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Dossier : 2007-2621(EI)

ENTRE :

PAMELA BENOIT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LIONEL BENOIT,

intervenant.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 septembre 2009, à Miramichi (Nouveau-Brunswick).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocate de l'intimé :

Me Dominique Galant

Pour l'intervenant:

l'intervenant lui-même

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l'assurance‑emploi (LAE) est accueilli et la décision rendue par le ministre du Revenu national, pour la période du 1er novembre 2005 au 13 octobre 2006, est modifiée de la façon suivante : l'appelante occupait un emploi assurable auprès de Acadia Rebar Ltd. au cours de cette période, non exclu aux termes des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la LAE.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2009.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 455

Date : 20090914

Dossier : 2007-2621(EI)

ENTRE :

PAMELA BENOIT,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

LIONEL BENOIT,

intervenant.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]              Il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national (ministre), par laquelle il a été déterminé que l’appelante n’occupait pas un emploi assurable lorsqu’elle travaillait pour Acadia Rebar Ltd. (Acadia) au cours de la période du 1er novembre 2005 au 13 octobre 2006. Le ministre a déterminé que l’appelante avait un lien de dépendance avec Acadia au sens des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi sur l’assurance emploi (LAE). Ces dispositions législatives se lisent comme suit :

 

Sens de « emploi assurable »

 

5.

Restriction

 

(2) N’est pas un emploi assurable :

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

Personnes liées

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[2]              Les faits sur lesquels s’est fondé le ministre pour en arriver à sa conclusion sont reproduits au paragraphe 6 de la réponse à l’avis d’appel et se lisent comme suit :

 

6.      En prenant sa décision, l’intimé s’est basé sur les hypothèses de faits suivantes;

 

a)                  la payeuse [Acadia] est une personne morale dont le seul actionnaire était Lionel Benoît (« l’actionnaire »), le frère de l’appelante; [admis]

 

b)                  l’entreprise de la payeuse consistait de la construction d’armature d’acier, à St. Léolin, au Nouveau Bruswick; [admis]

 

c)                  l’entreprise de la payeuse était ouverte à l’année bien que les mois les plus occupés étaient de mai à octobre; [admis]

 

d)                  l’appelante avait été engagée à titre de secrétaire et teneuse de livres; [admis]

 

e)                  les tâches de l’appelante comprenaient : de préparer la paie des employés, de faire les remises des déductions à la source, de préparer les formulaires T4, de préparer les relevés d’emploi, de faire les entrées au logiciel de comptabilité, de préparer les factures et les dépôts bancaires, de répondre au téléphone et d’autres tâches reliées au travail de bureau; [admis]

 

f)                    l’appelante n’avait ni la formation ni l’expérience nécessaire dans ce domaine et pendant une période précédente, l’actionnaire et le comptable externe de la payeuse lui avaient fourni une formation sur place; [admis]

 

g)                  l’appelante travaillait au bureau de la payeuse, situé dans la résidence personnelle de l’actionnaire; [admis]

 

h)                  pendant la période en litige, pendant 13 semaines non-consécutives, l’appelante avait travaillé à plein temps, soit 5 jours et 45 heures la semaine (le « travail à plein temps »); [admis]

 

i)                    pendant la période en litige, pendant 20 semaines non-consécutives, l’appelante avait travaillé à temps partiel (le « travail à temps partiel »); [admis]

 

j)                    pour son travail à temps partiel, ses heures de travail étaient réduites à 5 heures la semaine et elle recevait un taux horaire de 10,00 $, y compris une indemnité de congés payés de 4%; [nié en partie]

 

k)                  pour le travail à plein temps la rémunération de l’appelante, au début de la période en litige et jusqu’à juillet 2006 était de 468,00 $ par semaine, y compris une indemnité de congés payés de 4%; [admis]

 

l)                    à partir de juillet 2006, la rémunération de l’appelante pour le travail à plein temps était de 718,00 $ par semaine, y compris l’indemnité de congés payés de 4%, soit une augmentation de 250,00 $ la semaine; [admis]

 

m)                l’appelante devait se déplacer en fonction de ses tâches afin de déposer les chèques de paie et de remboursement des dépenses des employés dans le compte bancaire de chaque employé, à deux institutions financières locales; [admis]

 

n)                  l’appelante devait aussi se déplacer, à l’occasion, pour faire les dépôts bancaires, payer des factures et faire d’autres emplettes pour la payeuse; [admis]

 

o)                  la plupart des déplacements de l’appelante étaient entre St. Léolin et Bathurst, Bas-Caraquet, St. Simon, Shippagan, Tracadie et Caraquet; [admis]

 

p)                  l’augmentation du taux hebdomadaire précisée au sous‑paragraphe 6 l) ci-dessus, était censément à titre d’allocation visée à défrayer les frais de déplacement de l’appelante; [nié]

 

q)                  l’appelante devait également se déplacer en fonction de ses tâches pendant les semaines de travail à temps partiel et pendant ses semaines de travail à temps partiel, elle ne recevait ni allocation ni remboursement pour ses frais de déplacements; [nié en partie]

 

r)                   le chèque de paie de l’appelante pour la semaine du 10 juillet 2006 a été utilisé pour payer une facture d’assurance de la payeuse; [nié]

 

s)                   l’appelante a déposé deux autres de ses chèques de paie directement au compte d’un créancier de la payeuse; [nié]

 

t)                    à une date non-précisée et avant la période en litige, l’appelante avait reçu un prêt personnel (le « Prêt ») de la payeuse; [admis]

 

u)                  pendant la période en litige, l’appelante a payé, par déductions salariales, la somme totale de 952,06 $ sur le Prêt, en 21 versements inégaux (les « versements »); [admis]

 

v)                  de ses 21 versements, 18 versements représentaient 100% de sa rémunération nette pendant des semaines de travail à temps partiel; [admis]

 

w)                pendant la période en litige, l’appelante n’était pas inscrite au registre de paie pendant 7 semaines et pendant ses 7 semaines, il y avait plus de 9 employés qui travaillaient pour la payeuse; [admis]

 

x)                  il n’y avait pas de concurrence entre le nombre d’heures que devait travailler l’appelante chaque semaine et le nombre d’autres employés engagés; [admis]

 

y)                  les autres employés étaient régis par une convention collective de travail et ils recevaient une indemnité de congés payés de 8%, ils étaient payés un taux horaire de 11,56 $ à 23,00 $ et ils recevaient des augmentations de salaire régulièrement, selon leur convention; [admis]

 

z)                   l’appelante n’a pas été mise à pied dû à un manque de travail. [nié]

 

[3]              L’appelante et son frère, Lionel Benoit le propriétaire d’Acadia, ont tous deux témoigné. L’appelante a expliqué que lorsqu’elle travaillait à temps partiel, ce pouvait être pour plus de 5 heures. Ceci est démontré par la copie du journal de paie, déposé en preuve sous la Pièce I-2, et repris dans un tableau préparé par l’agente des appels de l’Agence du revenu du Canada (ARC), madame Isabelle Gauthier (Pièce I-4). De ces documents, on remarque que l’appelante a toujours été rémunérée pour toutes ses heures de travail.

 

[4]              Au début, l’appelante recevait 10,00 $ de l’heure, sans aucune allocation pour ses déplacements pour son travail. Elle a mentionné qu’elle parcourait 92,6 km aller-retour, du bureau aux différents endroits où elle devait aller (dépôts des chèques des employés auprès de leurs institutions financières, remises de taxes au gouvernement, dépôts bancaires pour l’employeur), environ deux à trois fois par semaine. Elle s’est rendue compte, après un certain temps, que sa rémunération n’était pas assez élevée pour couvrir ses frais de déplacement pour l’employeur. À la mi-juillet 2006, son frère lui a alors proposé d’augmenter son salaire hebdomadaire de 250,00 $, afin de couvrir ces frais en plus d’une augmentation de salaire. Lionel Benoit a expliqué qu’il avait commencé à lui verser un salaire horaire de 10,00 $ au début de la période, le temps de voir si elle s’ajustait bien à son nouvel emploi.

 

[5]              Selon le relevé d’emploi produit sous la Pièce I-1, elle a travaillé pour Acadia du 20 juin 2005 au 22 octobre 2005, et recevait un salaire brut hebdomadaire de 468,00 $, pour 40 heures par semaine, soit un peu plus de 10,00 $ l’heure.

 

[6]              Le deuxième relevé d’emploi, produit également sous la Pièce I-1, indique qu’elle a recommencé à travailler le 1er novembre 2005 jusqu’au 13 octobre 2006. Selon les Pièces I-2 et I-4, elle a travaillé entre 5 et 10 heures par semaine du début janvier 2006 jusqu’au début du mois de juin 2006, à un tarif horaire de 10,00 $. Au cours de cette période, il y a 10 semaines où elle n’a pas du tout travaillé. À compter du 3 juin 2006, elle a recommencé à travailler à temps plein pour un salaire hebdomadaire de 468,00 $ jusqu’au 15 juillet 2006, date à laquelle son salaire a été augmenté à 728,00 $ par semaine pour des semaines de 42 à 45 heures de travail. Selon ces documents, il y aurait eu 4 semaines non-consécutives durant l’été au cours desquelles l’appelante n’aurait pas du tout travaillé, et une semaine où elle aurait travaillé 5 heures. Après sa mise à pied, elle aurait travaillé sept semaines non-consécutives, entre 5 et 11 heures par semaine, et ce, jusqu’à la fin décembre 2006, contre une rémunération horaire de 10,00 $.

 

[7]              L’appelante a expliqué qu’elle avait accepté d’aider son frère après sa mise à pied. Celui-ci a expliqué que son entreprise qui avait débuté avec des pertes de 32 000,00 $ en 1997 avait maintenant un chiffre d’affaires de 1,5 million $. Il a maintenant des contrats partout au Canada et au cours de la période en litige, il devait s’absenter régulièrement pour vérifier la bonne marche de tous ses chantiers. Il y avait plusieurs employés éparpillés non seulement dans la province, mais également à l’extérieur. Cela coûtait trop cher pour lui d’instaurer le système de dépôt direct pour les paies de ses employés. Aussi, il avait besoin de quelqu’un pour faire directement les dépôts des paies de ses employés à chacune de leurs institutions financières.

 

[8]              Comme lui-même voyageait de plus en plus, il avait besoin également d’une personne sur place, surtout quand il était absent, pour la tenue de livres, la facturation, les dépôts bancaires et les remises de taxes. C’est pourquoi il a demandé à sa sœur, l’appelante, si elle était intéressée à faire ce travail. Il a expliqué que les semaines où il était présent au siège social de l’entreprise, il pouvait aussi s’occuper lui‑même de faire ce travail.

 

[9]              L’agente des appels a également remarqué que l’appelante avait reçu des avances de l’employeur, qu’elle remboursait sporadiquement en déduisant le montant remboursé directement de sa paie. Monsieur Lionel Benoit a expliqué que ceci n’était pas un traitement de faveur pour sa sœur. Il a une trentaine d’employés et il fait également des avances à ces employés. Toutes ces avances sont faites par chèques et enregistrées aux livres de l’entreprise.

 

[10]         L’agente des appels avait aussi remarqué qu’un chèque de paie de l’appelante avait servi à payer un courtier d’assurances, du nom d’Assurance Chaleur Ltée (Pièce I-3, chèque du 2006-06-08). Madame Gauthier a vérifié auprès de ce courtier, lequel a confirmé avoir un compte avec Acadia. Toutefois, madame Gauthier n’a pas vérifié si l’appelante, elle-même, avait un compte également auprès de ce courtier. L’appelante a produit un certificat d’assurance qu’elle avait conservé pour son automobile personnelle, en vigueur du 24 mai 2008 au 24 mai 2009, auprès du courtier Assurance Chaleur Ltée (Pièce A-2). Elle a aussi montré en cour, son certificat d’assurance auprès du même courtier pour l’année en cours. Selon la Pièce A-2, la prime annuelle pour l’année 2008-2009 était de 870,00 $. Le montant du chèque auquel fait référence l’agente des appels est de 372,05 $ et a été payé au début du mois de juin 2006. Cette date correspond à deux semaines près à la date d’expiration de la police d’assurance soumise par l’appelante pour l’année 2008‑2009. À mon avis, cette preuve est suffisante pour démontrer selon toute prépondérance de probabilités, que l’appelante détenait une assurance avec le courtier Assurance Chaleur Ltée en 2006, et que son chèque de paie a servi à payer  en partie sa propre assurance et non celle de l’entreprise.

 

[11]         Par ailleurs, l’agente des appels avait également remarqué que l’appelante avait déposé l’un de ses chèques de paie directement auprès de l’institution CitiFinancial (Pièce I-3, chèque du 29-09-2006, pour un montant de 548,17 $). L’appelante a déposé en preuve un état de compte de prêt hypothécaire, billet et convention de sûreté sur un prêt personnel qu’elle a contracté auprès de la CitiFinancial le 04-07-2004 (Pièce A-1). Cela est suffisant pour démontrer que le chèque a été utilisé pour ses fins personnelles et non pour le compte de l’entreprise de son frère.

 

[12]         L’agente des appels a aussi souligné que l’appelante avait parfois l’autorisation de son frère de signer à sa place. L’appelante a expliqué qu’elle signait à la place de son frère, avec son autorisation, lorsqu’il y avait une urgence et qu’il était absent. Lionel Benoit a mentionné qu’il n’a pas une grande éducation (« un grade 9 » selon ce qu’il dit) et qu’il ne savait pas qu’il pouvait donner une procuration à l’appelante, à titre de secrétaire de l’entreprise, pour signer au nom de l’entreprise. Lionel Benoit a toutefois mentionné que c’est lui qui avait signé tous les chèques faits à l’ordre de l’appelante (Pièce I-3).

 

[13]         L’agente des appels a également considéré que la mise à pied était injustifiée, car en octobre 2006, il y avait 8 à 12 employés qui travaillaient encore pour l’entreprise. Lionel Benoit a expliqué qu’il revient toujours dans la région à cette époque de l’année puisque son fils commence sa saison de hockey. Comme il est présent, il accomplit lui‑même les tâches, bien qu’il demande quand même à l’appelante de travailler à temps partiel au besoin (surtout pour les entrées dans le livre de paie ou pour la facturation). Il arrivait que dans ces périodes, l’appelante fasse quelques déplacements pour l’entreprise. Il a expliqué que s’il y avait encore des chantiers en marche, il avait des contrôleurs et des « foreman » sur place.

 

[14]         L’avocate de l’intimé considère que le ministre était justifié de conclure que Acadia, l’employeur, n’aurait pas conclu un contrat de travail à peu près semblable avec l’appelante s’il n’y avait pas eu de lien de dépendance entre eux. L’avocate de l’intimé soulève particulièrement la question des avances qui auraient été faites à l’appelante et que celle-ci aurait remboursées en renonçant à la totalité de sa paie à plusieurs reprises, principalement lorsqu’elle travaillait à temps partiel pour Acadia.

 

[15]         L’avocate de l’intimé déplore le fait que l’appelante n’ait apporté aucune preuve des avances qui auraient été faites par Acadia. Elle suggère aussi que l’appelante aurait travaillé sans rémunération, sous le prétexte qu’elle remboursait des avances qu’elle ne peut prouver avoir reçues.

 

[16]         L’avocate de l’intimé soulève également la question du chèque de paie de l’appelante qui a été remis au courtier d’assurances avec lequel faisait affaires Acadia. Selon l’avocate de l’intimé, l’appelante n’a pas fait la preuve qu’elle avait une assurance personnelle avec le même courtier. J’ai déjà mentionné plus haut que j’acceptais la preuve de l’appelante sur ce point.

 

[17]         Par ailleurs, l’avocate de l’intimé souligne que l’appelante a bénéficié d’une augmentation considérable de salaire en juillet 2006, pour couvrir les frais de déplacement, alors qu’aucune étude n’a été faite sur les dépenses réelles des déplacements.

 

[18]         Sur ce dernier point, je suis d’avis que l’appelante a été précise sur le kilométrage parcouru dans le cadre de ses fonctions et qu’il était facile pour Lionel Benoit d’en déterminer le coût, compte tenu de la distance effectuée.

 

[19]         L’avocate de l’intimé soulève également le fait que l’appelante pouvait travailler moins d’heures, ou pas du tout, alors qu’il y avait toujours autant d’employés au service de l’entreprise.

 

[20]         Le rôle de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel d’une détermination du ministre sur les dispositions d’exclusion contenues aux paragraphes 5(2) et 5(3) de la LAE est de s’enquérir de tous les faits auprès des parties et les témoins appelés pour la première fois à s’expliquer sous serment et de se demander si la conclusion du ministre parait toujours raisonnable. Toutefois, la Cour ne doit pas substituer sa propre opinion à celle du ministre lorsqu’il n’y a pas de faits nouveaux et que rien ne permet de penser que les faits connus ont été mal perçus (Pérusse c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2000] A.C.F. no 310, paragraphe 15).

 

[21]         Dans le cas présent, l’agente des appels a indiqué dans son rapport et lors de son témoignage, que malgré beaucoup de bonne volonté, tant de son côté que de celui de Lionel Benoit, ce dernier n’avait pas eu la possibilité de donner sa version des faits. En effet, Lionel Benoit voyage beaucoup pour son entreprise et la communication par téléphone cellulaire ou par un téléphone public ne fût pas possible au moment où l’enquête se déroulait. L’audition de cet appel avait d’ailleurs déjà été ajournée pour permettre à Lionel Benoit, qui se trouvait alors sur un chantier en Alberta, de venir témoigner au procès de l’appelante. J’ai entendu son témoignage de même que celui de cette dernière. Même si Lionel Benoit est un homme d’affaires relativement prospère, qui crée des emplois utiles à l’économie de notre pays, il avoue humblement ne pas avoir beaucoup d’éducation (« grade 9 » comme il dit). C’est peut-être à cause de ce manque d’éducation que certains documents n’ont pas été rédigés (telles des ententes écrites prouvant les avances faites par son entreprise à ses employés) et qu’il a laissé sa sœur signer des chèques pour lui en cas d’urgence lorsqu’il était dans l’impossibilité de le faire lui-même. Il y a certainement quelques lacunes dans la preuve qu’aurait pu faire l’appelante. Ainsi, Lionel Benoit dit qu’il fait des avances régulièrement à ses employés qui en ont besoin, que ces avances sont faites par chèques, et qu’il inscrit sur ces chèques, qu’il s’agit d’une avance.

 

[22]         L’appelante n’a pas apporté de chèques indiquant qu’elle avait elle aussi bénéficié de certaines avances. Elle a remis une copie du livre de paie qui indique le remboursement de ces avances en diminution de sa paie. L’avocate de l’intimé suggère que ceci peut être une indication qu’elle travaillait sans être rémunérée.

 

[23]         J’ai trouvé l’appelante ainsi que son frère, Lionel Benoit, très crédibles. Ils ont tous deux expliqué, en toute bonne foi, les tâches de l’appelante et les raisons pour lesquelles elle travaillait un nombre inégal d’heures lorsqu’elle était à temps partiel. Elle a dit qu’elle n’avait jamais travaillé sans rémunération et je n’ai aucune raison de douter de ses propos. L’agente des appels a laissé entendre dans son témoignage qu’une tierce personne n’aurait pas été si dévouée envers Lionel Benoit. Je ne suis pas du même avis. Quiconque travaille pour une entreprise peut avoir le même sentiment de dévouement, surtout pour venir en aide à son patron qui lui procure ultimement son travail. Il s’agit d’une relation de confiance et de soutien mutuel très normale entre un employeur et un employé.

 

[24]         Lionel Benoit a donné sa version et a dit tout naturellement qu’il considérait tous ses employés de la même façon. Ainsi, il les accommodait en faisant en sorte que leurs chèques de paie soient versés directement dans leurs comptes de banque le jour de la paie, ce pourquoi l’appelante avait été engagée si monsieur Benoit ne pouvait le faire lui-même. Au même titre qu’il faisait des avances à ces autres employés, il en a fait à sa sœur.

 

[25]         Quant aux dépenses que l’agente des appels a considéré avoir été faites par l’appelante pour l’employeur avec ses propres chèques de paie, je considère que l’appelante a fait une preuve suffisante pour démontrer que ce n’était pas le cas.

 

[26]         Les documents soumis en preuve par l’appelante, de même que le témoignage de Lionel Benoit, sont des nouveaux facteurs qui n’étaient pas à la disposition du ministre lorsqu’il a pris sa décision.

 

[27]         À mon avis, ces nouvelles données changent la perspective. Elles font en sorte que le caractère, en apparence raisonnable, de la décision du ministre s’en trouve sérieusement miné (Livreur Plus Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2004] A.C.F. no 267, paragraphe 13). Le fait que l’appelante réduise ses heures de travail ou ne travaille pas du tout, relève de l’entente qu’elle avait avec l’employeur. Je ne crois pas que l’appelante ait travaillé sans rémunération, ou qu’elle ait été trop rémunérée pour le travail effectué. L’augmentation de la rémunération a été très bien expliquée et servait à couvrir les frais de déplacements pour l’employeur. Même si ces frais n’étaient pas remboursés, lorsqu’elle travaillait à temps partiel, je comprends de la preuve que ces déplacements étaient grandement réduits et que son travail consistait en grande partie à faire des entrées dans le livre de paie, la facturation et les paies elles-mêmes.

 

[28]         Compte tenu de la preuve nouvelle au dossier, laquelle n’a pu être mise de l’avant lors de l’enquête du ministre, je considère que l’appelante a démontré selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre ne paraît plus raisonnable dans les circonstances.

 

[29]         L’appel est accueilli et la décision est modifiée pour tenir compte que l’appelante occupait, au cours de la période du 1er novembre 2005 au 13 octobre 2006, un emploi assurable, non exclu par l’alinéa 5(2)i) de la LAE, puisqu’elle et Acadia (l’employeur) sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance aux termes de l’alinéa 5(3)b) de la LAE.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2009.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 455

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-2621(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              PAMELA BENOIT ET M.R.N. ET ACADIA REBAR LTD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Miramichi (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 2 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 14 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelante :

l'appelante elle-même

Avocate de l'intimé :

Me Dominique Galant

Pour l'intervenant:

l'intervenant lui-même

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                           

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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