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Dossier : 2009-1083(EI)

 

ENTRE :

 

GILLIAN McKENZIE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 24 septembre 2009 à Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

Devant : L’honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimé :

Me Jill L. Chisholm

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

       

         L’appel de la décision rendue par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, portant que l’appelante n’a pas occupé un emploi assurable au cours de la période allant du 7 mai 2008 au 4 octobre 2008, est accueilli, et la décision est annulée. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

        Signé à Ottawa (Ontario), ce 29e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2009.

 

Sandra de Azevedo, LL.B.


 

 

Référence : 2009 CCI 481

Date : 20090929

Dossier : 2009-1083(EI)

ENTRE :

 

GILLIAN McKENZIE,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

 

[1]     L’appelante, Gillian McKenzie, interjette appel d’une décision du ministre du Revenu national concernant la question de savoir si l’emploi en cause était assurable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »). La période visée s’étend du 7 mai 2008 au 4 octobre 2008.

 

[2]     En 2006, l’appelante et ses parents ont acheté un restaurant en Nouvelle-Écosse appelé le Seaside Shanty. Le restaurant a été exploité par GCM Holdings Limited (« GCM »), société détenue à 100 % par l’appelante et ses parents.

 

[3]     Le restaurant est ouvert chaque année de mai à octobre. Les parents de l’appelante ne participent pas de façon régulière à l’exploitation de l’entreprise. L’appelante a travaillé à temps plein pour l’entreprise au cours de la période où le restaurant était ouvert, sauf la dernière semaine, où il n’y a pas eu beaucoup d’achalandage. L’appelante et sa mère ont toutes deux travaillé pendant quelques semaines avant que le restaurant ouvre pour la saison et après sa fermeture. Il s’agissait de travail préparatoire.

 

[4]     L’appelante et GCM sont des personnes liées pour l’application de la Loi. En conséquence, l’emploi de l’appelante n’est pas assurable à moins que les conditions d’emploi soient à peu près semblables à ce qu’elles seraient si l’appelante et GCM n’avaient pas de lien de dépendance.

        

[5]     Le ministre a statué que les conditions d’emploi n’étaient pas à peu près semblables à celles d’une relation sans lien de dépendance.

 

[6]     La question à trancher est celle de savoir si la décision du ministre était raisonnable.

 

[7]     Avant d’examiner cette question, je commenterai la démarche qu’il faut adopter dans une affaire comme celle-ci. La juge Campbell l’a décrite succinctement dans Porter c. M.R.N., 2005 CCI 364, au paragraphe 13 :

 

   En résumé, le rôle de la Cour consiste à vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre se fonde, à examiner tous les faits mis en preuve devant elle, notamment tout nouveau fait, et à décider ensuite si la décision du ministre paraît toujours « raisonnable » à la lumière des conclusions de fait tirées par la Cour. Elle doit accorder une certaine déférence au ministre dans le cadre de cet exercice.

 

Analyse

 

[8]     Il y a très peu de contestation quant aux faits. Je commencerai donc par reproduire les passages pertinents du paragraphe 5 de la réponse, qui décrit les hypothèses sur lesquelles le ministre s’est appuyé pour rendre sa décision :

 

         [traduction]                    […]

 

g)                  pendant la période visée par l’appel, l’appelante a été directrice de la salle à manger du restaurant (le « poste de directrice »);

 

h)                  pendant la période visée par l’appel, la payeuse a employé de 5 à 10 employés pour exercer des fonctions dans la salle à manger (le « personnel de la salle à manger »);

 

i)                    les fonctions afférentes au poste de directrice de l’appelante comprenaient la supervision du personnel de la salle à manger, l’achat d’aliments, la prestation de services d’hôtesse, le nettoyage, le lavage de vaisselle et la prestation de services au bar (les « fonctions »);

 

j)                    pendant la période visée par l’appel, l’appelante aurait passé en moyenne 50 heures par semaine pour accomplir ses fonctions;

 

k)                  dans le cadre du poste de directrice, l’appelante a exercé des fonctions en matière de comptabilité (les « fonctions de directrice »);

 

l)                    l’appelante a passé environ deux heures par semaine à exécuter les fonctions de directrice;

 

m)                l’appelante n’a pas été rémunérée pour exercer les fonctions de directrice;

 

n)                  le salaire de l’appelante était de 650 $ par semaine, indépendamment du nombre d’heures qu’elle travaillait;

 

o)                  mis à part l’appelante, tous les membres du personnel au restaurant étaient payés à l’heure;

 

p)                  lorsque l’appelante n’exerçait pas les fonctions, les membres du personnel de la salle à manger se les répartissaient;

 

q)                  le personnel de la salle à manger n’a pas été rémunéré pour exercer les fonctions normalement exercées par l’appelante;

 

r)                   le restaurant avait un directeur distinct pour la cuisine (le « directeur de la cuisine »);

 

s)                   le directeur de la cuisine était payé 12 $ l’heure travaillée;

 

t)                    mis à part l’appelante et le directeur de la cuisine, tous les membres du personnel au restaurant étaient payés entre 8 $ et 10 $ l’heure;

 

u)                  mis à part l’appelante, tous les membres du personnel au restaurant recevaient un salaire horaire supérieur à leur taux régulier s’ils travaillaient un jour férié;

 

v)                  en 2008, le restaurant a ouvert pour la saison le 7 mai 2008 ou vers cette date;

 

w)                avant la période visée par l’appel, l’appelante a passé environ 20 heures par semaine à exercer à la fois les fonctions et les fonctions de directrice;

 

x)                  l’appelante n’a touché aucune rémunération pour l’exercice des fonctions et des fonctions de directrice avant la période visée par l’appel;

 

y)                  avant la période visée par l’appel, l’appelante a aussi commandé les fournitures de bar pour le restaurant;

 

z)                   l’appelante n’a touché aucune rémunération pour le temps qu’elle a passé à commander les fournitures de bar pour le restaurant;

 

aa)               en 2008, le restaurant a fermé pour la saison le 12 octobre 2008;

 

bb)              l’appelante a perdu son poste de directrice le 4 octobre 2008;

 

cc)               le personnel de la salle à manger a continué à travailler pour la payeuse jusqu’à ce que le restaurant ferme pour la saison;

 

dd)              après la période visée par l’appel, l’appelante a continué à passer environ 20 heures par semaine à exercer les fonctions et les fonctions de directrice;

 

ee)               l’appelante n’a touché aucune rémunération pour les fonctions et les fonctions de directrice qu’elle a continué à exercer après la période visée par l’appel;

 

ff)                  la payeuse n’avait pas besoin que l’appelante exerce les fonctions.

 

[9]     Si les hypothèses susmentionnées étaient correctes et complètes, je n’aurais aucune hésitation à conclure que la décision du ministre était raisonnable. Elles ne rendent toutefois pas compte de l’ensemble de la situation. Les conditions d’emploi ressemblent beaucoup plus à celles d’une relation sans lien de dépendance que les hypothèses ne le laissent entendre.

        

[10]   Premièrement, aux alinéas w) et ee), le ministre a présumé que l’appelante avait travaillé avant et après la période en cause sans être rémunérée.

 

[11]   Ces hypothèses donnent l’impression que le travail était exécuté sans rémunération pendant une période indéfinie. Or, en fait, cette période a été assez limitée. Selon le témoignage de l’appelante, que j’admets, celle-ci a travaillé pendant environ deux semaines avant et après l’ouverture du restaurant chaque année pour accomplir des tâches de préparation. La mère de l’appelante, qui était aussi une actionnaire, a aidé à certains des préparatifs sans être payée.

 

[12]   Deuxièmement, aux alinéas k) et m), le ministre a présumé que l’appelante avait exercé des fonctions de tenue de la comptabilité en sa qualité de directrice et qu’elle n’avait pas été rémunérée pour ce travail.

 

[13]   Or, l’appelante a affirmé qu’elle touchait un montant fixe de 1500 $ par année pour la tenue de la comptabilité. Elle a affirmé qu’elle ne considérait pas que cela faisait partie de ses fonctions d’emploi, et que ce montant était égal à ce que le propriétaire précédant avait payé à un aide-comptable.

 

[14]   Bien que je puisse comprendre pourquoi l’appelante a conclu que la tenue de la comptabilité ne faisait pas partie de son emploi, il n’est pas raisonnable de départager les fonctions de l’appelante entre fonctions d’emploi et autres.

 

[15]   Cependant, cette question n’est pas déterminante puisque l’important, c’est que l’appelante a touché une rémunération raisonnable pour les fonctions de tenue de la comptabilité. Les conditions s’inspiraient de celles qu’avait fixées le propriétaire précédent. Je ne vois pas ce que l’appelante aurait pu faire de plus pour traiter sans lien de dépendance que de calquer les conditions fixées par le propriétaire précédant.

 

[16]   L’alinéa q) indique que le ministre a présumé que le personnel de la salle à manger n’avait pas été rémunéré pour exercer des fonctions normalement exercées par l’appelante.

 

[17]   Cette hypothèse a été réfutée. La plupart des membres du personnel n’avaient pas de lien de dépendance, et le taux horaire qui leur était payé était clairement suffisant pour justifier qu’ils assument les fonctions de l’appelante lorsque celle-ci était absente.

 

[18]   Aux termes de l’alinéa ff), le ministre a présumé que la payeuse n’avait pas besoin que l’appelante exerce les fonctions.

 

[19]   Je ne vois pas très bien quelle conclusion a été tirée de cette hypothèse. Si le ministre a présumé que les fonctions de l’appelante n’étaient pas importantes, le témoignage de l’appelante a clairement réfuté cette hypothèse.

 

[20]   En revanche, si le ministre a présumé que quelqu’un d’autre aurait pu exercer ces fonctions, cela serait exact. Un autre cadre pourrait être embauché pour effectuer ces tâches. Cependant, je ne crois pas que le travail était équivalent aux fonctions généralement exercées par le personnel de la salle à manger. Il est clair que le rôle de cadre de l’appelante devrait être rémunéré selon un barème différent. Tous les membres du personnel de la salle à manger participaient à l’accomplissement de différentes tâches, mais le rôle de cadre de l’appelante comportait beaucoup plus de responsabilités.

 

[21]   De manière générale, le ministre semble avoir considéré que les fonctions de cadre de l’appelante n’étaient pas essentielles à l’entreprise. Or, compte tenu des éléments de preuve présentés, je serais plutôt portée à croire que le rôle de l’appelante était très important pour le succès du restaurant. Pour ce qui est de savoir si le salaire payé à l’appelante était raisonnable, je n’ai aucune raison de croire qu’il ne l’était pas.

 

[22]   Il est vrai qu’il y a un facteur qui ne cadre pas avec une relation sans lien de dépendance, et c’est le fait que l’appelante a travaillé sans rémunération additionnelle pendant quelques semaines avant et après l’ouverture du restaurant.

 

[23]   Cependant, la période en cause à l’ouverture et à la fermeture a été brève. Le critère consiste à déterminer si l’emploi était « à peu près semblable » à un emploi sans lien de dépendance. Il ne serait pas raisonnable à mon avis de considérer que la relation de l’appelante ne satisfait pas au critère de l’alinéa 5(3)b) de la Loi du seul fait des fonctions d’ouverture et de fermeture. À presque tous les égards, l’emploi était sans lien de dépendance.

 

[24]   L’appel est accueilli, et la décision du ministre selon laquelle l’appelante n’a pas occupé un emploi assurable au cours de la période allant du 7 mai 2008 au 4 octobre 2008 est annulée.

 

[25]   Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

Signé à Ottawa, au Canada, ce 29e jour de septembre 2009.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de novembre 2009

 

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 481

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2009-1083(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              GILLIAN McKENZIE et

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 24 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 29 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Jill L. Chisholm

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                       

 

                             Nom :                    S/O

 

                            Cabinet :               

                                                           

      

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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