présente entente peut être résiliée comme suit :

i)          sur avis de deux semaines par le conducteur propriétaire ou par la société, sur avis écrit d’une partie à l’autre;

ii)         par la société à la suite d’un manquement grave par l’entrepreneur aux modalités de la présente entente;

iii)                 en cas d’insolvabilité ou de faillite de l’une ou l’autre partie. Dans le cas des conducteurs, seulement s’ils sont incapables de fournir l’équipement requis pour effectuer le travail.

 

25.       Sur demande de la société, le conducteur propriétaire retourne immédiatement à cette dernière notamment tout l’équipement prêté et fourni, y compris les cartes d’identité, les radios et les affiches publicitaires.

 

[…]

 

28.       La présente entente est interprétée conformément aux lois de la province dans laquelle les services du conducteur propriétaire sont principalement fournis; les dispositions de la présente entente qui contreviennent aux lois de cette province sont réputées ne pas faire partie de l’entente, mais toutes les autres dispositions demeurent pleinement applicables.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[9]              Le contrat de M. Fontaine a été résilié à la fin du mois de mars 2005, M. Fontaine ayant dû choisir entre un travail à temps plein chez Dynamex et l’exploitation de l’entreprise de massothérapie qu’il avait mise sur pied en septembre 1999. Je crois comprendre qu’au départ, il voyait ses propres clients en soirée et les fins de semaine. Par la suite, Dynamex lui a accordé une certaine flexibilité pour qu’il puisse consacrer du temps à sa nouvelle entreprise pendant les heures normales d’ouverture de Dynamex. Ainsi, il a été autorisé à quitter le travail à court préavis pour fournir des services à ses propres clients. L’entreprise de massothérapie a pris de l’ampleur au fil des ans. Elle a généré des revenus de 2 500 $ en 2002 et de 7 800 $ en 2004. M. Fontaine considère qu’il a travaillé pour Dynamex à temps partiel à compter du 1er novembre 2004. Il a travaillé trois jours seulement pour Dynamex en janvier 2005 et cinq jours en février 2005 (jusqu’au 23 février). (Voir la pièce A‑2.)

 

[10]         Le 31 janvier 2008, mon collègue le juge Bowie a rendu une décision dans laquelle il a conclu qu’un certain Gareth Palmer avait fourni ses services à Dynamex aux termes d’un contrat d’entreprise pendant la période commençant le 13 août 2003 et se terminant le 11 avril 2004. Il effectuait son travail à Toronto et dans les environs. La décision en question a été rendue dans l’affaire Dynamex Canada Corp. c. Le ministre du Revenu national, 2008 CCI 71 (la décision « Palmer »)[7]. Dans ces appels, l’avocat de Dynamex a d’entrée de jeu fait valoir que sa cliente ne comprenait pas pourquoi il lui fallait encore une fois débattre de la question du statut de ses conducteurs propriétaires, puisque le statut d’entrepreneur indépendant était la norme dans l’industrie et qu’il avait été reconnu dans la décision Palmer et dans de nombreuses autres décisions similaires rendues par la Cour de l’impôt et la Cour d’appel fédérale. Plus particulièrement, il a renvoyé aux commentaires du juge Bowie dans l’affaire Palmer, suivant lesquels « compte tenu du nombre de décisions de la Cour ayant déjà donné lieu aux mêmes conclusions dans des cas semblables », il a dit regretter de « ne pas pouvoir adjuger des dépens considérables à l’appelante » (paragraphe 20). En outre, l’avocat a déclaré que le secteur de la messagerie est un milieu fort compétitif offrant une mince marge de profit. Le fait de conclure que le travailleur avait le statut d’employé pourrait par conséquent avoir un effet préjudiciable sur l’entreprise de sa cliente. Cependant, j’ai été informé par l’avocate de l’intimé que le travailleur, M. Palmer, n’a pas témoigné devant le juge Bowie et que c’est l’une des raisons pour lesquelles le ministre n’a pas interjeté appel de la décision à la Cour d’appel fédérale. En outre, le gros de la preuve documentaire produite dans ces appels, comme le Manuel du conducteur de Dynamex (pièce R‑2), et plusieurs des notes de service internes mentionnées ci‑après, n’a pas été soumise à la Cour dans l’affaire Palmer.

 

[11]         En plus de la décision rendue dans l’affaire Palmer, quatre autres décisions ont été rendues par des arbitres concernant 27 des travailleurs de Dynamex qui fournissaient des services de livraison semblables à Winnipeg et à Saskatoon. Dans tous les cas, les arbitres ont déterminé que les travailleurs étaient des employés de Dynamex. Les périodes pertinentes pour ces 27 travailleurs sont les années civiles 1997 à 2001. Les décisions en question sont celles qui ont été rendues dans les affaires Mamona et Morgan (précitées), ainsi que dans l’affaire Hogg, par l’arbitre Wallace, le 20 janvier 2003, et dans l’affaire Derksen, par l’arbitre Hood, le 8 mars 2005 (voir la pièce R‑32, onglets C et D). L’avocat de Dynamex dans les appels dont je suis saisi et un représentant syndical ont pris part à chacune de ces affaires, à l’exception peut‑être de l’affaire Derksen, puisque dans cette décision, le nom des avocats n’est pas mentionné.

 

[12]         Il a été déterminé qu’à l’instar des 26 autres travailleurs de Dynamex, Mme Mamona était une employée de Dynamex aux fins des dispositions sur les normes du travail énoncées dans la partie III du Code canadien du travail, et avait par conséquent droit à une indemnité de congé annuel. Contrairement à la partie I, la partie III du Code canadien du travail ne définit pas ce qu’est un employé. En conséquence, les arbitres ont dû appliquer des principes de common law pour trancher les questions. La décision rendue par l’arbitre Taylor dans l’affaire Mamona a été confirmée par la Section de première instance de la Cour fédérale, puis par la Cour d’appel fédérale. Voir Dynamex Canada Inc. v. Mamona, (2002) 218 F.T.R. 269 (C.F. 1re inst.), 2002 FTC 393, et (2003) 305 N.R. 295 (C.A.F.), 2003 CAF 248. L’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été refusée en mars 2004 [8]. Par suite des décisions susmentionnées des arbitres, Dynamex, avec le consentement du syndicat, a rajusté le taux de commission versé à ses conducteurs de manière à prendre en considération ses coûts plus élevés au titre de la rémunération. D’après M. Fontaine, son taux de commission a été ramené de 71 % à 66 %. C’est le fait que les travailleurs ont obtenu gain de cause dans l’affaire Mamona qui a encouragé M. Fontaine à tenter de faire reconnaître son statut d’employé par l’intimé. Il espérait ainsi que Dynamex contribue au Régime de pensions du Canada. S’il obtenait gain de cause, il recevrait un remboursement de la moitié de ses propres contributions au Régime. M. Fontaine n’a pas demandé de prestations d’emploi.

 

Thèse détaillée de Dynamex

 

[13]         Dans son avis d’appel, l’avocat de Dynamex a donné un aperçu des raisons pour lesquelles il fallait conclure en l’espèce à l’existence d’un statut d’entrepreneur indépendant :

 

          [TRADUCTION]

 

16.              L’appelante affirme que M. Fontaine était un entrepreneur indépendant pour les raisons suivantes :

En appliquant un critère à quatre volets, l’appelante en arrive à la conclusion que M. Fontaine n’était pas un employé.

 

Contrôle

 

17.              Monsieur Fontaine décidait du moment où il souhaitait travailler et il établissait lui‑même son horaire. En plus des services qu’il fournissait à l’appelante, M. Fontaine exploitait sa propre entreprise de massothérapie. Il décidait du moment où il souhaitait fournir ses services à Dynamex et du moment où il souhaitait travailler ou ne pas travailler pour son entreprise de massothérapie.

 

18.              Monsieur Fontaine décidait s’il fournissait des services à l’appelante un jour donné ou travaillait pour son autre entreprise, ou s’il travaillait le matin pour l’appelante et l’après‑midi pour son autre entreprise ou vice et versa. Ces choix appartenaient à M. Fontaine.

 

19.              Les heures de service étaient déterminées par le client. Monsieur Fontaine faisait partie d’une équipe de conducteurs qui fournissaient leurs services au centre‑ville de Winnipeg. C’était là aussi le choix de M. Fontaine. Il aurait pu fournir ses services dans de nombreux secteurs de la ville de Winnipeg.

 

20.              C’est M. Fontaine qui déterminait lui‑même le moment où il fournissait ses services. S’il souhaitait commencer à 7 h ou à 9 h, c’était son choix. S’il souhaitait arrêter de travailler à 15 h, 16 h ou 17 h, c’était sa décision. Le choix des heures de début du travail et des jours de congé relevaient exclusivement de M. Fontaine.

 

21.              Ces modalités correspondent directement au concept d’entrepreneur indépendant et non à celui d’employé.

 

Propriété des outils

 

22.              En tant qu’entrepreneur indépendant, M. Fontaine devait fournir son propre véhicule. Il pouvait décider du type de véhicule qu’il utilisait.

 

23.              En outre, il assumait toutes les dépenses liées à l’utilisation de son véhicule, comme les primes d’assurance, les droits d’immatriculation, ainsi que le coût de l’entretien du véhicule et de l’essence.

 

24.              La présence d’obligations à ce point onéreuses indique clairement que M. Fontaine était un entrepreneur indépendant.

 

Chances de bénéfices et risques de perte

 

25.              Dans une entreprise de messagerie ce qui importe c’est d’utiliser le bien ‑ le véhicule ‑ le plus longtemps possible et le plus économiquement possible.

 

26.              Le profit, il va de soi, est lui aussi lié aux dépenses. L’utilisation du véhicule de M. Fontaine entraînait une dépense, et plus cette dépense était élevée, moins le profit était élevé. Évidemment, la manière dont M. Fontaine utilisait le véhicule et la manière dont il entretenait celui‑ci étaient des facteurs qui relevaient exclusivement de lui.

 

27.              En sa qualité d’entrepreneur indépendant, M. Fontaine doit maximiser les heures au cours desquelles il exécute un travail lui permettant de toucher une commission et réduire ses frais d’exploitation. Mais tout cela dépend de la manière dont il détermine et planifie ses itinéraires de livraison ainsi que du nombre et des types de livraisons qu’il décide d’effectuer.

 

28.              De manière générale, une personne dans la position de M. Fontaine veut effectuer les livraisons les plus rapides, puisque ce sont celles qui sont les plus rentables et qui permettent la meilleure utilisation de son temps. Si M. Fontaine décidait que sa priorité était d’accepter les appels le menant du centre‑ville à la limite ouest de la ville de Winnipeg – cette décision lui appartenait. En revanche, s’il passait moins de temps au centre‑ville, il se privait des trajets plus rapides et plus rentables entre les différents bureaux.

 

29.              Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, M. Fontaine contrôlait le bien crucial, son véhicule. La manière dont il utilisait celui‑ci pour maximiser ses gains et minimiser ses dépenses ne relevait que de lui et indique l’existence d’un contrat d’entreprise.

 

Intégration

 

30.              L’entreprise de M. Fontaine n’est pas intégrée à celle de l’appelante. M. Fontaine travaille pour son compte. Il ne dépend pas des clients de l’appelante. Il peut se tourner vers une autre entreprise de messagerie et prendre son équipement – le bien crucial, son véhicule – avec lui. Le contrat de services de M. Fontaine ne stipule aucune clause de non‑concurrence.

 

31.              De plus, ainsi qu’il a été mentionné précédemment, M. Fontaine exploitait une autre entreprise (massothérapie) et il décidait même du moment où il voulait fournir des services à Dynamex et du moment où il souhaitait travailler pour cette entreprise.

 

Intention commune des parties

 

32.              En outre, ou subsidiairement, l’appelante affirme que, conformément à la perspective moderne qui s’applique aux lois fiscales, l’intention commune des contribuables appuie la thèse de l’appelante selon laquelle M. Fontaine est un entrepreneur indépendant. Plus particulièrement, nous faisons remarquer ce qui suit :

 

a)                  En 1998, le ministre du Revenu national a déterminé que M. Fontaine était un entrepreneur indépendant. À notre avis, rien dans la nature de cette relation n’a changé au point que M. Fontaine soit maintenant considéré comme un employé;

b)                  Depuis 1998, M. Fontaine a de son gré conclu d’autres contrats avec l’appelante, confirmant ainsi qu’il est un entrepreneur indépendant et non un employé. – Voir le contrat du mois de mars 2000;

c)                  Le contrat du mois de mars 2000 prévoit expressément qu’en aucun cas M. Fontaine n’est un employé.

 

33.              À la connaissance de l’appelante, M. Fontaine s’est toujours présenté au fisc comme étant un entrepreneur indépendant. Cela implique évidemment la production de déclarations de revenus dans lesquelles il demande la déduction de dépenses d’entreprise.

 

34.              Clairement, les parties se sont engagées de plein gré l’une envers l’autre. Elles ont clairement exprimé leur intention d’établir une relation d’entrepreneur et non d’être des parties à une relation employeur‑employé. De 1998 jusqu’à la présente demande, M. Fontaine n’a jamais fait valoir qu’il était un employé. Il s’est toujours présenté comme entrepreneur indépendant. Clairement, il travaillait « à son gré » – il décidait du moment où il fournissait des services à l’appelante – ou bien de celui où il se consacrait à ses autres intérêts commerciaux. Cette relation entre les parties doit être respectée.

 

Convention collective

 

35.              Il existe à l’égard des conducteurs propriétaires et des employés de l’appelante à Winnipeg une convention collective qui n’établit pas de manière déterminante le statut de M. Fontaine. Nous renvoyons la Cour à la décision rendue par la Cour de l’impôt dans l’affaire DHL Express Canada Ltd. c. MRN, 2005, dossiers 2004­4055(EI) et 2004­4057(CPP).

 

36.              L’entrepreneur indépendant peut avoir droit à des négociations collectives, mais cela ne fait pas de lui un employé pour autant. Plus particulièrement, d’après l’affaire DHL Express Canada Ltd., l’entrepreneur indépendant reconnu sous le régime de la partie I du Code n’est pas un employé à des fins fiscales.

 

37.              Il est intéressant de noter que les entrepreneurs en cause dans l’affaire DHL Express Canada Ltd. obtenaient un itinéraire attitré. M. Fontaine fournissait des services à partir d’un centre d’appels au centre‑ville de Winnipeg, et il acceptait ou non les appels à mesure qu’ils étaient reçus. Il semblerait que l’itinéraire attitré témoigne d’un contrôle supérieur à ce qu’indique la situation de M. Fontaine.

 

38.              Comme pour l’appelante, la convention collective de DHL Express Canada Ltd. prescrit que les entrepreneurs indépendants doivent fournir leurs propres véhicules et les assurer.

 

39.              La nature de l’entreprise de DHL Express Canada Ltd. dictait le niveau de service. Par exemple, les colis devaient être livrés au plus tard 9 h. À notre avis, cela n’est pas très différent de la situation de M. Fontaine, qui doit passer prendre un colis au point A et le livrer au point B dans un certain délai. C’est pour ce délai que le client paie.

 

40.              À l’instar de DHL Express Canada Ltd., l’appelante offre aux entrepreneurs indépendants, comme M. Fontaine, la possibilité, s’ils le souhaitent, aux termes de la convention collective, de recourir à des conducteurs remplaçants. L’objectif, évidemment, est de permettre aux entrepreneurs indépendants de continuer à faire travailler leur véhicule lorsque le conducteur propriétaire ne veut pas fournir le service. Il n’y a cependant aucune indication que M. Fontaine s’est prévalu à quelque moment que ce soit de cette disposition de la convention collective – bien que d’autres entrepreneurs indépendants de l’appelante l’aient fait.

 

41.              Le conducteur de DHL Express Canada Ltd. devait fournir une feuille de route exposant les détails de la livraison, de la cueillette, du poids du colis, etc. M. Fontaine doit fournir une lettre de transport contenant des renseignements semblables.

 

42.              Dans l’affaire DHL Express Canada Ltd., on a reconnu que DHL Express Canada Ltd. exerçait un certain contrôle à l’égard des entrepreneurs indépendants. Ainsi, les colis devaient être livrés dans un certain délai – tout comme pour l’appelante. Cependant, la Cour de l’impôt dans l’affaire DHL Express Canada Ltd. a tranché la question du contrôle en citant la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Livreur Plus Inc. v. Minister of National Revenue, 326 NR 123 :

 

« Ceci dit, il ne faut pas, au plan du contrôle, confondre le contrôle du résultat ou de la qualité des travaux avec le contrôle de leur exécution par l’ouvrier chargé de les réaliser […] rares sont les donneurs d’ouvrage qui ne s’assurent pas que le travail est exécuté en conformité avec leurs exigences et aux lieux convenus. […] »

 

43.              Compte tenu de tous les facteurs susmentionnés, le statut de M. Fontaine dans le cadre de sa relation avec Dynamex est celui d’entrepreneur indépendant.

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

Analyse

 

Dispositions législatives

 

[14]         Pour trancher les présents appels, les dispositions pertinentes sont l’alinéa 5(1)a) de la Loi et les paragraphes 6(1) et 2(1) du RPC :

 

5(1)      Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

 

a)         l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

 

6(1)      Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a)         l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

b)         l’emploi au Canada qui relève de sa Majesté du chef du Canada, et qui n’est pas un emploi excepté;

c)         l’emploi assimilé à un emploi ouvrant droit à pension par un règlement pris en vertu de l’article 7.

 

2(1)      Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

 

« emploi » L’accomplissement de services aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction;

 

                                                                                        [Non souligné dans l’original.]

 

 

Principes de common law

 

[15]         Pour décider si M. Fontaine occupait un emploi assurable au sens de la Loi et un emploi ouvrant droit à pension aux fins du RPC, la Cour doit déterminer si le contrat qu’il a conclu avec Dynamex était un contrat de louage de services ou un contrat d’entreprise. Dans ce dernier cas, on ne pourrait dire que M. Fontaine occupait un emploi ouvrant droit à pension ou assurable pendant la période pertinente lorsqu’il travaillait pour Dynamex. Étant donné que ni l’une ni l’autre loi ne définit ce qu’est un contrat de louage de services, il faut nécessairement se reporter aux notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils de la province où le contrat a été conclu pour déterminer s’il s’agissait d’un contrat de louage de services[9]. Dans la présente affaire, le contrat en cause était assujetti aux lois du Manitoba conformément à son article 28 (reproduit précédemment), étant donné M. Fontaine fournissait ses services principalement à Winnipeg. Ce sont donc les règles de la common law[10] qui doivent s’appliquer pour déterminer si M. Fontaine occupait un emploi aux termes d’un contrat d’entreprise ou d’un contrat de louage de services, même si les appels ont été entendus à Québec.

 

[16]         Les deux arrêts de principe qui portent sur la distinction entre ces deux sortes de contrats sont l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz), une décision de la Cour suprême du Canada, et l’affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (Wiebe Door), une décision de la Cour d’appel fédérale. La Cour suprême du Canada a déclaré qu’aucun critère concluant ne peut être appliqué universellement pour prendre une telle décision. Le passage clé de la décision de la Cour suprême sur cette question figure aux paragraphes 47 et 48 :

 

47        […] La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]         Le point de vue adopté par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Sagaz et par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Wiebe Door est limité notamment en ce qu’il se concentre sur la distinction entre le statut d’employé et le statut d’entrepreneur sans définir l’essence même d’une relation employeur­employé. Cependant, j’ai trouvé révélatrice l’analyse suivante, tirée de l’ouvrage intitulé Employment Law in Canada[11]. L’auteur y renvoie à la décision anglaise Ready Mixed Concrete (South East) Ltd. v. Minister of Pensions and National Insurance, [1968] 2 Q.B. 497[12], dans laquelle le juge MacKenna tente de mieux définir ce qu’est une relation employeur­employé :

 

          [TRADUCTION]

 

2.13 […] Le juge a déclaré que trois conditions doivent réunies pour conclure à l’existence d’une relation employeur­employé. Premièrement, l’employeur doit nécessairement verser un salaire ou une rémunération parce que, sans contrepartie, il ne pourrait y avoir aucun contrat quel qu’il soit, et le préposé « doit être obligé de fournir son propre travail et ses propres habiletés ».

 

2.14 Deuxièmement, l’employeur doit exercer un degré de contrôle suffisant sur les aspects essentiels de la relation entre les parties :

 

Le « contrôle » comprend le pouvoir de déterminer le travail qui doit être fait, la manière dont il doit être fait ainsi que le moment et l’endroit où il doit être fait. Tous ces aspects du contrôle doivent être pris en considération au moment de déterminer si le droit existe à un niveau suffisant pour faire d’une partie l’employeur et de l’autre son employé. Il n’est pas nécessaire que ce droit soit sans restrictions.

 

2.15 La condition préalable suivant laquelle l’employeur doit exercer un degré de contrôle suffisant sur le travailleur (le droit moderne insiste sur le contrôle ― dans le sens de diriger les aspects résiduels que sont le moment et le lieu où l’emploi est exercé ― plutôt que sur la manière dont chaque tâche est exécutée, comme c’était le cas au siècle précédent) exprime au sujet de la nature de la relation employeur­employé une vérité fondamentale que les tribunaux tentent depuis longtemps de reproduire dans leurs déterminations du statut « d’employé » et de défendre dans la formulation du devoir implicite de loyauté de l’employé. La vérité est que le contrat de travail tient davantage qu’à l’échange économique d’un travail contre une rémunération. Étant donné la latitude dont l’employeur doit jouir pour déployer ses effectifs dans le contexte économique et technologique dynamique du lieu de travail, la « contrepartie » principale pour laquelle l’employeur négocie consiste plutôt au droit de commander et au pouvoir de diriger le travailleur pour répondre aux besoins changeants du processus du travail. La marque d’une relation employeur­employé étant la subordination du point de vue social, il est normal que les tribunaux concluent qu’elle en soit la marque du point de vue légal également, et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Néanmoins, il semble qu’un niveau assez peu élevé de contrôle soit suffisant pour conclure à l’existence d’un statut « d’employé » si cela est clairement compatible avec les objectifs d’intérêt public plus généraux de la législation.

 

2.16 Deux décisions récentes mettant en cause le renvoi injustifié allégué d’un vendeur sont une bonne illustration. Dans la première, il a été déterminé qu’un vendeur d’immeubles était un employé en dépit du fait qu’il jouissait d’une liberté considérable pour établir ses propres heures de travail, qu’il touchait exclusivement des commissions et qu’il s’était déclaré comme étant un « travailleur autonome » aux fins de l’impôt sur le revenu. Cela s’explique par le fait qu’il était assujetti à un « contrôle substantiel » de la société, à plusieurs égards : il devait se conformer à la politique de la société sur les mesures disciplinaires et le congédiement; il utilisait le bureau de la société et ses services de soutien conformément aux politiques prescrites; il bénéficiait du programme d’avantages sociaux de la société; et il avait des chances d’avancement au sein de la structure hiérarchique de la société. Dans la deuxième affaire, il a été déterminé qu’un travailleur qui avait constitué en société sa propre entreprise et vendait de la publicité pour une station de radiotélévision était un « employé » parce qu’il était assujetti à une étroite direction et supervision de la station sur le plan de ses heures de travail, des clients à qui il devait fournir des services, du nombre de clients qu’il pouvait rencontrer chaque jour, de la manière dont il devait présenter les offres de la station aux clients et même des repas d’affaires qu’il pouvait porter à son compte de dépenses.

 

2.17 La troisième condition requise pour conclure au statut « d’employé », d’après le juge MacKenna dans l’affaire Ready Mixed Concrete, est que les autres dispositions du contrat doivent témoigner de l’existence d’un contrat de louage de services.

 

[…]

 

2.19 Quelles sont donc les « réalités économiques » qui permettront de conclure que la relation crée soit un statut « d’employé », soit un statut « d’entrepreneur indépendant »? La tentative récente la plus complète par un tribunal canadien de catégoriser les « réalités économiques » pertinentes est celle du juge Wood, de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, qui a été saisi d’une affaire mettant en cause le congédiement injustifié allégué en common law d’un vendeur. Il a dit des critères suivants qu’ils étaient « de première importance » :

 

1.      Le mandataire était‑il limité exclusivement aux services du mandant?

2.      Le mandataire était‑il assujetti au contrôle du mandant non seulement quant au produit vendu, mais également quant au moment et à l’endroit où il était vendu et à la manière dont il était vendu?

3.      Le mandataire détenait‑il un investissement ou une participation dans ce que l’on appelle les « outils » se rapportant au service?

4.      Le mandataire assumait‑il un risque dans le sens commercial du terme ou, subsidiairement, avait‑il relativement à la prestation de son service une attente de profit autre que le versement d’une commission fixe?

5.      L’activité du mandataire faisait‑elle partie de l’entreprise du mandant pour qui il travaillait? En d’autres termes, à qui appartenait l’entreprise?

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[18]         L’auteur formule ses propres remarques, que j’estime utiles. J’en reproduirai une partie ici :

 

[TRADUCTION]

 

2.21     […] 

 

2.                  Il faut se garder d’accorder un poids déterminant au critère de la propriété des outils et de l’équipement en soi, étant donné que de nombreux employés, comme les charpentiers, les bouchers et les mécaniciens, sont propriétaires de leurs propres outils. Cependant, si le travailleur effectue personnellement un investissement en capital substantiel, comme l’achat de son propre véhicule, cela indique habituellement qu’il est un entrepreneur indépendant.

 

3.                  La question des « chances de bénéfice et risques de perte » doit aussi être traitée avec soin. Elle ne renvoie pas à une prime de rendement. Elle pose plutôt la question de savoir si la personne concernée possède une sorte d’investissement financier dans l’entreprise, de sorte que ses gains ou ses pertes dépendent de quelque chose d’autre que son propre effort au travail. Donc, dans l’affaire Lycar v. Lonnie W. Orcutt Farms Ltd., il a été conclu qu’un conducteur de camion n’était pas un employé dans le cadre d’une action pour congédiement injustifié, en dépit du fait que son camion était immatriculé au nom de l’employeur et que ce dernier avait signé l’entente de financement, principalement parce qu’il avait acheté le camion en son nom et effectué un versement initial de 12 000 $ avec son propre argent. La cour a expliqué que cela représentait un investissement en capital substantiel, étant donné les moyens du travailleur, et que cela démontrait qu’il exploitait sa propre entreprise. En revanche, dans l’affaire Racz v. Southern Trucking Ltd., on a statué qu’un conducteur de camion était un employé aux fins de la partie III du Code canadien du travail principalement parce que l’employeur louait le véhicule au conducteur et limitait les frais qu’il pouvait réclamer à d’autres clients pour chaque déplacement effectué. Par conséquent, le conducteur ne pouvait faire plus d’argent que grâce à ses propres efforts au travail, à savoir s’il effectuait davantage de déplacements, ce qui était insuffisant pour conclure qu’il était entrepreneur indépendant.

 

[…] 

 

7.                  La relation employeur-employé traditionnelle est une relation dans le cadre de laquelle un employé travaille pour un seul employeur, alors que l’entrepreneur indépendant type offre ses services à quiconque est disposé à payer pour les obtenir. En conséquence, si la personne a sa propre adresse ou son propre nom commercial, son papier à lettres, des factures, des cartes professionnelles et des dépliants publicitaires, et qu’elle offre ses services à plusieurs clients plutôt qu’à un seul, cela dénote qu’elle a le statut « d’entrepreneur indépendant ». Cependant, il n’existe en common law aucune règle interdisant à un « employé » de travailler pour plus d’un employeur. En fait, en raison de la récente croissance du travail à temps partiel et occasionnel, un nombre accru d’employés ont maintenant plusieurs emplois. Donc, le fait qu’une personne travaille pour plus d’un employeur n’indique pas nécessairement qu’elle est un entrepreneur indépendant plutôt qu’une employée. Par ailleurs, si un prétendu « entrepreneur indépendant » est expressément tenu, conformément aux modalités de son contrat, de fournir des services exclusivement pour un client, cela indiquera que la relation est véritablement une relation « employeur‑employé ». Dans le même ordre d’idées, si un soi­disant entrepreneur indépendant a le droit de vendre ses services au public en général mais que, dans la pratique, il travaille exclusivement ou presque pour un seul employeur, cela indique qu’il est en réalité un employé.

 

8.                  Dans le cadre de la relation employeur-employé traditionnelle d’une durée indéfinie, l’employé devra habituellement exécuter à la demande de l’employeur un éventail assez large de tâches, alors qu’on aura habituellement recours à l’entrepreneur indépendant pour exécuter une tâche unique ou plusieurs tâches, et souvent dans une période donnée. En conséquence, si l’employé doit s’acquitter d’un éventail assez large de tâches, cela peut indiquer qu’il est un « employé ». Ce facteur n’est pas déterminant cependant, étant donné que les « employés » sont souvent engagés pour exercer des fonctions de travail limitées ou spécialisées, et que la nature de leur travail varie peu tout au long de leur carrière.

 

                                                                                [Non souligné dans l’original.]

 

 

Décisions des arbitres concernant Dynamex

 

[19]         Un certain nombre de décisions ont été rendues par des tribunaux ou des arbitres sur le statut des conducteurs dans le secteur de la messagerie. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, on peut penser notamment à la décision rendue dans l’affaire Palmer par le juge Bowie, de la Cour, et à la décision rendue dans l’affaire Mamona par l’arbitre Taylor. En fait, cette dernière décision a été invoquée par l’avocate de l’intimé dans l’affaire Palmer à l’appui de sa thèse selon laquelle M. Palmer devrait être considéré comme étant un employé. Au paragraphe 11, le juge Bowie a conclu que l’arrêt Mamona n’était d’aucun secours à l’intimé pour plusieurs motifs, l’un d’eux étant que M. Aitken avait témoigné que les conducteurs en cause dans l’affaire Mamona avaient précédemment travaillé pour Zipper et « que leurs conditions de travail au moment pertinent n’étaient pas les mêmes que celles des messagers de Dynamex travaillant ailleurs ». Devant moi, l’avocat de Dynamex a tenté d’établir le même fait en interrogeant M. Aitken ainsi : [TRADUCTION] « J’aimerais maintenant aborder la célèbre affaire Mamona […] pouvez‑vous dire à la Cour si elle était fondée sur les faits de l’affaire Zipper ou sur les faits de l’affaire Dynamex? » (question 246, page 65 du volume 2 de la transcription). L’avocate de l’intimé s’est opposée à cette question, et l’avocat de Dynamex a déclaré ceci aux pages 65 et 66 : [TRADUCTION] « Je suis assez étonné d’entendre Me Tremblay, car lorsque j’ai posé exactement la même question à M. Aitken devant le juge Bowie, elle ne s’est pas opposée du tout […] Cela est essentiel à la distinction qui doit être établie concernant l’affaire Mamona […] ». J’ai rejeté l’objection et permis la question. M. Aitken y a répondu en ces termes à la page 67 : [TRADUCTION] « Oui, la décision reposait sur, vous savez, sur la manière dont les conducteurs propriétaires étaient traités les années où c’était Zipper qui était là, avant la prise de contrôle par Dynamex ». J’ai ensuite posé la question suivante : [TRADUCTION] « Alors, l’année pertinente en cause était celle où les employés travaillaient pour Zipper, est‑ce bien ce que vous voulez dire? », et M. Aitken a répondu par l’affirmative (question 247, pages 67 et 68). Puis, il a expliqué ceci : [TRADUCTION] « La plupart de […] vous savez, il aurait pu rester, vous savez, un ou deux petits éléments reportés, mais, vous savez, mais quatre‑vingt‑dix‑neuf pour cent (99 %) des choses remontaient aux années Zipper et concernaient la manière dont ils étaient traités […] » (question 248, page 68). J’ai alors demandé : [TRADUCTION] « Avant l’acquisition? », ce à quoi il a répondu : [TRADUCTION] « C’est exact » (question 249, page 68).

 

[20]         Les faits de l’affaire Zipper avaient été établis en ces termes juste avant que les questions susmentionnées ne soient posées :

 

          [TRADUCTION]

 

[244]    Q.        Parlons maintenant de l’acquisition de Zipper. Pourriez‑vous dire à la Cour à quel moment elle a eu lieu, dans un premier temps, puis décrire cette société telle qu’elle était alors […]

 

[245]    […]

 

            R.         D’accord. Elle a été effectuée en […] c’était lors du placement initial, alors la transaction a dû être conclue à la fin de 1995 ou au début de 1996. Et Zipper employait un large éventail de, vous savez, de personnes. Il y avait des marcheurs, des conducteurs employés, des conducteurs qui étaient traités comme des conducteurs propriétaires, alors qu’en fait ils étaient des employés selon nos normes.

 

Comme je l’ai dit, ils obtenaient un véhicule que la société payait et ils touchaient simplement un salaire horaire, tout était sans dessus‑dessous et, vous savez, et ils, vous savez, ils décevaient les gens à volonté. Il n’y avait aucune règle ni aucun règlement et on congédiait à volonté. Le propriétaire menait une entreprise pas mal, vous savez, pas mal impitoyable à l’époque.

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[21]         Une lecture de la décision rendue par l’arbitre Taylor dans l’affaire Mamona contredit le témoignage de M. Aitken. Ce témoignage est à tout le moins erroné, voire trompeur. Premièrement, la période pertinente dans l’affaire Mamona est 1997, 1998 et une partie de 1999 pour deux des travailleurs, à savoir Mme Mamona et M. Cyr, et va du 1er janvier 1997 au 15 octobre 1998 pour M. Hepner. D’après le témoignage donné par M. Aitken, Dynamex a acquis Zipper à la fin de 1995 ou au début de 1996, de sorte que la période pertinente dans l’affaire Mamona n’était pas antérieure à l’acquisition par Dynamex, mais bien postérieure à celle‑ci. Les travailleurs dans l’affaire Mamona travaillaient par conséquent sous la nouvelle direction de Dynamex. Il est vrai que les contrats initiaux des travailleurs ont été signés avec Zipper. Cependant, voici ce que l’arbitre Taylor a indiqué :

 

Chaque intimé a signé un contrat avec Zipper Courier Service Ltd. (Zipper), une compagnie acquise en 1996 par Dynamex Canada Inc., l’appelante en l’espèce. Je parlerai indifféremment de Zipper ou de Dynamex dans toute la présente décision car les contrats en question avaient été conclus par Zipper mais, de par la loi, ils sont également devenus ceux de Dynamex. (pièce R‑32, onglet A, page 2).

 

[22]         J’ai passé en revue également les faits tels qu’ils ont été décrits par l’arbitre Taylor, et je crois qu’ils sont substantiellement similaires aux faits de la présente affaire. En conséquence, il n’existe aucun motif sérieux de distinguer l’affaire Mamona de celle dont je suis saisi en l’espèce. Pour illustrer ce point de vue, il vaut la peine de citer le passage suivant, tiré de la décision rendue par l’arbitre Taylor, portant sur les similarités entre les contrats des trois conducteurs (pièce R‑32, onglet A, pages 2 à 4) :

 

[…] Ces contrats, même s’ils avaient plusieurs dispositions en commun, n’étaient pas identiques. Nous parlerons plus loin des différences entre les deux, mais les principaux points qu’ils ont en commun peuvent être résumés comme suit :

 

                                                   i.      Zipper a embauché l’intimé à titre de conducteur indépendant pour assurer des services de messagerie et de livraison à ses clients;

                                                 ii.      le conducteur était décrit dans chaque cas, comme un « conducteur indépendant » et dans le cas de MM. Hepner et Cyr, le contrat disait même « et non un employé »;

                                                iii.      le conducteur devait porter les uniformes fournis par Zipper; le conducteur contribuait au coût des uniformes;

                                               iv.      le conducteur devait fournir son propre véhicule, ce qui était indiqué explicitement ou implicitement, et devait apposer sur ce véhicule, bien en vue à l’endroit désigné par Zipper, les logos ou les dessins représentant la marque de commerce de Zipper. Les logos devaient être payés par le conducteur et aucun autre nom, avis, publicité ou dessin d’aucune sorte ne devait être apposé sur le véhicule sans l’approbation préalable de Zipper, « qui pouvait arbitrairement et sans raison refuser son consentement »;

                                                 v.      le conducteur était entièrement responsable de toutes les pertes de marchandises et devait soit contribuer au Fonds de protection des conducteurs, soit payer une prime d’assurance pour couvrir les pertes possibles;

                                               vi.      le conducteur devait garder le véhicule propre, présentable et en bon état de marche;

                                              vii.      le conducteur devait louer de Zipper une radio mobile et payer le prix de la location à l’avance au début de chaque mois;

                                            viii.      tous les clients, y compris les nouveaux clients présentés par Zipper au conducteurs, étaient et demeuraient des clients de la compagnie et non des clients du conducteur;

                                               ix.      les clients étaient facturés par Zipper, et cette dernière payait à chaque conducteur un pourcentage convenu de commission sur le montant facturé, que le client ait ou non acquitté celui‑ci; par ailleurs, un petit pourcentage était déduit des commissions pour les mauvaises dettes;

                                                 x.      le conducteur était responsable de tous les frais d’entretien, de réparation, d’enregistrement, de permis et d’assurance de son véhicule, bien que le montant de l’assurance fût différent. MM. Hepner et Cyr avaient accepté de prendre une assurance de 200 000 $ pour la responsabilité envers un tiers, tandis que Mme Mamona payait une assurance de 500 000 $;

                                               xi.      le conducteur devait utiliser les formules de manifeste et d’avis, les connaissements et les autres documents fournis par la compagnie;

                                              xii.      chaque conducteur acceptait d’être cautionné (Mme Mamona pour un montant de 10 000 $, MM. Cyr et Hepner pour un montant de 5 000 $ chacun) et de rembourser à la compagnie la prime de cautionnement en versements mensuels égaux;

                                            xiii.      le contrat avait une durée indéterminée, mais pouvait être résilié par l’une ou l’autre des parties moyennant un avis écrit;

                                            xiv.      la compagnie, tout en promettant d’agir équitablement, se réservait le droit de répartir à sa guise le travail entre des conducteurs propriétaires, et elle pouvait envoyer un conducteur chez n’importe quel client, sans égard à la destination.

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[23]         Il existe de toute évidence certaines différences au niveau des faits, comme c’est toujours le cas. Certaines de ces différences jouent en faveur de M. Fontaine et d’autres, en faveur de Dynamex. Ainsi, les conducteurs dans l’affaire Mamona étaient entièrement responsables de toutes les pertes de marchandises et devaient payer les primes d’assurance des marchandises alors que, dans la présente affaire, les primes d’assurance des marchandises étaient payées par Dynamex. Aux termes du contrat de Zipper, les conducteurs étaient tenus d’apposer sur leurs véhicules « bien en vue à l’endroit désigné par Zipper les logos […] représentant la marque de commerce de Zipper ». M. Fontaine n’avait aucune exigence semblable. Il faut ajouter cependant qu’aux termes du contrat de Zipper, les conducteurs avaient droit à une commission plus élevée s’ils affichaient le logo de Zipper. Dans le cas de Mme Mamona, si son véhicule n’avait pas affiché de décalque contenant le logo de l’entreprise, elle aurait eu le droit de recevoir seulement 65 % des revenus bruts plutôt que 70 % (voir la page 5 de l’affaire Mamona). Mme Mamona devait faire peinturer son véhicule d’un blanc polaire si elle ne voulait pas voir son taux de commission ramené à 65 %. Ce n’était pas le cas pour M. Fontaine. Dans l’affaire Mamona, Dynamex déduisait un faible pourcentage de la commission pour couvrir les mauvaises créances et les primes d’assurance contre les accidents du travail. Il n’y a aucune preuve de quelque déduction que ce soit au titre des mauvaises créances dans le cas de M. Fontaine. En outre, les primes d’assurance contre les accidents du travail étaient payées par Dynamex. Dans l’ensemble, je crois que, dans l’affaire Mamona, il aurait été plus facile de conclure que les travailleurs avaient le statut d’entrepreneur indépendant, mais l’arbitre a quand même statué que les travailleurs étaient des employés!

 

[24]         Il y a lieu de souligner également que la décision rendue par le juge Bowie dans l’affaire Palmer reposait uniquement sur le témoignage des directeurs de Dynamex, à savoir M. Aitken et le directeur des opérations. Le travailleur, M. Palmer, n’a pas témoigné[13]. En outre, l’avocate de l’intimé a déclaré que le Manuel du conducteur et nombre des notes de service qui ont été déposées en preuve en l’espèce n’avaient pas été produits en preuve devant le juge Bowie. Donc, ce dernier ne bénéficiait pas du tableau complet de ce qui s’était réellement produit à Toronto pendant les années pertinentes. La décision rendue dans l’affaire Palmer n’est par conséquent d’aucune utilité pour Dynamex.

 

[25]         Cependant, la décision rendue par l’arbitre Taylor est très utile pour l’intimé dans la présente affaire. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’arbitre Taylor a conclu sur le fondement des principes de common law que chacun des travailleurs était un employé et avait donc droit à une indemnité de congé annuel. Sa décision a été soumise à un contrôle judiciaire par la Section de première instance de la Cour fédérale du Canada. Le juge Kelen a conclu que la décision rendue par l’arbitre Taylor n’était pas manifestement déraisonnable « même si la décision allait à l’encontre de la jurisprudence de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le secteur des services de messagerie est normalement constitué d’entrepreneurs indépendants et non d’employés de sociétés de messagerie »[14]. Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale[15]. La juge Sharlow a déclaré que « [l]’arbitre a, par la suite, identifié les principes de common law applicables en la matière tels qu’ils sont énumérés dans les causes Wiebe Door Services […]. Je suis d’avis que son analyse des principes de common law ne présente aucune erreur en droit ». Au paragraphe 50, elle a conclu que la manière dont l’arbitre a appliqué les principes de common law aux faits était « raisonnable et qu’elle doit être maintenue ». Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada a été refusée à Dynamex. Compte tenu de cette marque d’approbation, il ne devrait pas être inapproprié de se fonder sur le précédent créé par la décision rendue dans l’affaire Mamona par l’arbitre Taylor, à condition que la preuve dont je sois saisi appuie une conclusion semblable dans la présente affaire.

 

 

Jurisprudence américaine

 

[26]         Dans le témoignage qu’il a donné dans le cadre des appels concernant M. Fontaine, M. Aitken a été invité à décrire les pratiques en cours dans le secteur de la messagerie. Il a déclaré que, pour les livraisons tant le jour même que le lendemain, ce secteur [TRADUCTION] « a recours pour ainsi dire exclusivement à des entrepreneurs indépendants » (question 195, pages 47 et 48 du volume 2 de la transcription). Puis il a ajouté ceci : [TRADUCTION] « Il peut arriver à l’occasion que des travailleurs soient des employés, vous savez, on peut voir cela, mais la plupart du temps, ce sont des entrepreneurs indépendants » (question 196, page 48). En contre‑interrogatoire, cependant, il a reconnu qu’au Canada, UPS et Fedex traitent leurs conducteurs comme des employés (voir les questions 576 à 578, volume 2 de la transcription).

 

[27]         Des déclarations similaires ont été faites dans au moins l’une des autres affaires invoquées par Dynamex et reproduites dans son recueil de décisions : la décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique dans l’affaire Tajarobi v. Corporate Couriers Ltd., [2006] B.C.J. No. 639 (QL). Dans cette affaire, DHL‑Loomis était une tierce partie. La défenderesse, Corporate Couriers, exploitait une entreprise de messagerie le jour même pour ses propres clients et fournissait un service de livraison par messagerie pour le compte de DHL Worldwide Express pour les clients de DHL. Au paragraphe 40, le juge Halfyard affirme qu’un témoin appelé par Corporate Couriers a déclaré dans son témoignage que ses [TRADUCTION] « conducteurs étaient des conducteurs sous contrat, et qu’il croyait selon son expérience que tous les conducteurs de véhicule de service de messagerie en Amérique du Nord étaient des entrepreneurs indépendants » (non souligné dans l’original). Lorsqu’il est arrivé à la conclusion que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir qu’il était un employé, le juge Halfyard a déclaré ceci aux paragraphes 56 et 57 :

 

[TRADUCTION]

 

56     Le deuxième facteur supplémentaire tient au fait que le comportement des parties pendant cette période de six mois s’inscrivait dans le contexte d’une industrie au sein de laquelle (d’après la preuve) les messagers se considèrent généralement comme étant des entrepreneurs indépendants. Exception faite de la déclaration de M. Lalli selon laquelle il se considérait comme étant un employé, la preuve permet d’inférer que tous les autres chauffeurs‑livreurs étaient traités comme des entrepreneurs indépendants et se considéraient comme tels.

 

57    Ces deux facteurs supplémentaires mènent à la conclusion que le demandeur était un entrepreneur indépendant, bien que le deuxième n’ait pas beaucoup de poids.

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[28]         Étant donné que Dynamex est une filiale canadienne d’une entreprise américaine, qui est propriétaire du logo apposé par les conducteurs de Dynamex sur leurs véhicules, et vu la thèse adoptée par M. Aitken suivant laquelle l’industrie a presque exclusivement recours à des entrepreneurs indépendants, il vaut la peine de mentionner qu’aux É.‑U., le statut des conducteurs propriétaires est on ne peut moins clair tel qu’il est décrit. Le modèle d’entreprise adopté par le secteur de la messagerie, en vertu duquel les conducteurs sont traités comme des entrepreneurs indépendants, est contesté devant les tribunaux américains. Un vaste recours collectif mettant en cause Fedex Ground Package System, Inc. est en instance devant la Cour de district des É.‑U. pour le district du Nord de l’Indiana, division South Bend[16]. Le juge Robert Miller a accueilli le 27 juillet 2009 des requêtes de certification d’un recours collectif relativement à huit états américains. En 2007 et en 2008, il avait statué sur des requêtes similaires concernant 28 autres états américains.

 

[29]         En outre, la Cour d’appel de la Californie a rendu trois décisions dans lesquelles elle a déterminé que les conducteurs dans le secteur de la messagerie doivent être traités comme des employés même si, dans les contrats, ils sont décrits comme étant des entrepreneurs indépendants. Ces décisions sont les suivantes : Estrada et al. v. Fedex Ground Package System, Inc., 154 Cal. App. 4th 1; 64 Cal. Rptr. 3d 327; 2007 Cal. App. Lexis 1302; 154 Lab. Cas (CCH) P60, 485; Air Couriers International et al. v. Employment Development Department et al.,  150 Cal. App. 4th 923; 59 Cal. Rptr. 3d 37; 2007 Cal App. Lexis 738; 2007 Cal. Daily Op. Service 5325; et JKH Enterprises, Inc. v. Department of Industrial Relations/State of California, 71 Cal. Comp. Cas 1257; 2006 Cal. Wrk. Comp. Lexis 329; 142 Cal. App 4th 1046; 48 Cal. Rptr. 3d 563.

 

[30]         Dans l’affaire Estrada, les conducteurs travaillaient à temps plein pour Fedex, touchaient une rémunération hebdomadaire, avaient des horaires réguliers et des itinéraires réguliers, avaient droit à de nombreux avantages sociaux types, portaient des uniformes, utilisaient des scanneurs et des formulaires propres à la société, et étaient tenus de travailler exclusivement pour celle‑ci. Les principes de common law appliqués par la Cour d’appel de la Californie sont dans une large mesure semblables aux principes de common law appliqués au Canada, ainsi qu’il ressort de cette remarque incidente[17] du juge Vogel[18] :

 

          [TRADUCTION]

 

(1) Étant donné que le Code du travail ne décrit pas expressément le terme « employé » aux fins de l’article 2802, le critère de l’emploi en common law s’applique (Reynolds v. Bement (2005) 36 Cal.4th 1075, 1087). L’essence du critère est le « contrôle des modalités » — c’est­à­dire, la question de savoir si le mandant a le droit de contrôler la manière dont le travailleur accomplit le travail et le moyen par lequel il le fait — mais il existe un certain nombre de facteurs supplémentaires dans l’équation moderne, y compris (1) la question de savoir si le travailleur exerce une profession ou exploite une entreprise distincte, (2) la question de savoir si, compte tenu de la nature de profession et de l’endroit, le travail est habituellement effectué sous la direction du mandant ou par un spécialiste, sans supervision, (3) les compétences requises, (4) la question de savoir si le mandataire ou le travailleur fournit les instruments, les outils et le lieu de travail, (5) la période pendant laquelle les services doivent être fournis, (6) le mode de paiement, que ce soit à l’heure ou à la pièce, (7) la question de savoir si le travail fait partie de l’entreprise ordinaire du mandant, et (8) la question de savoir si les parties estiment qu’elles établissent une relation employeur‑employé […] L’étiquette apposée par les parties n’est pas déterminante et sera mise de côté si leur comportement réel établit l’existence d’une relation différente.

 

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[31]         La Cour d’appel de la Californie a statué que les conclusions du tribunal de première instance selon lesquelles les conducteurs étaient des employés étaient appuyées par une preuve substantielle. Ce qui suit est la décision du juge de première instance telle qu’elle a été décrite par la Cour d’appel de la Californie :

 

          [TRADUCTION]

 

Le tribunal de première instance a conclu, ainsi qu’il est indiqué dans sa décision, que les conducteurs étaient des employés de FedEx, et non des entrepreneurs indépendants, et qu’on ne leur avait pas versé d’indemnité pour les frais en litige. La cour a qualifié l’entente d’exploitation de « contrat rédigé brillamment, créant des contraintes propres à une relation employeur-employé avec [les conducteurs], sous la forme d’un modèle d’entrepreneur indépendant » — parce que FedEx « non seulement a le droit de contrôler, mais elle exerce un contrôle réel pour ainsi dire absolu sur [les conducteurs] compte tenu de l’interprétation et de la confusion6 » […] 

 

La Cour a conclu par ailleurs que les conducteurs sont « entièrement intégrés à l’entreprise de [FedEx] », qu’ils accomplissent un travail essentiel pour l’activité principale de FedEx, qu’ils sont tenus de travailler exclusivement et à temps plein pour FedEx, que leurs clients sont ceux que FedEx leur attribue, qu’aucune compétence spécialisée n’est requise, qu’ils doivent porter des uniformes et se conformer entièrement aux normes de FedEx et qu’en bout de ligne, chaque conducteur a un « travail » offrant peu, voire aucune possibilité d’entreprenariat ». Bien que les conducteurs fournissent leur propre camion et équipement, FedEx prend part au processus d’achat en fournissant des fonds et en recommandant des concessionnaires.

 

Essentiellement, la décision du tribunal de première instance signifie qu’il faut appeler un chat un chat[19].

 

 

_____________________

6 La Cour a conclu que le droit des conducteurs de contrôler leurs propres itinéraires et horaires était illusoire, car ils étaient « limités par les heures de ramassage et de livraison convenues par le personnel des ventes de [FedEx] » et par les exigences de FedEx au niveau des tâches administratives, suivant lesquelles les conducteurs devaient être présents au terminal.

                                                                       [Non souligné dans l’original.]

 

[32]         Le juge Vogel lui‑même a conclu que les conducteurs étaient des employés :

 

          [TRADUCTION]

 

Le contrôle que FedEx exerce sur chaque petit détail du rendement des conducteurs, y compris sur la couleur de leurs chaussettes et leur coupe de cheveux, appuie la conclusion du tribunal de première instance selon laquelle les conducteurs sont des employés et non des entrepreneurs indépendants. Les conducteurs doivent porter des uniformes et utiliser des scanneurs et des formulaires précis, qu’ils obtiennent auprès de FedEx et qui portent le logo de FedEx. Les articles plus gros — camions et scanneurs — sont obtenus auprès de fournisseurs approuvés par FedEx, habituellement financés par l’intermédiaire de FedEx, et remboursés au moyen de déductions sur les chèques hebdomadaires des conducteurs. De nombreux avantages sociaux types sont offerts, et les conducteurs travaillent à temps plein, suivant des horaires et des itinéraires réguliers. Les directeurs du terminal sont les superviseurs immédiats des conducteurs et peuvent unilatéralement modifier leurs itinéraires sans égard à la perte de revenu que cela occasionne pour les conducteurs. Les clients sont les clients de FedEx, et non ceux des conducteurs. FedEx a le pouvoir discrétionnaire de refuser l’assistant d’un conducteur, un substitut temporaire ou un cessionnaire proposé.

 

[…]

 

Les conducteurs — qui n’ont besoin d’aucune expérience préalable pour obtenir le travail au départ et dont les seules compétences requises sont la capacité de conduire — doivent se présenter au terminal à des heures régulières pour faire le tri et effectuer l’emballage et pour assister à des réunions obligatoires, et ils ne peuvent quitter les lieux avant que le processus ne soit terminé. Ils n’exercent pas une profession ni n’exploitent une entreprise distincte, et ils touchent une rémunération hebdomadaire, et non à la pièce. Ils doivent travailler exclusivement pour FedEx. Bien qu’ils aient une mince possibilité de réaliser des bénéfices, cette possibilité peut leur échapper si les directeurs de terminal décident d’exercer leur pouvoir discrétionnaire et de leur refuser des approbations pour de très légères infractions aux règles. La plupart des conducteurs travaillent pour FedEx depuis longtemps (en moyenne huit ans), et les conducteurs qui sont embauchés par des concurrents de FedEx (UPS, DHL et la société sœur de FedEx, FedEx Express) sont classifiés comme étant des employés.

 

                                                              [Non souligné dans l’original.]

 

 

Qualification du contrat par les parties

 

[33]         Avant d’appliquer les principes de common law aux faits des présents appels, nous devons trancher une autre question de droit préliminaire, celle du poids à donner à la déclaration, dans le contrat de M. Fontaine, selon laquelle ce dernier reconnaît et convient qu’il est embauché en qualité d’entrepreneur indépendant et qu’il n’existe aucune relation employeur‑employé. (Voir l’article 12 du contrat, reproduit précédemment.) Le droit sur cette question est clair. La juge Sharlow dans l’affaire Dynamex (précitée) l’a exprimé clairement au paragraphe 52 :

 

52     L’arbitre a reconnu, correctement selon moi, que le vocabulaire utilisé dans un contrat n’est pas déterminant afin de décider si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. (Voir Sagaz, précité, au paragraphe 49.) Le vocabulaire du contrat ne peut prévaloir si la preuve de la relation entre les parties tend à prouver la conclusion opposée, tel que l’arbitre en a décidé dans la présente cause. L’arbitre a également reconnu qu’une personne qui se trouve dans une situation d’emploi ambiguë peut très bien trouver avantageux d’adopter des positions opposées dans des procédures de nature différente. Cela est pertinent mais n’est pas en soi déterminant afin de décider laquelle de ces deux positions est correcte en fait et en droit.

 

                                                    [Non souligné dans l’original.]

 

Cette déclaration a été approuvée dans de nombreuses autres décisions de la Cour d’appel fédérale, comme dans l’affaire D & J Driveway Inc. c. Canada (ministre du Revenu national), [2003] A.C.F. no 1784 (QL), au paragraphe 2.

 

[34]         À mon avis, les tribunaux ont le devoir de vérifier que les modalités d’un contrat ont été respectées et que la terminologie utilisée exprime avec exactitude l’intention véritable et le comportement des parties, pour qu’un [traduction] « contrat rédigé brillamment » ne crée pas un contrat de louage de services (emploi) « sous la forme » d’un contrat d’entreprise. Le manque de vigilance des tribunaux à cet égard permettrait à de véritables employeurs de priver injustement leurs véritables employés de nombreux avantages qui ont été adoptés par le législateur et ses homologues provinciaux. Cette vigilance est encore plus nécessaire dans des circonstances de la nature de celles qui sont en cause l’espèce, où les parties au contrat en arrivent à des conclusions différentes quant à la nature véritable de leur relation.

 

[35]         Le contrat de M. Fontaine a été rédigé par Dynamex, qui ne lui a offert aucune possibilité d’en négocier les modalités. Le contrat peut exprimer clairement l’intention de Dynamex, mais pas nécessairement celle de M. Fontaine. En fait, il semble que M. Fontaine ait hésité à signer ce contrat. Il a consulté son représentant syndical et lui a demandé s’il devait le signer. Il n’avait d’autre choix s’il souhaitait conserver son emploi chez Dynamex. Le syndicat était également d’avis que la relation des conducteurs avec Dynamex était une relation employeur‑employé même s’il n’a pas réussi à faire reconnaître son point de vue dans la convention collective. Il a dû signer la convention collective, qui définissait l’employé/conducteur propriétaire comme s’entendant notamment d’un entrepreneur indépendant. Quoi qu’il en soit, il faut déterminer si Dynamex a agi d’une manière qui était conforme à sa volonté de ne pas considérer M. Fontaine comme faisant partie de son personnel, donc comme étant l’un de ses employés.

 

[36]         À première vue, le contrat de M. Fontaine contient de nombreuses dispositions qui paraissent être plus compatibles avec l’existence d’un contrat d’emploi (contrat de louage de services) qu’avec celle d’un contrat d’entreprise. Par exemple, l’article 2 prescrit que le conducteur propriétaire doit tenir son véhicule dans un état sécuritaire, libre de tout dommage, en bon état et propre. Mais combien de clients de Dynamex exigent que cette dernière satisfasse à une telle obligation? À l’article 3, le contrat prescrit que les services doivent être fournis de manière sécuritaire, efficace, courtoise et légale. Le travailleur se fait donc dicter la manière dont il doit fournir ses services. L’article 22 du contrat stipule que le conducteur propriétaire doit porter un uniforme approuvé par la société, et interdit que soient apposés un nom, une publicité ou un décalque (autre que ceux de Dynamex) sur l’uniforme du conducteur propriétaire ou sur son véhicule à moteur, sauf sur permission expresse contraire. De toute évidence, Dynamex n’aurait pas permis à M. Fontaine de porter sur son uniforme ou d’afficher sur son automobile le logo d’une autre entreprise de messagerie.

 

[37]         Il est vrai qu’il y a aussi dans le contrat de M. Fontaine des dispositions qui pourraient témoigner de l’existence d’un contrat d’entreprise. Ainsi, l’article 14 prévoit que le conducteur propriétaire doit protéger la société et l’indemniser à l’égard des pertes, des réclamations, des frais, des dommages ou des obligations que la société peut subir ou engager par suite d’un acte ou d’une omission du conducteur dans le cadre de la prestation des services à la société aux termes de l’entente. (Voir aussi l’article 10 du contrat de M. Fontaine.) Il faut donc analyser dans son ensemble le comportement des parties pour déterminer la nature véritable de la relation qui existe entre elles.

 

 

Application des principes de common law aux faits

 

- À qui l’entreprise appartient-elle?

 

[38]         Voyons donc si la « preuve de la relation entre les parties tend à prouver la conclusion opposée ». Ainsi qu’il est écrit dans l’arrêt Sagaz, la question centrale est celle de savoir si M. Fontaine fournissait les services en sa qualité de personne faisant affaires à son compte ou s’il fournissait ces services pour le compte de Dynamex. Compte tenu de l’ensemble de la preuve produite devant la Cour, je n’hésite aucunement à conclure que M. Fontaine n’exploitait aucune entreprise de services de messagerie à son compte.

 

[39]         Premièrement, M. Fontaine ne s’est pas présenté comme exploitant une entreprise. Il n’avait pas de numéro d’inscription aux fins de la TPS[20], et il n’y a aucune preuve qu’il a fait parvenir des factures à Dynamex en vue de toucher sa rémunération, comme un entrepreneur ordinaire l’aurait fait. Sa rémunération était versée par Dynamex sans qu’il n’en fasse la demande[21]. Tout le travail requis aux fins de calculer sa rémunération était effectué par Dynamex, comme tout employeur le fait normalement (voir pièce R‑25). M. Fontaine n’avait pas de client. Il effectuait la livraison de colis aux clients de Dynamex. Ces clients appartenaient à Dynamex, qui avait dû faire l’effort de les obtenir, de négocier sa rémunération avec eux et de percevoir cette rémunération. Elle assumait le risque de ne pas être payée. Il n’existait aucune relation contractuelle entre M. Fontaine et les clients de Dynamex. Les conducteurs, dont M. Fontaine faisait partie, n’avaient qu’à se présenter au travail et à attendre les directives du répartiteur concernant les lieux de ramassage et de livraison des colis[22].

 

[40]         Étant donné que les clients à qui il fournissait des services étaient ceux de Dynamex, M. Fontaine n’aurait pu vendre aucune liste de clients ni tirer aucun profit de la survaleur associée à cette liste. Aux termes du contrat qu’il avait conclu, il ne pouvait fournir aucun service similaire à des concurrents de Dynamex, ni ne pouvait, pendant un an à compter de la résiliation du contrat, solliciter des personnes qui étaient alors ou avaient été au cours de l’année précédente des clients de Dynamex ou mener des activités similaires [23] à celles de l’entreprise de Dynamex auprès d’elles (voir l’article 4 du contrat de M. Fontaine, reproduit précédemment).

 

[41]         M. Fontaine n’avait pas vraiment de possibilité de réaliser des bénéfices. Il en aurait été autrement s’il n’avait pas été obligé de fournir ses services à Dynamex uniquement, puisqu’il aurait alors eu intérêt à engager ses propres employés et à exploiter une entreprise pour son propre compte. C’est ce que Dynamex a fait. Elle effectuait la livraison de colis provenant non seulement de ses propres clients, mais également d’autres entreprises de messagerie, comme DHL et Purolator. En outre, le prix versé pour une livraison était déterminé par Dynamex[24]. Si M. Fontaine avait été libre de  fournir des services à des clients et d’établir lui‑même la contrepartie de ces services, il aurait pu accroître ses profits, comme un entrepreneur. L’unique possibilité qu’il avait de hausser son revenu cependant était d’effectuer plus d’heures (heures supplémentaires), comme le font de nombreux employés.

 

[42]         Dynamex étant l’unique entreprise de services de messagerie le même jour au Canada (d’après M. Aitken), M. Fontaine fournissait donc des services (comme les autres conducteurs, les marcheurs et les cyclistes) dans le cadre des activités centrales de Dynamex[25]. À la page 6, le Manuel du conducteur explique en des termes parfaitement clairs que les conducteurs sont intégrés à l’entreprise de Dynamex : [TRADUCTION] « En vous montrant professionnels, courtois, amicaux et aimables, vous présentez une image impeccable lorsque vous faites en sorte que l’expérience globale du client avec Dynamex soit une bonne expérience […]. – Vous n’êtes pas simplement un conducteur − aux yeux de nos clients − VOUS ÊTES DYNAMEX ». À l’instar des autres conducteurs, des marcheurs et des cyclistes, M. Fontaine fournissait un service qui était essentiel pour Dynamex. En outre, il a travaillé pour Dynamex et son prédécesseur, Zipper, pendant près de 16 ans à temps plein, du lundi au vendredi, de 8 h ou 8 h 30 à entre 16 h 30 et 17 h 30, comme un employé (comme les marcheurs et les cyclistes) le ferait normalement. 

 

[43]         M. Fontaine était payé régulièrement (deux fois par mois) par Dynamex. Rien ne permet de conclure qu’il a, à quelque moment que ce soit, subi des pertes. La rémunération versée par Dynamex et par Zipper de 1991 à 2002 est passée de 21 302 $ en 1991 à 28 113 $ en 2000[26]. De ces montants, M. Fontaine aurait dû déduire à tout le moins ses frais d’utilisation d’une automobile.

 

[44]         Dynamex fournissait le plus gros de l’équipement obligatoire[27] dont l’entreprise de messagerie avait besoin, notamment l’équipement radio[28], un annuaire téléphonique, un jeu de clés supplémentaire, des calepins, des lettres de transport, une voiture à bras, un livre de cartes, une étiquette d’identité, des manifestes et des lettres de transport. Elle fournissait aussi le nom commercial et le logo de Dynamex. Le véhicule, qui devait être fourni par M. Fontaine (à cet égard, il était comme les autres conducteurs), représentait une importante exception. Le véhicule en question était un petit véhicule personnel ― une auto de marque Firefly. Il n’y a aucune preuve que M. Fontaine n’aurait pas acheté cette auto s’il n’avait pas travaillé pour Dynamex. On peut raisonnablement penser qu’il en aurait été propriétaire de toute façon[29]. En conséquence, la situation de M. Fontaine n’était pas différente de celle de nombreux commis de vente qui doivent fournir leurs propres véhicules pour fournir leurs services pour le compte de leur employeur. Il est vrai qu’il est de pratique courante pour un employeur dans une telle situation de verser une indemnité destinée à couvrir les frais d’utilisation d’une automobile. Dans ce cas‑ci, cette indemnité revêtait la forme d’une commission substantielle. On peut raisonnablement supposer que Dynamex prenait en considération les frais engagés par les conducteurs au titre de l’utilisation de leurs véhicules dans le calcul de la commission. Lorsqu’elle a perdu dans l’affaire Mamona, Dynamex a réduit les commissions de 4 % environ, afin de prendre en compte les congés annuels payés. La commission de M. Fontaine a été ramenée de 71 % à 66 %.

 

[45]         En outre, le comportement de ZTS/Dynamex décrit dans l’arrêt Morgan appuie également cette inférence. Monsieur Morgan avait été engagé au départ pour travailler pour ZTS. Initialement, il conduisait un camion d’une tonne appartenant à ZTS, qui payait également l’essence et les frais d’entretien du véhicule. En contrepartie de ses services, M. Morgan touchait une commission de 40 % (du montant reçu par ZTS pour ses services). Avant de commencer à travailler pour ZTS, il avait signé un contrat, en mars 1996, aux termes duquel il était tenu d’utiliser son propre véhicule, à ses frais[30]. Son taux de rémunération dans ce cas­là était de 60 % (64 % si son véhicule était blanc et que des décalques y étaient apposés). (Voir la pièce R‑32, onglet B, aux pages 4 et 5.) Il semble qu’en 1997, M. Morgan ait acheté un camion de cinq tonnes ayant appartenu auparavant à Dynamex, et qu’il ait eu droit à partir de ce moment‑là à une commission de 80 % (voir les pages 5 et 6 de la pièce R‑32, onglet B).

 

[46]         Il est clair que c’est Dynamex qui assurait la gestion des services de livraison, par l’intermédiaire de ses répartiteurs, de ses directeurs et de ses superviseurs, qui investissaient temps et énergie en vue d’accroître l’efficience de l’entreprise de messagerie de Dynamex. C’est Dynamex qui — comme tout autre employeur le ferait — a rédigé ou révisé un manuel[31], destiné non seulement à ses marcheurs et à ses cyclistes, mais aussi à ses conducteurs, et dans lequel elle expliquait la manière dont les services de livraison devaient être fournis. En plus du Manuel du conducteur, il y a de nombreuses notes de service internes énonçant des directives à cet égard. Je les passerai en revue de manière plus détaillée ci‑après.

 

[47]          Le fait que, le 13 juin 2000, Dynamex a mis sur pied un programme national d’achat d’essence afin de réduire les frais d’utilisation des véhicules de ses conducteurs, constitue un autre exemple. Dans le cadre de ce programme, elle fournissait une carte de crédit de Petro­Canada à ses conducteurs, qui pouvaient ainsi se prévaloir d’un rabais. Il est vrai que ceux­ci supportaient tout de même le coût de l’essence, mais ce qui importe ici, c’est que le programme a été mis en œuvre par Dynamex, ce qui montre que c’était elle, et non les conducteurs, qui consacrait du temps de gestion en vue de rendre l’entreprise plus efficiente (voir la pièce R‑8). Ainsi, Dynamex était en mesure d’atténuer le risque de se faire demander par ses conducteurs de hausser leur commission.

 

[48]         Les conducteurs étaient tenus par contrat de maintenir leur véhicule en bon état, et Dynamex en effectuait l’inspection deux fois par année. Il convient de souligner que, en cas d’accident mettant en cause le véhicule ou des colis, les conducteurs devaient remplir un formulaire préparé par Dynamex et portant son logo, puis le lui remettre (voir la pièce R‑31). À mon avis, cela indique également que c’est Dynamex et non les conducteurs (dans ce cas‑ci M. Fontaine) qui consacrait du temps à gérer les questions touchant à la manière la plus efficiente d’exploiter l’entreprise.

 

[49]         La clause du contrat de M. Fontaine aux termes de laquelle ce dernier s’engage à indemniser Dynamex à l’égard de toutes les obligations dénote l’existence d’un contrat d’entreprise. Il faut se garder cependant d’y accorder beaucoup d’importance, car il était peu probable que de telles circonstances se produisent. Dynamex souscrivait une assurance des marchandises dont elle payait la prime. Monsieur Fontaine, le propriétaire de l’automobile, devait souscrire sa propre assurance automobile. Les risques courus par Dynamex étaient donc limités. À mon avis, la présence de la clause d’indemnisation ne permet pas à elle seule d’écarter la conclusion globale suivant laquelle M. Fontaine n’exploitait pas une entreprise à son compte.

 

[50]         Monsieur Fontaine devait fournir ses services personnellement (voir l’article 1 du contrat de M. Fontaine, reproduit précédemment). Le contrat ne le prévoyait pas expressément, mais la réalité était telle parce que, bien que M. Fontaine ait eu le droit d’engager des assistants, ceux‑ci devaient être approuvés par Dynamex (voir la convention collective, article 17.08, pièce R‑1, onglet 1). Quoi qu’il en soit, M. Fontaine ne s’est jamais prévalu de ce droit. Il n’a engagé aucun assistant, ni n’a‑t‑il cherché de remplaçant lorsqu’il n’a pu se présenter au travail.

 

[51]         À mon avis, il serait faux de dire, dans un effort pour établir qu’il se comportait comme un entrepreneur, que M. Fontaine était libre de décider quand il travaillait, d’accepter ou non une livraison qui lui était proposée et de choisir les meilleurs itinéraires pour effectuer ses livraisons. La preuve mentionnée précédemment et ci‑après contredit ces allégations de Dynamex. Plus particulièrement, en ce qui concerne la liberté alléguée de refuser des livraisons moins payantes, l’article 15.02 de la convention collective prévoit expressément qu’il est interdit à l’employé/conducteur propriétaire (lequel terme inclut les conducteurs, le marcheurs et les cyclistes) [TRADUCTION] « de refuser de s’occuper de telles demandes » (celles qui sont les moins payantes). Nous verrons plus loin les conséquences d’un refus dans un tel cas (pièce R‑13). Donc, M. Fontaine ne jouissait d’aucune liberté (ou alors de très peu) à cet égard.

 

[52]         En ce qui concerne l’absence de contrôle par Dynamex aux fins de déterminer les trajets en vue d’effectuer les livraisons, l’entreprise n’avait pas à exercer un tel contrôle en raison de la méthode qu’elle avait choisie pour rémunérer ses conducteurs. À l’instar des marcheurs et des cyclistes, les conducteurs recevaient un pourcentage des frais perçus pour la livraison ― une commission. Ainsi, les employés de Dynamex utilisaient le trajet le plus rentable pour effectuer une livraison. Quoi qu’il en soit, M. Fontaine se trouvait dans une situation identique à celle de la plupart des représentants de commerce travaillant à commission pour leur employeur. Ces employés jouissent d’une liberté considérable dans le cadre de la prestation de services aux clients de leur employeur. Quelle qu’ait été la liberté dont M. Fontaine a pu jouir pendant la période pertinente, elle n’établit pas de manière déterminante qu’il exploitait une entreprise.

 

[53]         À mon avis, le degré de risque financier supporté par M. Fontaine, sa part de responsabilité au niveau de l’investissement dans les outils et de la gestion des livraisons ainsi que les possibilités de bénéfice et les risques de perte ne sont pas suffisants pour établir qu’il était un entrepreneur et qu’il exploitait une entreprise à son compte.

 

 

- Relation de subordination avec Dynamex

 

[54]         Non seulement la preuve produite établit‑elle clairement que M. Fontaine ne fournissait pas ses services pour son compte, mais elle démontre également qu’il était un employé de Dynamex, compte tenu du degré de direction et de contrôle que celle‑ci exerçait à son égard.

 

[55]         Il est intéressant de noter dans un premier temps que, dans une note de service adressée à tous les conducteurs concernant le transport de marchandises dangereuses, une certaine Candace Shadlock est décrite comme étant la [traduction] « superviseure des services des conducteurs », ce qui non seulement est nettement compatible avec le fait que Dynamex avait le droit d’exercer un contrôle sur le travail accompli par M. Fontaine, mais montre également qu’elle confiait à un superviseur la tâche d’exercer ce droit relativement à tous ses conducteurs. (Voir la pièce R‑12. De nombreux autres exemples de notes de service similaires sont mentionnés ci‑après.)

 

[56]         Il y a également une preuve considérable que Dynamex exerçait une direction et un contrôle sur le travail de ses conducteurs en général et sur M. Fontaine en particulier. Ainsi, par l’entremise de son répartiteur, Dynamex lui disait quoi faire et où le faire; en d’autres termes, elle lui indiquait l’endroit où il devait passer prendre les colis et l’endroit où il devait ensuite les livrer. Il est intéressant de noter aussi que l’attribution des livraisons par le répartiteur était effectuée d’une manière semblable pour les marcheurs et les cyclistes. Outre le fait qu’il n’y avait aucune différence dans la manière dont ils étaient dirigés dans le cadre de l’exécution de leur travail, ils étaient rémunérés en fonction de formules semblables. L’unique différence notable entre les conducteurs d’une part et les marcheurs et les cyclistes d’autre part était le fait que les conducteurs devaient fournir leurs propres véhicules.

 

[57]         Dynamex ne s’est pas limitée à « contrôler le résultat » ou la qualité[32] du travail; son objectif était d’en contrôler l’exécution, c’est‑à‑dire la manière dont il était effectué. Premièrement, un Manuel du conducteur de 29 pages était destiné à aider les conducteurs à exécuter leur travail[33]. D’après M. McMaster, ce manuel s’appliquait également à lui (un marcheur) et aux cyclistes. L’un des trois objectifs du manuel est énoncé en ces termes :

 

          [TRADUCTION]

 

a.                   Vous offrir des conseils pratiques sur la manière d’effectuer votre travail un peu mieux et vous offrir des renseignements sur les politiques et les procédures relatives aux normes de Dynamex.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[58]         À la page 20, le manuel explique en quoi consistent les trois fonctions du répartiteur :

 

          [TRADUCTION]

 

1)         Attribuer la commande au conducteur le plus en mesure d’effectuer la livraison dans les délais.

2)         Organiser et déplacer efficacement les conducteurs dans toute la ville de manière que les objectifs en matière de niveau de revenu soient respectés, voire dépassés.

3)         Assurer le suivi des commandes en cours et leur mise à jour jusqu’à ce que la livraison soit effectuée par le conducteur.

[Non souligné dans l’original.]

 

Il indique également que les conducteurs ont l’obligation suivante : [TRADUCTION] « indiquer au service de la répartition l’endroit où vous vous trouvez en tout temps, et vous devez l’informer lorsque vous êtes à l’extérieur de votre véhicule, lorsque vous allez chercher un colis ou lorsque vous effectuez une livraison » (non souligné dans l’original).

 

[59]         En plus de ces indications fournies dans le Manuel du conducteur, des notes de service internes avaient été adressées aux conducteurs. Dans l’une d’entre elles, datée de 2002 (pièce R‑26), M. Brian Bachinski aborde la question des demandes de congé :

 

[TRADUCTION]

 

À l’heure actuelle, nous éprouvons souvent de la difficulté à fournir des services à nos clients, surtout les lundis et les vendredis ainsi qu’en fin de mois, parce que certains conducteurs prennent des rendez‑vous ou des congés ou ne se présentent tout simplement pas au travail. Comme le travail abonde ces jours‑là, il en résulte des interruptions de service ou un service de mauvaise qualité pour nombre de nos clients, qui commencent à comparer les taux d’autres messagers en raison des problèmes liés à la prestation de nos services. Nous NE voulons PAS que cela se produise.

 

Pour atténuer ce problème, nous vous demandons ne pas prendre congé les jours en question. Veuillez prévoir vos rendez‑vous ou les congés nécessaires à d’autres moments. Si, en raison de circonstances spéciales, vous devez prendre congé ces jours‑là, veuillez consulter Michelle Leber pour en discuter.

 

Tous les conducteurs doivent être au travail pour que nous puissions fournir nos services à notre clientèle. Il est arrivé que 20 ou 30 conducteurs ou même davantage soient en congé en même temps. Vous comprendrez qu’il est alors pour ainsi dire impossible de respecter les engagements pris envers nos clients en matière de service. Nous essayons de ne pas embaucher plus de conducteurs que le nombre requis, mais les circonstances actuelles nous obligent à engager un nombre accru de conducteurs à la seule fin de tenir compte de l’absentéisme imprévu.

 

Votre collaboration en ce qui concerne votre présence au travail est appréciée. Nous continuerons d’utiliser le formulaire de demande de congé (avec quelques modifications) pour vos rendez‑vous nécessaires.

 

[60]         Dans une autre note de service, celle‑là rédigée quelques mois plus tard, soit le 20 novembre 2002, le frère de Brian Bachinski, Chris Bachinski, directeur général de Dynamex, utilise des termes plus vifs dans les directives qu’il donne. Abordant la question de la disponibilité des conducteurs[34] et du refus d’accepter certains appels, il écrit ceci (pièce R‑13)[35] :

 

[TRADUCTION]

 

 

Nous continuons de travailler de manière à fournir un service de première qualité à nos clients et à permettre à nos conducteurs de toucher une rémunération raisonnable. Pour ce faire, nous devons jongler avec de nombreuses questions diverses chaque jour, comme le volume d’appels, la disponibilité des conducteurs et d’autres variables quotidiennes.

 

Nous souhaitons utiliser les conducteurs avec efficacité; n’oubliez pas les politiques de notre société sur les heures de travail et sur le refus d’accepter des appels.

 

HEURES DE TRAVAIL

 

1)   Les congés pour rendez‑vous les vendredis et en fin de mois peuvent ne pas être accordés.

2)   Tous les conducteurs qui se présentent au travail doivent être disponibles pendant une journée complète. Notre service de répartition ouvre à 7 h 45, du lundi au vendredi, et les conducteurs doivent être disponibles pour commencer à travailler entre 7 h 45 et 8 h 30, du lundi au vendredi, à moins que des trajets prévus les obligent à commencer à travailler plus tôt. En outre, les conducteurs doivent être disponibles pour travailler jusqu’à ce que les commandes soient remplies, habituellement entre 16 h 45 et 17 h 45, selon le volume d’appels et les trajets prévus.

 

Les procédures qui sont énoncées ci‑après pour les refus d’appels s’appliqueront aux conducteurs qui continuent de se présenter au travail tard et de quitter tôt.

 

Note : Nous serons raisonnables en cas de circonstances atténuantes.

 

REFUS D’APPELS

 

Les conducteurs ne peuvent pas refuser un appel, si ce n’est pour des raisons de santé et de sécurité. Nous continuerons d’imposer les sanctions suivantes :

 

1er refus par un conducteur :  le nom du conducteur sera inséré au bas de la liste des conducteurs[36].

2e refus :                                 le conducteur devra rencontrer le directeur/superviseur pour discuter de l’incident.

3e refus :                                 une suspension d’une (1) journée sera imposée au conducteur.

 

Note : Un refus répété d’appels mènera à la résiliation de votre contrat avec Dynamex.

 

Les politiques susmentionnées visent à nous aider à réaliser deux objectifs : tout d’abord, assurer un service de première qualité à nos clients, ce qui nous permet de maintenir nos prix, puis veiller à ce que le travail soit distribué équitablement et à ce que les conducteurs touchent une rémunération raisonnable. Ces deux objectifs vous aident, vous les conducteurs, à gagner plus d’argent.

 

Nous sommes reconnaissants du fait que certains conducteurs continuent de commencer tôt et de travailler jusqu’à ce que les commandes soient remplies, et nous faisons appel aux autres conducteurs pour qu’ils réalisent à quel point il est nécessaire d’améliorer notre service. Les clients sont la force motrice de notre entreprise; sans eux, il n’y a aucun revenu pour les 165 membres du personnel associés à notre succursale.

 

Nous vous remercions à l’avance pour votre collaboration.

[Non souligné dans l’original.]

 

[61]         Cette note de service, qui exprime du mécontentement et rappelle aux conducteurs leur obligation de se présenter au travail, doit être replacée dans son contexte contractuel. L’article 8.12 de la convention collective porte sur la disponibilité des « employés/conducteurs propriétaires » (voir la pièce R‑1, onglet 1) :

         

[TRADUCTION]

 

a)         La société doit tenter, dans des limites raisonnables, de fournir à ses clients un service de haute qualité et d’utiliser le moins d’employés/conducteurs propriétaires possible.

 

b)         Dans un délai de six (6) mois suivant la ratification de la présente convention collective, la société réduira la taille de son équipe effectuant les livraisons à la pièce de cinq pour cent (5 %), dans le but de redistribuer le travail équitablement entre le reste des conducteurs. Pour que la société puisse réduire ainsi la taille de l’équipe, il faut que celle‑ci maintienne un taux d’assiduité d’au moins quatre‑vingt‑treize pour cent (93 %) en moyenne, ce qui comprend les congés autorisés, et une moyenne globale de livraison dans les délais convenus de quatre‑vingt‑seize virgule cinq pour cent (96,5 %).

[Non souligné dans l’original.]

 

[62]         Bien que M. Brian Bachinski ait indiqué dans son témoignage que la note de service rédigée par son frère avait été motivée par la frustration, cette note témoigne cependant du fait que les conducteurs n’étaient pas autorisés à refuser des appels autrement que pour des raisons de santé et de sécurité, et que la société s’attendait à ce que tous les conducteurs soient disponibles toute la journée. En outre, ils devaient être disponibles pour travailler jusqu’à ce que les commandes aient été remplies, ce qui normalement se situait entre 16 h 45 et 17 h 45. M. Fontaine quant à lui se présentait au travail entre 8 h et 8 h 30 et terminait entre 16 h 30 et 17 h 30, du lundi au vendredi. Il lui arrivait parfois de ne pas être disponible parce qu’il devait fournir des services à des clients de son entreprise de massothérapie. Il devait alors obtenir l’autorisation du directeur des opérations (voir la pièce R‑19).

 

[63]         Le [traduction] « Formulaire de demande de congé prévu des conducteurs » (pièce R‑17) est un autre exemple des contraintes imposées au choix des conducteurs de travailler ou non. On peut y lire ceci : [TRADUCTION] « Pour faciliter l’établissement du calendrier des congés, veuillez indiquer ci‑après vos premier, deuxième et troisième choix. Nous tenterons d’accéder à votre demande […] ». Il prévoit ceci également : [TRADUCTION] « Si vous prenez congé en juillet ou en août, le présent formulaire doit être retourné au plus tard le 1er mai 2000 ». L’article 14.02 de la convention collective prescrit qu’un conducteur possédant cinq années de service ou moins a le droit de [TRADUCTION] « s’absenter ainsi que son véhicule » pendant une période pouvant aller jusqu’à deux semaines, et que la société a le droit d’attribuer les congés par rotation. En outre, ainsi qu’il est mentionné précédemment, M. Fontaine n’était pas tenu de trouver de remplaçant pour effectuer son travail lorsqu’il était en congé prévu. En outre, aucun employé ne travaillait pour lui.

 

[64]         On peut constater à partir de ces faits que d’importantes contraintes, à la fois légales et économiques, limitaient la prétendue liberté du propriétaire conducteur de travailler ou non pour Dynamex. Le syndicat souhaitait certainement que ses membres, les propriétaires conducteurs, aient la possibilité de gagner suffisamment d’argent, et en contrepartie de l’engagement de Dynamex de leur offrir cette possibilité, ils devaient être disponibles la plupart du temps (93 %). Il ne s’agit donc pas d’une situation où les conducteurs (les propriétaires conducteurs) étaient véritablement libres de refuser une demande de livraison en particulier. La situation est donc véritablement différente des faits de l’arrêt Sauvageau Pontiac Buick GMC Ltée c. Canada, [1996] A.C.I. no 1383 (QL), une décision que j’ai moi‑même rendue concernant des travailleurs qui étaient parfaitement libres d’accepter ou de refuser des livraisons en automobile.

 

[65]         Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, il y a dans le contrat de M. Fontaine des dispositions portant sur la manière dont le travail doit être effectué. L’article 3 stipule que tous les services doivent être fournis d’une manière courtoise. Le Manuel du conducteur contient beaucoup plus de détails sur cette question. Ainsi, à la page 5, on peut y lire ceci : [TRADUCTION] « Ne jouez pas au plus fin avec les clients et ne discutez pas avec eux ». À la page 7, le manuel indique également aux conducteurs ce qu’ils doivent faire lorsqu’ils traitent avec des clients en colère et émotifs :

 

          [TRADUCTION]

 

Il est très important que vous vous rappeliez de ne pas réagir à cette colère […]. Cernez la question ou le problème qui en est la source et réglez‑le. Ne voyez pas la situation comme étant personnelle et ne discutez jamais […]. Si vous êtes incapable de régler la question ou le problème […] proposez au client d’appeler le directeur/adjoint des opérations ou le directeur de la succursale pour la prise immédiate d’une mesure […]. [Si] vous avez une mauvaise journée […] ne faites pas subir votre frustration à un client[37]!

 

[66]         Le Manuel du conducteur prévoit également ceci à l’intention des conducteurs : [TRADUCTION] « Lorsque vous décelez le premier signe d’une difficulté avec une livraison ou une cueillette, communiquez avec le client directement. Si une aide supplémentaire est requise, veuillez communiquer avec le service de dépannage de Dynamex […] » (pièce R‑2, page 19). Le manuel indique également ceci à la page 20 : [TRADUCTION] « Lorsque vous éprouvez des difficultés chez un client, faites de votre mieux pour régler la situation, mais rappelez‑vous que vous pouvez toujours informer le service de répartition » (non souligné dans l’original).

 

[67]         Le Manuel du conducteur précise la manière dont les signatures doivent être obtenues à la livraison (pièce R‑2, page 23). Voici des directives détaillées touchant la livraison :

 

          [TRADUCTION]

 

1.         Votre salutation et votre pas vif ont signalé votre présence au destinataire, alors profitez du fait que vous avez attiré son attention pour obtenir sa signature. Ne le laissez pas attendre.

 

2.         Offrez votre stylo (et la feuille de transport ou la lettre de transport) posé [sicau‑dessus de la ligne où la signature est requise et indiquez l’endroit où il faut signer.

 

3.         Dites toujours merci lorsque vous acceptez le stylo et la documentation du destinataire.

 

4.         Si le destinataire est au téléphone, placez le stylo et la documentation devant lui et placez le stylo là où il doit signer.

 

5.         Si la livraison est facturée à une tierce partie, le service de répartition vous donnera les renseignements requis pour que vous dressiez vous‑même vos propres lettres de transport. Les numéros de compte doivent figurer sur toutes les factures adressées à une tierce partie.

 

6.         Toutes les livraisons doivent être effectuées le même jour. Si vous ne pouvez effectuer une livraison, demandez au service de répartition si vous devez ou non laisser l’article dans une fente à lettres ou en effectuer la livraison le lendemain avant 9 h 30. Obtenez dans tous les cas l’autorisation d’un répartiteur ou d’un superviseur pour les articles que vous conservez.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[68]         Le Manuel énonce également les exigences suivantes en matière de signature (page 24) :

 

          [TRADUCTION]

 

1.         Vous ne devez en aucune circonstance laisser un colis à l’extérieur d’un immeuble, à moins d’en avoir obtenu l’autorisation directement du client ou de votre répartiteur.

 

2.         Toutes les livraisons effectuées pendant les heures d’ouverture doivent porter une signature, à moins qu’un répartiteur ait accordé une autorisation préalable, que vous ayez obtenu une telle autorisation sur votre téléavertisseur ou que le client ait donné son consentement (il faut obtenir le nom de la personne et l’écrire sur la lettre de transport).

 

3.         Les lignes directrices suivantes doivent être suivies pour les livraisons effectuées à des résidences unifamiliales si aucune signature ne peut être obtenue et dans les seuls cas où le répartiteur vous donne son autorisation, vous obtenez une telle autorisation sur votre téléavertisseur, ou le client donne son consentement (il faut obtenir le nom de la personne et l’écrire sur la lettre de transport).

 

a.       Le public ne peut voir le colis

b.      Le colis est à l’abri des mauvaises conditions météorologiques

c.       Le lieu répond à la préférence exprimée par le client

d.      Le client peut trouver le colis facilement

e.     Une étiquette est laissée sur les lieux pour indiquer tout endroit inhabituel (p. ex., si le colis est déposé chez le voisin)

[Non souligné dans l’original.]

 

[69]         La section du Manuel du conducteur qui porte sur les lettres de transport précise ce qui suit à la page 10 :

 

[TRADUCTION]

 

Vous DEVEZ remplir les lettres de transport, les manifestes ou autres documents de transport proprement et entièrement, et indiquer tous les renseignements pertinents […]. Une signature claire et l’heure de livraison sont OBLIGATOIRES […]. Les lettres de transport, les manifestes et les documents de transports relatifs à la journée de travail précédente doivent être déposés tous les jours AVANT MIDI dans l’une de nos boîtes de dépôt[38].

 

[70]         Cette même section précise que le délai d’attente [TRADUCTION] « doit être autorisé et signé par le client; si vous n’êtes pas au bureau du client, le répartiteur peut donner son autorisation pour le compte du client » (page 13; non souligné dans l’original). Le Manuel du conducteur précise également que la preuve de livraison doit être communiquée par radio pour certaines livraisons, comme celles qui sont effectuées pour DHL ou Purolator ou par suite d’appels d’autres succursales de Dynamex (pages 13 et 21). En outre, [TRADUCTION] « [t]outes les modifications apportées au nombre d’articles et au poids doivent être communiquées par radio au répartiteur. Celui­ci apportera les modifications et vous communiquera à nouveau la commande par téléavertisseur. Ne les soulignez pas sur votre manifeste. » (page 13; non souligné dans l’original).

 

[71]         Le Manuel du conducteur décrit également les procédures de cueillette, énonçant tous les renseignements qui doivent être fournis et obtenus lors de celle‑ci. Le conducteur doit vérifier le [TRADUCTION] « [n]uméro de la commande dans le coin supérieur droit » (page 22). Il doit appeler le répartiteur en cas d’incompatibilité entre ce numéro et celui fourni par le répartiteur. Il doit l’appeler aussi dans les cas où le délai d’attente est de plus de cinq minutes ou s’il y a des changements concernant le niveau de service convenu. Le conducteur doit aussi chercher de nouveaux clients. Lorsqu’il a terminé une cueillette et retourne à son véhicule, il doit communiquer avec le répartiteur pour obtenir d’autres directives.

 

[72]         Le Manuel du conducteur décrit dans le détail la manière dont les conducteurs doivent remettre leurs lettres de transport. Il précise que les [TRADUCTION] « lettres de transport doivent être placées dans une enveloppe de manifestes en deux liasses […] » (page 16). La première liasse comprend l’argent comptant, les chèques, les timbres prépayés ou les demandes d’envoi C.R. Elle comprend également les [traduction] « livraisons diverses et manifestes multiples »; relativement à cette catégorie, les conducteurs doivent surligner le total. Le Manuel indique ensuite ceci : [TRADUCTION] « Si vous avez de la difficulté à déterminer un prix pour votre manifeste, appelez le service administratif ou votre directeur d’établissement des itinéraires ». Il indique en outre que [TRADUCTION] « [s]i vous entrez chez un client pour un appel et qu’il vous confie une autre livraison non prévue, veuillez appeler le bureau […] ». Puis on peut lire ceci à la page 16 : [TRADUCTION] « JOIGNEZ ENSEMBLE AU MOYEN D’UN TROMBONE LES LETTRES DE TRANSPORT SUSMENTIONNÉES ET METTEZ‑LES DE CÔTÉ COMME ÉTANT LA LIASSE No 1 » (non souligné dans l’original). En ce qui concerne la deuxième liasse, le Manuel prévoit ceci : [TRADUCTION] « Inscrivez l’heure du dépôt à côté de vos numéros de commandes pour les services d’une heure et de deux heures seulement, sauf pour les trajets prévus, et ne les surlignez pas » (page 17; non souligné dans l’original).

 

[73]         Aux termes du contrat qu’il avait conclu, M. Fontaine devait fournir ses services [TRADUCTION] « en utilisant le véhicule » (section 1). En outre, il était tenu de [TRADUCTION] « maint[enir] le véhicule dans un état sécuritaire, libre de tout dommage, en bon état et propre, et [de] maint[enir], répare[r], immatricule[r] [et] assure[r] » le véhicule pour un montant précis. Le véhicule était inspecté deux fois par année par Dynamex d’après le témoignage de M. Fontaine. Des obligations similaires relatives au véhicule sont décrites à l’article 8.12 de la convention collective, qui prévoit ce qui suit (pièce R‑1, onglet 1) :

 

          [TRADUCTION]

 

8.13     L’employé/le propriétaire conducteur assume les obligations suivantes :

 

a)         obtenir et maintenir toutes les licences et tous les permis requis pour fournir les services prévus aux termes de la présente convention;

b)         tenir en bon état, matériel et mécanique, réparer, assurer (d’une manière et pour les montants prescrits par la société) et utiliser chacun de ses véhicules à ses frais sous le régime des lois applicables de la province dans laquelle il travaille, et fournir une preuve à cet effet;

[Non souligné dans l’original.]

 

[74]         Le Manuel traite également de l’entretien préventif des véhicules des conducteurs (page 25) et formule entre autres choses des recommandations sur les mesures qui doivent être prises deux fois par années et celles qui doivent être prises pendant les mois d’hiver. Voici par exemple les recommandations relatives aux arrêts pour ravitaillement et aux vérifications mensuelles :

 

          [TRADUCTION]

 

Arrêts pour ravitaillement

 

a.                   Vérifier le niveau d’huile du moteur.

b.                  Vérifier le niveau du liquide lave‑glace.

c.                   Vérifier si les pneus sont sous‑gonflés, afin de réduire la consommation d’essence.

 

Vérifications mensuelles

 

·        Vérifier la pression des pneus — toujours vérifier les pneus à froid, et non à la suite d’un long trajet.

·        Vérifier le liquide de refroidissement dans le réservoir d’expansion.

·        Vérifier le fonctionnement de tous les phares extérieurs, y compris des feux de freinage, des clignotants et des feux de détresse.

 

[75]         Je suis certain qu’aucun des contrats de livraison conclus entre Dynamex et ses clients n’oblige Dynamex à tenir ses véhicules de livraison propres, à prendre des mesures d’entretien préventives et à assurer les véhicules.

 

[76]         D’après M. Brian Bachinski, M. Fontaine était autorisé à choisir la couleur du véhicule qu’il utilisait pour effectuer la livraison des colis de Dynamex. Bien qu’il n’y ait aucune exigence au niveau de la couleur de son véhicule, M. Fontaine aurait pu utiliser des décalques aimantés identifiant Dynamex. Cependant, dans une lettre distribuée le 7 août 2002, le directeur général du Centre TD à Winnipeg exigeait que [TRADUCTION] « [t]ous les véhicules de messagerie effectuant des livraisons au Centre TD affichent clairement des signes visibles les identifiant en cette qualité ». Il y précisait également que [TRADUCTION] « le nom de votre société peut être affiché sur le côté ou sur le pare‑brise — à condition que le responsable de la sécurité et le responsable des expéditions du Centre TD puissent voir l’identification à une distance raisonnable » (pièce R‑3). M Fontaine a témoigné qu’il avait dû apposer un décalque de deux pouces sur deux pouces (petit décalque) sur son pare‑brise, mais il a précisé qu’il n’avait pas utilisé les gros décalques.

 

[77]         Dans l’une de ses dernières sections, le Manuel du conducteur énonce des [traduction] « renseignements et des conseils utiles ». Y figure une liste des facteurs qui feront entrave aux services et qui auront pour effet de réduire les possibilités du conducteur de réaliser des bénéfices. On retrouve notamment le fait de ne pas suivre les instructions du répartiteur, de refuser des appels ou de ne pas être joignable, de ne pas demeurer en contact constant avec le répartiteur, d’avoir de nombreuses absences, d’arriver tard au travail et de partir tôt, de s’absenter du travail et de ne pas être disposé à [traduction] « travailler fort » (page 27 du Manuel).

 

[78]         Le fait que les nouveaux conducteurs assistaient à une séance d’orientation lorsqu’ils commençaient à travailler pour Dynamex permet également de constater l’existence d’une direction et d’un contrôle relativement à la manière dont le travail des conducteurs est accompli. En outre, des employés de Dynamex offraient une formation sur des sujets précis, comme le transport de marchandises dangereuses.

 

[79]         Non seulement M. Fontaine était‑il assujetti à la direction de Dynamex, mais il faisait l’objet de mesures disciplinaires s’il ne se conformait pas à ses politiques et à ses directives. Par exemple, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, si M. Fontaine refusait de livrer un colis, son nom était inscrit au bas de la liste des conducteurs après le premier refus. Après un second refus, il devait rencontrer son [traduction] « directeur/superviseur » (non souligné dans l’original) pour discuter de l’incident avant que le répartiteur ne lui attribue une livraison. Un troisième refus donnait lieu à une suspension d’une journée (voir les pièces R‑13 et R‑14). Il risquait donc de perdre du temps de livraison et de l’argent s’il refusait une commande.

 

[80]         Si les clients de Dynamex étaient insatisfaits du service d’un conducteur en particulier, ils se plaignaient à Dynamex. Cela s’est produit dans le cas de M. Fontaine, qui aurait été impoli avec un certain client. Il a donc été mis en probation pendant un an. Son contrat risquait d’être résilié si, pendant cette période, il se montrait à nouveau impoli. Dynamex avait pour politique de verser une lettre aux dossiers de ses conducteurs dans de tels cas.

 

[81]         L’article 22 du contrat de M. Fontaine oblige les conducteurs à porter des uniformes que la société approuve. Il faut ajouter que Dynamex supportait une partie du coût de ces uniformes (voir la pièce R‑23). La Manuel du conducteur décrit les exigences concernant l’uniforme à la page 8. On peut y lire par exemple que les conducteurs doivent porter la chemise et la veste de Dynamex portant des signes clairs d’identification, à savoir le logo et la couleur de Dynamex. En outre, les conducteurs doivent veiller à avoir un uniforme impeccable. [traduction] « Le port du jean est interdit » (pièce R‑2, page 8). Aux termes du sous‑alinéa 22(ii) du contrat de M. Fontaine, il est interdit aux conducteurs d’apposer quelque autre nom, avis, publicité, décalque ou peinture que ce soit sur l’uniforme (ou le véhicule moteur), sauf si Dynamex leur en donne l’autorisation expresse.

 

[82]         Non seulement la politique de Dynamex en matière d’uniformes explique‑t‑elle en détail ce qui constitue un uniforme acceptable, mais Dynamex a pour principe d’appliquer celle‑ci rigoureusement. Un formulaire de non‑conformité de l’uniforme du conducteur doit être signé par le [traduction] « superviseur/directeur » (non souligné dans l’original) qui remarque que l’un de ses conducteurs ne porte pas l’uniforme complet tel que l’exige Dynamex. Ce formulaire indique que l’omission répétée de se conformer à la politique sur l’uniforme peut mener à une suspension et (ou) à la résiliation du contrat de conducteur (pièce R‑5). Dans la note de service adressée à tous les conducteurs de Dynamex le 13 août 2002, l’équipe de direction mentionne que la politique sur l’uniforme sera appliquée rigoureusement : [TRADUCTION] « Les conducteurs qui ne portent pas l’uniforme pourraient ne pas se faire offrir de travail et (ou) être suspendus et leur contrat pourrait être annulé » (voir la pièce R‑4).

 

[83]         La conclusion suivant laquelle M. Fontaine était un employé pendant la période pertinente est très compatible avec les décisions des quatre arbitres qui ont conclu que les 27 conducteurs travaillant pour Dynamex dans les régions de Winnipeg et de Saskatoon étaient des employés au sens du Code canadien du travail et qu’ils avaient droit à une indemnité de congé annuel[39]. Une conclusion contraire dans la présente affaire créerait une situation étrange : les entrepreneurs indépendants auraient droit à une indemnité de congé annuel de leur client!

 

[84]         En plus d’être compatible avec quatre décisions rendues par des arbitres sous le régime du Code canadien du travail, la présente décision est conforme à des décisions américaines, plus particulièrement les trois décisions mentionnées précédemment qui ont été rendues par la Cour d’appel de la Californie. Même s’il est vrai que les sociétés de messagerie ont généralement préféré, pour des raisons quelconques, notamment pour des raisons d’efficience accrue et de compétitivité, traiter leurs conducteurs comme étant des entrepreneurs indépendants, elles n’obtiennent pas l’approbation de plusieurs juges américains à cet égard, contrairement à la perception exprimée dans certaines décisions judiciaires canadiennes. Il y a lieu de souligner cependant que la situation n’est pas complètement réglée, puisqu’un nombre élevé de recours collectifs sont en instance aux États‑Unis[40]. Cependant, les décisions où la Cour d’appel de la Californie en est arrivée à la conclusion que les conducteurs des sociétés de messagerie sont des employés pourraient devenir la norme et non pas l’exception. Pour que cela se produise, il faudrait cependant à mon avis que les sociétés de messagerie continuent d’exercer un degré élevé de contrôle sur le travail de leurs conducteurs. Si je peux me permettre, il semblerait difficile pour ces sociétés de ne pas exercer un tel contrôle étant donné leur intérêt inhérent à demeurer rentables dans le cadre de l’exploitation de leurs entreprises de messagerie.

 

[85]         Pour tous ces motifs, les appels de Dynamex sont rejetés.

 

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de janvier 2010.

 

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de juillet 2010.

 

Marie­Christine Gervais, traductrice


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 17

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2006­1557(EI) et 2006­1558(CPP)

 

INTITULÉ :                                       DYNAMEX CANADA CORP. c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 9 et 10 octobre 2008 et

                                                          les 1er et 2 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Pierre Archambault

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 11 janvier 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Guy Dussault

Avocate de l’intimé :

Me  Josée Tremblay

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Guy Dussault

 

                          Cabinet :                  Cain Lamarre Casgrain Wells, s.e.n.c.r.l.

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           L’audition de ces appels s’est déroulée sur une période de près d’un an; il y a eu deux jours d’audience en octobre 2008, et deux jours en octobre 2009.

[2]           À l’instar des parties à l’instance, je qualifierai la rémunération de « commission ».

[3]           Malheureusement, M. Aitken est décédé quelque temps après le mois d’octobre 2008.

[4]           D’après Brian Bachinski, qui était coordonnateur des ressources humaines pour Dynamex pendant la période pertinente, et M. Fontaine, Zipper a été achetée en 1996. L’arbitre Taylor a tiré une conclusion semblable dans l’Affaire concernant un renvoi en vertu de l’article 251.12 de la section XVI, partie III du Code canadien du travail, Dynamex Canada Inc. c. Mamona, Hepner et Cyr (décision Mamona), datée du 9 août 2000 (pièce R‑32, onglet A, page 2). D’après l’arbitre Deeley dans l’Affaire concernant un appel en recouvrement de salaire en vertu de l’article 251.12 de la section XVI, partie III du Code canadien du travail, Dynamex Canada Inc. c. Dennis Morgan, Tom MacKinnon et Noel Herie (laquelle décision est datée du 28 mars 2002 (décision Morgan)), Zipper Transportation Services Ltd. (ci­après « ZTS ») a été vendue à Dynamex au début de 1997 (pièce R‑32, onglet B, page 5). Comme le nom de ZTS est différent de celui de Zipper, je suppose qu’il s’agissait de deux sociétés différentes, mais liées.

[5]           Pièce A‑1, onglet 6.

[6]           Pendant la période pertinente, M. Fontaine était propriétaire d’une petite auto, une Firefly à quatre portes de Pontiac (pièce R‑24).

[7]           Les deux avocats dans l’affaire Palmer sont aussi les avocats dans les présents appels.

[8]           Dynamex Canada Inc. v. Mamona, 329 N.R. 198.

[9]           L’article 8.1 de la Loi d’interprétation prévoit ce qui suit :

 

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

[Non souligné dans l’original.]

[10]          Personne n’a fait valoir qu’il existe au Manitoba des règles d’origine législative qui régissent la distinction entre un contrat d’entreprise et un contrat de louage de services.

[11]          Geoffrey England, Employment Law in Canada, 4e édition, volume 1, reliure à feuillets mobiles (Markham (Ontario), LexisNexis, 2005), chapitre 2, paragraphe 2.13 et ss.

[12]          Citée aussi par l’arbitre Taylor dans l’affaire Mamona, précitée, aux pages 37 et 38 (pièce A‑32, onglet A).

[13]          Il y a lieu de préciser en outre que l’avocat de Dynamex s’est fondé en grande partie dans son avis d’appel sur la décision rendue par le juge C. Miller, de la Cour, dans l’affaire DHL Express (Canada) Ltd. c. Canada (M.R.N.) [2005] A.C.I. no 119 (QL). Cette décision reposait elle aussi uniquement sur les témoignages de deux employés de l’entreprise de messagerie et non pas sur celui du travailleur : ce dernier n’est pas intervenu dans cet appel ni n’a‑t‑il témoigné devant le juge Miller (voir le paragraphe 2 de sa décision). Si le travailleur avait témoigné, on aurait peut‑être obtenu un portrait différent de la situation, comme c’est le cas en l’espèce.

[14]          Dynamex Canada Inc. c. Mamona, [2002] A.C.F. no 534 (QL), paragraphe 29.

[15]          (2003), 305 N.R. 295, au paragraphe 49.

[16]          In re Fedex Ground Package System, Inc., Employment Practices Litigation, 2009 U.S. Dist. Lexis 65244.

[17]          Décrite comme étant [note liminaire 2] sous le titre « Discussion », dans le texte publié de LexisNexis. À la page 7 de la copie papier de la version électronique de LexisNexis sous le titre « Discussion ».

[18]          Cette similitude ne devrait pas étonner, puisque la source des principes de common law élaborés au Canada est américaine. Dans l’affaire Sagaz, la Cour suprême du Canada a adopté dans une large mesure la démarche suivie par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Wiebe Door et par le Conseil privé dans l’affaire Montreal v. Montreal Locomotive Works Ltd., [1947] 1 D.L.R. 161 (C.P.), qui, d’après le juge Major dans l’affaire Sagaz (paragraphe 39) et le juge MacGuigan dans l’affaire Wiebe Door (page 559), a appliqué le critère à quatre volets appelé le « critère de l’entreprise » tel qu’il a été formulé par W. O. Douglas (devenu par la suite un juge de la Cour suprême des É.‑U.) dans un article intitulé « Vicarious Liability and Administration of Risk I » (1928 - 1929), 38 Yale L.J. 584.

 

[19]          Cette approche peut être qualifiée également de « critère de l’éléphant », peut‑être plus répandu qu’il n’y paraît (étant donné l’absence d’une définition claire d’un contrat de louage de services dans les administrations de common law) et qui s’énonce ainsi : « Je peux reconnaître un éléphant lorsque j’en vois un! ».

[20]          Il est vrai qu’il n’est pas nécessaire de s’inscrire aux fins de la TPS si le revenu produit annuellement est inférieur à 30 000 $. Cependant, dans son témoignage, M. Aitken a indiqué que certains conducteurs pouvaient gagner jusqu’à 100 000 $. Dans ce cas, ces travailleurs doivent être inscrits aux fins de la TPS. Cependant, il n’y a aucune preuve que des factures portant le numéro de TPS requis ont été adressées à Dynamex par ces conducteurs. Il est vrai que M. Fontaine a déclaré son revenu comme provenant d’un travail indépendant, mais cela était dû au fait qu’il avait obtenu un feuillet T4A. Il avait demandé un T4 en 1997, mais sa demande avait été refusée. Il y a lieu d’ajouter que Dynamex a commencé à distribuer des T4A à la demande du ministre en 1993.

[21]          Il remettait, à la demande de Dynamex, un manifeste sur lequel figuraient toutes les livraisons effectuées. Dynamex était ainsi en mesure de facturer ses clients et de calculer la part du produit revenant au conducteur.

[22]          Il est vrai que le contrat de M. Fontaine prévoyait le versement d’une rémunération à ce dernier s’il réussissait à obtenir de nouveaux clients pour Dynamex. Cependant, il n’y a aucune preuve que M. Fontaine a, à quelque moment que ce soit, touché un montant conformément à la clause en question. M. Bachinski ignorait si M. Fontaine avait obtenu de l’argent ou non pour de nouveaux clients. Quoi qu’il en soit, le fait qu’un employeur rémunère les employés qui lui renvoient de nouveaux clients ne contredit en rien l’existence d’une relation employeur‑employé.

[23]          Contrairement à ce que l’avocat de Dynamex a fait valoir dans son avis d’appel.

[24]          Il est vrai que, conformément à la convention collective, un comité de tarification dont des représentants syndicaux étaient membres avait été mis sur pied. Voir la pièce R‑1, onglet 1, article 15.02, portant sur le comité de tarification. Cependant, en bout de ligne, c’est Dynamex qui fixait le taux réclamé à ses clients.

[25]             La description suivante est donnée à la page 3 du Manuel du conducteur (pièce R‑2) :

[TRADUCTION] 

Lors de sa mise sur pied en 1962, Dynamex avait un véhicule alors qu’aujourd’hui, elle exploite le réseau de messagerie local le plus vaste. Notre flotte compte approximativement 1 700 unités et comprend des livreurs à bicyclette, des automobiles, des mini‑fourgonnettes, des camions de transport routier. [Non souligné dans l’original.]

[26]          (Voir la pièce R‑22) Ce niveau de revenu tient davantage au revenu d’un employé à faible revenu qu’à celui d’une personne qui réussit en affaires.

[27]          Non souligné dans l’original, page 9 du Manuel du conducteur.

[28]                    Le permis relatif à la radio a été obtenu au nom de Dynamex. Il est vrai toutefois que le coût de l’utilisation de la radio était généralement facturé aux conducteurs (voir l’article 19 du contrat de M. Fontaine). Les détails de ce coût n’ont pas été versés en preuve. Cependant, à mon avis, ce coût était pris en considération pour déterminer le taux de commission versé aux conducteurs. En outre, s’il y avait un problème au niveau de l’utilisation du matériel de communication, c’est Dynamex qui devait s’en occuper (voir pièce R‑10). Monsieur Fontaine a dit que, même lorsque les piles de son téléavertisseur devaient être remplacées, c’est Dynamex qui s’en occupait sans qu’il lui en coûte un sou.

 

[29]          Cela pourrait très bien expliquer pourquoi il n’a jamais embauché quiconque pour le remplacer lorsqu’il ne pouvait travailler : il utilisait son véhicule pour ses besoins personnels.

[30]          Dans le témoignage qu’il a donné devant moi, M. McMaster a confirmé que certains des conducteurs qui travaillaient pour Zipper conduisaient des véhicules appartenant à la société. Les choses ont changé cependant lorsque Dynamex a acheté Zipper, puisqu’à partir de ce moment‑là, tous les véhicules devaient appartenir aux conducteurs.

[31]          Il y a lieu de noter que le Manuel du conducteur existait depuis 1995 et, d’après le représentant syndical, M. McMaster, il s’inspirait du manuel qui avait été préparé par Zipper. Il a confirmé également que le Manuel du conducteur s’appliquait également aux marcheurs et aux cyclistes.

[32]             Voir le par. 9 de l’affaire D & J Driveway Inc., précitée.

[33]          Pièce R‑2. À la page 3, Dynamex souhaite la bienvenue aux conducteurs dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Nous sommes heureux que vous ayez choisi de faire partie de l’équipe de Dynamex. Nous vous souhaitons une carrière enrichissante au sein de notre organisation. [Non souligné dans l’original.]

[34]             Il y a lieu de souligner que cette politique sur la disponibilité et le refus d’appels s’appliquait également aux marcheurs et aux cyclistes.

[35]          Cette note de service a été remplacée par une autre, datée du 23 février 2005 (voir pièce R‑14).

[36]          Dans son témoignage, M. Fontaine a déclaré qu’à une occasion au moins, le répartiteur a cessé de lui attribuer des cueillettes jusqu’à ce qu’il ait discuté de la question avec le directeur des opérations.

[37]          M. Brian Bachinski a témoigné que cette section avait été retirée du Manuel du conducteur à un moment donné pendant la période pertinente parce que l’on craignait qu’elle dissuade certains conducteurs potentiels de se joindre à l’équipe de Dynamex.

[38]          Pièce R‑2, page 10. M. Fontaine l’a confirmé dans son témoignage.

[39]          En outre, le fait que Dynamex payait des primes d’assurance contre les accidents du travail ainsi que des cotisations à certains régimes d’avantages sociaux collectifs pour ses conducteurs indique que ces derniers sont des employés de Dynamex. Je ne connais aucun client assumant les frais des régimes médical et dentaire pour les entrepreneurs indépendants qu’il embauche.

[40]          Voir Fedex Ground Package System, précitée.

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