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Dossier : 2007-516(IT)I

ENTRE :

DANIEL ROCHELEAU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 6 février 2008, à Shawinigan (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Gaston Jorré

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2002 est accueilli, sans frais, selon les motifs du jugement ci‑joints, et l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que le montant de la perte en capital est de 25 500 $, et non de 25 000 $.

 

          Il est ordonné que le droit de dépôt de 100 $ soit remboursé à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'octobre 2009.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


 

 

 

Référence : 2009 CCI 484

Date : 20091002

Dossier : 2007-516(IT)I

ENTRE :

DANIEL ROCHELEAU,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Jorré

 

[1]              En août 1999, l’appelant a signé deux contrats avec la société Canada Russia Lottery Inc. (voir les pièces A-1 et A-2).

 

[2]              Le premier contrat dit que l’appelant « […] achète du Vendeur une licence d’exploitation de loterie […] » à St-Pétersbourg, en Fédération de Russie, pour 12 750 $ comptant. Toutefois, quand on examine les clauses de ce contrat, on constate que l’appelant va recevoir pendant 10 ans 5,5 % des revenus bruts d’un terminal de loterie qui sera installé à St‑Pétersbourg à un endroit déterminé par la société. Cette dernière s’occupe de toute l’installation, de l’exploitation et du financement. L’appelant ne fait que payer 12 750 $.

 

[3]              Le deuxième contrat, qui est annexé au premier, dit que l’appelant « […] achète du Vendeur un emplacement garanti pour son terminal ou sa licence, à l’intérieur d’un kiosque installé dans une station de métro […] » de St‑Pétersbourg pour la somme de 12 750 $.

 

[4]              L’appelant a payé 25 500 $ en août 1999. Ce paiement constitue son seul apport.

 

[5]              Il a reçu des rapports de temps en temps et aussi un montant de 100 $ à quatre reprises de la part de la société. Tout le projet a échoué en 2002.

 

[6]              Dans sa déclaration de revenus de 2002, l’appelant a réclamé une perte d’entreprise de 25 000 $ relative à ces contrats.

 

[7]              Le ministre du Revenu national n’était pas d’accord et a refusé la perte d’entreprise, mais a reconnu, par contre, une perte en capital déductible de 12 500 $.

 

[8]              La question est donc de savoir s’il s’agit d’une perte d’entreprise ou d’une perte en capital.

 

[9]              L’appelant prétend qu’il a acquis une licence qui constitue un bien amortissable de catégorie 14 selon l’annexe II du Règlement de l’impôt sur le revenu. La catégorie 14 s’applique à « […] un brevet, une concession ou un permis de durée limitée à l’égard des biens, sauf […] ». L’appelant prétend aussi qu’en conséquence, en vertu du paragraphe 20(16) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), il peut réclamer une perte finale.

 

[10]         Subsidiairement, l’appelant prétend qu’il s’agit d’une dépense en capital admissible.

 

[11]         En anglais, la catégorie 14 parle de « […] patent, franchise, concession or licence for a limited period in respect of property, except […] ».

 

[12]         Les parties ont cité le bulletin d’interprétation IT-477 et, en particulier, le paragraphe 11 :

 

11. Les termes « concessions ou permis » ne sont pas faciles à définir. En règle générale, on doit leur attribuer le sens que leur donnent normalement les hommes d'affaires du continent. Ce sens peut s'étendre non seulement à certains genres de droits, de privilèges ou de monopoles conférés en vertu de lois ou par certaines autorités gouvernementales, mais également à des droits, des privilèges ou des autorisations analogues créés en vertu de contrats conclus entre des parties du secteur privé. Encore une fois, ces termes sont généralement employés pour désigner certains droits, privilèges ou monopoles qui permettent au détenteur de la concession ou du permis d'exploiter son entreprise ou de tirer un revenu de biens ou de lui faciliter ce travail. Leur sens ne s'étend pas à un contrat en vertu duquel une personne a droit d'être rémunérée pour l'exécution de services précis ni à une entente conclue en vue d'interdire la concurrence, pour un temps limité.

[Je souligne.]

 

[13]         De quoi s’agit-il ici? Le fait que le premier contrat qualifie la transaction d’achat de « licence d’exploitation de loterie » ne détermine pas la nature du contrat. Il faut regarder les obligations qu’ont les parties en vertu du contrat.

 

[14]         Il faut regarder simultanément le deuxième contrat relatif à l’emplacement garanti, car les deux contrats forment un tout.

 

[15]         Quand on examine le tout, il est évident que l’appelant n’exploite aucune entreprise. Il s’agit de contrats où l’appelant amène un apport financier de 25 500 $ au total et, en contrepartie, Canada Russia Lottery Inc. doit verser à l’appelant  5,5 % des revenus bruts de l’exploitation d’un terminal de loterie à St‑Pétersbourg pendant 10 ans. C’est la société qui doit exploiter le terminal. Il ne s’agit aucunement de l’acquisition d’un permis ou d’une concession qui permet d’exploiter une entreprise. L’appelant a tout simplement obtenu le droit de recevoir certains revenus possibles.

 

[16]         Il ne s’agit pas non plus d’un droit qui permet à l’appelant de tirer un revenu d’un bien comme, par exemple, cela serait le cas s’il était propriétaire du terminal et s’il payait la ville de St-Pétersbourg pour le droit d’exploiter le terminal. Il s’agit simplement dans ces contrats de la rémunération d’un apport de financement.

 

[17]         Il s’agit ni de brevet, ni de concession[1], ni de permis[2],[3].

 

[18]         Quant à l’argument subsidiaire, une des conditions nécessaires pour qu’il puisse s’agir de dépense en capital admissible est que cette dépense doit être engagée en vue de tirer un revenu d’entreprise[4].

 

[19]         Par contre, dans ce cas, vu que l’appelant ne fait que fournir un apport en capital, il ne peut s’agir d’un revenu d’entreprise. Il s’agit d’un revenu tiré d’un bien.

 

[20]         Cela ne peut constituer une dépense en capital admissible.

 

[21]         Je regrette de devoir rejeter l’essentiel de l’appel.

 

[22]         Toutefois, l’appel sera accueilli pour faire une correction mineure. Bien que le ministre eût raison de qualifier la perte en question de perte en capital, le montant de la perte doit être établi à 25 500 $, et non à 25 000 $.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d'octobre 2009.

 

 

 

« Gaston Jorré »

Juge Jorré

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 484

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-516(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DANIEL ROCHELEAU c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Shawinigan (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 6 février 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 2 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

 

Avocate de l'intimée :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] Le Dictionnaire de droit québécois et canadien (REID, Hubert, 3e édition, Wilson & Lafleur, Montréal, 2004) définit « concession » de la façon suivante :

n.f. 1. Contrat par lequel un commerçant, appelé concessionnaire, obtient le droit d’assurer en exclusivité, sur un territoire et pour une période déterminés, la vente ou la distribution de produits qu’il achète d’un fabricant, appelé le concédant. […]

2. Contrat par lequel l’Administration, appelée le concédant, confie à une personne, appelée le concessionnaire, le soin d’assurer à ses frais le fonctionnement d’un service public moyennant le droit de percevoir  une redevance de la part des usagers. […]

[2] Le Dictionnaire de droit québécois et canadien (REID, Hubert, 3e édition, Wilson & Lafleur, Montréal, 2004) définit  ainsi « permis » :

n.m. 1. Autorisation accordée à une personne par une autorité compétente d’accomplir un acte, d’exercer une activité. Ex. Un permis de construire. […]

2. Par extension, le document attestant l’autorisation accordée. Ex. Un permis de conduire. […]

[3] Le mot anglais « licence » est défini dans The dictionary of Canadian law (DUKELOW, Daphne A., 3e édition, Thomson Carswell, Toronto, 2004) comme suit :

n. 1. The permission given to do something which would otherwise be unlawful.

2. A permit, certificate, approval, registration or similar form of permission required by law.

3. An instrument issued conferring upon the holder the privilege of doing the things set forth in it, subject to the conditions, limitations and restrictions contained in it. […]

[4] Voir le début de la définition de « dépense en capital admissible » au paragraphe 14(5) de la LIR, avant l'alinéa a).

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