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Dossier : 2007-277(IT)G

ENTRE :

ALBERTA POWER (2000) LTD.

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 2 mars 2009 à Calgary (Alberta)

Devant : l’honorable E.P. Rossiter, juge en chef adjoint

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Al Meghji et

Gerald Grenon

Avocats de l’intimée :

William L. Softley et

Kim Palichuk

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

            L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2001 est accueilli et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

            Les dépens sont adjugés à l’appelante.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’août 2009.

 

 

« E.P. Rossiter »

E.P. Rossiter

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’avril 2010.

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

Référence : 2009CCI412

Date : 20090821

Dossier : 2007-277(IT)G

ENTRE :

ALBERTA POWER (2000) LTD.

appelante

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint E.P. Rossiter

 

Introduction

 

[1]        À la fin des années 1990, le secteur de l’électricité de la province de l’Alberta (Alberta) était en voie d’être déréglementé. L’appelante faisait partie du groupe ATCO (ATCO), qui possédait et exploitait des centrales de production d’électricité alimentées au charbon. Dans le cadre de la déréglementation, le gouvernement albertain a établi des accords d’achat d’énergie (AAE) pour chaque usine de production d’électricité, notamment pour la centrale au charbon d’ATCO connue sous le nom de HR Milner Plant (centrale). Chaque AAE devait faire l’objet d’une vente aux enchères, mais le gouvernement albertain a retiré la centrale du processus d’enchères proposé, en raison des craintes d’ATCO quant à la viabilité économique de la centrale dans le cadre de l’AAE. Un accord de règlement négocié (ARN) a été conclu entre ATCO et une autorité du gouvernement albertain (Balancing Pool). Cet accord est entré en vigueur le 20 décembre 2000 et comportait une entente d’exploitation (EE) conclue avec ATCO à l’égard de l’exploitation de la centrale pendant un certain temps. À la cessation de l’AAE, un paiement d’environ 59 700 000 $ a été versé le 1er janvier 2001 à l’appelante, filiale d’ATCO, apparemment en échange de ladite cessation de l’AAE et du transfert de la propriété effective de la centrale à l’autorité du gouvernement albertain. Le 1er janvier 2001, ATCO a conclu avec l’appelante un contrat de vente à l’égard de la centrale, qu’elle lui a transférée au moyen d’une réorganisation avec report d’impôt conformément à l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi). L’AAE relatif à la centrale a été résilié par règlement le 28 décembre 2000, laquelle résiliation devait entrer en vigueur le 1er janvier 2001. L’autorité du gouvernement albertain a vendu la centrale à une tierce partie le 30 octobre 2003.

 

[2]        L’appelante a soutenu que le montant de 59 700 000 $ ne constituait pas un profit pour elle, mais plutôt une rentrée de capital qui donnait lieu à un produit de disposition au motif que la centrale et les éléments d’actif avaient été vendus au cours de l’année d’imposition 2001. L’intimée a rejeté la thèse de l’appelante au motif que le montant de 59 700 000 $ reflétait des profits ultérieurs abandonnés et qu’aucun doit bénéficiaire n’a été transféré à l’autorité du gouvernement albertain ou, subsidiairement, que le paiement en question était un paiement obligatoire visé par le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi.

 

Les faits

 

[3]        Au cours des années 1990, ATCO se livrait, notamment, à la production d’électricité en Alberta et possédait et exploitait des usines alimentées au charbon, dont la centrale. À la date pertinente, la construction de la centrale remontait à environ 25 ans et du charbon de qualité inférieure a été utilisé pendant des années, ce qui a donné lieu à des problèmes opérationnels incitant ATCO à douter de la viabilité économique de la centrale à long terme.

 

[4]        En 1996, le gouvernement albertain a commencé à mettre en œuvre un plan de déréglementation du secteur de l’électricité. Les usines construites avant 1995 étaient soumises à un régime différent des autres usines. Selon le régime applicable aux usines construites avant 1995, dont la centrale faisait partie, le processus de déréglementation devait s’échelonner sur une période variant de trois à vingt ans. Afin de faciliter cette déréglementation progressive, le gouvernement albertain a fait établir un AAE pour chaque usine, y compris la centrale. Un AAE était un instrument s’apparentant à un contrat, selon lequel le propriétaire d’une centrale électrique mettait l’établissement à la disposition de l’acquéreur, tandis que la totalité de l’électricité produite revenait à celui-ci. Cet arrangement permettait au propriétaire de recouvrer le capital investi et un certain rendement du capital ainsi que d’autres frais. L’acheteur de l’électricité acceptait donc tous les risques inhérents au prix de l’énergie.

 

[5]        Chaque AAE devait être vendu aux enchères. Le gouvernement albertain a mis sur pied un Balancing Pool chargé de recouvrer le produit de la vente des AAE par mise aux enchères et d’agir en qualité d’acheteur dans les cas des AAE ainsi mis en vente et non vendus. Normalement, à l’expiration d’un AAE, l’entreprise de services publics avait le choix : elle pouvait déclasser l’usine, auquel cas le Balancing Pool couvrait les frais, ou l’exploiter, auquel cas elle touchait tous les revenus et payait tous les frais, y compris les frais de déclassement. L’AAE ne comportait aucune clause de résiliation anticipée, sauf si l’usine était détruite, auquel cas ATCO touchait uniquement la valeur comptable nette de celle-ci. L’AAE relatif à la centrale a été retiré du processus d’enchères après qu’ATCO eut exprimé de vives inquiétudes au sujet de la viabilité économique de celle-ci dans le cadre de l’application dudit accord. Selon ATCO, la centrale ne pouvait être viable du point de vue économique, en raison de la piètre qualité du charbon utilisé pour l’exploitation, lequel élément n’était pas reconnu par l’AAE, et de la stabilité financière douteuse du fournisseur de charbon de la centrale (Smokey River), qui était alors sous le coup d’une ordonnance de séquestre. ATCO a envisagé la possibilité de déclasser la centrale et a exercé des pressions sur le gouvernement albertain pour l’inciter à modifier l’AAE afin de tenir compte des inquiétudes qu’elle avait exprimées, faute de quoi elle pourrait fermer la centrale.

 

[6]        Le gouvernement albertain a confié à un organisme provincial (Balancing Pool) désigné dans la loi de déréglementation le soin d’entreprendre des négociations avec ATCO afin de veiller à ce que la centrale demeure opérationnelle, du moins à court terme, pendant deux à trois ans. Le Balancing Pool a mené les négociations pour son propre compte et au nom des consommateurs. Les négociations menées pour le Balancing Pool ont été dirigées par Dale Hildebrand, qui représentait un groupe de consommateurs composé, notamment, d’institutions industrielles, d’organismes municipaux et gouvernementaux et de consommateurs résidentiels. Ce groupe de consommateurs albertain était distinct de l’autorité chargée de réglementer les entreprises de services publics. Le ministère de l’Énergie de l’Alberta avait collaboré avec le groupe de consommateurs au cours du processus de déréglementation et M. Hildebrand a dirigé les négociations menées avec ATCO pour leur compte. Il possédait des connaissances approfondies en matière de production énergétique et comptait une longue expérience dans le domaine des AAE et de l’établissement des prix connexes. Il avait aidé le gouvernement albertain à choisir un consultant pour l’élaboration de ces accords et a fait partie de l’équipe d’évaluateurs indépendants chargée de cette élaboration. Il a également participé au contrôle des AAE devant la commission des services publics, en plus d’aider des acheteurs à analyser ces accords avant leur mise aux enchères. Il n’avait jamais été au service de l’appelante, ses services ayant auparavant été retenus principalement à l’égard des autres aspects des instances réglementaires concernant ATCO. Les négociations qui se sont déroulées entre M. Hildebrand, représentant le Balancing Pool, et un certain Victor Post, vice‑président d’ATCO, ont donné lieu à l’ARN et à l’EE à l’égard de la centrale.

 

[7]        Au cours des négociations, ATCO a tenté de convaincre le Balancing Pool d’accepter de déclasser la centrale en raison de la faible viabilité économique de celle-ci. Le Balancing Pool craignait que la centrale ne soit fermée à court terme, ce qui entraînerait une baisse de la production d’électricité et une hausse du coût de celle-ci pour les consommateurs. Le Balancing Pool craignait également que la capacité restreinte de la centrale et les problèmes opérationnels qu’elle comportait n’aient pas été reconnus dans l’AAE.

 

[8]        Les deux négociateurs, M. Hildebrand et M. Post, ont confirmé qu’ils n’ont à aucun moment discuté de la possibilité qu’ATCO recouvre la perte de profits ultérieurs et que les discussions ont porté uniquement sur l’indemnité à verser à ATCO au titre du rendement de sa mise de fonds ou de ses coûts non amortis. Aucun calcul n’a été fait et aucun renseignement n’a été échangé pour le compte d’ATCO ou du Balancing Pool relativement à la perte de profits ou de sources de profits ultérieures et aucune des parties n’a considéré cette perte comme un élément qu’ATCO recouvrerait au moyen de l’ARN.

 

[9]        Au cours des négociations relatives à l’EE, des préoccupations ont été exprimées au sujet de la rétention du personnel. Le Balancing Pool souhaitait que la centrale soit exploitée pendant un certain temps, puis vendue aux enchères. L’exploitation de la centrale dépendait d’abord et avant tout des employés, qui en constituaient un élément clé, de sorte qu’il a fallu leur verser certains montants pour s’assurer de les conserver. En qualité de membre du comité d’exploitation, M. Hildebrand devait recevoir d’ATCO, à chaque réunion, un rapport l’informant des événements survenus entre-temps. Ce rapport devait comporter des renseignements concernant les coûts, la production énergétique, les problèmes opérationnels, la santé et la sécurité, et ainsi de suite, et le comité gérait les installations et donnait des directives à ATCO quant à leur exploitation. Le comité a donné à ATCO l’ordre d’exploiter la centrale à une capacité de 125 mégawatts et non à sa capacité de 145 mégawatts, et l’a également informée du montant de la mise de fonds requise.

 

Brian G. Millen a aidé Vic Post au cours des négociations. Il était bien au courant de celles-ci et a confirmé tous les aspects du témoignage de Post au sujet de l’objectif que visaient les parties à l’égard de l’opération; il a également préparé des tableaux qui devaient faire partie de l’ARN et qui montraient la ventilation du produit et la façon dont les calculs étaient effectués. Les deux parties ont compris qu’elles vendaient la centrale et qu’ATCO recouvrait sa mise de fonds. M. Millen a également confirmé que les calculs ne permettaient pas de dire que les sommes d’argent versées devaient être considérées comme des profits ultérieurs perdus. En fait, eu égard aux calculs présentés, il n’y avait pas lieu de dire qu’ATCO recouvrait les profits perdus, parce que le montant recouvré dépassait les profits perdus qui auraient pu être générés.

 

[10]      M. Hildebrand, qui représentait le Balancing Pool et le groupe de consommateurs, avait accepté, tout au long des négociations qu’ATCO recevrait sa mise de fonds et les frais de déclassement, lesquels seraient payés en bout de ligne par le Balancing Pool. Le montant de 59 700 000 $ constituait un rendement de l’investissement net à verser à ATCO. À titre d’entreprise de services publics assujettie à la réglementation, ATCO a obtenu le droit d’exploiter la centrale d’une certaine façon. En échange, ATCO pouvait faire des dépenses en immobilisation, une fois que l’Alberta Utility Board les avait approuvées, et les consommateurs recevraient leurs services au prix coûtant. L’Alberta Utility Board fixait les tarifs d’électricité en examinant la mise de fonds de l’investisseur, les frais d’exploitation, le rendement du capital investi et les incidences fiscales. Après avoir examiné ces facteurs, l’Alberta Utility Board a choisi les éléments qui étaient pertinents, fixé le taux de rendement et calculé les recettes totales nécessaires. L’investisseur devait recevoir a) sa mise de fonds, b) un rendement du capital investi lorsque celui-ci était fondé sur des taux d’amortissement couvrant la durée de vie opérationnelle de l’équipement, c) ses frais d’exploitation et d) les incidences des éléments susmentionnés sur l’impôt sur le revenu. Selon Hildebrand, le montant de 59 700 000 $ ne devait pas constituer un paiement au titre de la perte de profits ultérieurs. Aucun calcul n’était fondé sur cette base et les profits n’étaient nullement pertinents. Les taux étaient fondés sur le prix coûtant et non sur le prix ou les revenus ultérieurs. Les consommateurs voulaient obtenir la valeur résiduelle, c’est-à-dire ce que la centrale vaudrait une fois qu’elle serait soustraite à la réglementation, soit les sommes d’argent générées ou le produit de vente. Le montant de 59 700 000 $ n’aurait pas été versé à ATCO si celle-ci avait conservé la valeur résiduelle.

 

[11]      Au cours des négociations, le Balancing Pool a voulu s’assurer qu’il conserverait la valeur résiduelle de la centrale et qu’il bénéficierait de la déduction pour amortissement revenant à ATCO par suite du transfert du droit bénéficiaire. Les comptes de DPA étaient plus élevés que la valeur comptable, ce qui donnerait lieu à un crédit d’impôt pour ATCO; par conséquent, l’ARN devait comporter une clause énonçant que ce crédit faisait partie des avantages résiduels et reviendrait au Balancing Pool. Au cours des négociations, ATCO a convenu de verser pendant un certain temps au Balancing Pool le crédit au titre de la déduction pour amortissement au fur et à mesure qu’elle recevrait l’avantage fiscal.

 

[12]      Selon l’ARN, ATCO devait recevoir son investissement en capital de 59 700 000 $, soit la valeur comptable nette de la centrale et des éléments d’actif de celle-ci. Les deux parties avaient l’intention de conclure l’ARN en fonction de la valeur comptable nette pour ATCO.

 

[13]      L’ARN signé par Hildebrand et Post devait produire les effets suivants :

 

1.                  L’AAE serait résilié au moyen d’un règlement de 2000 qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2001.

2.                  ATCO demeurerait propriétaire de la centrale, tandis que l’intérêt bénéficiaire sur celle-ci serait transféré au Balancing Pool le 1er janvier 2001, y compris tout droit d’ATCO à un crédit au titre de la déduction pour amortissement connexe.

3.                  ATCO exploiterait la centrale pendant un certain temps sous la direction d’un comité de vente composé de cinq personnes, soit quatre personnes choisies par le Balancing Pool et une personne choisie par ATCO, qui ne pourrait pas voter sur les questions liées à cette exploitation. ATCO toucherait des honoraires de gestion annuels à l’égard de l’exploitation de la centrale.

4.                  À la cessation de l’AAE le 1er janvier 2001, le Balancing Pool verserait à l’appelante la somme de 59 700 000 $.

5.                  Si la centrale n’était pas vendue à l’intérieur d’un certain laps de temps, ATCO disposerait d’un délai d’un an pour la déclasser et, en cas de réussite, le Balancing Pool paierait les frais de déclassement. Si la centrale n’était pas déclassée à l’intérieur du délai prévu et qu’ATCO continuait à l’exploiter, celle-ci serait redevable des frais de déclassement que la centrale engagerait à l’avenir.

6.                  Le Balancing Pool toucherait la totalité du produit découlant de la vente de la centrale à une tierce partie.

 

[14]      Le 1er janvier 2001, ATCO a transféré la centrale à l’appelante au moyen d’une réorganisation avec report d’impôt conformément à l’article 85 de la Loi et, conformément à l’ARN, celle-ci a reçu du Balancing Pool un montant de 59 700 000 $ [traduction] « à titre de dédommagement à l’égard de la cessation prématurée de l’AAE ».

 

[15]      Eu égard aux conditions de l’AAE, ATCO était préoccupée au sujet de la quantité d’électricité que la centrale devrait produire pendant un certain temps et des amendes qu’elle devrait payer si les cibles de production prévues dans cet accord n’étaient pas atteintes; ATCO ne croyait pas que la centrale serait rentable au cours de la période précisée dans l’AAE.

 

[16]      En octobre 2003, le Balancing Pool a vendu la centrale à une tierce partie et la totalité du produit de la vente lui a appartenu. Entre le 1er janvier 2001 et la date de la vente à la tierce partie, le Balancing Pool a bénéficié de tous les avantages liés à la propriété de la centrale et a dû s’acquitter de toutes les responsabilités connexes; cependant, pendant cette période provisoire, ATCO a conservé le titre en common law de la centrale, et ce, pour trois raisons :

 

1.                  les négociations entre ATCO et le Balancing Pool ont été faites dans la précipitation et les permis du propriétaire en common law n’ont pu être tous transférés au Balancing Pool, faute de temps;

2.                  l’intention a toujours été de trouver une tierce partie disposée à acquérir la centrale et il ne valait pas la peine d’obtenir le titre afférent à celle-ci, puis de le transférer à une tierce partie, car cette vente devait avoir lieu beaucoup plus tôt que ce qui s’est passé;

3.                  des doutes existaient quant à la capacité du Balancing Pool de se porter acquéreur de la centrale aux termes de sa mission.

 

[17]      Lorsque la centrale a été vendue, l’appelante était partie au contrat de vente en qualité de vendeur, puisqu’elle détenait le titre de propriété en common law; cependant, le Balancing Pool détenait tous les autres droits afférents à la propriété.

 

[18]      L’ARN comportait quelques clauses particulières pertinentes, notamment :

 

1.                  Alinéa 4a)(i) : 

 

[traduction]

a)         Le présent accord et les obligations qui incombent aux parties en vertu des présentes sont assujettis aux conditions suivantes :

[…]

i)          l’adoption d’un règlement entrant en vigueur le 1er janvier 2001, lequel règlement doit prévoir la cessation de l’AAE et permettre à l’ABP de signer le présent accord pour le compte du groupe, d’exercer les droits et pouvoirs qui lui sont accordés et de prendre en charge les obligations et responsabilités qui lui sont imposées au nom du power pool council conformément aux présentes, en plus d’autoriser le versement des paiements prévus aux présentes à même les comptes du Balancing Pool conformément aux conditions du présent accord [...]

 

2.                  Alinéa 5b) :

 

[traduction] ATCO Electric doit recevoir du Balancing Pool un paiement à titre d’indemnité à l’égard de la résiliation prématurée de l’AAE, lequel montant global doit être payé le 1er janvier 2001 [...]

 

3.                  Alinéa 5d) :

 

[traduction] ATCO Electric convient de verser chaque année au Balancing Pool, pour les années allant de 2001 à 2020 inclusivement, dans les dix jours suivant leur réception, des montants correspondant aux avantages fiscaux qui lui reviennent à l’égard des surplus des comptes de déduction pour amortissement attribuables à la centrale [...]

 

[19]      L’annexe A de l’ARN, intitulée « Compensation for Early Termination of the PPA » (indemnité pour résiliation prématurée de l’AAE), stipulait notamment que :

 

[traduction] L’indemnité que le Balancing Pool doit verser au titre de la valeur comptable en cas de résiliation prématurée correspond à un montant forfaitaire auquel s’ajoutent les montants réels relatifs aux dépenses en immobilisation engagées en 2000 et au stock de charbon à la fin de l’année 2000, selon les indications figurant ci‑après.

 

Le montant global d’environ 59 700 000 $ se composait d’une somme d’environ 54 800 000 $ reflétant la valeur comptable nette de l’actif de la centrale à la clôture, d’une somme de 2 100 000 $ représentant la valeur comptable nette des éléments d’actif servant à l’administration générale et de différents rajustements relatifs au stock ainsi que d’un rajustement supplémentaire se rapportant au déclassement. Il n’est nullement question, à l’annexe « A », de sommes d’argent au titre des profits ultérieurs abandonnés; seules les valeurs comptables nettes sont mentionnées dans ce document.

 

[20]      L’annexe G de l’ARN, intitulée « ATCO Electric Ltd., H.R. Milner U.C.C./Tax Calculation Allocation of Proceeds » (répartition du produit aux fins du calcul de l’impôt/de la FNACC – ATCO Electric Ltd. et H.R. Milner), montre comment la fraction non amortie du coût en capital a été ventilée, compte tenu du prix d’achat et des pourcentages applicables aux catégories concernées.

 

[21]      Dans l’ARN, le mot « compensation » (indemnité) est défini comme le total du montant forfaitaire (soit 59 700 000 $) et de toute somme supplémentaire.

 

[22]      Par ailleurs, l’EE était jointe à l’ARN en annexe B et faisait partie intégrante de cet accord.

 

[23]      Dans le préambule de l’EE, ATCO était désignée comme le propriétaire de la centrale.

 

[24]      L’EE comportait un certain nombre de clauses qui sont particulièrement pertinentes :

 

Alinéa 2.5a) :

 

[traduction] Lors de la cessation de la présente entente, sauf [...], ATCO pourra poursuivre l’exploitation de la centrale pour son propre usage à compter de la date de ladite cessation, auquel cas elle aura le droit de recevoir tous les revenus découlant de cette exploitation et devra prendre en charge toutes les dettes et responsabilités connexes [...]

 

Article 3.1 :

 

[traduction] Pendant la durée de la présente entente, toutes les recettes découlant de l’exploitation et de la propriété de la centrale et des installations sous licence sont versées au Balancing Pool. […]

 

Alinéa 3.2a) :

 

[traduction] Pendant la durée de la présente entente, ATCO Electric a le droit de recevoir du Balancing Pool le paiement de tous les frais raisonnables et nécessaires engagés dans le cadre de l’exploitation de la centrale, pourvu que le comité d’exploitation approuve ces frais [...]

 

Article 4.1 :

 

 [traduction] Un comité d’exploitation composé de quatre représentants du BPA et d’un représentant d’ATCO Electric est mis sur pied. Les parties nomment leurs représentants respectifs au comité d’exploitation dès la signature de la présente entente. ATCO Electric et le BPA conviennent que les consommateurs désignent deux des représentants que celui-ci nomme.

 

Alinéa 7a) :

 

            [traduction]

a)                  ATCO Electric exploite la centrale à compter du 1er janvier 2001 conformément aux conditions de l’entente d’exploitation.

b)                  L’entente d’exploitation est signée en même temps que le présent accord.

 

Article 7.1 :

 

[traduction] ATCO Electric reçoit du Balancing Pool un montant supplémentaire à titre d’honoraires de gestion [...]

 

Article 9.2 :

 

[traduction] Pendant la durée de la présente entente, ATCO Electric conserve le titre de propriété en common law de la centrale et des installations sous licence, pourvu qu’un intérêt bénéficiaire sur celles-ci soit accordé au Power Pool au profit des consommateurs.

 

[25]      Aux fins du processus de vente de la centrale à une tierce partie, un comité composé de cinq personnes, soit un représentant d’ATCO et quatre représentants du Balancing Pool, a été formé et chargé de la mise en marché. Seuls les membres représentant les intérêts des consommateurs (Balancing Pool) disposaient d’un droit de vote. ATCO a siégé au comité sans détenir de droit de vote pour les raisons suivantes :

 

1.                  les consommateurs désiraient qu’ATCO prête son concours à la vente de la centrale et qu’elle aide les acheteurs éventuels à respecter leur obligation de diligence raisonnable;

2.                  étant donné qu’elle était préoccupée par le risque de responsabilité résiduelle afférent à la centrale, ATCO voulait avoir son mot à dire dans le choix de l’acquéreur. Elle ne voulait pas être responsable en cas de déclassement ou de problème environnemental et désirait s’assurer que l’acquéreur s’engage à la dédommager à l’égard de toutes les dettes et responsabilités éventuelles.

 

[26]      Lors de la vente à la tierce partie, le Balancing Pool a donné un engagement d’indemnisation à l’appelante, parce que la tierce partie n’avait pas les moyens de le faire. De plus, l’appelante n’a obtenu aucun montant provenant du produit de cette vente, sauf des honoraires de 200 000 $ pour l’aide qu’elle avait apportée au cours du processus.

 

[27]      Selon l’EE, un comité d’exploitation devait surveiller l’entreprise et l’exploitation de la centrale et examiner, évaluer et élaborer une stratégie commerciale pour l’exploitation continue de celle-ci et des installations sous licence afin de minimiser les coûts et de maximiser l’énergie disponible et les avantages pour les consommateurs. Ce comité devait également donner des directives à ATCO au sujet de la gestion de la centrale, examiner et approuver les recommandations d’ATCO au sujet de l’exploitation continue de celle-ci et des installations sous licence et enjoindre à l’appelante de prendre ou de s’abstenir de prendre toute mesure s’y rapportant.

 

[28]      En qualité de gestionnaire de la centrale, l’appelante devait toucher des honoraires de base de 750 000 $, soit des honoraires minimaux de 500 000 $ ainsi qu’une rémunération supplémentaire si certains objectifs opérationnels étaient atteints (honoraires de base et incitatifs).

 

Questions en litige

 

[29]     1.    Le paiement forfaitaire de 59 700 000 $ que le Balancing Pool a versé à l’appelante constituait-il une rentrée de capital ou un revenu au sens de l’article 9 de la Loi?

 

2.      Subsidiairement, si le paiement n’était pas un revenu au sens de l’article 9 de la Loi, s’agissait-il d’un paiement obligatoire visé par le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi?

 

3.      Si le montant de 59 700 000 $ est un revenu visé à l’article 9 de la Loi, est-il imposable en 2000 ou en 2001?

 

4.      D’autres questions se posaient, notamment celles de savoir si les dépenses courantes de 6 002 362 $ ont été correctement déduites dans le calcul du bénéfice de l’appelante pour l’année 2001, si les dépenses courantes rajustées de 1 335 540 $ étaient déductibles dans le calcul du bénéfice de l’appelante pour l’année 2001 et si les dépenses de démantèlement courantes rajustées de 225 888 $ étaient déductibles dans le calcul des bénéfices de l’appelante pour les années en cause. En ce qui a trait à ces dernières questions, l’appelante et l’intimée ont convenu que, de la somme de 7 565 720 $ affectée aux frais de réparation et de maintenance, un montant de 4 539 430 $ était déductible pour l’année d’imposition 2001 et le solde de 3 026 288 $ a été assimilé correctement à un ajout à la fraction non amortie du coût en capital des comptes de déduction pour amortissement de l’appelante. Il sera tenu compte de cet accord dans l’ordonnance découlant du présent jugement.

 

Les actes de procédure et les thèses des parties

 

[30]      Le 14 octobre 2008, l’appelante a déposé un avis d’appel modifié dans lequel elle a sollicité les mesures suivantes (sauf en ce qui a trait aux mesures concernant les éléments convenus). L’appelante a demandé que l’appel soit accueilli avec dépens et que la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2001 soit renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour les raisons suivantes :

 

[traduction]

(i)                  le paiement forfaitaire de 59 737 728 $ qui a été versé conformément à l’ARN était une rentrée de capital et non un profit ou, subsidiairement, même s’il s’agissait d’un profit, ce montant a été incorrectement exclu du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2001;

[…]

 

41. En plus de la mesure exposée plus haut, l’appelante demande l’autorisation, par suite des rajustements faits au titre des éléments mentionnés plus haut, de calculer à nouveau sa déduction pour amortissement, sa récupération de la déduction pour amortissement, sa déduction relative aux ressources, sa déduction pour épuisement gagnée et sa déduction pour bénéfices de fabrication et de transformation à l’égard de l’année d’imposition.

 

42. En plus de la mesure exposée ci-dessus, l’appelante demande l’autorisation de réclamer toute déduction facultative non utilisée, y compris la FNACC, le MCIA, les pertes autres qu’en capital d’autres années, les pertes en capital nettes d’autres années, les crédits d’impôt à l’investissement et tout autre montant déterminé.

 

[31]      Le 27 octobre 2008, l’intimée a déposé une réponse modifiée et, en plus de ce qui a été convenu, elle a exposé ce qui suit au sujet du motif invoqué et de la mesure sollicitée :

 

[traduction]

21. Elle soutient que le montant de 59 000 000 $ reçu est correctement assimilé à un revenu et fait partie du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2001, pour les raisons suivantes :

 

a)         l’ARN ne constitue pas un contrat de vente à l’égard de la centrale Milner. Le montant de 59 000 000 $ versé en application de cet accord est plutôt une indemnité payée par le Balancing Pool à l’égard de la résiliation prématurée de l’AAE se rapportant à la centrale et représente des profits ultérieurs abandonnés;

 

b)                  de plus, l’ARN ne prévoyait aucun transfert de la propriété effective afférente à la centrale Milner au sens de l’alinéa 248(1)e) de la Loi, ni la vente de ladite centrale au Balancing Pool pour l’application de la Sale of Goods Act.

 

22.       Subsidiairement, l’appelante fait valoir que le Balancing Pool devait dédommager ATCO lors de la cessation de l’AAE relatif à la centrale de Milner, conformément aux dispositions des règlements 170/99, 106/2000 et 331/2000. En conséquence, le montant de 59 000 000 $ constitue un paiement obligatoire qui est imposable conformément au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi et doit être inclus dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2001, car ATCO a reçu ce montant d’un organisme public à titre de remboursement à l’égard d’une somme incluse dans le coût d’un bien (soit la centrale de Milner et les biens connexes) ou à l’égard d’une dépense engagée ou effectuée.

 

[32]      L’appelante soutient qu’ATCO ne voulait plus être liée par l’AAE; elle désirait que cet accord soit résilié et voulait être dédommagée à l’égard des sommes qu’elle avait investies dans la centrale; c’est dans cet esprit qu’elle a entamé les négociations, par suite desquelles le Balancing Pool devait toucher tous les bénéfices et prendre à sa charge toutes les pertes découlant de l’exploitation de la centrale (jusqu’à ce qu’il vende celle-ci à une tierce partie). ATCO a exploité la centrale jusqu’à ce que celle-ci soit vendue et le montant que le Balancing Pool a versé à ATCO correspondait au produit de la vente de la centrale et ne constituait pas un revenu au sens de l’article 9 de la Loi. L’appelante ajoute que, si elle fait erreur, le montant de 59 700 000 $ versé en application de l’ARN était un revenu pour l’année 2000 et non 2001. Selon le principe de la comptabilité d’exercice, le montant était imposable en 2000 et non en 2001. L’appelante conteste la thèse selon laquelle il n’y a pas eu de transfert de la propriété effective. Elle ajoute qu’il n’y a pas eu de paiement obligatoire au sens de l’alinéa 12(1)x) de la Loi.

 

[33]      L’intimée soutient essentiellement que le montant versé à ATCO constitue une indemnité à l’égard de la perte de profits ultérieurs et, par conséquent, un revenu visé à l’article 9 de la Loi; elle ajoute qu’aucun droit bénéficiaire n’a été transféré au Balancing Pool ni ne pouvait l’être, parce que celui-ci ne pouvait détenir un droit de cette nature, et que, subsidiairement, le paiement était un paiement obligatoire au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi.

 

Lois et règlements applicables

 

[34]      De nombreuses dispositions législatives et réglementaires sont pertinentes en l’espèce.

 

[35]      L’article 9 de la Loi dispose que :

 

9.(1)     Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

 

(2)               Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

 

(3)               Dans la présente loi, le revenu tiré d’un bien exclut le gain en capital réalisé à la disposition de ce bien, et la perte résultant d’un bien exclut la perte en capital résultant de la disposition de ce bien.

 

[36]      Le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi dispose que :

 

(iv) soit à titre de remboursement, de contribution ou d’indemnité ou à titre d’aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l’impôt ou d’indemnité, ou sous toute autre forme, à l’égard, selon le cas :

 

(A)    d’une somme incluse dans le coût d’un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B)    d’une dépense engagée ou effectuée,

 

dans la mesure où le montant, selon le cas :

[…]

 

[37]      Voici le texte des alinéas 1(1)c) et f) du Balancing Pool Regulation, Alta. Reg. 169/1999, pris en application de l’Electric Utilities Act, R.S.A. 2000 ch. E-5 (EUA) :

 

[traduction]

[…]

 

c)                  « administrateur du balancing pool » La ou les personnes nommées en vertu de l’alinéa 2(1)c);

[…]

 

f)          « conseil » Le Power Pool Council;

 

[38]      Les paragraphes 2(1) et 3(1), l’article 4, le paragraphe 5(1) et les articles 6 et 7 du Balancing Pool Regulation disposent que :

 

            [traduction]

2(1)  Au plus tard le 31 décembre 1999, le conseil :
 
a)    crée au moins un compte financier distinct appelé le balancing pool,
 
b)   établit les règles relatives au balancing pool,
 
c)   désigne au moins une personne compétente à titre d’administrateur du balancing pool.
[…]
 
3(1)  L’administrateur du balancing pool doit exercer ses pouvoirs et fonctions au nom du conseil et tous les pouvoirs et fonctions que lui-même ou une personne visée au paragraphe (2) exerce sont réputés avoir été exercés au nom du conseil.
[…]
 
4  L’administrateur du balancing pool exerce les attributions qui suivent conformément à l’EUA ainsi qu’aux règlements et aux règles du balancing pool :
 
a)      il signe les contrats, ententes et autres instruments se rapportant au balancing pool;
b)      il conclut et applique les ententes bancaires se rapportant au balancing pool;
c)      il contracte des emprunts ou conclut des ententes relatives à une marge de crédit ou à la protection contre les découverts avec une banque, une direction de la trésorerie, une caisse populaire, une société de prêt ou une société de fiducie afin de respecter les obligations du balancing pool au fur et à mesure de leur échéance, et consent des garanties à l’égard des prêts ou découverts ou de la marge de crédit;
d)      il tire, établit, accepte, endosse, exécute ou délivre des billets à ordre, lettres de change ou autres instruments négociables à l’égard du balancing pool;
e)      il engage les employés, consultants et conseillers nécessaires dans le cadre de l’administration du balancing pool et de l’exercice des attributions du conseil et de l’administrateur du balancing pool et détermine les fonctions, les conditions d’engagement et la rémunération de ces personnes;
f)        il détermine le montant des obligations ou dépenses à payer à même les comptes du balancing pool conformément à l’alinéa 7(1)h);
g)      il exerce les autres fonctions nécessaires aux fins de l’administration du balancing pool.
 
5(1)         L’administrateur du balancing pool exerce les attributions qui suivent conformément à la Loi, aux règles, aux règlements du balancing pool et à tout arrangement; plus précisément :
 
a)      il surveille le paiement des montants visés à l’article 6 au balancing pool;
b)      il surveille le paiement des montants visés à l’article 7 à même les comptes du balancing pool;
c)      il détermine le montant des sommes à porter au crédit et au débit des comptes du balancing pool;
d)      il attribue les crédits du balancing pool directement aux clients ou indirectement à ceux-ci par l’entremise :
(i)                  des détaillants,
(ii)                des fournisseurs de services télégraphiques,
(iii)               de l’administrateur du power pool;
e)      il prélève des frais directement des clients par l’entremise :
(i)                  des détaillants,
(ii)                des fournisseurs de services télégraphiques,
(iii)               de l’administrateur du power pool;
f)        il offre en vente au public un arrangement détenu par l’administrateur du balancing pool à titre de partie à l’arrangement;
g)      il offre en vente au public les produits dérivés qu’il a créés conformément au Power Purchase Arrangements Regulation (AR 170/99);
h)      il exerce les attributions qui lui sont conférées en qualité de partie à un arrangement ou qui sont conférées au balancing pool en vertu d’un arrangement;
i)        il exerce ou cède à un tiers le droit d’échanger de l’électricité par l’entremise du power pool lorsque ce droit découle du fait que l’administrateur est partie à un arrangement;
j)        sur réception d’un avis relatif à un événement extraordinaire, il évalue et vérifie la survenance de l’événement, étudie la mesure dans laquelle une partie est tenue de verser un paiement à même les comptes du balancing pool ou à celui-ci en application des dispositions de l’arrangement et participe aux procédures de règlement des différends visés par un arrangement pris conformément au paragraphe (3);
k)      dans les cas où l’alinéa j) s’applique, il commence à verser les paiements prévus dans l’arrangement jusqu’à ce que les questions visées à l’alinéa j) soient réglées, que ce soit par accord ou dans le cadre des procédures de règlement des griefs en application du paragraphe (3);
l)        il établit, défend, règle et retire les demandes principales et demandes reconventionnelles visant le balancing pool à l’égard d’un arrangement que l’administrateur du balancing pool détient comme partie à celui-ci;
m)    il établit, défend, règle et retire les demandes principales et demandes reconventionnelles visant les détaillants, les fournisseurs de services télégraphiques, les clients et d’autres personnes et concernant le paiement de montants portés au crédit ou à la charge du balancing pool.
[…].
 
6                           Les montants suivants doivent être versés dans les comptes du balancing pool :
a)      les paiements, honoraires, frais ou autres sommes dont la Loi ou les règlements exigent le paiement au balancing pool;
b)      les paiements, honoraires, frais ou autres sommes devant être versés au balancing pool conformément à un accord, y compris les paiements exigés par suite d’un événement extraordinaire ou du règlement d’un différend visé au paragraphe 5(3);
c)      les frais qu’exige le balancing pool dont le paiement incombe, directement ou indirectement, à un client conformément à une facture;
d)      les sommes empruntées pour respecter les obligations du balancing pool;
e)      tout revenu, somme en principal, dividende ou autre montant reçu à l’égard des investissements effectués conformément à l’article 8;
f)        les montants que l’administrateur du balancing pool reçoit à l’égard d’un arrangement qu’il détient comme partie à celui-ci;
g)      les amendes que le conseil inflige conformément à l’alinéa 9.5(1)c) de l’EUA;
h)      les montants que le conseil d’administration approuve à titre de montants à verser au balancing pool pendant la période précédant l’entrée en vigueur d’un arrangement;
i)        tout autre montant reçu dans le cadre de l’administration du balancing pool, exception faite des montants dont le ministre précise qu’ils ne constituent pas des montants à verser dans les comptes du balancing pool.
 
7(1)         Les montants suivants doivent être payés à même les comptes du balancing pool :
a)      les paiements, honoraires, frais ou autres sommes dont la Loi ou les règlements exigent le paiement à même les comptes du balancing pool;
b)      les paiements, honoraires, frais ou autres sommes devant être versés à même les comptes du balancing pool conformément à un accord, y compris les paiements exigés par suite d’un événement extraordinaire ou du règlement d’un différend visé au paragraphe 5(3);
c)      tout montant dû au titre d’un crédit que le balancing pool accorde, directement ou indirectement, à un client conformément à une facture;
d)      les sommes en principal et intérêts à payer ou à rembourser au titre des emprunts contractés pour respecter les obligations du balancing pool;
e)      les montants à payer à titre de prix d’achat des investissements effectués conformément à l’article 8;
f)        les montants que l’administrateur du balancing pool doit payer au titre d’un arrangement qu’il détient comme partie audit arrangement;
g)      les montants que le conseil d’administration approuve comme montants à payer à même les comptes du balancing pool pendant la période précédant l’entrée en vigueur d’un arrangement;
h)      toute autre obligation ou dépense engagée dans le cadre de l’administration du balancing pool, exception faite de celles dont le ministre précise qu’elles ne constituent pas des montants à payer à même les comptes du balancing pool.
 
(2)                      Pour l’application de l’alinéa (1)h), aucun montant ne peut être versé à même les comptes du balancing pool à l’égard des obligations ou dépenses engagées dans le cadre de l’administration du power pool.
 
(3)                      Aucune disposition de la Loi, des règlements ou d’un arrangement ne peut être interprétée de façon :
 
a)      soit à libérer un assureur des obligations qui lui incombent en vertu d’une police d’assurance,
b)      soit à exiger qu’un montant pouvant par ailleurs être recouvré au titre d’une police d’assurance soit payé à même les comptes du balancing pool.
 
[39]         Voici le texte des paragraphes 8(1) et 8(2) et de l’alinéa 8(4)c) du Power Purchase Arrangements Regulation (règlement 170/99) pris en application de l’EUA :
 
8(1)       Dans les cas où :
 
a)      aucune offre acceptable n’est reçue à l’égard d’une entente d’achat d’électricité lors d’une mise aux enchères (sauf une entente visée à l’article 26 du General Units Regulation (AR 72/99)),
b)      une entente d’achat d’électricité est convertie en instrument financier conformément à l’alinéa 45.94(2)b) de l’EUA (la Loi);
c)      une entente d’achat d’électricité est vendue à un acquéreur par mise aux enchères et prend fin autrement qu’en application de l’article 15.2 de ladite entente,
 
l’entente d’achat d’électricité
 
d)      est réputée avoir été vendue à l’administrateur du balancing pool lors d’une vente aux enchères;
e)      est détenue par l’administrateur du balancing pool aux fins de la Loi, des règlements pris en application de la Loi et de ladite entente.
 
(2)                  Lorsque le paragraphe (1) s’applique, l’administrateur du balancing pool peut immédiatement invoquer les droits de l’acquéreur et devient lié par les obligations de l’acquéreur et, dès lors, l’entente d’achat d’électricité s’applique conformément à ses modalités et aux modifications dont elle fait l’objet à l’occasion conformément à celles-ci, sous réserve de ce qui suit :
 
a)      l’alinéa 4.3j) et les articles 7.3, 14.6, 15.3, 15.4 et 17.4 de l’entente d’achat d’électricité sont réputés avoir été supprimés;
b)      l’article L3.1, les alinéas L3.2a), c), e) et f) et les articles L3.4, L3.5 et L4.1 de l’annexe L de l’entente d’achat d’électricité sont réputés avoir été supprimés;
c)      l’article 14.4 de l’entente d’achat d’électricité est réputé avoir été remplacé par ce qui suit :
 
14.4 Pendant toute période de suspension de l’obligation du propriétaire de se conformer à une condition prévue à la présente entente, le paiement de la capacité mensuelle équivaut au paiement de la capacité provisoire, malgré tout autre disposition de l’entente.
[…]
 
(4)    Lorsque le paragraphe (1) s’applique, l’administrateur du balancing pool peut mettre fin à l’entente d’achat d’électricité malgré les conditions de celle‑ci, pourvu :
[…]
 
c)      qu’il paie au propriétaire ou veille à ce que le propriétaire reçoive un montant correspondant à la valeur comptable nette du groupe électrogène à la clôture, déterminée conformément à l’entente comme si le groupe électrogène avait été détruit, déduction faite du produit d’assurance.

 

[40]      Les paragraphes 2(4) et 2(5) et l’article 6 du Power Purchase Arrangement Auction Regulation (règlement 85/2000), pris en application de l’EUA, disposent que :

 

[traduction]

2(4) Seules les ententes d’achat d’électricité qui s’appliquent aux groupes thermiques peuvent être offertes en vente lors de la mise aux enchères.

 

(5) L’entente d’achat d’électricité doit être offerte en vente lors de la mise aux enchères pour toute la durée de ladite entente, conformément aux dispositions de celle-ci.

 

[…]

6          Le ministre peut ajourner ou suspendre la vente aux enchères en tout temps.

 

[41]      Voici le texte des paragraphes 1 et 2 du Power Purchase Arrangements Amendment Regulation (règlement 106/2000), pris en application de l’EUA :

 

[traduction]

1          Le présent règlement modifie le Power Purchase Arrangements Regulation (AR 170/99).

 

2          L’article 6 est abrogé et remplacé par ce qui suit :

 

6(1)      Dans le présent article, l’expression « produits dérivés » utilisée à l’égard d’une entente d’achat d’électricité qui s’applique à un groupe visé à la partie 1 s’entend des droits, intérêts et obligations financiers partiels découlant de l’entente dans les cas où le produit sous-jacent est de l’électricité ou un service d’électricité, mais ne comprend pas le transfert de l’entente d’achat d’électricité, en tout ou en partie, à l’acheteur du produit dérivé.

 

(2)        Malgré le paragraphe 45.93(1) de l’EUA (la Loi), l’entente d’achat d’électricité qui s’applique à un groupe hydro-électrique et l’entente d’achat d’électricité qui s’applique au groupe électrogène de H.R. Milner :

 

a)      ne peuvent être offertes en vente au public lors d’une mise aux enchères, mais sont réputées avoir été vendues à l’administrateur du balancing pool à une mise aux enchères;

 

b)      doivent être détenues par l’administrateur du balancing pool, qui est alors considéré comme l’acquéreur aux fins de la Loi, des règlements pris en application de la Loi et des ententes d’achat d’électricité.

 

(3)        L’entente d’achat d’électricité que détient l’administrateur du balancing pool en application du présent article produit ses effets conformément aux conditions qui y sont énoncées.

 

(4)        L’administrateur du balancing pool qui détient une entente d’achat d’électricité en application du présent article :

 

a)      peut créer des produits dérivés et les offrir en vente au public;

b)      peut offrir en vente au public l’entente d’achat d’électricité qui s’applique au groupe électrogène de H.R. Milner.

 

(5)        Les règlements visés au paragraphe 45.93(3) de la Loi peuvent comporter des règles régissant la création et la vente de produits dérivés.

 

(6)        L’article 45.94 de la Loi ne s’applique pas :

 

a)      à la vente de produits dérivés en application du présent article;

b)      à la vente de l’entente d’achat d’électricité qui s’applique au groupe électrogène de H.R. Milner conformément au présent article.

 

[42]      Les paragraphes 1, 2, 3, 4 et 5 du H.R.Milner Generating Unit Negotiated Settlement Implementation Regulation (règlement 331/2000), pris en application de l’EUA, disposent que :

 

[traduction]

1          Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement :

 

a) « ATCO » :

 

(i) soit ATCO Electric Ltd.,

(ii) soit une société affiliée d’ATCO, selon la définition de l’entente d’achat d’électricité de Milner, à laquelle ATCO Electric Ltd. a le droit de céder cette entente conformément à l’accord de règlement négocié;

 

b) « administrateur du balancing pool » : la ou les personnes nommées en vertu de l’alinéa 2(1)c) du Balancing Pool Regulation (AR 169/99);

 

c) « entente d’achat d’électricité de Milner » : l’entente d’achat d’électricité qui s’applique au groupe électrogène de H.R. Milner;

 

d) « accord de règlement négocié » : les accords en date du 20 décembre 2000 qui concernent le groupe électrogène de H.R. Milner et qui ont été conclus :

 

(i)                        soit entre ATCO et l’administrateur du balancing pool;

(ii)                       soit entre l’administrateur du balancing pool et les entités décrites à titre de consommateurs dans les accords,

 

ainsi que les modifications à ces accords auxquelles le ministre consent.

 

2(1)      L’administrateur du balancing pool est habilité à exercer les attributions décrites dans l’accord de règlement négocié à titre d’attributions qui lui incombent.

 

(2)        L’administrateur du balancing pool doit verser les paiements et s’acquitter des autres obligations exposées dans l’accord de règlement négocié à titre d’obligations qui lui incombent.

 

3          ATCO doit verser les paiements et s’acquitter des autres obligations décrites dans l’accord de règlement négocié à titre d’obligations qui lui incombent.

 

4          L’entente d’achat d’électricité de Milner prend fin le 1er janvier 2001.

 

5          Afin d’assurer sa révision quant à sa nécessité et à sa pertinence, le présent règlement expire le 31 décembre 2005, à moins qu’il ne soit remis en vigueur sous sa forme actuelle ou sous une forme modifiée après révision.

 

[43]      Le paragraphe 2(1) du Balancing Pool Regulation (règlement 158/2003), pris en application de l’EUA, dispose que :

 

[traduction]

2(1)      Le balancing pool doit exercer les attributions suivantes conformément à l’EUA (la Loi), aux règlements et à toute entente :

 

a)      il surveille le paiement des montants visés à l’article 4 dans les comptes du balancing pool;

b)      il surveille le paiement des montants visés à l’article 5 à même les comptes du balancing pool;

c)      il offre en vente une entente détenue par le balancing pool en qualité de partie à l’arrangement;

d)      il crée et offre en vente des produits dérivés à l’égard des ententes qu’il détient et conclut des opérations et conventions, financières et autres, à l’égard de ces produits dérivés et ententes et à l’égard du balancing pool;

e)      il exerce les attributions qui lui incombent en qualité de partie à une entente ou en vertu d’une entente;

f)        il exerce, autorise des tiers à exercer ou cède à des tiers les droits, participations, conditions ou obligations qui découlent du fait qu’il est partie à une entente;

g)      sur réception d’un avis relatif à un événement extraordinaire :

(i)      il mène l’enquête qu’il juge à propos,

(ii)    il participe, dans la mesure qu’il juge à propos, au processus de règlement des différends entre les parties à l’entente;

h)      lorsque l’alinéa g) s’applique,

(i)      il convient avec les parties à l’entente que l’événement extraordinaire s’est produit et qu’un paiement doit être versé au balancing Pool ou par celui-ci,

(ii)    il évalue la survenance de l’événement extraordinaire et la nécessité de verser un paiement à une partie ou d’assurer le versement d’un paiement par une partie conformément à l’entente et participe aux procédures de règlement des différends en application de l’entente conformément au paragraphe (2);

i)        sur réception de l’avis prévu à l’alinéa g), il commence à verser les paiements prévus à l’entente jusqu’à ce que toutes les questions découlant des alinéas g) et h) fassent l’objet d’un accord ou d’un règlement;

j)        il formule, conteste, règle et retire les demandes principales et les demandes reconventionnelles visant le balancing pool à l’égard d’une entente qu’il détient comme partie à celle-ci;

k)      il exerce les autres attributions nécessaires aux fins de l’administration et de l’exploitation du balancing pool.

 

Analyse

 

Question nº 1

 

Le paiement forfaitaire de 59 700 000 $ que le Balancing Pool a versé à l’appelante constutuait‑il une rentrée de capital ou un revenu aux termes de l’article 9 de la Loi?

 

[44]      L’appelante soutient que la Cour est essentiellement appelée à rechercher si le montant de 59 700 000 $ constitue un montant au titre des profits ultérieurs abandonnés; elle doit alors rechercher quelle était l’opération commerciale que les parties avaient l’intention de conclure. Pour sa part, l’intimée soutient que la controverse porte sur le cadre législatif, c’est‑à‑dire sur l’intention du législateur et sur la façon dont les ententes ont été établies et devaient s’appliquer. La thèse de l’appelante ne peut être retenue que si l’opération était correcte sur le plan technique et conforme aux règles juridiques, indépendamment de toute intention visée.

 

[45]      Indépendamment de l’approche retenue, je dois me pencher sur ces deux questions. Je dois d’abord rechercher la nature de l’opération que les parties ont conclue, et ensuite si cette opération est conforme à la Loi et au régime réglementaire en vigueur.

 

[46]      Quelles sont les règles de droit au regard desquelles la Cour doit rechercher si l’échange financier constitue un rendement du capital investi ou un paiement au titre des profits ultérieurs abandonnés? Dans Tsiaprailis c. Sa Majesté La Reine, 2005 CSC 8, la Cour suprême du Canada a examiné le principe de la substitution. S’exprimant au nom de la majorité, la juge Charron a fait les observations suivantes, au paragraphe 7 :

 

7             À mon avis, cette conclusion va à l’encontre du principe voulant qu’une somme accordée à titre d’indemnité ou en règlement d’un litige soit intrinsèquement neutre sur le plan fiscal. Ma collègue ne conteste pas ce principe. Elle explique que, pour déterminer si une somme est imposable, il faut considérer sa nature et son objet et se demander ce qu’elle est censée remplacer. L’examen est factuel. Les conséquences fiscales du versement d’une somme à titre d’indemnité ou en règlement d’un litige sont ensuite établies en fonction de cette qualification. Autrement dit, le traitement fiscal dépend de ce que la somme vise à remplacer. Il s’agit du principe de la substitution. Comme le signale la juge Abella, ce principe a été défini dans l’arrêt London and Thames Haven Oil Wharves, Ltd. c. Attwooll, [1967] 2 All E.R. 124 (C.A.), puis appliqué dans un certain nombre d’affaires au Canada : voir P.W. Hogg, J.E. Magee et J. Li, Principles of Canadian Income Tax Law (4e éd. 2002), p. 91-93, et V. Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax (8e éd. 2004), p. 413-415.

 

Au paragraphe 15, la Cour a ajouté :

 

a.       Les questions décisives sont les suivantes : (1) que visait à remplacer le paiement et, si la réponse est suffisamment claire, (2) l’élément remplacé aurait-il été imposable pour la personne qui en a bénéficié? En l’espèce, la preuve de ce que le paiement visait à remplacer est claire et convaincante. […]

 

[47]      De plus, dans l’arrêt Charles R. Bell Ltd. c. Sa Majesté La Reine, 92 DTC 6472 (C.A.F.), le juge Létourneau, qui s’est exprimé au nom de la Cour d’appel fédérale, a fait les observations suivantes :

 

[…] Le juge a pu appuyer ses conclusions sur une preuve volumineuse. Il a appliqué correctement les principes juridiques pertinents en semblables matières. Il a tenu compte de l’intention des parties au moment où la somme de 300 000 $ a été négociée puis versée à titre d’indemnité à la suite de l’annulation d’un contrat de distribution exclusive, et il a conclu à bon droit, suivant les conditions du contrat, que le paiement visait à compenser la perte de profits, et constituait donc un revenu. Il est ensuite allé au-delà de l’intention des parties pour analyser la nature ou la substance réelle de l’opération ou de la recette. Il a à bon droit conclu que les droits et les avantages abandonnés lors de l’annulation du contrat de distribution n’ont pas eu pour effet de détruire, de paralyser sérieusement ou d’atteindre gravement l’organisation permettant au bénéficiaire de l’indemnité de réaliser des profits. Effectivement, l’organisation commerciale de l’appelante n’a pas été substantiellement bouleversée ni ébranlée.

 

[48]      De plus, dans l’affaire Pe Ben Industries Company Limited c. Sa Majesté La Reine, 88 DTC 6347, le juge Strayer, de la Section de première instance de la Cour fédérale, qui était appelé à rechercher si un montant donné était un gain en capital ou un revenu, a fait les observations suivantes à la page 6349 :

 

[...] je ne crois pas que la question de savoir si la somme était simplement payable « à la suite de la résiliation » ou « pour la résiliation » et représentait donc des dommages-intérêts contractuels, nous permette de décider si la somme constituait un paiement en capital ou un revenu dans les mains du bénéficiaire. Il faut examiner s’il s’agissait d’une perte de capital ou de revenu qu’on voulait indemniser. [...]

 

La jurisprudence enseigne essentiellement qu’il faut examiner l’élément que le paiement visait à remplacer : s’agissait-il d’un élément lié au capital ou lié aux profits? Quelle était l’intention des parties?

 

[49]      Pour paraphraser les observations de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Tsiaprailis c. Sa Majesté La Reine, l’application du principe de la substitution à la preuve produite en l’espèce montre de façon claire et convaincante ce que le paiement visait à remplacer.

 

[50]      Les deux personnes qui ont dirigé les négociations pour le compte de leurs clients/employeur respectifs et qui ont conclu l’accord entre ATCO et le Balancing Pool, lequel a donné lieu au paiement d’un montant de 59 700 000 $ à même le compte de celui-ci à l’appelante, s’entendaient pour dire que la somme d’argent versée ne constituait pas un paiement au titre des profits ultérieurs abandonnés, mais plutôt une indemnité à l’égard des fonds qu’ATCO avait investis dans la centrale. Il ressort nettement de la preuve non contredite qu’ATCO détenait un AAE applicable à la centrale, mais qu’elle voulait résilier cet accord, parce qu’elle prévoyait que celle-ci serait exploitée à perte dans le cadre de cet accord. ATCO voulait fermer la centrale. L’intimée soutient que, même si tel était le cas, on s’apprêtait à lui verser un montant de 59 700 000 $ au titre des profits ultérieurs abandonnés. Ce n’est pas ce qui ressort des éléments de preuve dont dispose la Cour. Ce n’est pas non plus ce qu’ont dit les personnes qui ont négocié l’ARN, le vice-président d’ATCO, Victor Post, et Dale Hildebrand, qui représentait le Balancing Pool et les consommateurs. Toutes les négociations et discussions concernant l’objectif commercial visé avant la signature de l’ARN le 20 décembre 2000 montrent que les parties s’entendaient clairement sur ce qu’ATCO obtenait et qu’il n’y avait aucun différend ou désaccord à ce sujet ou au sujet de ce que le Balancing Pool recevrait en échange du paiement de 59 700 000 $. ATCO devait recevoir les fonds qu’elle avait investis dans la centrale comme cela se serait passé dans un milieu réglementé. Les négociations concernaient en réalité la façon de maintenir la centrale en exploitation à court terme. Le Balancing Pool et les consommateurs avaient besoin d’ATCO pour que la centrale demeure opérationnelle de manière à maintenir le coût de l’électricité à un niveau peu élevé pendant un court laps de temps, comme le souhaitait le Balancing Pool, jusqu’à ce que la centrale puisse être vendue à une tierce partie. Le représentant du Balancing Pool et des créanciers a compris qu’ATCO toucherait une certaine indemnité, soit sa mise de fonds, si la centrale était transférée au Balancing Pool.

 

[51]      Tous les droits bénéficiaires afférents à la centrale ont été transférés au Balancing Pool, exception faite du titre de propriété en common law. Je conviens avec l’appelante que chacun savait que le paiement de 59 700 000 $ devait donner lieu à un crédit au titre de la déduction pour amortissement, lequel crédit ne pouvait être obtenu que si le Balancing Pool versait un montant à l’égard d’un élément d’actif auquel la déduction se rapportait, faute de quoi le crédit ne serait pas pertinent. Cette entente est incompatible avec l’allégation selon laquelle le montant de 59 700 000 $ constituait un paiement en échange de l’abandon des profits ultérieurs. Dans le cadre de ce scénario, le paiement n’est pas visé par l’article 9 de la Loi, parce qu’il constitue une rentrée de capital et non un revenu. En plus de cette entente qu’ont expliquée Post et Hildebrand au cours de leur témoignage, ainsi que des négociations et discussions concernant la nature commerciale de l’opération, il faut examiner les accords eux-mêmes et ce qu’ils prévoient au sujet du produit de la vente, de l’utilisation du capital et des profits perdus. L’ARN énonce certaines conditions devant être remplies avant la clôture de l’opération, notamment la résiliation de l’AAE, l’octroi au Balancing Pool de l’autorisation de signer l’accord pour le compte du Power Pool Council ainsi que d’exercer les attributions et de prendre en charge les autres obligations et responsabilités de celui-ci au nom du Power Pool et l’obligation de permettre que les paiements prévus par l’accord soient versés à même les comptes du Balancing Pool. Même si l’ARN stipulait, à l’alinéa 5b), qu’ATCO recevrait un paiement du Balancing Pool à titre d’indemnité à l’égard de la résiliation prématurée de l’AAE, l’indemnité devait correspondre à un montant forfaitaire défini à l’annexe A jointe audit accord. L’annexe A de l’ARN est intitulée [traduction] « Indemnité pour résiliation prématurée de l’AAE ». Malgré cet intitulé,  l’examen de l’annexe A montre sans équivoque que le paiement forfaitaire est fondé sur la valeur comptable nette de l’actif de la centrale, sur la valeur comptable nette à la clôture des éléments d’actif généraux et des éléments d’actif servant à l’administration, sur le solde à la clôture des montants non amortis de la réserve au titre des préjudices et dommages et sur la valeur comptable nette à la clôture des pièces de rechange et du stock; il est également fait mention du coût en capital du stock à la fin de l’exercice, mais non de « profits » ou de « perte ou abandon de profits » ou d’autres éléments du genre. De plus, selon l’alinéa 5b) de l’ARN, ATCO a accepté de verser chaque année au Balancing Pool, pour les années allant de 2001 à 2020 inclusivement, les montants équivalant à l’avantage fiscal revenant à ATCO au titre du surplus des comptes de déduction pour amortissement attribuable au plan. Cette clause est tout à fait incompatible avec la notion que le paiement ait été versé en échange de l’abandon des profits ultérieurs. De plus, l’annexe G de l’ARN, qui montre la ventilation du produit fondée sur le calcul des économies d’impôt/de la FNACC de la centrale, expose en détail la fraction non amortie du coût en capital et la ventilation du produit de la vente selon les données de l’annexe A; cette annexe G ne permet pas non plus de dire que l’appelante a touché le paiement à titre d’indemnité relative à l’abandon des profits ultérieurs.

 

[52]      L’ARN comporte également une EE qui a été signée en même temps que cet accord et qui tend à confirmer la thèse de l’appelante et à infirmer celle de l’intimée. L’EE est un prolongement de l’ARN et renvoie aux obligations des parties au sujet de l’exploitation de la centrale après le transfert du droit bénéficiaire afférent à celle-ci (tel qu’il est décrit plus loin) au Balancing Pool. L’existence d’une EE prévoyant que l’appelante devait exploiter la centrale après avoir transféré au Balancing Pool son droit bénéficiaire afférent à celle-ci (sauf son titre de propriété en common law) et recevoir des honoraires de gestion ainsi que des stimulants est incompatible avec la position de l’intimée.

 

[53]      Les différents documents clés, soit l’AAE, l’ARN et l’EE, les témoignages de M. Post, vice-président d’ATCO, et de M. Hildebrand, négociateur représentant le Balancing Pool et les consommateurs, qui jouissaient tous les deux d’une longue expérience et connaissaient bien le régime de réglementation alors en vigueur en Alberta, et l’intention du gouvernement de déréglementer le secteur de la production d’électricité, vont tout à fait de pair avec le plan mis en œuvre et l’entente finalement conclue entre les parties sur la base suivante :

 

1.      La centrale appartenait à ATCO;

2.      La centrale n’était pas une entreprise rentable et pouvait difficilement être exploitée de façon viable, en raison de la mauvaise qualité du charbon; de plus, elle était essentiellement vétuste et était peu susceptible de donner un rendement positif à l’avenir;

3.      Le gouvernement albertain a imposé un AAE à ATCO à l’égard de la centrale. ATCO estimait que cet accord ne lui permettrait pas d’exploiter l’usine de manière viable et qu’elle perdrait probablement de l’argent dans le cadre de cette exploitation, tout en payant des amendes élevées si elle n’atteignait pas certaines cibles de production prévues dans l’AAE;

4.      Pour ces raisons, ATCO voulait fermer la centrale et a entamé des discussions avec le gouvernement albertain à ce sujet. Celui-ci a alors fait intervenir le Balancing Pool et les consommateurs pour négocier un accord avec ATCO relativement à la poursuite de l’exploitation de la centrale à court terme et au transfert du droit de propriété s’y rapportant à une tierce partie;

5.      Afin d’atténuer les réserves d’ATCO au sujet de la viabilité économique de la centrale et de tenir compte de la volonté du Balancing Pool et des consommateurs de maintenir la centrale en exploitation à court terme afin d’éviter une hausse des coûts de l’électricité qui se traduirait par une augmentation des tarifs pour les consommateurs, le gouvernement albertain mettrait fin à l’AAE dès que serait conclu entre ATCO et le Balancing Pool un accord prévoyant que l’intérêt bénéficiaire afférent à la centrale serait transféré à celui-ci et qu’ATCO signerait une EE se rapportant à l’exploitation de celle-ci à court terme. L’EE devait énoncer qu’ATCO exploiterait la centrale à court terme, sous les directives du comité de vente et sous le contrôle du Balancing Pool, jusqu’à ce que celui-ci ait la possibilité de la vendre à une tierce partie. ATCO devait exploiter la centrale pendant un certain temps et, si celle-ci n’était pas transférée à une tierce partie pendant cette période, ATCO la déclasserait dans un délai d’un an, auquel cas le Balancing Pool paierait les frais de déclassement. Si ATCO ne déclassait pas la centrale à l’intérieur du délai d’un an, elle serait redevable des frais de déclassement.

 

[54]      Le résumé qui précède expose la teneur essentielle de l’accord conclu par les parties de façon qu’ATCO touche sa mise de fonds de 59 700 000 $, la valeur comptable nette de son investissement en capital; c’est là ce qu’elle était censée recevoir, rien de plus et rien de moins. Aucune discussion, négociation, conversation ou communication non plus qu’aucun calcul n’ont eu lieu au sujet du paiement d’une indemnité à ATCO au titre de la renonciation aux profits ultérieurs à la résiliation de l’AAE.

 

[55]      L’intimée soutient que le paiement a été versé en échange de la renonciation aux profits ultérieurs et que certains termes ou expressions en ce sens ont été utilisés dans des accords ou autres documents au cours des négociations s’y rapportant ou après leur signature. M. Post et M. Hildebrand ont tous deux rejeté cette thèse à maintes reprises au cours de leur témoignage. Voici des exemples de termes ou d’expressions que l’intimée a invoqués à cet égard :

 

1.         Alinéa 5b) de l’ARN (pièce A-1, onglet 1) :

 

[traduction] […] indemnité pour résiliation prématurée de l’AAE.

 

J’ai déjà commenté cette disposition de l’ARN.

 

2.         Annexe A de l’ARN : [traduction] « Indemnité pour résiliation prématurée de l’AAE ». J’ai déjà commenté cette expression.

 

3.         Préambule de l’EE (pièce A-1, onglet 2), notamment les mots [traduction] « Attendu qu’ATCO Electric est le propriétaire de la centrale ». Cet énoncé ne va pas à l’encontre de la thèse de l’appelante, étant donné que l’article 9.2 de l’EE stipule clairement qu’ATCO demeure le propriétaire en common law de la centrale et des installations sous licence, sous réserve du transfert du titre bénéficiaire s’y rapportant au Balancing Pool au profit des consommateurs. À mon avis, l’utilisation du mot « owner » (propriétaire) n’est pas incompatible avec le fait qu’ATCO Electric devait continuer à détenir le titre de propriété en common law de la centrale selon l’article 9.2 de l’EE.

 

4.         L’expression [traduction] « indemnité de résiliation » de l’alinéa 1.1nn) de l’EE n’est pas incompatible avec l’ARN, car, selon l’alinéa 1.1oo) de ce même accord, cette expression s’entend du montant forfaitaire et du montant supplémentaire, le montant forfaitaire correspondant au montant forfaitaire prévu à l’annexe A jointe audit accord. À mon avis, il ressort clairement de l’annexe A que le montant forfaitaire se rapporte au rendement du capital investi. Par ailleurs, ce document renvoie constamment à la valeur comptable nette et à la déduction pour amortissement et il n’y est nullement fait mention d’une renonciation aux profits ultérieurs.

 

5.         Selon le courriel du 2 mai 2000 (pièce A-1, onglet 4), le groupe de consommateurs, représenté par M. Hildebrand, a convenu qu’ATCO devrait recevoir sa mise de fonds et ses frais de déclassement; de plus, le groupe désirait recouvrer la valeur résiduelle de l’installation située à cet emplacement. C’est ce qu’a expliqué M. Hildebrand au cours de son témoignage, lequel concordait tout à fait avec celui de M. Post. Le principal élément des coûts à recouvrer était la mise de fonds, mais la ventilation de tous ces montants figure assez clairement à l’annexe A de l’ARN, qui montre comment le paiement forfaitaire a été calculé. Là encore, en ce qui a trait aux négociations entre le Balancing Pool et ATCO au sujet de la centrale, il est mentionné clairement dans le courriel qu’ATCO devait recevoir sa mise de fonds dans la centrale, en plus de toucher la valeur comptable résiduelle de celle-ci. Ce courriel tend à confirmer les éléments de preuve et des négociations entre les parties.

 

6.         Compte rendu d’une réunion du conseil d’administration d’ATCO tenue le 14 décembre 2000 (pièce A-1, onglet 39) relativement à l’approbation d’accords touchant la centrale. On peut lire l’observation suivante dans ce compte rendu :

 

[traduction] En principe, les parties ont convenu d’accorder à l’administrateur du Balancing Pool (ABP) et aux consommateurs une option irrévocable quant à la vente de la centrale de H.R. Milner.

 

C’est effectivement ce qui s’est produit. Même si l’expression « option irrévocable » a été employée, en réalité, le titre bénéficiaire a été transféré au Balancing Pool et le capital investi dans la centrale a été payé à ATCO, qui devait également conserver le titre de propriété en common law. D’autres détails ont été donnés à ce sujet dans le préambule avant la signature de l’ARN par les dirigeants d’ATCO.

 

7.         Paragraphes (1) et (2) du préambule du compte rendu de la réunion tenue le 14 décembre 2000 par le conseil d’administration d’ATCO (pièce A-1, onglet 39) avant la résolution du conseil autorisant la signature de l’ARN et de l’EE, dont voici le texte :

 

[traduction] ATTENDU que, le 14 décembre 2000, le conseil d’administration d’ATCO Electric Ltd. a adopté une résolution autorisant ATCO Electric Ltd. à signer les accords définis ci-après à l’égard de la centrale de H.R. Milner (centrale) :

 

(1)               Un accord de règlement négocié avec l’administrateur du Balancing Pool (ABP), représentant le Power Pool Council, et les principaux groupes de consommateurs de l’Alberta (collectivement, les consommateurs), selon lequel :

 

d)      l’AAE relatif à la centrale prendra fin le 1er janvier 2001;

e)      le Balancing Pool versera à ATCO Electric Ltd. la valeur comptable nette de la centrale, évaluée à 62 700 000 $, le principal paiement de 59 700 000 $ devant être effectué le 2 janvier 2001 et le solde d’environ 3 000 000 $ au titre des rajustements finaux, le 31 janvier 2001;

f)        ATCO Electric Ltd., les consommateurs et l’ABP tenteront de vendre la centrale à un tiers acquéreur au cours de la période définie ci-après, le produit de la vente devant être versé au Balancing Pool, faute de quoi ATCO Electric Ltd. pourra déclasser la centrale ou continuer à l’exploiter à titre d’usine commerciale.

 

(2)               Une entente d’exploitation avec les acheteurs, selon laquelle ATCO Electric exploitera la centrale pour le compte des consommateurs et de l’ABP à compter du 1er janvier 2001 pour une période initiale de 21 mois se terminant le 30 septembre 2002, les consommateurs et l’ABP pouvant prolonger cette période de 12 mois.

 

Ce préambule concorde avec ce qui a été négocié et convenu entre les parties. Un énoncé de l’objet et de l’intention généraux de l’accord était joint à ce compte rendu et, encore là, même si quelques-unes des expressions ne sont pas tout à fait identiques à celles qui figurent dans les accords, la lecture de cet énoncé de concert avec les autres documents permet de conclure uniquement que le paiement versé à ATCO ne constituait pas une indemnité à l’égard de la renonciation aux profits ultérieurs.

 

[56]      Après la signature de l’ARN et de l’EE, plusieurs documents qui semblent être des communiqués de presse du Balancing Pool ont été publiés; aucun d’eux n’a de valeur juridique en soi ni ne va à l’encontre des témoignages ou des autres documents à l’appui, qui constituent une preuve claire et convaincante de l’intention véritable des parties à l’égard de l’opération commerciale envisagée [déclaration du Balancing Pool en décembre 2001 au sujet de la vente de la centrale (pièce A-1, onglet 12), brochure d’information sur la vente de la centrale publiée en mai 2001 (pièce A-1, onglet 14), communication du comité de vente du Balancing Pool en date du 22 mai 2001 (pièce A-1, onglet 31), communication supplémentaire du comité de vente du Balancing Pool en date du 28 février 2003 (pièce A-1, onglet 32), communication du Balancing Pool en avril 2003 (pièce A-1, onglet 17)].

 

[57]      Le Balancing Pool a tenu une assemblée annuelle le 29 avril 2004. Au cours d’un exposé qui a alors été présenté, il a été question de la vente de la centrale (pièce A-1, onglet 16, page 11) : [traduction] « Au cours d’une période d’exploitation de trois ans, le BP a reçu des rentrées de fonds de plus de 50 000 000 $ de manière à contrebalancer le paiement destiné à ATCO ». La mention du paiement destiné à ATCO a uniquement la connotation qui lui serait donnée en fonction de l’intention que les parties visaient lorsqu’elles ont conclu l’opération commerciale définie plus haut.

 

[58]      Les rapports annuels du Balancing Pool (pièce A-1, onglet 11) pour les années 2000 à 2003, qui ont tous été mis à la disposition d’ATCO, ne comportaient aucun renseignement allant à l’encontre de l’intention des parties en ce qui a trait à l’objet du paiement de la somme de 59 700 000 $, soit une indemnité à l’égard du capital investi par opposition à une renonciation aux profits ultérieurs. Les états financiers concordent avec la thèse de l’appelante. Ainsi, on trouve les observations suivantes à la page 26 des états financiers figurant à la pièce A-1, onglet 11 :

 

[traduction]

Éléments d’actif liés à la production d’énergie thermique;

Le solde a trait aux droits de production d’électricité de la centrale de H.R. Milner pour la période allant du 1er janvier 2001 au 30 septembre 2002, lesquels peuvent être renouvelés pour une autre période d’un an. Le prix d’achat couvre également les frais estimatifs liés au déclassement de la centrale à la fin de la période contractuelle.

 

Il semblerait donc que, conformément à l’intention des parties, le Balancing Pool ait reçu tous les avantages revenant à la centrale après le 1er janvier 2001, y compris le droit de procéder à la vente de celle-ci et d’en récolter le produit. Les explications suivantes apparaissent dans le rapport annuel du Balancing Pool pour l’année 2003 (pièce A-1, onglet 8, page 12), sous la rubrique « Property, Plant and Equipment » (biens, centrale et équipement) :

 

[traduction] Tout au long de l’année 2003, la direction a recherché activement un acheteur pour la centrale de H.R. Milner. Cette centrale a été achetée à ATCO Power Ltd. conformément à l’accord de règlement négocié qui a été signé en 2001 en échange du paiement d’une somme au comptant de 62 700 000 $ et de la prise en charge de la responsabilité au titre de la remise en état des lieux et de la fermeture, qui était évaluée à 13 000 000 $. En septembre 2003, le Balancing Pool avait entièrement amorti la valeur de la centrale. Une promesse de vente a été signée en octobre et la vente a été conclue sous forme définitive au début de 2004. Les renseignements concernant l’exploitation de la centrale figurent dans les données relatives aux entreprises abandonnées.

 

Dans le même rapport annuel, à la page 24 des états financiers, le Balancing Pool a défini la centrale comme suit :

 

[traduction] Élément d’actif lié à la production d’énergie thermique

L’élément d’actif lié à la production d’énergie thermique (H.R. Milner) est inscrit dans les comptes au prix coûtant moins le montant cumulé des amortissements. La valeur de l’élément d’actif a été amortie selon la méthode linéaire sur une période de 33 mois qui a pris fin le 30 septembre 2003. L’élément d’actif subséquent a été vendu en 2004 et est donc inscrit à titre d’entreprise abandonnée.

 

Enfin, lors de la Conférence de l’IPPSA tenue en mars 2003, à laquelle ont assisté un grand nombre de représentants du milieu, le Balancing Pool a été défini comme le détenteur du titre bénéficiaire de trois AAE et de la centrale de H.R. Milner dans la nouvelle présentation le concernant.

 

[60]      La vente de la centrale à une tierce partie a fait l’objet d’un contrat de vente daté du 30 octobre 2003, dans lequel l’appelante a été défini comme vendeur. L’acheteur était une société de personnes et le Balancing Pool a également été nommé comme partie au contrat. Il ressort manifestement de l’examen du contrat que l’appelante a été nommée comme vendeur parce qu’elle était encore propriétaire en common law des terrains sur lesquels la centrale se trouvait. De plus, il est évident que le Balancing Pool détenait le titre bénéficiaire afférent à la centrale et tous les autres éléments connexes. Il n’y a aucune raison pour laquelle le Balancing Pool aurait été partie au contrat, à moins qu’il n’ait été titulaire du titre bénéficiaire afférent à la centrale, selon la définition figurant dans l’ARN. Le produit de vente devait être versé au Balancing Pool à la clôture et non au vendeur. L’acheteur prenait en charge les dettes du Balancing Pool. Il consentait à acheter et à accepter l’actif du vendeur, tandis que le Balancing Pool consentait à ce que le vendeur vende l’actif à l’acheteur. Le transfert a été ainsi décrit parce que le vendeur détenait le titre de propriété en common law, tandis que le Balancing Pool avait le titre bénéficiaire. Ce contrat de vente concordait avec l’objet global de l’opération commerciale dès le départ. Les principales clauses de ce document, notamment les clauses portant sur la contrepartie de l’achat, sur la taxe sur les produits et services, sur les dettes et sur les rajustements de clôture, montrent sans équivoque que les principales parties au contrat étaient le Balancing Pool et la tierce partie. En fait, le Balancing Pool a fourni un engagement d’indemnisation distinct à l’appelante lors de la signature du contrat de vente (pièce A-1, onglet 22). Tel qu’il est mentionné dans l’ARN et l’EE, le Balancing Pool voulait que le vendeur exploite la centrale de façon à être en mesure de se conformer à son obligation de diligence raisonnable envers un tiers acquéreur éventuel. C’est ce que prévoyait le contrat de vente : en effet, tout au long de la période de transition entre la signature de celui-ci et la clôture, le vendeur devait fournir à la tierce partie des renseignements opérationnels liés à la centrale. Les déclarations et garanties que le vendeur a formulées dans le contrat de vente et la convention d’indemnisation que le Balancing Pool a fournie en même temps à l’appelante montrent que celle-ci était simplement l’intermédiaire aux fins du transfert du titre de propriété en common law à une tierce partie. Dans le préambule de la convention d’indemnisation, il est mentionné que l’appelante avait besoin, à la vente de la centrale, de certains engagements d’indemnisation et d’autres clauses, parce qu’elle ne devrait plus avoir, à l’égard de ladite centrale et des installations sous licence, des obligations ou responsabilités résiduelles relativement auxquelles elle n’aurait pas obtenu de garantie ou de convention d’indemnisation satisfaisante d’un tiers acquéreur.

 

[61]      Tel qu’il est mentionné plus haut, l’argumentation de l’intimée porte surtout sur la question de savoir si les sommes d’argent reçues par ATCO représentaient une indemnité relative à la renonciation aux profits ultérieurs ou un rendement du capital investi. Pour répondre à cette question, il faut rechercher si l’appelante a transféré la propriété effective de la centrale au Balancing Pool. Selon l’intimée, le litige doit être tranché en fonction du cadre législatif, de l’intention du législateur et de la façon dont les accords ont été établis et devaient s’appliquer, tandis que l’appelante soutient que la propriété effective de la centrale a été transférée au Balancing Pool.

 

[62]      Le concept de la « propriété effective » n’est pas défini dans la Loi. Cependant, dans Williams c. R., 2005 CarswellNat 2316, 2005 CCI 558, [2005] 4 C.T.C. 2499 , 2005 D.T.C. 1228, 18 E.T.R. (3d) 239, où il s’agissait de savoir si le contribuable avait réalisé un gain en capital imposable lorsqu’il a transféré un bien à une fiducie dont il était bénéficiaire, le juge Woods, de la CCI, a formulé les commentaires suivants au sujet de la « propriété effective » :

 

32        L’expression « propriété effective » n’est pas définie dans la Loi, et, bien que le sens de l’expression ait fait couler beaucoup d’encre, il y a curieusement très peu de décisions judiciaires qui soient utiles. Selon des principes bien connus, il faudrait accorder à l’expression « propriété effective » son sens ordinaire correspondant à l’esprit de la Loi (Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559 (C.S.C.)).

[...]

38        Le sens ordinaire de l’expression « beneficial ownership » (propriété effective), telle qu’elle est définie dans la plus récente édition du Black's Law Dictionary est extrêmement large et tend à confirmer le sens que veut lui donner le contribuable. En voici les extraits pertinents :

 

[traduction] Propriétaire effectif. 1. Une personne reconnue en equity comme le propriétaire de quelque chose parce que la jouissance et le titre appartiennent à cette personne, même si le titre en common law appartient à quelqu’un d’autre; SPÉCIALT une personne pour laquelle des biens sont détenus en fiducie

Propriété effective. 1. La participation d’un bénéficiaire dans les biens d’une fiducie. [...]

 

[63]      La décision Matchwood Investments Ltd. c. R., 1998 CarswellNat 1486, [1998] 4 C.T.C. 2492, a décidé que le contribuable qui a grevé un bien immobilier d’une hypothèque afin de réclamer une réserve pour gains en capital n’a pas obtenu la propriété effective du bien avant l’enregistrement de l’acte de vente; le juge McArthur, de la CCI, a formulé les remarques suivantes au sujet de la question de savoir qui est un « propriétaire bénéficiaire » :

 

8     Le ministre soutient que l'appelante, qui était la créancière hypothécaire en possession du bien grevé en 1994, n'a pas obtenu la propriété bénéficiaire du bien avant l'exécution et l'enregistrement de l'acte de transport par renonciation en sa faveur en avril 1995. Au paragraphe 12 de la réponse à l'avis d'appel, l'intimée utilise le mot « intérêt » plutôt que « propriété » ainsi que la prévoit la Loi. Les présents motifs pourraient être différents si le mot « intérêt » était correct. À cet égard, je renvoie à la définition de « propriété bénéficiaire » du Law Dictionary de Mozley et Whiteleys et du Dictionary of Canadian Law, Carswell, deuxième édition. Je me pencherai sur les mots « propriété bénéficiaire ». Bien que l'appelante ait acquis de nouveau la possession du bien en 1994, elle n'a pas obtenu le titre ou la propriété avant 1995, au moment où un acte de transport par renonciation lui a été remis. Il est regrettable que cet acte n'ait pas pu être déposé en preuve. Bien que l'on convienne qu'il a été enregistré en 1995, rien dans la preuve ne parle du moment où il a été signé, même s'il semble qu'il ait également été signé en 1995. Le Dictionary of Canadian Law, deuxième édition, définit le terme « propriétaire bénéficiaire » en partie comme suit :

 

[TRADUCTION]

[...] le véritable propriétaire du bien, même s'il est au nom d'une autre personne (on cite l'affaire Csak v. Aumon (1990) 69 DLR, aux pages 567 et 570, où le juge Lane a déclaré « Une personne qui a le droit de forer dans une unité de minéraux et d'en produire du pétrole et de l'essence ou de la potasse [...] ».

 

[64]      De plus, dans l’affaire Larose (M.) c. M.N.R., 1991 CarswellNat 730, [1992] 2 C.T.C. 2339, 92 D.T.C. 2055, [1992] 1 C.C.I. 2667, 92 D.T.C. 2045, il fut statué que le contribuable ne s’était pas départi de la propriété effective des biens qu’il avait vendus; le juge Tremblay, de la CCI, s’est exprimé comme suit :

 

47        […] Ainsi, les concepts de « legal ownership » et de « beneficial ownership », est-il nécessaire de le rappeler, sont étrangers au régime de droit de la propriété que l'on retrouve au Code civil. [...] la version anglaise du paragraphe 248(3) (par. 4.03.2) démontre clairement que le concept de « beneficial ownership » est intimement lié au détenteur de l'abusus d'un bien, soit le droit de disposer du bien à sa guise. La prépondérance de cet attribut de la propriété au niveau de la définition du « beneficial ownership » est manifeste. En effet, un bien sera réputé « beneficially owned » lorsque la même personne possède les trois attributs de la propriété d'un bien (usus, fructus, abusus) ou encore lorsqu'un bien est sujet à un usufruit, à un bail emphytéotique ou à une servitude.

 

48        En d'autres termes, le propriétaire regroupant les trois attributs de la propriété (plein propriétaire), le nu-propriétaire dans les cas de constitution d'usufruit ou de bail emphytéotique de même que le propriétaire consentant à grever son bien d'une servitude seront réputés être les détenteurs du « beneficial ownership » du bien visé.

 

[65]      L’appelante affirme à juste titre que l’EE ne renferme aucune clause énonçant qu’ATCO conserve la propriété en common law et la propriété effective de la centrale. L’article 9.2 de l’EE dispose que :

 

[traduction] Pendant la durée de l’entente, ATCO Electric conserve la propriété en common law de la centrale et des installations sous licence, le titre bénéficiaire afférent à celles-ci étant transféré au power pool au profit des consommateurs.

 

[66]      L’article 9.2 de l’EE reconnaît que, bien qu’ATCO puisse conserver le titre de propriété en common law, le titre bénéficiaire a été transféré au Balancing Pool. Au cours de son témoignage, Victor Post, d’ATCO, a cité trois raisons pour lesquelles ATCO voulait conserver le titre de propriété en common law et non le transférer en même temps que le titre bénéficiaire au Balancing Pool :

 

a)         les négociations ont été précipitées et elle essayait de clore l’opération; c’est pourquoi elle ne pensait pas avoir le temps de transférer le titre;

 

b)         elle ne pensait pas qu’elle aurait le temps de transférer tous les permis et licences dont le transfert serait également nécessaire si le titre de propriété en common law était cédé, même si ATCO devait exploiter la centrale conformément à l’EE;

 

c)         elle se demandait si le Balancing Pool pouvait ou non acquérir le titre de propriété en common law à l’égard de la centrale à l’époque.

 

[67]      Dans l’affaire Sa Majesté La Reine c. Prévost Car Inc., 2009 CAF 57 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a examiné le sens des mots « beneficial owner » « bénéficiaire effectif » figurant dans une convention fiscale conclue avec les Pays-Bas. L’expression n’était pas définie dans la Convention. La Cour a relevé que, dans sa recherche du sens de cette expression, le juge de la CCI a scruté le sens courant des termes qui la composent, de même que leur sens technique et le sens qu’ils pourraient avoir en common law, en droit civil québécois, en droit néerlandais et en droit international. Il s’est notamment fondé sur les Commentaires de l’OCDE sur le paragraphe 10(2) du Modèle de Convention ainsi que sur des documents publiés par l’OCDE après les Commentaires de 1977. Voici comment la Cour d’appel s’est exprimée aux paragraphes 13 et 14 de son jugement :

 

[13]      En fin de compte, le juge a estimé, au paragraphe 100 de ses motifs, que « le bénéficiaire effectif » du dividende est la personne qui le reçoit pour son propre usage et sa propre jouissance, qui assume les risques liés au dividende et qui dispose en maître du dividende » […]

 

[14]      Les explications du juge saisissent l’essence des concepts de « bénéficiaire effectif » / « beneficial owner » telle qu’elle ressort de l’examen du sens général, technique et juridique de ces termes. Mais, ce qui est peut-être encore plus important, elles s’accordent avec ce qui est déclaré dans les Commentaires de l’OCDE et dans le Rapport sur les sociétés relais.

 

[68]      L’appelante a énuméré différents facteurs ou éléments de l’ARN et de l’EE qui montrent que la propriété effective de la centrale a été transférée au Balancing Pool, dont les suivants :

 

1.                  le Balancing Pool a payé tous les frais et touché tous les revenus découlant de l’exploitation de la centrale;

2.                  le Balancing Pool a payé le coût des protections d’assurance relatives à la centrale;

3.                  le Balancing Pool a pris les décisions relatives à l’exploitation et à la gestion de la centrale;

4.                  ATCO n’avait aucun droit de vote au sein du comité de vente qui a surveillé le processus de vente et l’exploitation de la centrale;

5.                  lors de la vente de la centrale, le Balancing Pool a reçu la totalité du produit;

6.                  si la mise hors service de la centrale était devenu nécessaire ou souhaitable, le Balancing Pool aurait été tenu de payer tous les frais s’y rapportant, auquel cas la mention de l’EE n’aurait pas été nécessaire, car cette mesure n’aurait pas été conforme à la pratique commerciale si ATCO était devenue le propriétaire bénéficiaire;

7.                  à l’annexe G de l’EE, les parties ont décrit explicitement la somme de 59 700 000 $ comme le montant correspondant au produit de la vente des éléments d’actif à long terme.

 

[69]      En fin de compte, ATCO devait simplement exploiter la centrale conformément à l’EE en échange des honoraires prévus à cet égard et, si la centrale n’était pas vendue et n’était pas exploitée de manière autonome, elle devait la mettre hors service à ses frais. Dès le 1er janvier 2001, le Balancing Pool a bénéficié de tous les avantages et assumé toutes les charges découlant du titre de propriété. Il avait le pouvoir de prendre les décisions relatives à toutes les activités de la centrale et à la façon dont elle devait être exploitée, aux dépenses à effectuer et à la production à atteindre; il pouvait également décider à qui et à quel moment la centrale serait vendue et quel serait le prix de vente à une tierce partie. Le contrat de vente conclu avec la tierce partie comportait sans doute certaines clauses applicables à l’appelante, mais la présence de ces clauses s’expliquait par le fait que celle-ci était encore le propriétaire en common law de la centrale, qu’elle exploitait pour le compte et au profit du Balancing Pool. La conduite des parties tout au long de la période pertinente montre également que le propriétaire bénéficiaire de la centrale était le Balancing Pool, qui a même inscrit la centrale comme élément d’actif dans ses états financiers, lui accordant ainsi un traitement différent de celui des AAE.

 

[70]      L’intimée a un point de vue tout à fait différent au sujet du titre bénéficiaire.

 

[71]      Elle soutient d’abord que, vu les règles de droit générales, on ne saurait dire que l’appelante a transféré la propriété effective tout en conservant le titre de propriété en common law. Aucune règle de droit n’a été invoquée à l’appui de cette thèse. À mon avis, il faut simplement rechercher l’intention initiale des parties et la documentation montre très clairement qui devait, selon ce qui était envisagé au départ, détenir le titre de propriété en common law et qui devait avoir le titre bénéficiaire. Cela correspond aux témoignages et concorde parfaitement avec l’ensemble des documents qui ont été signés à l’époque, soit l’ARN et l’EE ainsi qu’avec les documents subséquents, y compris les courriels, préparés pendant et après les négociations en vue d’expliquer le statut de la propriété pendant un certain laps de temps jusqu’à la vente à une tierce partie conformément à un contrat de vente. L’intimée a invoqué les paragraphes 7 à 14 de ses observations écrites, mais je ne crois pas que les autorités citées cont dans le sens de sa thèse. Ainsi, l’intimée cite le texte de Kathy Brown intitulé « Beneficial Ownership and Income Tax Act » (propriété effective et Loi de l’impôt sur le revenu); selon ce texte, il ressort des autorités que, pour décider si un contribuable donné détient la propriété effective du bien, il faut trouver des indices d’un transfert de la possession, des risques et de l’utilisation permettant de dire que cette personne est le propriétaire effectif reconnu en equity au motif qu’elle a la jouissance du bien en question, même si le titre de propriété en common law appartient à une autre. L’intimée a également cité la décision Csak c. Aumon, 69 D.L.R. (4th) 567, à la page 570, dans laquelle la Cour suprême de l’Ontario s’est exprimée comme suit :

 

[traduction] […] Le propriétaire bénéficiaire est la personne à laquelle le bien appartient véritablement, même si celui-ci est inscrit au nom d’une autre personne. Le propriétaire nominal possède le titre de propriété en common law, mais le propriétaire véritable peut l’obliger à lui transférer ce titre et à lui transporter le bien. [...]

 

[72]      Ce texte et cette décision sont tout à fait pertinents en l’occurrence.

 

1.                  1.         ATCO a conservé le titre de propriété en common law.

2.                  Le Balancing Pool a reçu ce qui a été décrit comme le titre bénéficiaire.

3.                  En recevant le titre bénéficiaire, le Balancing Pool a obtenu l’ensemble des droits,  avantages et obligations afférents à la centrale.

4.                  Le Balancing Pool a reçu le produit de la vente de la propriété.

5.                  Le Balancing Pool a contrôlé tous les aspects de la direction, de l’utilisation, de l’exploitation et de la gestion de la propriété.

6.                  Après avoir reçu le montant de 59 700 000 $ du Balancing Pool, l’appelante devait tout simplement exploiter la centrale selon les directives de celui-ci, conformément à l’EE, et n’a tiré aucun avantage ni n’a assumé aucune charge s’y rapportant.

7.                  Compte tenu des faits, le véritable propriétaire de la centrale au cours de la période pertinente était le Balancing Pool et cette conclusion concorde avec les autorités citées par l’intimée.

 

[73]      L’intimée soutient également que le cadre législatif, la Loi, ne permet pas le transfert d’éléments d’actif de cette nature au Balancing Pool. Selon elle, le nouveau régime de déréglementation ne couvrait pas le transfert du titre de propriété afférent à la centrale au Balancing Pool et le but était de disjoindre la production, la transmission et la distribution prévues dans l’Electric Utilities Act. L’intimée soutient, avec raison, l’intention générale était de faire en sorte que le Balancing Pool facilite la transition à court terme du régime en vigueur en 1996 à celui de 2020, c’est-à-dire la transition de la réglementation à la déréglementation. Les AAE visaient à l’origine à faciliter le transfert de la production des usines existantes au Balancing Pool dans les cas où elles ne seraient pas vendues par ailleurs. Le Balancing Pool devait ensuite utiliser la production des usines de manière à recouvrer le coût non amorti de chacune d’elles. Le coût non amorti correspondait au coût initial, moins l’amortissement réclamé jusqu’à la date en question; il s’agissait essentiellement du montant qui avait été payé en l’occurrence, soit la valeur comptable nette. En l’espèce, l’AAE relatif à la centrale n’a pas été vendu; en conséquence, le Balancing Pool est devenu la partie intervenant au nom des consommateurs et a négocié l’ARN et l’EE avec ATCO afin que celle-ci recouvre ce qui correspondait pour l’essentiel aux coûts non amortis.

 

[74]      Cependant, les événements qui se sont produits dans la présente affaire étaient uniques et découlaient d’une anomalie en ce qui a trait à la déréglementation en Alberta. L’AAE relatif à la centrale a été établi, mais il n’assurait pas la viabilité économique de celle-ci. Si le gouvernement albertain voulait que la centrale continue à produire de l’électricité à court terme, il devait tenir compte des réserves d’ATCO, qui s’apprêtait autrement à la mettre hors service. L’intimée a cité différents passages du préambule de l’AAE relatif à la centrale. Ils ne sont pas pertinents en réalité, parce que cet accord existait bien avant l’ARN et l’EE. L’entente commerciale globale conclue entre ATCO, l’appelante et le Balancing Pool visait à éviter la mise en œuvre et l’utilisation de l’AEE, pour les raisons exposées ci-dessus.

 

[75]      L’intimée a méticuleusement passé en revue différents règlements liés à la déréglementation du secteur de l’électricité de l’Alberta. A l’audience, l’avocat de l’intimée a soutenu que le litige se résumait à la question de savoir si le Balancing Pool était habilité à accepter un titre bénéficiaire sur la centrale et s’il était investi de cette mission. Selon l’intimée, le Balancing Pool n’était pas autorisé ou habilité à accepter un titre bénéficiaire sur la centrale, même s’il voulait le faire. En d’autres termes, vous ne pouvez vendre ou acheter ce que vous n’avez pas la capacité de vendre ou d’acheter. Je conviens que le Balancing Pool doit, par l’entremise de son administrateur, agir conformément à sa mission d’origine législative ou réglementaire ainsi qu’aux droits et pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre de toutes ses activités.

 

[76]      Le Balancing Pool a été créé par le règlement 169/99 et ses attributions précises sont définies à l’article 4 de ce règlement (voir le paragraphe 38 des présents motifs). Cependant, ces attributions ont été élargies par le règlement 331/2000, dont voici l’article 2 :

 

[traduction]

1. L’administrateur du balancing pool est habilité à exercer les attributions précisées dans l’accord de règlement négocié à titre d’attributions qui lui incombent.

 

2. L’administrateur du balancing pool doit verser les paiements et s’acquitter des autres obligations définies dans l’accord de règlement négocié à titre d’obligations qui lui incombent.

 

À mon avis, ce règlement 331/2000 a pour effet d’élargir le pouvoir du Balancing Pool de façon à lui permettre d’exercer l’ensemble des fonctions nécessaires pour donner suite à l’intention et à l’esprit de l’ARN. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’EE a été intégrée par renvoi dans l’ARN. L’EE énonce en toutes lettres qu’ATCO demeure le propriétaire en common law de la centrale, tandis que le titre bénéficiaire s’y rapportant est transféré au Balancing Pool. Tels étaient l’esprit et l’objet de l’entente commerciale conclue entre ces deux parties. Étant donné que l’objet était dicté fondamentalement, en tout ou en partie, par une autorité gouvernementale, soit le Balancing Pool, que le lieutenant-gouverneur en conseil de la province de l’Alberta a pris le règlement 331/2000 et que c’est le gouvernement albertain qui a créé le Balancing Pool en application de l’Electric Utilities Act, je suis d’avis que celui-ci possédait les pouvoirs, droits et privilèges nécessaires pour remplir la mission dont il a été investi lors de sa création et qui a été élargie par le règlement 331/2000 et que, dans le cadre du régime législatif et réglementaire en vigueur, il était certainement habilité à recevoir le titre bénéficiaire afférent à la centrale en question.

 

[77]      Au cours des débats, l’avocat de l’intimée a soulevé la question de savoir si le règlement subséquent, soit le règlement 331/2000, pouvait avoir pour effet d’élargir les pouvoirs conférés au Balancing Pool par un règlement antérieur sans que celui-ci soit abrogé.

 

[78]      Dans son ouvrage intitulé Statutory Interpretation[1], Ruth Sullivan souligne que, lorsqu’un texte législatif est édicté, il continue à faire partie des règles de droit jusqu’à ce qu’il expire ou qu’il soit abrogé. En conséquence, les règlements sont réputés être valides à moins que leur invalidité ne soit établie. Une loi est abrogée lorsqu’elle est déclarée invalide par une autre loi.

 

[79]      Lorsque plusieurs règlements sont édictés, ils ne peuvent être interprétés de façon à s’abroger l’un l’autre (à moins qu’il n’en soit explicitement prévu ainsi dans le nouveau règlement). Le nouveau règlement a plutôt pour effet de rendre un règlement précédent inopérant en cas d’incompatibilité[2] :

 

[traduction] Étant donné qu’une législature ne peut lier ses successeurs, en cas d’incompatibilité entre deux dispositions, le texte plus récent l’emporte sur le texte antérieur. L’abrogation implicite est parfois considérée comme une méthode d’abrogation réelle plutôt que comme une règle de prépondérance. La situation peut sans doute être analysée comme suit : en édictant une disposition qui est incompatible avec le texte législatif existant, la législature exprime implicitement l’intention d’abroger celui-ci et de le remplacer par autre chose.

 

[…] Cependant, au Canada, l’abrogation formelle et explicite est une pratique bien reconnue. Lorsqu’une législature désire adopter une nouvelle loi, elle revoit la loi existante et prépare l’abrogation explicite de chaque disposition jugée incompatible avec la nouvelle loi. Si la législature oublie une disposition par inadvertance, elle corrigera probablement cette erreur dans la prochaine révision législative. Eu égard à ces pratiques, il est préférable de considérer l’abrogation implicite comme une règle de prépondérance plutôt que comme une méthode d’abrogation. Dans cette perspective, une disposition subséquente rend une disposition antérieure inopérante dans la mesure de l’incompatibilité. Toutefois, la disposition inopérante demeure valide et redeviendra applicable si l’incompatibilité disparaît pour une raison ou pour une autre.

 

[80]      En conséquence, pour que le règlement accorde au Balancing Pool le pouvoir de détenir la centrale et d’en être le propriétaire bénéficiaire, il n’est pas nécessaire que les règlements antérieurs aient été abrogés, puisque le nouveau règlement l’emporte sur les précédents.

 

[81]      Suivant cette analyse, les règlements semblent accorder au Balancing Pool le pouvoir de détenir la centrale, eu égard à l’ARN et à l’EE. Voici le texte de l’article 2 de l’Alberta Regulation[3] :

 

            [traduction]

2.(1).    L’administrateur du balancing pool est habilité à exercer les attributions décrites dans l’accord de règlement négocié à titre d’attributions qui lui incombent.

 

(2)        L’administrateur du balancing pool doit verser les paiements et s’acquitter des autres obligations définies dans l’accord de règlement négocié à titre d’obligations qui lui incombent.

 

[82]      Le Balancing Pool est partie à l’ARN, ce qui lui accorde le pouvoir de détenir la centrale :

 

            [traduction]

4. Conditions préalables

 

[traduction]

a)         Le présent accord et les obligations qui incombent aux parties en vertu des présentes sont assujettis aux conditions suivantes :

[…]

i)          l’adoption d’un règlement entrant en vigueur le 1er janvier 2001, lequel règlement doit prévoir la cessation de l’AAE et permettre à l’ABP de signer le présent accord pour le compte du Power Pool Council, d’exercer les droits et pouvoirs qui lui sont accordés et de prendre en charge les obligations et responsabilités qui lui sont imposées au nom du Power Pool Council conformément aux présentes, en plus d’autoriser le versement des paiements prévus aux présentes à même les comptes du Balancing Pool conformément aux conditions du présent accord[...]

 

 

ii)         Les obligations qui incombent à l’ABP en vertu des présentes sont assujetties au respect des conditions énoncées à l’article 16.10 de l’entente d’exploitation.

 

b)         Aucune partie ne peut renoncer aux présentes conditions préalables.

 

[83]      L’EE stipule explicitement que le Balancing Pool acquiert le titre bénéficiaire :

 

9.2. Titre bénéficiaire

 

[traduction] Pendant la durée de la présente entente, ATCO Electric conserve le titre de propriété en common law de la centrale et des installations sous licence, pourvu qu’un titre bénéficiaire sur celles-ci soit accordé au Power Pool au profit des consommateurs.

 

[84]      L’EE stipule également que le Balancing Pool a le pouvoir d’acquérir un droit de cette nature conformément à la législation provinciale :

 

10.6. Loi applicable

 

[traduction] La présente entente est régie par les lois de la province de l’Alberta et doit être interprétée en conséquence; les parties acceptent de se soumettre à la compétence des tribunaux de la province de l’Alberta.

 

[85]      L’ARN et l’EE autorisent le Balancing Pool à acquérir un droit sur la centrale conformément au pouvoir qui lui est accordé dans la législation provinciale. Le texte de loi (et les règlements connexes) accorde au Balancing Pool le pouvoir d’acquérir un droit sur la centrale. De plus, il n’était pas nécessaire d’abroger les règlements précédents pour accorder un pouvoir de cette nature. En conséquence, le Balancing Pool est habilité à détenir la centrale et à en être le propriétaire bénéficiaire.

 

[86]      La troisième raison que l’intimée a invoquée pour soutenir que la propriété effective n’a pas été transférée de l’appelante au Balancing Pool est le fait que les différents accords (ARN, EE et contrat de vente) conclus entre ATCO, l’appelante et le Balancing Pool ne tendent pas à confirmer la réalité de ce transfert. Selon l’intimée, il ressort des accords en question qu’ATCO conserve des attributs du titre de propriété. J’ai examiné en détail ces accords, plus précisément l’ARN, l’EE et le contrat de vente ainsi que les clauses ou expressions qui s’y trouvent et que l’intimée a invoquées pour soutenir que l’appelante n’a pas transféré la propriété effective au Balancing Pool. Ce que l’intimée ne semble pas comprendre, c’est que, pour déterminer la nature de l’opération commerciale en l’espèce, il faut se reporter à l’intention des parties, laquelle découle a) des activités poursuivies avant la signature des accords, c’est-à-dire les négociations, b) des accords eux-mêmes et c) de la conduite subséquente des parties et des renseignements ou événements accessoires qui ont eu lieu et qui renforcent l’intention des parties. Comme je l’ai mentionné plus haut, je n’ai aucun doute quant à l’intention que les parties relativement à toute cette opération commerciale. Lorsque j’examine le déroulement des négociations, les documents produits à leur égard, le témoignage des négociateurs, qui n’a pas été réfuté ou contredit, la position du gouvernement albertain et la façon dont il a édicté des règlements visant à faciliter la mise en place des accords conclus entre les parties, l’ARN, l’EE et le contrat d’achat conclu avec une tierce partie, il ne m’apparaît pas possible d’en arriver à une conclusion différente de celle que j’ai exposée plus haut quant à la nature de l’opération. Vu les événements qui se sont produits après la signature de l’ARN et la résiliation de l’AAE, je dois conclure que l’entente commerciale comportait essentiellement les éléments suivants :

 

1.                  le gouvernement albertain voulait déréglementer le secteur de l’électricité;

2.                  afin de faciliter le processus de déréglementation du secteur de l’électricité dans le cas des usines construites avant 1995, des AAE visant à assurer l’exploitation pendant la transition ont été imposés aux propriétaires des usines;

3.                  l’AAE relatif à la centrale était formulé de telle sorte qu’il n’assurait pas la viabilité économique de celle-ci, laquelle aurait probablement été exploitée à perte en raison de la mauvaise qualité du charbon qu’elle avait utilisé par le passé, si bien qu’ATCO avait décidé de la mettre hors service;

4.                  ATCO a entamé des négociations avec le gouvernement albertain afin de mettre hors service la centrale, mais celui-ci voulait que celle-ci demeure ouverte; elle a donc fait intervenir le Balancing Pool pour qu’il négocie avec ATCO au nom des consommateurs afin d’assurer l’exploitation de la centrale à court terme (de deux à trois ans) et de permettre à ATCO de recouvrer les fonds qu’elle avait investis dans celle-ci;

5.                  les négociations, qui se sont déroulées entre deux parties distinctes ayant des intérêts différents, ont abouti à un ARN, lequel stipulait notamment (au moyen de l’EE) que : 1) ATCO conserverait le titre de propriété en common law de la centrale; 2) le titre bénéficiaire afférent à la centrale serait transféré au Balancing Pool; 3) le Balancing Pool verserait à ATCO un montant de 59 700 000 $, soit la valeur comptable nette de l’actif de la centrale; 4) ATCO conclurait avec le Balancing Pool une EE selon laquelle elle exploiterait la centrale pour le compte et sous les directives et le contrôle du Balancing Pool pendant un certain temps, après quoi elle pourrait déclasser la centrale, si celle-ci n’était pas vendue à une tierce partie dans un délai d’un an, auquel cas le Balancing Pool paierait les frais de mise hors service ou pourrait continuer à exploiter l’usine après l’expiration du délai d’un an, auquel cas il serait redevable des frais de mise hors service;

6.                  lorsque le Balancing Pool a vendu la centrale à la tierce partie, il devait recevoir la totalité du prix d’achat et ATCO devait fournir à la tierce partie, pour le compte du Balancing Pool les renseignements dont celle-ci aurait besoin pour poursuivre l’exploitation de la centrale, notamment pour l’aider à respecter son obligation de diligence raisonnable, étant donné qu’ATCO avait exploité la centrale depuis la date du transfert de l’ensemble des droits bénéficiaires au Balancing Pool, exception faite du titre de propriété en common law.

 

[87]      Il s’agit là des principaux éléments de l’opération commerciale intervenue entre ATCO et le Balancing Pool. Il est sans doute possible de lire certaines clauses ou certaines expressions des accords de manière isolée et d’en arriver ainsi à croire que l’indemnité versée à ATCO représentait autre chose qu’un rendement du capital investi; cependant, lorsque je passe en revue l’ensemble des éléments de preuve, plus précisément les négociations entre les parties et les documents à l’appui de celles-ci, la seule conclusion que je peux tirer est que l’entente commerciale conclue entre les parties est celle que j’ai décrite plus haut.

 

[88]      En dernier lieu, pour soutenir que la propriété effective n’a pas été transférée au Balancing Pool, l’intimée se fonde sur les rapports publiés après la signature de l’ARN et de l’EE. À mon avis, ces rapports ne tendent pas à confirmer la thèse de l’intimée.

 

[89]      L’intimée a reconnu que ces rapports étaient rédigés, au mieux, d’une façon ambiguë qui témoigne d’une certaine confusion ou indécision relativement aux éléments qui y étaient décrits. Au cours de l’interrogatoire de M. Post, l’intimée s’est référée au compte rendu de la réunion que le conseil d’administration d’ATCO a tenue le 14 décembre 2000, à de nombreuses brochures d’information et déclarations du Balancing Pool, au rapport de l’assemblée annuelle du Balancing Pool en date du 29 avril 2001 et aux rapports annuels de celui-ci pour les années 2000 et 2003. Ces documents eux-mêmes ne constituaient pas le fondement de l’entente commerciale conclue entre les parties. Les brochures d’information et les déclarations du Balancing Pool étaient fondamentalement des documents publics préparés, probablement, par une personne du service des relations publiques du Balancing Pool qui n’utiliserait pas nécessairement les termes juridiques figurant dans les accords. Aucun des termes ou expressions apparaissant dans ces documents ne donne à penser que l’indemnité qu’ATCO a reçue du Balancing Pool avait été versée en contrepartie d’une renonciation aux profits ultérieurs. À mon sens, aucun élément de ces documents ne réfute la thèse de l’appelante; en fait, le texte figurant dans certains d’entre eux concorde avec elle. Ainsi, dans le rapport annuel du Balancing Pool pour l’année 2003, les commentaires suivants figurent sous la rubrique « Property, Plant and Equipment » (biens, centrale et équipement) :

 

[traduction] Tout au long de l’année 2003, la direction a recherché activement un acheteur pour la centrale de H.R. Milner. Cette centrale a été achetée à ATCO Power Ltd. conformément à l’accord de règlement négocié qui a été signé en 2001 en échange du paiement d’une somme au comptant de 62 700 000 $ et de la prise en charge de l’obligation au titre de la remise en état des lieux et de la fermeture, qui était évaluée à 13 000 000 $. En septembre 2003, le Balancing Pool avait entièrement amorti la valeur de la centrale. Une promesse de vente a été signée en octobre et la vente a été bouclée au début de 2004. [...]

 

C’est là une description plus complète de l’opération que toute autre description présentée par l’intimée. À la page 24 du même rapport, le Balancing Pool a inscrit la centrale au prix coûtant moins le montant cumulé des amortissements. Lors d’une conférence publique au cours de laquelle il a présenté un exposé en mars 2003, le Balancing Pool a été désigné comme le propriétaire bénéficiaire de l’usine.

 

[90]      Je suis d’avis que les renseignements apparaissant dans les rapports publiés après l’opération ne démentent pas l’intention des parties à l’égard de l’opération commerciale.

 

[91]      Après avoir passé en revue l’ensemble des éléments de preuve produits, notamment les documents produits au sujet des négociations entre ATCO et le Balancing Pool, les témoignages de M. Post et de M. Hildebrand, soit les personnes qui ont négocié les accords, le texte des accords eux‑mêmes, soit l’ARN, l’EE et le contrat de vente, ainsi que les explications fournies dans la preuve présentée à leur sujet, je conclus que l’intention des parties était de conclure l’opération commerciale décrite dans les présents motifs, c’est-à-dire que le Balancing Pool devait verser à l’appelante un montant de 59 700 000 $ à titre d’indemnité à l’égard du capital que l’appelante avait investi dans la centrale en question et non comme paiement au titre de la renonciation aux profits ultérieurs.

 

Question nº 2

 

Si le paiement ne constituait pas un revenu reçu au titre de l’article 9 de la Loi, s’agissait-il d’un paiement obligatoire visé au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi?

 

[92]      Le paragraphe 22 de la réponse modifiée est ainsi libellé :

 

[traduction]

22.       Subsidiairement, l’appelante fait valoir que le Balancing Pool devait dédommager ATCO lorsque l’AAE relatif à la centrale de Milner a été résilié, conformément aux dispositions des règlements 170/99, 106/2000 et 331/2000. En conséquence, le montant de 59 000 000 $ constitue un paiement obligatoire qui est imposable conformément au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi et doit être inclus dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2001, car ATCO a reçu ce montant d’un organisme public à titre de remboursement à l’égard d’une somme incluse dans le coût d’un bien (soit la centrale de Milner et les biens connexes) ou à l’égard d’une dépense engagée ou effectuée.

 

[93]      L’appelante fait valoir que les paiements au titre d’une indemnité ou d’un règlement ne constituent pas des remboursements visés par le sous-alinéa 12(1)x)(iv). Elle cite la décision Westcoast Energy Inc. c. Sa Majesté La Reine, 91 D.T.C. 5330 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, un contribuable a intenté des poursuites afin d’être placé dans la même position qu’une partie dont les services auraient été retenus pour la construction d’un pipeline et qui aurait construit celui‑ci selon les exigences contractuelles initiales. Il s’agissait d’une action en dommages‑intérêts par laquelle le contribuable sollicitait une indemnité à l’égard des pertes et préjudices qu’il avait subis, de sorte que le montant qu’il a reçu était un règlement qui constituait des dommages‑intérêts et n’était nullement visé par le sens ordinaire du mot « remboursement » de l’alinéa 12(1)x) de la Loi; par conséquent, le contribuable n’était pas tenu d’inclure ce montant dans le calcul de son revenu. Voici en quels termes le juge Denault s’est exprimé à la page 5341 :

 

[…] Je conclus que les dommages-intérêts ne sont pas des remboursements. La preuve ne permet pas d’affirmer que la demanderesse a reçu un remboursement au sens de l’alinéa 12(1)x). Dans son sens courant et juridique, ce mot n’englobe pas les dommages-intérêts. [...]

(Non souligné dans l’original.)

 

Cette décision a été confirmée par l’arrêt Sa Majesté La Reine c. Westcoast Energy Inc., 92 D.T.C. 6253, où la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en partie en ces termes :

 

Nous sommes d’accord avec l’interprétation qu’a donnée le juge de première instance au mot « remboursement » figurant au paragraphe 12(1)x)(iv) de la Loi de l’impôt sur le revenu. […]

 

En l’espèce, les montants que le Balancing Pool a versés à l’appelante représentaient un règlement à l’égard de la mise de fonds et non un remboursement de l’actif qu’elle détenait à la résiliation de l’AAE, lequel a eu pour effet de retirer à l’appelante la possession et la propriété de la centrale.

 

[94]      L’intimée a soutenu que l’alinéa 12(1)x) de la Loi concerne la situation où une partie a déjà reçu des fonds à titre de revenu, parce qu’elle a déjà dépensé ces sommes. Or, en l’espèce, ATCO n’a jamais été forcée de payer un montant dont la charge définitive incombait à une autre personne. Dans l’affaire Canada Safeway c. Sa Majesté La Reine, 98 D.T.C. 6060 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a examiné le sens du terme « remboursement » et a fait les observations suivantes (p. 6303) :

 

Il appert de la décision rendue par le juge Denault dans l’affaire Westcoast Energy Inc. c. Sa Majesté La Reine que le terme ainsi qu’il est utilisé au sous‑alinéa 12(1)x)(iv) est limité par le contexte de cette disposition. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’il ne comprend pas l’indemnité reçue par le contribuable pour les dommages ou la perte qu’il avait subis. Cette affaire vient préciser que, contrairement à ce que soutient l’appelante, ce n’est pas tout paiement ou remise qui peut être et sera considéré comme un remboursement au sens du sous‑alinéa 12(1)x)(iv).

 

En outre, le juge Denault a examiné les débats parlementaires qui ont entouré l’adoption de cette disposition, des exemples de remboursement dans différents rapports juridiques ainsi que la situation que la disposition visait à corriger :

 

Des exemples du mot « remboursement » dans différents rapports juridiques ont été cités. Il y a tout d’abord le cas du paiement obligatoire. Cette situation se présente lorsqu’une personne a été forcée par la loi de payer une somme d’argent dont la charge définitive incombe à une autre personne. La personne qui a payé peut demander d’être remboursée par cette dernière personne. [...]

 

La situation envisagée est celle d’une partie qui est forcée de payer un montant dont la charge définitive incombe à une autre personne et qui peut donc demander d’être remboursée par la deuxième partie. Telle n’est pas la situation en l’espèce. ATCO n’a jamais été contrainte par la loi de verser une somme d’argent à une autre personne et n’a donc jamais eu le droit de se faire rembourser un montant qu’elle a dû payer. Le montant de 59 700 000 $ qui a été versé à ATCO ne constituait pas un paiement obligatoire, mais découlait plutôt d’un ARN conclu entre deux parties ayant des intérêts opposés.

 

[95]      Selon la publication Canada Tax Service[4] de Stikeman, l’alinéa 12(1)x) vise à assurer l’inclusion dans le revenu de tous les montants que le contribuable reçoit dans le cadre d’activités générant un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien à titre de paiements incitatifs.

 

[96]      Selon le Canadian Encyclopedic Digest[5], les dommages-intérêts que le contribuable reçoit peuvent constituer une indemnité au titre du revenu ou du capital. Conformément au principe de la substitution, la nature des dommages-intérêts est déterminée par celle de l’élément visé par la substitution. Ainsi, l’indemnité reçue au titre de la perte de profits découlant de l’inexécution de contrats commerciaux est considérée comme un revenu. Par contre, l’indemnité reçue à l’égard de la perte d’un bien en immobilisation, d’un fonds commercial ou d’une source d’activité commerciale est généralement une perte en capital. La situation était la même pour les remboursements selon la common law, jusqu’à ce que l’alinéa 12(1)x) soit adopté en 1985. L’alinéa 12(1)x) exige que tous les remboursements, paiements incitatifs et subventions reçus à l’égard de l’acquisition d’un élément d’actif ou d’une dépense déductible soient inclus dans le revenu, sauf si le montant a déjà eu pour effet de réduire le coût du bien ou la dépense. L’alinéa 12(1)x) visait à clarifier le traitement fiscal des paiements d’incitation à la location, que la jurisprudence a parfois assimilés à des paiements non imposables.

 

[97]      Il ressort des notes techniques du ministère des Finances (novembre 2006) que, selon l’alinéa 12(1)x), certaines sommes – paiements incitatifs, remboursements, contributions, indemnités ou montants d’aide – que le contribuable reçoit pendant qu’il tire un revenu d’une entreprise ou d’un bien sont à inclure dans le revenu « dans la mesure où » elles n’ont pas été incluses dans le revenu ni n’ont servi à réduire le coût d’un bien ou le montant d’une dépense engagée ou effectuée.

 

[98]      En l’espèce, il est évident que le paiement n’a pas été versé au titre d’une forme de remboursement ou de financement. Il a été versé en contrepartie de la vente de la centrale elle‑même. Si un paiement de cette nature devait faire partie du revenu en application de l’alinéa 12(1)x), il serait également nécessaire d’inclure le produit de chaque vente d’éléments d’actif selon cette disposition. Or, eu égard aux notes techniques susmentionnées du ministère des Finances, il est bien évident que telle n’était pas l’intention du ministre.

 

[99]      Je suis d’avis que l’alinéa 12(1)x) de la Loi ne visait pas à couvrir la personne légalement tenue de verser un paiement, lorsque l’obligation découle de négociations légitimes. Si tel était le cas, tout montant versé par suite de négociations dans le but de régler un différend, quelle que soit sa nature, constituerait une indemnité à inclure dans le revenu conformément à l’alinéa 12(1)x).

 

[100]    Enfin, même si le montant de 59 700 000 $ était visé au sous-alinéa 12(1)x)(iv), l’application de l’alinéa 12(1)x) serait exclue par les sous-alinéas 12(1)x)(v) et 12(1)x)(viii), qui ont pour effet d’empêcher l’imposition des montants en question autrement qu’au titre dudit alinéa. Dans la mesure où le montant précis visé au sous-alinéa 12(1)x)(v) n’a pas été inclus par ailleurs dans le calcul du revenu du contribuable ou déduit de celui-ci pour déterminer, aux fins de la Loi, le solde de dépenses ou d’autres montants non déduits pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure, il ne peut raisonnablement être assimilé au paiement fait au titre de l’acquisition, par le débiteur ou par l’administration, d’un droit sur le contribuable, sur son entreprise ou sur son bien.

 

[101]    L’appelante fait valoir qu’il lui suffit d’établir en l’espèce un « intérêt à l’égard » et qu’il s’agit là de termes très larges. De plus, dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, la Cour suprême du Canada a examiné l’expression « il est raisonnable de considérer » et a jugé que le contribuable ne respecte pas ce critère uniquement lorsqu’il n’est pas raisonnable de conclure le contraire.

 

[102]    Eu égard au texte des documents établis avant la vente, aux négociations, aux témoignages des parties à celle-ci, au texte de l’ARN, de l’EE et du contrat de vente à une tierce partie et au fait que le produit de la vente à cette partie devait être versé au Balancing Pool, il apparaît raisonnable de considérer qu’un intérêt afférent à la centrale a été transféré à celui-ci.

 

[103]    L’intimée soutient que le Balancing Pool n’a acquis aucun intérêt sur la propriété et que, s’il l’a fait, l’exclusion ne s’applique pas car, selon la jurisprudence CCLC Technologies Inc. c. Sa Majesté La Reine, 96 D.T.C. 6527, les droits doivent être des droits de propriété à long terme pour être soustraits à l’obligation d’inclusion.

 

[104]    Je ne peux retenir cette thèse. L’appelante a détenu une garantie et un intérêt sur le bien, ne serait-ce que pendant un court laps de temps. ATCO a détenu la centrale dans un but différent et pendant une période différente. De plus, la jurisprudence CCLC Technologies Inc. est antérieure à la jurisprudence Hypothèques Trustco et au critère qui y est consacré quant à l’expression « il est raisonnable de considérer » en ce qui a trait au roulement visé à l’article 85 par suite duquel l’appelante est devenue le vendeur.

 

[105]    Je conclus que l’alinéa 12(1)x) de la Loi ne peut jouer, car les sommes d’argent que le Balancing Pool a versées à l’appelante ne constituaient pas un remboursement visé par cette disposition, et je suis d’avis que celle-ci ne vise pas ce cas, car ni ATCO non plus que l’appelante n’ont été forcées de verser un montant dont la charge finale incombait à une autre personne. De plus, le montant examiné en l’espèce a été retiré du compte FNACC d’ATCO, de sorte qu’il est exclu conformément aux sous‑alinéas 12(1)x)(v) et 12(1)x)(viii). Je suis également d’avis que la jurisprudence CCLC Technologies n’est pas pertinente en l’espèce.

 

Question nº 3

 

Si le montant de 59 700 000 $ constitue un montant reçu au titre de l’article 9 de la Loi, était-il imposable en 2000 ou en 2001?

 

[106]    Compte tenu de mes conclusions quant aux questions en litige, il n’est pas nécessaire de déterminer l’année à l’égard de laquelle le montant de 59 700 000 $ doit être considéré comme un revenu pour l’appelante.

 

[107]    En résumé :

 

En réponse à la question nº 1, le montant forfaitaire de 59 700 000 $ que le Balancing Pool a payé à l’appelante constituait une rentrée de capital et non un revenu visé à l’article 9 de la Loi.

 

En réponse à la question nº 2, le paiement forfaitaire ne constituait pas un paiement obligatoire visé au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi.

 

Compte tenu des réponses données aux questions nos 1 et 2, il n’est pas nécessaire que je réponde à la question nº 3, et je ne le ferai pas.

 


[108]    L’appel est accueilli et les dépens sont adjugés à l’appelante.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’août 2009.

 

 

« E.P. Rossiter »

Juge en chef adjoint Rossiter

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’avril 2010.

 

 

François Brunet, réviseur

 

 


 

RÉFÉRENCE :                                                2009CCI412

 

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :                  2007-277(IT)G

 

 

INTITULÉ :                                                     ALBERTA POWER (2000) LTD. et

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Calgary (Alberta)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 2 mars 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                            Le juge E.P. Rossiter

 

 

DATE DU JUGEMENT :                                 Le 21 août 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Al Meghji et Gerald Grenon

Avocats de l’intimée :

William L. Softley et Kim Palichuk

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

         Pour l’appelante :

                                 Nom :                              Al Meghji

                                 Cabinet :                          Osler, Hoskin & Harcourt LLP

                                                                        Calgary (Alberta)

 

         Pour l’intimée :                                         John H. Sims, c.r.

                                                                        Sous-procureur général du Canada

                                                                        Ottawa (Canada)



[1] Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (2nd ed.), Irwin Law, 2007, p. 22.

[2] Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (2nd ed.), Irwin Law, 2007, p. 311.

[3] Alberta Regulation 331/2000, Alberta Gazette, partie II, 15 janvier 2001.

[4] Stikeman, Canada Tax Service, volume 2, alinéa 12(1)x), Carswell, 2009.

[5]Canadian Encyclopedic Digest (Ontario), Third Ed. Volume 15A, Title 76, Par. 553, Carswell, 2009

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