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Dossier : 2009-944(IT)I

ENTRE :

ABDELAZIZ BENSOUILAH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 26 août 2009, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l'appelant :

Nabil Warda

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2009.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


 

 

 

Référence : 2009 CCI 440

Date : 20091007

Dossier : 2009-944(IT)I

ENTRE :

ABDELAZIZ BENSOUILAH,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]              L'appelant interjette appel de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 8 juillet 2008 pour les années d'imposition 2001, 2002 et 2003, cotisations qui furent confirmées le 27 février 2009. L'appelant s'est vu ajouter à ses revenus les montants de 45 420 $ pour 2001, de 46  064 $ pour 2002 et de 41 110 $ pour 2003 et s'est vu en outre imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») relativement aux revenus ajoutés. Le ministre a aussi déterminé qu'il était en droit d'établir des nouvelles cotisations à l'extérieur de la période normale de nouvelle cotisation pour les années d'imposition 2001 et 2002. Le ministre a aussi ajouté un gain en capital imposable de 6 187 $ pour l'année 2001 et d'autres revenus de 4 221 $ pour l'année 2003.

 

[2]              Dans l'avis d'appel, le représentant de l'appelant a simplement allégué, sous la rubrique «  motifs de l'appel », que les cotisations n'étaient pas « conformes en faits et en droit ». L'intimée, dans sa réponse, a soulevé les questions de la prescription, des pénalités et du refus du ministre d'accorder à l'appelant un crédit d'impôt pour emploi à l'étranger. L'intimée s'est fiée aux motifs que l'appelant avait invoqués au stade des oppositions.

 

[3]              Le représentant de l'appelant a fait savoir quelques semaines avant l'audience, dans une conversation téléphonique avec l'avocat de l'intimée, qu'il avait l'intention de soulever le fait que l'appelant n'était pas un résident du Canada durant les années en litige, et qu'il réclamerait de nouvelles déductions, le cas échéant. Le représentant de l'appelant n'a cependant pas modifié son avis d'appel avant la tenue de l'audience et c'est finalement avec la permission de la Cour que les nouveaux motifs ont pu être invoqués.

 

[4]              Le représentant de l'appelant a aussi informé la Cour qu'il abandonnait son moyen selon lequel son client avait droit au crédit d'impôt pour emploi à l'étranger.

 

[5]              La vérification, dans cette affaire, a été effectuée par des vérificateurs de Revenu Québec. Le dossier de l'appelant a été sélectionné dans le cadre du projet organisationnel visant à contrer l'évasion fiscale, soit, plus précisément, le projet « Indices de richesse ». Cette vérification reposait sur l'utilisation de la méthode des flux de trésorerie pour déterminer les revenus non déclarés au cours de chacune des années vérifiées. Selon le rapport du vérificateur, cette méthode, tout comme celle de l'avoir net, permet de constater les variations dans le patrimoine du contribuable ainsi que ses frais de consommation.

 

[6]              L'appelant a fait une déclaration de revenus chaque année depuis son arrivée au Canada en juillet 1995, et ce, jusqu'à 2008. Les déclarations de revenus pour les trois années en litige ont été produites électroniquement et aucun revenu n'a été déclaré. Dans toutes ses déclarations de revenus, l'appelant s'est dit résident du Canada. En effet, il a indiqué le Québec comme sa province de résidence et a mis comme son adresse celle de sa résidence au Québec. La cotisation initiale pour l'année 2001 est en date du 25 mars 2002, celle de 2002 est en date du 23 avril 2003 et celle de 2003 est en date du 25 mars 2004.

 

[7]              La vérification a permis d'établir un écart assez substantiel entre les revenus déclarés et les flux de trésorerie. On a donc communiqué avec le contribuable et, grâce à l'information obtenue, il a été possible pour le vérificateur d'établir le salaire que gagnait l'appelant en Arabie Saoudite. À la suite de l'opposition de l'appelant, le vérificateur a aussi découvert que l'appelant n'avait pas ajouté à ses revenus un gain en capital réalisé durant l'année d'imposition 2001.

 

[8]              Les cotisations ont donc été établies en fonction du fait que l'appelant n'avait pas déclaré ses revenus d'emploi à l'étranger pendant les trois années en litige. L'appelant a réglé son dossier avec Revenu Québec quoique malgré les revenus d'emploi ajoutés, il y eût toujours un écart non expliqué.

 

[9]              Tel qu'il a déjà été mentionné, l'appelant a immigré au Canada en juillet 1995; il était accompagné de son épouse et de leurs trois enfants. Ils occupaient un appartement à l'époque, mais, en juin 2000, l'appelant a fait l'acquisition d'une maison. Il a obtenu sa citoyenneté canadienne en juin 2000. Ne pouvant pas obtenir un emploi convenable, il est retourné en Arabie Saoudite en octobre 2000 pour y travailler. Son salaire a varié entre 40 000 $ CAN et 45 000 $ CAN par année. Son employeur déduisait de son salaire un loyer, une prime d'assurance-maladie, un paiement de voiture et une contribution volontaire au Zakat. L'appelant se gardait un peu d'argent; le reste était transféré au compte en banque au Canada et devait servir à subvenir aux besoins de sa famille. Les sommes ainsi transférées étaient d'environ 37 000 $ en 2001, 38 000 $ en 2002 et 34 000 $ en 2003. Les relevés bancaires ont d'ailleurs été déposés en preuve.

 

[10]         L'appelant, durant les années en litige, avait droit à 30 jours de vacances par année et il venait les passer au Canada avec sa famille. En Arabie Saoudite, il a fait l'achat d'une voiture et possède un permis de conduire de l'endroit. Quoiqu'il possède la carte d'assurance maladie du Québec, il dit ne l'avoir jamais utilisée De son côté, son épouse ne travaille pas et n'a pas eu de revenu durant les trois années en litige. L'appelant a un passeport canadien et un passeport saoudien.

 

[11]         Durant les années en litige, l'appelant et son épouse avaient un compte en banque conjoint au Canada. Il possédait aussi au Canada une automobile relativement à laquelle il payait des mensualités de 500 $ durant les trois années en litige. Il payait également un 318 $ par mois pour l'automobile de sa fille. En outre, il a remboursé un prêt bancaire qui a servi à la construction d'une piscine à sa maison de Montréal. En 2004, l'appelant a vendu sa résidence et en a acheté une autre, toujours dans la région de Montréal.

 

[12]         Les déclarations de revenus pour les trois années en litige ont été confiées à H & R Block. L'appelant avait mandaté son épouse pour voir à faire préparer les déclarations. Quant à la question de savoir s'il devait déclarer ses revenus d'emploi provenant de l'Arabie Saoudite, l'appelant a témoigné qu'il ne croyait pas normal de déclarer ce revenu et qu'il pensait donc ne pas avoir à le déclarer.

 

[13]         Au stade de la vérification et par après, l'appelant était représenté par un comptable. Ce dernier a négocié un règlement avec Revenu Québec. Sur la question de savoir s'il était résident du Canada ou non, l'appelant a témoigné avoir dit au comptable qu'il n'était pas un résident canadien. Il n'y a rien, cependant, dans toute la documentation, qui indique que cette question ait été soulevée, à quelque moment que ce soit à quelque stade que ce soit, auprès de Revenu Québec ou de l'Agence du Revenu du Canada. Elle n'a pas non plus été soulevée verbalement, selon les témoins de l'intimée.

 

[14]         Pour les années d'imposition postérieures à celles qui sont en cause, l'appelant a déclaré ses revenus provenant de l'Arabie Saoudite et a indiqué être un résident de la province du Québec sur ses déclarations de revenus. Il a aussi demandé le crédit de taxe sur les produits et services. Il a déclaré que c'est son comptable qui lui a dit de faire ainsi. L'appelant a lui-même signé ses déclarations de revenu pour 2004, 2005 et 2006 et elles ont toutes été préparées en même temps. Quant au règlement intervenu avec Revenu Québec, l'appelant avait consenti à régler le tout, mais il avait l'impression qu'il n'aurait pas à payer plus de 8 000 $ d'impôt, ce qui n'a pas été le cas, toutefois. De son côté, l'épouse de l'appelant admet ne pas avoir demandé à leur comptable de faire valoir le statut de non-résident auprès des autorités fiscales et dit que cette question n'a jamais été soulevée au stade des oppositions.

 

[15]         Il s'agit de déterminer, en premier lieu, si l'appelant était un résident du Canada durant les trois années d'imposition en litige. Il est prévu au paragraphe 2(1) de la Loi qu'un impôt sur le revenu doit être payé, ainsi que le prévoit la Loi, pour chaque année d'imposition, sur le revenu imposable de toute personne résidant au Canada à un moment donné au cours de l'année. Le paragraphe 250(3) nous dit que la mention d'une personne résidant au Canada vise aussi une personne qui, au moment considéré, résidait habituellement au Canada.

 

[16]         L'arrêt le plus cité, lorsqu'il s'agit de déterminer le lieu de résidence d'un contribuable, est Thomson v. Canada, [1946] C.T.C. 51, rendu par la Cour suprême du Canada. Dans cet arrêt, le juge Rand a formulé les conclusions suivantes aux pages 63 et 64:

 

[TRADUCTION]

 

L'établissement de degrés concernant le temps, l'objet, l'intention, la continuité et d'autres circonstances pertinentes montre, je pense, qu'en langage ordinaire le mot "résider" ne correspond pas à des éléments invariables devant tous être présents dans chaque cas. Il est tout à fait impossible d'en donner une définition précise et exhaustive. C'est un mot très souple dont les nombreuses nuances de sens varient non seulement selon le contexte de diverses causes, mais aussi selon différents aspects de la même cause. Dans un cas, certains éléments seront suffisants et, dans un autre cas, des éléments supplémentaires devront être présents.

 

L'expression "résident habituel" véhicule un sens restreint et, bien que la première impression soit que le facteur temps est prépondérant, les décisions portant sur la loi anglaise rejettent ce point de vue. Il a été statué que le fait d'être "résident habituel" d'un lieu s'inscrit dans le mode de vie habituel de la personne concernée et est différent du fait de résider exceptionnellement ou occasionnellement à un endroit. Le mode de vie général est donc pertinent quant à l'application de cette expression.

 

Aux fins des lois en matière d'impôt sur le revenu, il faut présumer que toute personne a une résidence en tout temps. Il n'est pas nécessaire que ce soit une maison, un lieu d'habitation particulier ou même un abri. Une personne peut coucher en plein air. Il importe seulement de déterminer les limites spatiales dans lesquelles une personne passe sa vie ou auxquelles est lié le mode de vie coutumier d'une personne. La meilleure façon de déterminer la résidence habituelle est de la comparer avec une résidence occasionnelle ou fortuite. Dans ce dernier cas, il semble nettement s'agir d'une résidence temporaire et exceptionnelle, ayant également une connotation transitoire avant le retour.

 

Toutefois, dans les diverses situations où il est question de résidence "permanente", "temporaire", "habituelle", "principale", etc., les adjectifs utilisés ne changent rien au fait qu'il s'agit dans tous les cas d'une résidence; cette qualité tient principalement au degré auquel une personne s'installe mentalement et en fait à un endroit ou y maintient ou y centralise son mode de vie habituel, y compris les relations sociales, les intérêts et les commodités. Une résidence peut être limitée dans le temps dès le départ ou peut être indéfinie ou considérée comme illimitée. Secondairement, les diverses sortes de résidences doivent être distinguées des lieux de "séjour" ou de "visite", tout comme c'est le cas à mon avis dans le langage ordinaire.

 

[17]         Cette question a été examinée dans plusieurs décisions de notre Cour et de la Cour d'appel fédérale. Sa résolution est principalement une question de faits. Juge Lamarre, dans l'affaire Gaudreau c. Canada, [2004] A.C.I. no 637 (QL), aux paragraphes 24 et 25, présente, à mon avis, un bon résumé de certains des facteurs que la Cour doit considérer:

 

24 Par conséquent, comme l'a laissé entendre l'avocat de l'appelant, la question consiste à déterminer où, durant la période en cause, l'appelant habitait, dans sa vie de tous les jours, d'une manière régulière, normale ou habituelle. Il faut examiner le point jusqu'auquel l'appelant s'est établi en pensée et en fait ou a conservé ou centralisé son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question.

 

25 Cette question relève principalement des faits. Dans la décision The Queen v. Reeder, 75 DTC 5160 (C.F., 1ère inst.), invoquée par l'appelant, la Cour fédérale a énuméré certains facteurs jugés importants pour trancher la question de la résidence en matière fiscale, à la page 5163 :

 

Ces éléments sont notamment :

 

a.       le genre de vie passé ou présent;

b.      la régularité et la durée des séjours dans le ressort de la juridiction de la résidence;

c.       les liens dans le ressort de cette juridiction;

d.      les liens en d'autres lieux;

e.       le caractère permanent ou autre des séjours à l'étranger.

 

La question des liens dans le ressort de la juridiction de résidence et en d'autres lieux englobe toute la gamme des rapports et des engagements d'une personne : biens et placements, emploi, famille, affaires, liens culturels et mondains en sont des exemples. Tous les éléments ne seront pas retenus dans chaque cas. Ils doivent être considérés à la lumière du postulat que chacun doit avoir une résidence fiscale et qu'un individu peut avoir simultanément plus d'une résidence du point de vue fiscal.

 

[18]         Je crois qu'il est important aussi de citer deux autres passages de sa décision, où elle reprend les propos qu'a tenus le juge Rip dans la décision Snow c. Canada, [2004] T.C.J. no 267 (QL). Ces passages sont les paragraphes 30 et 32:

 

30 Comme l'a déclaré le juge Rip récemment dans la décision Snow v. Canada, [2004] T.C.J. no 267 (Q.L.), au paragraphe 18 :

 

Une personne peut être résidente de plus d'un pays à des fins fiscales. La nature de la vie d'une personne et la fréquence à laquelle elle vient au Canada sont des facteurs importants à prendre en compte pour décider du lieu de sa résidence [voir la note 2 ci-dessous]. Les termes "résidait habituellement" employés au paragraphe 250(3) renvoient au lieu où, dans sa vie de tous les jours, la personne habite d'une manière normale ou habituelle [voir la note 3 ci-dessous]. L'intention d'un contribuable, même si elle est manifestement pertinente pour déterminer quelle est sa "vie de tous les jours", ne permet pas à elle seule de trancher l'affaire [voir la note 4 ci-dessous]. L'absence temporaire d'une personne du Canada n'entraîne pas nécessairement la perte de la résidence canadienne si le ménage familial demeure au Canada ou même, éventuellement, si des liens personnels ou commerciaux étroits sont maintenus au Canada.

 

[...]

 

32 Il est clair à la lumière du contrat de travail que l'appelant a reçu une affectation en Égypte pour laquelle il a même touché une prime à l'expatriation pendant toute la durée de son contrat. Le contrat prévoyait le transport par avion entre le lieu d'origine de l'appelant et son lieu de travail. L'appelant a conservé tous ses biens au Canada et, avant de quitter le territoire canadien, a pris tous les arrangements nécessaires afin que quelqu'un s'occupe de ces biens. Lorsqu'il a accepté son affectation en Égypte, son but n'était pas de rompre ses liens avec le Canada, mais principalement de gagner sa vie. L'appelant a accepté de se rendre en Égypte en vertu d'un contrat et n'a pas rompu ses liens avec le Canada. Il n'a pas abandonné, en pensée et en fait, son mode de vie habituel au Canada. De fait, la maison de Timmins est restée en tout temps disponible comme lieu où il pouvait vivre habituellement. Pour reprendre les termes du juge Rand dans l'arrêt Thomson, l'appelant et son épouse ont conservé leur mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au Canada. Si je peux établir une distinction entre le présent dossier et l'affaire Boston, je soulignerai que la durée du contrat ici était beaucoup plus courte et que l'appelant en l'espèce n'a pas montré qu'il était devenu actif dans la collectivité dans laquelle il vivait en Égypte. Il ne s'y trouvait que pour travailler. Finalement, la décision Boston a été prise en considération, mais n'a pas été suivie dans la décision McFadyen, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale.

 

[19]         Cela étant dit et comme le disait la juge Sheridan dans l'affaire Mullen c. Canada, [2008] A.C.I. no 224 (QL), ces décisions font comprendre qu'il n'est pas facile de cesser d'être un résident du Canada. En ce qui concerne la question en litige en l'espèce, il y a certains facteurs qui militent en faveur de l'appelant. Il a un passeport saoudien; il a un permis de conduire saoudien et une voiture en Arabie Saoudite, où il passe onze mois de l'année; il a une assurance-maladie et un emploi permanent dans ce pays. Est-ce que cela est suffisant pour me permettre de conclure que l'appelant n'a plus de liens économiques et personnels avec le Canada ou que ces liens sont suffisamment affaiblis pour qu'il ne soit plus un résident du Canada?

 

[20]         L'appelant en l'espèce a immigré au Canada avec sa conjointe et leurs trois enfants en 1995 dans le but de s'y installer de façon permanente. Étant incapable de se trouver un emploi convenable et devant subvenir aux besoins de sa famille, l'appelant est retourné en Arabie Saoudite en octobre 2000 pour y prendre un emploi. Il a occupé cet emploi durant les trois années en litige.

 

[21]         Malgré cette absence du Canada, il devient difficile de conclure que le mode de vie de l'appelant n'a pas continué d'être centralisé au Canada. Non seulement sa famille est demeurée au Canada en tout temps, mais l'appelant a conservé et maintenu au Canada une résidence qu'il a par la suite vendue pour en acheter une autre. Il y a fait construire une piscine durant les années en litige après avoir fait un emprunt à cette fin.

 

[22]         L'appelant, durant les années en litige, avait un compte en banque conjoint avec son épouse dans lequel il déposait la presque totalité de ses revenus d'emploi provenant de l'Arabie Saoudite, qui servait à ses propres besoins et à ceux de sa famille, notamment au remboursement du prêt pour la voiture qu'il avait au Canada, du prêt pour la piscine et du prêt pour la voiture de sa fille. L'appelant avait toujours une adresse postale au Canada et s'est toujours déclaré résident du Canada dans toutes ses déclarations de revenus. Il utilise son passeport canadien et conserve sa carte d'assurance-maladie du Québec, même s'il ne l'a pas utilisé. À mon sens, l'appelant n'a jamais rompu ses liens avec le Canada ni n'a jamais eu l'intention de le faire. Son retour en Arabie Saoudite se voulait principalement un moyen de gagner sa vie et de subvenir aux besoins de sa famille. Il n'y était que pour travailler. Il n'a donc pas abandonné, en pensée ou en fait, son mode de vie habituel au Canada. L'appelant résidait donc habituellement au Canada durant les années en litige.

 

[23]         Est-ce-que les années 2001 et 2001 sont prescrites parce que les cotisations y relatives ont été établies en dehors de la période normale de cotisation? Il est permis au ministre d'établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation s'il fait la preuve que le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire; c'est ce que prévoit le sous-alinéa 152(4)a)i) de la Loi.

 

[24]         L'objectif visé par le paragraphe 152(4) a été résumé par le juge Strayer de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Nesbitt c. Canada, [1996] A.C.F. no 1470 (QL), au paragraphe 8:

 

[...]

 

Il me semble que l'un des objets du paragraphe 152(4) est de favoriser l'établissement soigné et exact des déclarations de revenus. C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l'erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que le ministre ne trouve pas l'erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l'établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là.

 

[25]         L'appelant est au Canada depuis 1995. Il produit des déclarations de revenus depuis son arrivée. Il est informaticien de formation. Sa conjointe, à qui il a confié le mandat de faire préparer ses déclarations de revenus, détient une maîtrise en linguistique. Elle a confié à H & R Block le soin de préparer les déclarations de revenus pour les trois années en litige. Selon l'appelant, il ne croyait pas normal de déclarer ses revenus gagnés en Arabie Saoudite. La preuve ne révèle pas la source de cette opinion ni ne révèle si l'appelant ou sa conjointe ont consulté un conseiller en fiscalité avant de décider de ne pas déclarer ces revenus. Il est certain, selon la preuve, que la question de résidence n'a pas été un facteur puisque la question n'a en fait été soulevée que quelques semaines avant l'audience. D'ailleurs, la conjointe de l'appelant a reconnu en contre-interrogatoire n'avoir jamais mandaté leur représentant pour soulever la question de résidence au stade des oppositions et des négociations avec les représentants de Revenu Québec et de l'Agence du Revenu du Canada.

 

[26]         Il ne fait aucun doute qu'il y a eu en l'espèce une présentation erronée des faits dans les déclarations de revenus de 2001 et 2002 et que cette présentation erronée a été faite par négligence ou inattention lorsque les déclarations ont été faites. L'appelant ne s'est pas informé et a choisi tout simplement de ne pas déclarer son revenu provenant de son emploi en Arabie Saoudite parce qu'il ne trouvait pas normal d'avoir à déclarer ce revenu. Une déclaration de revenus doit être préparée avec attention et soin de manière à respecter le caractère « autodéclaratif » du système fiscal. Le ministre s'est donc acquitté de son fardeau de la preuve et cela justifie en conséquence l'établissement de nouvelles cotisations pour 2001 et 2002 en dehors de la période normale de cotisation.

 

[27]         Le ministre a aussi imposé à l'appelant, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, des pénalités relatives aux revenus non déclarés pour les trois années en litige. Ce paragraphe est rédigé comme suit:

 

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

 

[...]

 

[28]         Il incombe donc au ministre de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission, ou a participé, consenti ou acquiescé à un tel faux énoncé ou à une telle omission, dans les déclarations de revenus pour les trois années en litige. Selon l'arrêt Venne c. Canada (M.R.N.), [1984] A.C.F. no 314 (QL), le ministre doit prouver l'existence d'un degré important de négligence qui correspond à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

 

[29]         Ce qui ressort clairement de la preuve, contrairement à ce que prétend l'appelant, c'est qu'il n'a jamais été question au cours des trois années en litige, ni au stade des oppositions, des négociations et du règlement avec Revenu Québec, que l'appelant n'eût pas à déclarer le revenu tiré de son emploi en Arabie Saoudite au motif qu'il n'était plus un résident du Canada. Selon la preuve entendue, l'appelant n'a pas déclaré ce revenu pour la simple raison qu'il ne croyait pas normal de le déclarer. En fait, dans toutes ses déclarations de revenus depuis 1995 jusqu'à 2006, l'appelant indique qu'il est résident du Canada, plus précisément du Québec, et donne son adresse à Montréal. Il ne pouvait ni croire ni penser que c'est un statut de non-résident qui justifiait le fait qu'il n'a pas déclaré ses revenus durant les trois années en litige. Simplement croire qu'il n'est pas normal de déclarer son revenu, comme l'appelant dit croire en l'espèce, constitue, à mon avis, une indifférence au respect de la Loi. Le ministre s'est acquitté de son fardeau de la preuve et je suis convaincu que l'appelant a fait sciemment un faux énoncé dans ses déclarations de revenus pour les trois années en litige.

 

[30]         Le représentant de l'appelant demande certaines déductions additionnelles de même que des crédits d'impôt non réclamés par l'appelant. Il devra soumettre à l'Agence ces modifications à ses déclarations de revenus afin que leur traitement suive son cours normal.

 

[31]         Les appels sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'octobre 2009.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 440

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2009-944(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Abdelaziz Bensouilah et Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 26 août 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 7 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelant :

Nabil Warda

Avocat de l'intimée :

Me Dany Leduc

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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