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Dossier : 2007-3915(IT)G

 

ENTRE :

BARBARA ALLEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

 

 [TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 11 et 12 mai 2009 à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Sherry Darvish

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’avis de cotisation numéro 42237 daté du 19 janvier 2006 est rejeté, avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joint.

 

Signé à Summerside (Île-du-Prince-Édouard), le 9 septembre 2009.

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de novembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 426

Date : 20090909

Dossier : 2007-3915(IT)G

 

ENTRE :

BARBARA ALLEN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Campbell

Faits :

[1]   Une cotisation de 63 540,36 $ a été établie à l’égard de l'appelante en application de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) concernant une cession effectuée le 23 mars 1999 par son mari, George Nelson Allen. M. et Mme Allen étaient mariés à la date de la cession et l’étaient toujours à la date de l'audience. M. Allen est actuellement au chômage, mais il travaillait à son propre compte comme courtier en placements au moment de la cession. L'appelante est décoratrice d'intérieurs.

[2]   En 1993, l'appelante et son mari, M. Allen, ont acheté une propriété située au 337 – 339, avenue Park, à Newmarket, en Ontario. Le titre de propriété a été enregistré sous les deux noms, comme tenants conjoints. En 1993, un prêt hypothécaire de 270 000,00 $ a été contracté pour la propriété auprès de la société Firstline Trust. L'appelante et son époux ainsi que leurs deux enfants habitent à cette adresse depuis la date d'achat.

[3]   Le 23 mars 1999, M. Allen a cédé son droit à la moitié de la valeur de la propriété à l'appelante pour une contrepartie de 2,00 $, selon l'affidavit relatif aux droits de cession immobilière (pièce R-1, onglet 2). L'appelante et son mari ont reçu les conseils d’un avocat au moment de la cession. À cette date, le 23 mars 1999, la juste valeur marchande (JVM) de la propriété était d’au moins 375 000,00 $, grevée d’une hypothèque de 242 588,00 $ contractée auprès de Firstline Trust Company. La JVM a été déterminée à l’aide d’une évaluation effectuée par le ministre du Revenu national (le ministre). Au moment de la cession, la moitié de la valeur nette de la propriété représentait une somme de 66 203,00 $. À la date de la cession, le ministre a considéré que le montant versé pour la propriété par l'appelante à son mari était inférieur à sa JVM.

[4]   L'appelante soutient qu’elle a pris des dispositions immédiatement après la cession pour faire calculer la valeur du droit de son époux sur la moitié de la propriété à l’aide d'un rapport d'évaluation, qui a établi la JVM de la propriété à 408 000,00 $. Elle a témoigné qu'elle avait pris des dispositions financières pour avancer les fonds nécessaires à son mari peu après la cession. L’appelante soutient qu'elle a contracté une deuxième hypothèque sur la propriété pour la somme de 60 000,00 $, le 5 juillet 1999, et qu’elle a versé la majeure partie du produit à son mari en contrepartie de son droit à la moitié de la propriété. Comme les coûts associés au refinancement ont entraîné un manque à gagner, elle a effectué le paiement final en encaissant ses REER.

[5]   Selon l'appelante, l’entreprise de son mari a éprouvé des difficultés en mars 1999, lorsque la Commission des services financiers de l'Ontario (CSFO) a gelé les comptes de sa société après qu’il a été accusé d’avoir violé la Loi sur les sociétés de prêt et de fiducie. L'appelante a déclaré que le but de cette cession était de fournir des fonds à son mari pour qu’il puisse payer ses créanciers.

[6]   L'appelante a également affirmé qu'elle savait qu’en prenant la décision d’aider son mari, elle devrait vendre sa voiture, encaisser ses REER, refinancer sa maison et peut-être emprunter de l’argent à sa famille et à ses amis.

[7]   Depuis la cession, l’appelante fait valoir qu'elle a effectué tous les versements hypothécaires, qu’elle a vendu sa voiture et quelques meubles et qu’elle a dépensé son héritage tout en s’évertuant à couvrir les dépenses du ménage.

[8]   L'appelante a affirmé qu'elle n'a jamais pris part aux affaires de son mari et qu'elle n'a jamais reçu d'argent de son entreprise, sauf pour les services de décoratrice d'intérieurs qu'elle a fournis pour ses bureaux.

[9]   Lorsque la cotisation a été établie, le 19 janvier 2006, M. Allen avait une dette fiscale en souffrance de 70 129,00 $ en vertu de la Loi, dont la somme de 63 540,36 $ a été exigée de l'appelante en vertu de l'article 160.

La position de l'appelante :

[10] L'appelante a témoigné que, lorsque l’entreprise de son mari a connu des difficultés financières en mars 1999, elle a conclu un contrat verbal avec lui en vertu duquel elle ferait l'acquisition du droit de ce dernier à la moitié de la propriété.

[11] L'appelante admet que le registre foncier et l’acte de cession indiquent que la propriété a été cédée pour une contrepartie de 2,00 $. Cependant, elle est en désaccord avec l'affirmation du ministre selon laquelle elle n'a pas payé la JVM pour le droit de son mari à la moitié de la propriété. L'appelante a demandé que l’acte de cession ne soit pas pris en compte et qu’il soit finalement modifié afin de refléter le prix d'achat réel de la moitié appartenant à M. Allen.

[12] L'appelante soutient qu’une fois que son mari lui a cédé son droit à la propriété, elle a effectué trois avances, dont une à un créancier de M. Allen, pour un total de 12 400,00 $ entre avril et mai 1999; d'autres avances totalisant 41 063,96 $ ont été versées à M. Allen en espèces, certains paiements ont été effectués directement sur ses dettes et, enfin, des avances totalisant 6 650,00 $ provenant des REER encaissés par l'appelante ont été versées à M. Allen. Par conséquent, l’appelante soutient qu'elle a payé la JVM pour le droit de son époux à la moitié de la valeur de la propriété.

La position de l'intimée :

[13] L’intimée soutient qu’au moment de la cession, l'appelante était mariée à M. Allen et que, par conséquent, elle avait un lien de dépendance avec ce dernier. M. Allen était redevable d’une somme de 63 540,36 $ en vertu de la Loi. La JVM de la propriété au moment de la cession dépassait la contrepartie de 2,00 $ versée par l'appelante. Les sommes qui, selon l'appelante, ont été versées à M. Allen après la cession ne l’ont pas été à titre de contrepartie à la cession. Par conséquent, l'appelante est tenue de payer 63 540,36 $, en application de l'article 160 de la Loi.

Les questions en litige :

[14] La principale question est de savoir si l'appelante est tenue de payer 63 540,36 $ en vertu de l'article 160 pour la cession de propriété. Plus précisément, il s’agit de déterminer si la JVM a été payée à M. Allen en contrepartie de son droit à la moitié de la valeur de la propriété.

Analyse :

[15] Les parties pertinentes de l'article 160 prévoient ce qui suit :

 

160(1) Lorsqu’une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d’une fiducie ou de toute autre façon à l’une des personnes suivantes :
 
a) son époux ou conjoint de fait ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;
 
b) une personne qui était âgée de moins de 18 ans;
                                 
c) une personne avec laquelle elle avait un lien de dépendance;
 
les règles suivantes s'appliquent :
 
d) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement d’une partie de l’impôt de l’auteur du transfert en vertu de la présente partie pour chaque année d’imposition égale à l’excédent de l’impôt pour l’année sur ce que cet impôt aurait été sans l’application des articles 74.1 à 75.1 de la présente loi et de l’article 74 de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, à l’égard de tout revenu tiré des biens ainsi transférés ou des biens y substitués ou à l’égard de tout gain tiré de la disposition de tels biens; 
 
e) le bénéficiaire et l’auteur du transfert sont solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d’un montant égal au moins élevé des montants suivants :
 
(i)                  l’excédent éventuel de la juste valeur marchande des biens au moment de du transfert sur la juste valeur marchande à ce moment de la contrepartie donnée pour le bien,
 
(ii)                le total des montants dont chacun représente un montant que l’auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l’année d’imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d’une année d’imposition antérieure ou pour une de ces années; 
 
aucune disposition du présent paragraphe n’est toutefois réputée limiter la responsabilité de l’auteur du transfert en vertu de quelque autre disposition de la présente loi.
 
 

160(2) Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation à l’égard d’un contribuable pour toute somme payable en vertu du présent article. Par ailleurs, les dispositions de la présente section s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en vertu du présent article comme si elles avaient été établies en vertu de l’article 152.

 

[16]    L'article 160 a été qualifié de disposition draconienne. Il vise à empêcher un contribuable de se soustraire à sa dette fiscale en cédant ses biens à certaines personnes, notamment des personnes avec qui il partage un lien de dépendance, le résultat étant que le contribuable ne dispose plus des moyens pour payer la dette fiscale tout en jouissant potentiellement de ses biens. Un bénéficiaire (cessionnaire) ayant un lien de dépendance peut être tenu responsable en vertu de l'article 160 pour l'argent ou les biens cédés par le cédant qui a une dette fiscale pour l'année de la cession ou pour toute année d'imposition précédente dans la mesure où la valeur du bien cédé dépasse la juste valeur marchande de la contrepartie reçue. Cela empêche un débiteur fiscal de céder des biens à un époux ou à d'autres personnes avec lesquelles il a un lien de dépendance pour tenter de soustraire les biens au recouvrement. En outre, il n'est pas nécessaire que le cédant ait eu l'intention de se soustraire à l’impôt (Montreuil et al. c. La Reine, 95 DTC 138, à la page 145).

 

[17]    Dans l’arrêt Wannan c. La Reine, 2003 DTC 5715, au paragraphe 3, la Cour d'appel fédérale a fait le commentaire suivant concernant l'article 160 :

 

[3] … Il n'existe pas de défense de diligence raisonnable à l'encontre de l'application de l'article 160. Cet article peut s'appliquer au cessionnaire de biens qui n'a pas l'intention d'aider le débiteur fiscal primaire à se soustraire à l'impôt. Il peut même s'appliquer au cessionnaire qui n'a pas connaissance de la situation fiscale du débiteur fiscal primaire. Cependant, l'article 160 a été validement promulgué comme partie des lois du Canada. Si la Couronne entend se fonder sur l'article 160 dans un cas donné, elle doit être autorisée à le faire pour autant que les conditions prévues soient remplies.

 

[18]    Les critères suivants doivent être démontrés pour entraîner l'application de l'article 160 et engendrer la responsabilité, suivant la décision La Reine c. Livingston, 2008 DTC 6233, aux paragraphes 9 et 17 :

 

[9]  Le juge de la Cour de l'impôt a posé en principe que les quatre critères suivants doivent être remplis pour que soit déclenchée l'application du paragraphe 160(1) :

 

1)      Il doit y avoir eu transfert de biens;

2)      Il faut que l'auteur et le bénéficiaire du transfert aient un lien de dépendance;

3)      Le bénéficiaire du transfert ne doit pas avoir donné de contrepartie à l'auteur du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante (je ferai remarquer ici que le juge de première instance a écrit : [TRADUCTION] « L'auteur du transfert ne doit pas avoir donné de contrepartie au bénéficiaire du transfert ou doit lui avoir donné une contrepartie insuffisante » [caractères gras ajoutés] : c'est là une citation erronée de la définition du critère applicable formulée dans l'arrêt Raphael c. Canada, 2002 CAF 23 (CanLII), 2002 CAF 23);

4)      Il faut que l'auteur du transfert soit tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment du transfert.

 

 

[17]  Étant donné la signification claire des termes du paragraphe 160(1), les critères dont dépend le déclenchement de son application se révèlent évidents :

 

1)      L'auteur du transfert doit être tenu de payer des impôts en vertu de la Loi au moment de ce transfert;

2)      Il doit y avoir eu transfert direct ou indirect de biens au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon;

3)      Le bénéficiaire du transfert doit être :

i.    soit l'époux ou conjoint de fait de l'auteur du transfert au moment de celui‑ci, ou une personne devenue depuis son époux ou conjoint de fait;

ii.    soit une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment du transfert;

iii.   soit une personne avec laquelle l'auteur du transfert avait un lien de dépendance.

4)      La juste valeur marchande des biens transférés doit excéder la juste valeur marchande de la contrepartie donnée par le bénéficiaire du transfert.

 

[19]    Les trois premiers critères ne sont plus en litige dans le présent appel. Selon une des hypothèses du ministre, le mari de l'appelante avait une dette de 63 540,36 $ en vertu de la Loi au moment de la cession de la propriété à l'appelante. Cette dernière n'a pas soulevé cette question dans son avis d'appel, bien qu’elle ait soutenu dans son exposé initial que l'Agence du revenu du Canada (ARC) a rejeté sa demande visant à obtenir les détails de la dette fiscale initiale de son mari. L'intimée a déclaré que les déclarations de revenus de M. Allen ne pouvaient être fournies à l'appelante sans le consentement de ce dernier. Bien que l'appelante ait témoigné qu'elle ne savait pas que son mari avait une dette fiscale au moment de la cession et qu'elle n'a pas agi dans le but de contrecarrer les efforts de perception du ministre, selon la décision rendue dans Wannan, il n’est pas nécessaire qu’un bénéficiaire ait connaissance des affaires fiscales du débiteur primaire pour que l'article 160 puisse s’appliquer. L'appelante affirme que l'objectif de la cession était de fournir des fonds à son mari afin qu'il puisse payer ses créanciers, mais la jurisprudence est claire et le motif de la cession n'a pas d'incidence sur une analyse en vertu de cette disposition. En outre, M. Allen n’a pas contesté sa dette fiscale. Il a simplement dit qu'il ne savait pas pourquoi il avait fait l’objet d’une nouvelle cotisation et qu'il était trop tard pour contester sa dette fiscale. L'appelante a admis que son mari a fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour les années d'imposition antérieures à 1999. En conséquence, M. Allen était tenu de payer un montant en vertu de la Loi au moment de la cession, comme le prévoit le sous-alinéa 160(1)e)(ii).

 

[20]    En ce qui concerne le second critère, l'appelante a admis que M. Allen et elle étaient mariés au moment de la cession, le 23 mars 1999. Suivant l’alinéa 251(1)a), les personnes liées sont réputées avoir un lien de dépendance. La définition de personne liée au paragraphe 251(2) comprend des personnes liées par le mariage. Par conséquent, l'obligation légale prévue à l'alinéa 160(1)c) est remplie.

 

[21]    L'appelante a admis qu'il y avait eu cession au sens de l'article 160 et le troisième critère est donc également rempli. La définition de biens au sens du paragraphe 248(1) de la Loi comprend les biens immobiliers.

 

[22]    Une grande partie du témoignage de l'appelante porte sur le quatrième critère, qui est de savoir si l'appelante a payé la JVM à son mari au moment où il lui a cédé son droit à la moitié de la valeur de la propriété. En règle générale, l’évaluation de la juste valeur marchande d'une propriété est une question de fait. Suivant la décision Henderson Estate and Bank of New York c. MRN, 73 DTC 5471, la responsabilité de l'appelante correspond à la valeur des biens cédés. Ainsi, il faut établir la JVM du bien cédé à la date de la cession afin de déterminer la responsabilité du bénéficiaire. Une des questions visait à déterminer si la JVM de l'immeuble qui a été cédé était de 375 000,00 $, selon l'évaluation du ministre, ou de 408 000,00 $, selon l'appelante. Toutefois, l'appelante a concédé que la JVM de l'immeuble n'était pas inférieure à 375 000,00 $, après qu’on lui a fait lecture des extraits de ses déclarations faites en interrogatoire préalable. Par conséquent, la seule question qui reste à trancher est de savoir si l'appelante a payé plus que la contrepartie de 2,00 $ établie dans l’acte de cession immobilière.

 

[23]    Le sous-alinéa 160(1)e)(i) rend le bénéficiaire responsable de la dette fiscale du cédant dans la mesure où la valeur des biens excède la juste valeur marchande de la contrepartie reçue pour le bien. Dans Ruffolo et al. c. La Reine, 99 DTC 184, le juge Bonner a examiné le terme « contrepartie » au sens de l'article 160 et a déclaré ce qui suit au paragraphe 7 :

 

[7] … Le terme « contrepartie » au sous-alinéa 160(1)e)(i) doit être interprété dans son sens ordinaire, à savoir qu'il s'agit de quelque chose que l'on donne en paiement. Rien dans le contexte législatif ou dans l'objectif qui sous-tend l'article 160 ne laisse croire le contraire. …

 

[24]    Dans la décision Logiudice c. La Reine, 97 DTC 1462, à la page 1466, le juge Bowie a fait les commentaires suivants :

 

Le mot « contrepartie », tel qu'il est utilisé dans le contexte de l'article 160 de la Loi, dans son sens ordinaire, signifie la contrepartie qu'une partie à un contrat donne à l'autre partie en échange du bien transféré. L'article 160 vise de toute évidence à empêcher les contribuables de se soustraire à leur obligation fiscale ainsi qu'aux intérêts et aux pénalités prévus par les dispositions de la Loi en plaçant les biens exigibles entre les mains de parents ou d'autres personnes avec lesquels ils ont un lien de dépendance, et donc hors de la portée immédiate du percepteur d'impôt. La disposition restrictive du sous-alinéa 160(1)e)(i) de la Loi vise à protéger les véritables opérations commerciales de l'application de la disposition, jusqu'à concurrence de la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour le bien qui a été transféré. Par conséquent, il est évident que pour que le bénéficiaire du transfert puisse se prévaloir de cette disposition protectrice, il doit être en mesure de prouver que le bien lui a été transféré conformément aux conditions d'une véritable entente contractuelle.
[non souligné dans l’original]

 

[25]    Concernant l'exigence de contrepartie prévue à l'article 160, le juge Sexton a déclaré ce qui suit au paragraphe 27 de Livingston :

 

[27] Sous le régime du paragraphe 160(1), le bénéficiaire d'un transfert de biens est redevable à l'ARC dans la mesure où la juste valeur marchande de la contrepartie donnée pour ces biens est inférieure à la juste valeur marchande de ceux‑ci. L'objet même du paragraphe 160(1) est d'assurer la conservation de la valeur des biens existants dans le patrimoine du contribuable aux fins de recouvrement par l'ARC. Dans le cas où le contribuable s'est entièrement dessaisi de ces biens, le paragraphe 160(1) prévoit la possibilité pour l'ARC d'exercer ses droits sur lesdits biens contre le bénéficiaire de leur transfert. Cependant, ce paragraphe n'est pas d'application lorsque l'auteur du transfert a reçu au moment de celui‑ci une somme équivalente à la valeur des biens transférés, c'est‑à‑dire une contrepartie à la juste valeur marchande. La raison en est qu'une telle transaction ne lèse pas l'ARC en tant que créancier. …

 

[26]    Bien que l'appelante ait concédé que la JVM de la propriété au moment de la cession était de 375 000,00 $ et que le solde de l'hypothèque était de 242 588,00 $, elle soutient que son mari et elle avaient conclu un contrat verbal selon lequel, après cette cession, elle prendrait les dispositions nécessaires pour calculer la valeur nette du droit de M. Allen à la propriété et avancer des fonds à son mari dans un court laps de temps après la cession. Par conséquent, elle soutient qu’elle a payé une contrepartie équivalant au droit de son époux à la moitié de la JVM et elle fait valoir que sa responsabilité, selon l'article 160, est égale à zéro. Le ministre a présumé que, le 23 mars 1999, M. Allen a cédé son droit à la moitié de la valeur de la propriété à l'appelante pour une contrepartie de 2,00 $, comme le démontre la documentation. Avec une JVM de 375 000,00 $ et un solde hypothécaire de 242 588,00 $, le ministre a conclu que la valeur nette du droit de M. Allen à la propriété était de 66 205,00 $.

 

[27]    L'intimée a souligné que le sous-alinéa 160(1)e)(i) cible le moment où la cession a été effectuée et la contrepartie échangée entre les parties à cette date, soit le 23 mars 1999 en l’espèce. L’intimée soutient que tout paiement effectué après la cession ne respecte pas l'interprétation stricte de cette disposition, car celle-ci ne s’intéresse pas à la JVM du bien après la date de la cession. L'intimée a fait valoir que la contrepartie versée à la date de la cession était de 2,00 $ selon les documents de cession de la propriété. L'appelante a expliqué que l'avocat avait insisté pour que la contrepartie soit de 2,00 $ dans les documents de cession puisque l'appelante ne disposait pas d'un rapport d'évaluation de la propriété et que la JVM n'avait pu être correctement évaluée. L'appelante prétend cependant que l'avocat a fait une erreur parce qu'il ne l'a pas avisée qu’une fois effectuée l'évaluation des biens, elle devrait à nouveau faire appel à lui pour modifier l’acte de cession immobilière (transcription, pages 45 et 46). M. Allen a confirmé qu'ils ont fourni tous les renseignements relatifs à cette cession à l'avocat.

 

[28]    L'appelante soutient que la contrepartie a été fixée à 2,00 $ parce qu'elle voulait que le bien soit cédé à son nom avant de verser la contrepartie parce qu’elle craignait la réaction de la CSFO. Toutefois, la preuve de l'appelante montre qu'elle a signé les documents de cession immobilière en sachant que la contrepartie avait été fixée à 2,00 $. Elle a signé l'affidavit et a reçu les conseils d’un avocat. Bien qu'elle ait affirmé avoir conclu une entente verbale avec son mari voulant qu'elle lui verse l'argent après la cession, aucune preuve n’a été présentée pour prouver que les documents relatifs à la cession ont été modifiés par la suite. Cela aurait pu être fait au moment où la deuxième hypothèque a été contractée de manière à refléter ce que l'appelante a affirmé être la véritable contrepartie à la JVM. Selon l'appelante, l'avocat n’a pas tenu compte de l'intention exprimée par M. et Mme Allen concernant cette cession et ne les a pas non plus informés des conséquences qui pourraient en découler. J’estime que ce n’est pas plausible étant donné que l'appelante et son époux ont témoigné que l'avocat connaissait tous les faits pertinents. Si cet avocat avait été appelé à témoigner, il aurait pu corroborer le témoignage de l'appelante à cet égard.

 

[29]    L'appelante a témoigné avoir consulté l'avocat à l'égard de cette cession une semaine avant que la CSFO gèle les comptes de son époux. Elle a également témoigné que son mari ne savait rien de ces éventuels problèmes juridiques avant que la CSFO ne procède au gel. M. Allen a corroboré le témoignage de l'appelante à cet égard. Tous deux ont également témoigné que la cession avait été effectuée afin que M. Allen obtienne des fonds pour payer ses créanciers. Cependant, ils soutiennent tous deux qu'aucune disposition formelle n’a été prise au sujet de la contrepartie au moment de la cession, car ils craignaient la réaction de la CSFO (transcription de l’audience, pages 127 à 129, 138 à 140). Ce témoignage est clairement contradictoire. Si l'appelante a effectivement consulté l'avocat une semaine avant que les biens de son mari soient gelés et avant que ce dernier prenne conscience que la CSFO était sur le point de geler ses avoirs, alors ils n’ont pas effectué la cession par crainte de la réaction de la CSFO, comme ils l’ont également fait valoir.

 

[30]    L'appelante a soutenu que le paiement des impôts fonciers et les paiements hypothécaires postérieurs à la cession pouvaient être considérés comme faisant partie de la contrepartie pour la JVM. L'appelante a invoqué la décision rendue dans Michaud c. La Reine, 99 DTC 43, pour appuyer son argument selon lequel les paiements qu’elle a effectués après la cession pouvaient être considérés comme une contrepartie additionnelle au sens de l'article 160. Toutefois, la décision Michaud n’appuie pas cet argument. La juge Lamarre Proulx y a statué que l'exécution d'une obligation légale ne constitue pas une « cession » au sens de l'article 160 et que le mari dans cette affaire ne faisait qu’exécuter l’obligation légale de payer l'hypothèque. La décision rendue dans cette affaire reposait sur le fait qu'il n'y avait pas eu de cession et non pas sur le fait que les paiements effectués sur un prêt hypothécaire après la cession constituaient une contrepartie. Par contre, j’accepte les arguments de l'intimée voulant que les paiements effectués sur le prêt hypothécaire ou les autres dépenses liées à la propriété après la date de cession ne peuvent être considérés comme une contrepartie valable parce que le cédant, M. Allen, avait déjà disposé de son droit à la propriété lorsque ces paiements ont été effectués. Le juge Little a également dit au moment de rejeter l’appel dans Arain c. La Reine, 2007 DTC 11, que le paiement des taxes foncières en plus des montants payés pour l’installation de nouvelles fenêtres après la cession ne pouvait être considéré comme contrepartie de la JVM parce que le mari avait déjà disposé de son droit à la propriété et ne pouvait bénéficier de ces paiements.

 

[31]    Dans une autre décision du juge Little, Madsen c. La Reine, 2005 DTC 369, confirmée par la Cour d'appel fédérale, il a été décidé que la vague promesse de verser au mari les fonds nécessaires en contrepartie de ses droits à la propriété cédée lorsque ces fonds seraient disponibles, sans qu’aucune entente écrite ne soit conclue, ne constituait pas une contrepartie au moment de la cession.

 

[32]    En l’espèce, l'appelante a témoigné que leur entente prenait la forme d’un contrat verbal, mais aucune documentation ou preuve n’a été présentée pour démontrer qu’il y avait eu promesse de verser une contrepartie dans l’avenir. Je ne voudrais pas que l’on pense que j’estime qu’il est toujours nécessaire de présenter des documents écrits; chaque affaire doit être jugée selon les faits qui lui sont propres. Toutefois, en l’espèce, j’estime qu'il y a trop d'incohérences dans le témoignage pour qu’il soit considéré crédible sans autres preuves suffisantes pour satisfaire au fardeau incombant à l'appelante. M. et Mme Allen étaient représentés par un avocat qui, selon leurs témoignages, a été pleinement informé de tous les faits importants entourant cette cession. Si tel était le cas, il me semble difficile de croire que l'avocat, instruit des faits, n'a pas rédigé un document, tel qu’un billet à ordre, pour tenir compte de ces circonstances. Une telle documentation aurait appuyé leur argument concernant la contrepartie au moment de la cession.

 

[33]    L'appelante soutient qu’elle a payé la contrepartie comme en témoignent les démarches qu'elle a entreprises pour que la propriété soit évaluée et que la valeur nette de la part de son mari soit établie et comme le montrent les mesures qu'elle a prises immédiatement après la cession afin d'honorer le contrat verbal. L'appelante fait valoir qu’une contrepartie appropriée avait été convenue à la date de la cession puis versée dans les mois suivants. L'appelante a soutenu que la cession devait être considérée comme une transaction honorée entre les deux époux plutôt que comme une transaction préparée par un avocat, même si la documentation n’est pas complète. De plus, elle a convoqué un témoin, Andrew Bowman MacQuarrie, qui a dit que l'appelante a indiqué en mars 1999 qu'elle allait acheter la part de son époux dans la propriété et qu’elle avait dû vendre sa voiture.

 

[34]    Selon la jurisprudence, l'appelante doit démontrer que la contrepartie à la JVM a été versée à M. Allen au moment de la cession pour éviter l’application de l'article 160. Cette interprétation est étayée par le libellé du sous-alinéa 160(1)e)(i). Selon l’intimée, cela signifie que la contrepartie doit être versée au moment de la cession, qui, en l’espèce, a été effectuée le 23 mars 1999. J’estime cependant que l'interprétation de l'intimée est trop littérale. Si les faits démontrent l'existence d'un accord contractuel authentique qui prévoit une contrepartie à la JVM, selon la décision rendue dans Logiudice, alors ce sera suffisant même si dans les faits le paiement n'est pas effectué à la date de la cession. L'intimée semble se rallier à ce point de vue plus loin dans ses observations (transcription de l’audience, pages 267 à 269).

 

[35]    L'appelante a le fardeau de prouver qu'un accord valide avait été conclu au moment de la cession stipulant qu’une contrepartie appropriée serait versée à une date ultérieure. En l'espèce, il n'y a pas de contrat écrit, seulement les témoignages de l'appelante et de son mari voulant qu’il y ait eu entente verbale. Cependant, le témoignage comporte tout simplement trop d’incohérences pour que l’appelante puisse s’acquitter du fardeau d’établir qu’il existait un véritable accord stipulant le paiement d’une contrepartie suffisante après la cession. Non seulement le paiement d’une contrepartie doit-il être démontré, mais la contrepartie doit être suffisante.

 

[36]    L'appelante a témoigné qu'elle avait avancé un montant total de 12 400,00 $ à son mari entre avril et mai 1999 en trois versements :

 

          (1)     10 000,00 $ versés à M. Allen par chèque le 4 avril 1999;

          (2)     900,00 $ versés à une société à numéro le 15 avril 1999;

          (3)     1 500,00 $ versés à M. Allen par chèque le 18 mai 1999.

 

[37]    En ce qui concerne l'avance de 900,00 $, l'appelante a témoigné que la société à numéro était une créancière de son mari. Toutefois, ni l'appelante ni son mari n’ont réussi à identifier la société, sa relation avec M. Allen ou le montant exact qui lui était dû. La société n'était pas répertoriée parmi les créanciers de M. Allen dans le cadre du recours collectif et elle ne figure pas dans le jugement sur le recours collectif, qui cite plus de 120 créanciers. Aucun représentant de cette société n’a été appelé à témoigner par l’appelante et cette dernière n’a pas présenté de documents de prêt prouvant qu'il s'agissait d'une créancière ou qu'il y avait un lien entre la société et M. Allen. L'appelante a interrogé M. Randolph Reynolds, le représentant de l'ARC, pour savoir pourquoi il n'a pas enquêté sur la société à numéro, mais le fardeau de la preuve en la matière incombe à l'appelante et non au ministre. Sans plus d'information, je ne peux conclure que le chèque de 900,00 $ faisait partie de la contrepartie versée à M. Allen en échange de son droit à la moitié de la valeur de la propriété. Le fait que le chèque était payable à cette société ne permet pas de conclure que cette dernière faisait partie des créanciers de M. Allen. Le seul document ayant été présenté en l’espèce est un rapport sur le profil de la société indiquant que cette société était une société d'investissement (pièce R-12). J'ai également du mal à accepter que l'appelante ait signé ce chèque sans vérifier que l'argent était réellement dû à cette société.

 

[38]    En ce qui concerne les avances de 10 000,00 $ et 1 500,00 $, l'intimée a fait valoir qu'elles proviennent en réalité de M. Allen. M. et Mme Allen ont reconnu que le revenu de l'appelante était insuffisant pour verser à M. Allen la contrepartie à la JVM pour son droit à la propriété, mais ils ont affirmé que certains de ces fonds provenaient d’un prêt effectué par leur tante, Alma McKay. L'intimée a fait valoir que leurs témoignages concernant ces montants devaient être rejetés parce qu'ils ont donné trois versions différentes quant à la provenance de certains de ces fonds. L’appelante a d’abord déclaré au cours de l'interrogatoire préalable qu'elle avait vendu sa voiture pour acquérir des fonds, mais il est devenu évident à l’audience que sa voiture avait été vendue en 2000 et qu’il était impossible que les fonds obtenus en 1999 proviennent de cette vente. L'appelante et son mari ont fait valoir qu'ils se sont trompés concernant la date à laquelle le véhicule a été vendu.

 

[39]    À la suite de l'interrogatoire préalable, l'appelante a indiqué dans ses engagements que les fonds provenaient d’un prêt de 18 000,00 $ consenti par un ami. À l'audience, le témoignage de l'appelante a changé quand elle a déclaré que les fonds provenaient d’un prêt de 25 000,00 $ effectué par sa tante, Alma McKay. À part un bordereau de dépôt de 18 000,00 $, aucune preuve n’a été présentée concernant le prêt ou la provenance de ces fonds. L'intimée a émis l'hypothèse voulant que M. Allen ait fourni les fonds et que l'appelante les lui ait remis en lui signant un chèque. L'appelante a soutenu que les comptes de son mari avaient été gelés par la CSFO en 1999 et que par conséquent il n'aurait pu avancer les fonds comme l’a suggéré l’intimée. L'intimée a indiqué que M. Allen était un homme d'affaires chevronné qui a été reconnu coupable d'une fraude de 10 millions de dollars faisant plus de 100 victimes et a fait valoir que ces fonds pourraient provenir des 10 millions en question.

 

[40]    L'appelante a admis être incapable de présenter les renseignements concernant les dépôts bancaires pour le prêt de 18 000,00 $. La preuve ne démontre pas clairement la provenance des fonds en raison de l’incohérence du témoignage. Par conséquent, l'appelante n'a pas satisfait au fardeau de prouver que les avances de 10 000,00 $ et de 1 500,00 $ faisaient partie de la contrepartie versée après la cession.

 

[41]    L'appelante a également affirmé avoir obtenu un deuxième prêt hypothécaire de 60 000,00 $ grevant la propriété dans le but de payer une partie de la contrepartie à la JVM à son mari pour son droit à la moitié de la propriété. Elle a témoigné que le produit de ce prêt hypothécaire n’est que de 41 063,96 $ en raison des frais accessoires et des taxes foncières qui ont dû être ajustées au moment du refinancement. L'appelante a indiqué que la lettre de l'avocat ayant effectué cette transaction fixe la répartition du produit du prêt hypothécaire comme suit :

 

(1)     6 271,00 $ versés à 1096631 Ontario Limited, une créancière de M. Allen;

          (2)     11 000,00 $ versés pour la carte Visa RBC de M. Allen;

(3)     13 250,00 $ versés pour la carte MasterCard de la Banque de Montréal de M. Allen;

(4)     10 542,96 $ versés directement à M. Allen et l'appelante conjointement.

 

[42]    Comme en ce qui a trait à la preuve présentée pour le versement de 900,00 $ à l'un des créanciers de M. Allen, l'appelante ne connaissait pas la société 1096631 Ontario Limited et ne savait pas combien son mari devait à cette société. Sans autre preuve à l'appui, ce paiement provenant du produit de l'hypothèque est tout simplement insuffisant au vu des nombreuses incohérences et des affirmations vagues présentes dans l’ensemble du témoignage de l’appelante et ne permet pas de conclure que ce paiement constitue un paiement à son mari au titre de la contrepartie.

 

[43]    En ce qui concerne la deuxième avance provenant du produit de l'hypothèque, le paiement de 11 000,00 $ pour la carte Visa de M. Allen, la seule preuve présentée consiste en un relevé de compte Visa, mais les transactions y figurant ont trait à des dépenses qui étaient de nature personnelle. Aucune preuve n’a été présentée pour montrer comment la dette s’est accumulée ou de quelle manière les paiements étaient liés aux affaires de M. Allen. Le relevé de compte Visa montre également deux numéros de carte de crédit. L'intimée a soutenu que l'une des cartes était conjointe parce que, si elles avaient été distinctes, des relevés séparés auraient été établis pour chaque carte. À l’époque où la carte a été payée, M. Allen avait des problèmes importants avec la CSFO, son entreprise avait été fermée et ses avoirs et ses comptes gelés. À la lumière de ces faits, il n'aurait pas pu exploiter son entreprise en juillet 1999. Pourtant, il soutient que la carte Visa a été utilisée à des fins commerciales, ce qui est hautement improbable.

 

[44]    Il n’est pas non plus possible de considérer la troisième avance provenant du prêt hypothécaire, le paiement de 13 250 $ pour la carte MasterCard, comme une contrepartie pour les droits de M. Allen dans la moitié de la valeur de la propriété. Là encore, il semblerait, d'après le relevé de compte MasterCard, que bon nombre des dépenses, comme l'achat de pizzas et d’essence, étaient de nature personnelle. Étant donné que le nom de M. Allen ne figure pas sur le relevé de compte, je ne dispose en fait d’aucune preuve indépendante, autre que le témoignage, prouvant que cette carte était en fait la carte MasterCard de M. Allen.

 

[45]    Bien que le dernier versement de 10 542,96 $ a été effectué, selon la lettre de l'avocat, à la fois à l'appelante et à son mari, une traite bancaire montre que les fonds ont été déposés dans le compte bancaire de M. Allen. Une traite bancaire indique également que cet argent a été retiré du compte le jour même où il a été déposé. L'appelante ne se souvient pas bien de cette transaction et est incapable d’expliquer les incohérences entourant le paiement. Aucune preuve tangible n’a été déposée pour démontrer que les fonds ont servi à payer les créanciers et il est impossible de savoir où les fonds sont effectivement allés. La déclaration de l'appelante selon laquelle elle n’est pas concernée par l’utilisation que fait M. Allen de l’argent qu’elle lui a versé est correcte, mais seulement dans la mesure où ces fonds n'ont pas été retirés afin de payer des dépenses communes ou des dépenses liées au ménage. Encore une fois, en raison du caractère imprécis de la preuve et du peu de crédibilité que j’accorde à l’ensemble du témoignage, je ne peux pas accepter que ce versement ait fait partie de la contrepartie à la JVM reçue par M. Allen pour son droit à la moitié de la valeur de la propriété.

 

[46]    Enfin, l’appelante fait valoir qu’elle a encaissé 6 650,00 $ provenant de ses REER afin de payer le reste de la contrepartie qu’elle devait à son mari. Certaines preuves démontrent que des REER ont effectivement été encaissés, mais l’appelante n’a pas présenté de preuve concernant les montants qu’elle soutient avoir encaissés et les dates auxquelles elle l’aurait fait. L’appelante a témoigné que ces REER ne provenaient pas de comptes conjoints, mais en interrogatoire préalable elle ne se souvenait pas si son mari avait contribué à des REER de conjoint ou s’il avait plutôt contribué à ceux de l’appelante. Aucune preuve claire n’a été présentée concernant la question de savoir si M. Allen a contribué à des REER de conjoint ou à ceux de l’appelante et aucune preuve n’a été présentée pour démontrer, comme l’a soutenu l’appelante, que le produit des REER a été utilisé pour payer M. Allen.

 

[47]    L'appelante a fait valoir qu'elle n'a jamais pris part aux activités commerciales de son mari et qu’elle n'a jamais reçu d'argent de ses sociétés, excepté pour des services de décoratrice d'intérieurs qu'elle a fournis pour ses bureaux. Toutefois, l'appelante était partie à titre de défenderesse dans un recours collectif dont l’instruction a commencé en juillet 1999. De même, les déclarations de revenus de M. Allen montrent que l'appelante a participé aux activités de sa société, Nelbar Management Services. Bien que l'appelante ait nié ces allégations, les déclarations de revenus laissent penser que la réalité est différente et appuient l’argument voulant que l'appelante a indiqué le même revenu que son mari dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1995 et 1997. L'appelante et son mari ont expliqué que leur expert-comptable a commis une erreur ou que cela était dû à une forme de partage des revenus. L'intimée a soutenu que, puisque l'appelante avait ses propres problèmes juridiques et qu’elle a dû engager un avocat pour défendre ses intérêts dans le cadre de la poursuite, elle aurait pu utiliser les fonds excédentaires provenant du produit du deuxième prêt hypothécaire pour payer ses propres frais judiciaires. La documentation écrite indique que l'appelante a pris part aux activités de la société jusqu'en 1999, année de la cession, et compte tenu du peu de crédibilité que j’accorde à la preuve qu’elle a présentée, je dois également rejeter son témoignage à ce sujet.

 

[48]    L'appelante n'a pas présenté de preuves suffisantes pour s'acquitter du fardeau qui lui incombait. La preuve documentaire faisait défaut et son témoignage était incohérent et imprécis sur un grand nombre de points, ce qui s’avère presque toujours fatal pour le succès d'un appel comme celui-ci. Le témoignage souffrait d’un grave manque de clarté et, par conséquent, je ne peux conclure que l'appelante avait véritablement conclu une entente contractuelle avec son mari dans le but de lui payer après la cession une contrepartie égale à la JVM pour le droit de ce dernier sur la moitié de la valeur de la propriété ou qu’une contrepartie a été versée après la cession. L'appel est donc rejeté et les dépens sont adjugés à l'intimée.

 

Signé à Summerside (Île-du-Prince-Édouard), le 9 septembre 2009.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour de novembre 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 426

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-3915(IT)G

 

INTITULÉ :                                       Barbara Allen c.

                                                          Sa Majesté La Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 11 et 12 mai 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Sherry Darvish

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

        Nom :

 

        Cabinet :

                                                         

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c. r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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