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Dossier : 98-1659(IT)G

ENTRE :

ALLAN MCLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue par conférence téléphonique
le 11 mai 2009 à Ottawa, Canada

 

Avocat de l’appelant :

Me Jehad Haymour

 

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Martin Beaudry

 

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

  La requête de l’intimée en modification de sa réponse à l’avis d’appel est accueillie, les dépens devant suivre l’issue de la cause.

 

   Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai  2018.

 

 

François Brunet, réviseur.

 

 


 

 

 

 

Référence : 2009CCI294

Date : 20090529

Dossier : 98-1659(IT)G

ENTRE :

ALLAN MCLARTY,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge V.A. Miller

  • [1] L’intimée a présenté une requête en modification de sa réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») afin de retirer un des motifs qu’elle avait invoqués et d’ajouter un motif subsidiaire au soutien de la confirmation des nouvelles cotisations. Une copie de la réponse modifiée à l’avis d’appel est jointe en annexe A aux présents motifs.

 

  • [2] La requête de l’intimée découle de l’arrêt Canada c. Mc Larty, 2008 CSC 26, que la Cour suprême du Canada a rendu dans un pourvoi relatif à la présente affaire. Le juge Rothstein a alors conclu que la dette constatée par un billet à ordre semblable à celui qui fait l’objet du présent appel ne constituait pas une dette de nature éventuelle. Il a observé :

 

[75]  Le ministre dispose de nombreux moyens pour contester les déductions demandées par un contribuable.  Il peut se fonder sur la notion de simulacre ou sur la règle générale anti-évitement, pour n’en nommer que deux.  Il ne l’a pas fait dans ce cas.  En matière de nouvelle cotisation, le rôle du tribunal se borne à trancher les différends entre le ministre et le contribuable.  Il n’est pas le protecteur des revenus de l’État.  Le tribunal doit uniquement décider si le ministre, selon le fondement qu’il a choisi pour établir la cotisation, a raison ou a tort.  Devant notre Cour, le ministre a invoqué la dette éventuelle et le lien de dépendance.  La dette contractée par M. McLarty n’était pas éventuelle et il n’y avait aucune raison de modifier les conclusions du juge de première instance selon lesquelles les opérations entre M. McLarty et Compton étaient sans lien de dépendance.

 

 

  • [3] L’intimée veut maintenant modifier sa réponse afin de supprimer son allégation selon laquelle le billet à ordre en litige est un montant au titre d’une éventualité et elle invoque d’autres motifs pour solliciter la confirmation des nouvelles cotisations. Ces nouveaux motifs sont les suivants :

 

  • a) La dépense en question n’est pas déductible au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), puisqu’elle n’a pas été engagée en vue de tirer un revenu d’une source;

 

  • b) Les opérations sur lesquelles l’appelant se fonde pour demander une déduction au titre des frais d’exploration au Canada (« FEC ») étaient des trompe-l’œil visant à induire le ministre du Revenu national (le « ministre ») en erreur.

 

  • [4] Voici un résumé des faits tirés des actes de procédure. Le 31 décembre 1993, l’appelant ainsi que d’autres personnes ont signé une entente de coentreprise. L’appelant a acheté sa participation à la coentreprise en échange d’une contrepartie de 110 000 $ constituée de 20 000 $ en espèces, d’un billet à ordre d’un montant de 85 000 $ et d’une dette additionnelle de 5 000 $.

 

  • [5] Dans son avis d’appel, l’appelant a soutenu que, par l’entremise de la coentreprise, il a exploité une entreprise d’exploration et d’aménagement dans le domaine du pétrole et du gaz naturel. Il a ajouté le montant de 110 000 $ à ses frais cumulatifs d’exploration au Canada (« FCEC ») et demandé une déduction en 1993 et 1994.

 

  • [6] Par des avis de nouvelle cotisation datés du 1er mai 1997, un montant a été ajouté au revenu de l’appelant pour ses années d’imposition 1993, 1994 et 1995, et la déduction qu’il avait demandée au titre des FEC a été refusée.

 

  • [7] Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations visant l’appelant, le ministre a formulé de nombreuses hypothèses, dont plusieurs mettaient en doute l’authenticité de différentes opérations. Dans la réponse, l’intimée a employé le mot « purportedly » [« prétendument »] pour qualifier les opérations.

 

  • [8] Les motifs que l’intimée a invoqués dans sa réponse étaient les suivants :

 

  • a) L’appelant n’a pas engagé la dépense en question en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi. Par conséquent, l’appelant n’a pas droit à une déduction au titre des FEC, mais il a le droit de déduire un montant de 20 000 $ à titre de dépense en capital admissible.

 

  • b) Subsidiairement, si l’appelant avait droit à une déduction au titre des FEC, le montant de cette déduction se limitait à 20 000 $.

 

  • c) Le billet à ordre de 85 000 $ que l’appelant a donné à Carlyle était un montant au titre d’une éventualité et ne constituait pas une dépense engagée par l’appelant au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

  • d) La valeur du billet à ordre n’équivalait pas à la valeur nominale de celui-ci, et l’appelant n’a pas le droit de déduire le montant qu’il a déduit au titre des FEC.

 

  • e) Le montant de la dépense que l’appelant a engagée n’était pas raisonnable dans les circonstances, et le montant qu’il peut déduire au titre des FEC est limité conformément à l’article 67 de la Loi.

 

  • [9] Voici l’historique des faits relatif à la présente affaire :

 

  • a) L’avis d’appel a été déposé le 23 juin 1998 à l’égard des années d’imposition 1993, 1994 et 1995. La réponse a été déposée le 13 octobre 1998.

 

  • b) L’appelant a déposé sa liste de documents le 15 octobre 1999, et l’intimée a produit la sienne le 6 novembre 1998.

 

  • c) Le 7 décembre 1998, l’intimée a tenté de joindre le présent appel à un « appel connexe » dont la Cour canadienne de l’impôt était déjà saisie. La requête a été rejetée.

 

  • d) Tant le présent appel que l’appel connexe ont été suspendus jusqu’à l’issue de l’affaire Global Communications c. La Reine.

 

  • e) L’intimée a présenté une requête au titre de l’article 58 des Règles afin de demander le rejet de l’appel connexe, au motif que, en ce qui concerne la question de la dette éventuelle, la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l’affaire Global Communications c. La Reine s’appliquait. Cette requête fut instruite le 31 octobre 2000.

 

  • f) La requête fondée sur l’article 58 des Règles fut tranchée en faveur de l’intimée par la Cour canadienne de l’impôt et en faveur de l’appelant par la Cour d'appel fédérale.

 

  • g) Le 14 juin 2002, le présent appel a été suspendu jusqu’à l’issue de l’appel connexe.

 

  • h) L’instruction de l’appel connexe a eu lieu en septembre 2003. Par arrêt daté du 22 mai 2008, la Cour suprême du Canada a donné entièrement raison à l’appelant dans l’appel connexe.

 

  • i) Le 18 février 2009, l’appelant a déposé une liste supplémentaire de documents.

 

  • j) Aux termes d’une ordonnance rendue le 20 février 2009, les parties ont jusqu’au 31 juillet 2009 pour terminer leurs interrogatoires préalables.

 

 

La thèse des parties

 

  • [10] À la lumière des observations que l’avocat de l’appelant a avancées au cours de l’audience relative à la présente requête, je crois comprendre qu’il ne s’opposait pas au retrait de l’allégation selon laquelle le billet à ordre était un montant au titre d’une éventualité. Cependant, l’appelant conteste effectivement la requête, soutenant que l’intimée n’a pas présenté d’éléments de preuve dont il ressort que le motif subsidiaire proposé se rapporte à un point justiciable, et que la modification proposée est préjudiciable et est contraire à l’intérêt supérieur de la justice dans les circonstances de la présente affaire.

 

  • [11] Pour leur part, les avocats de l’intimée affirment:

 

  • a) Les documents et opérations mentionnés dans la réponse modifiée étaient également mentionnés dans différents paragraphes de la réponse initiale et constituaient le fondement des nouvelles cotisations établies à l’encontre de l’appelant;

 

  • b) La réponse modifiée ne signale pas de nouveaux faits; elle ne fait que requalifier autrement les opérations;

 

  • c) Les modifications ne causent nul préjudice à l’appelant;

 

  • d) L’appelant a été informé de ces modifications en temps opportun, car aucun interrogatoire préalable n’a été tenu;

 

  • e) Les modifications sont autorisées par le paragraphe 152(9) de la Loi.

 

  • [12] Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que la requête de l’intimée doit être accueillie.

 

  • [13] Lorsqu’une partie sollicite par voie de requête l’autorisation de modifier des actes de procédure, il n’est pas nécessaire qu’elle présente des éléments de preuve dont il ressort que la modification proposée se rapporte à un point justiciable. Dans l’affaire Andersen Consulting c. R. [1] , l’intimée s’est opposée à la requête de l’appelante en modification des actes de procédure, au motif que celle-ci n’avait présenté nul élément de preuve à l’appui de sa requête. La Cour d'appel fédérale a formulé les remarques suivantes :

 

15 La documentation déposée par l'intimée est au cœur du débat entre les parties; c'est le juge du principal qui aura à l'examiner au procès pour se prononcer sur la validité de son action.Il ne saurait être question, à notre avis, de tenir en cet état de la cause un mini-procès pour juger si les preuves qui doivent censément être produites en même temps que la requête en modification justifient ou non les modifications demandées. Nous partageons l'avis du juge Taylor de la Cour d'appel de Colombie-Britannique qui, dans La v. Le, a conclu que [traduction] « si les tribunaux n'autorisent pas la rétractation d'aveux après que des faits nouveaux auront fait surface de façon imprévue, cela aura inévitablement pour effet de décourager de faire des aveux légitimes au moment considéré, au grand détriment des parties et de l'administration de la justice »6. Nous devons faire en sorte que la procédure de rétractation d'aveu ne devienne pas tellement complexe et tellement stricte que les défendeurs ne feront pratiquement plus d'aveux.

16  De fait, notre collègue le juge Décary, J.C.A., a expliqué en ces termes dans Canderel, la souplesse souhaitable en matière de modification de plaidoiries, ce qui s'entend également, à notre avis, de la rétractation d'aveux :

[…] même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice7.

17  Une fois ce critère appliqué en l’espèce, il n’y a aucun doute que les modifications proposées se rapportent à un point jugeable, qui devrait être tranché au procès, et que, pour résoudre les véritables questions litigieuses entre les parties, elles doivent être autorisées dans l’intérêt de la justice.

 

[Renvois omis.]

 

  • [14] Les modifications proposées dans le présent appel concernent un point justiciable qui devra être tranché à l’instruction.

 

  • [15] Par ailleurs, à l’occasion de l’affaire Walsh c. Canada [2] , la Cour d’appel fédérale a observé que les trois conditions suivantes jouaient lorsque le ministre invoque le paragraphe 152(9) de la Loi :

 

1) Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

2) Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

3) Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au-delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

 

  • [16] Les modifications proposées par l’intimée ne portent pas sur de nouvelles opérations. Elles requalifient les opérations qui avaient été mentionnées dans la réponse.

 

  • [17] L’avocat de l’appelant a soutenu que les modifications proposées causent un préjudice et sont contraires à l’intérêt supérieur de la justice dans les circonstances de la présente affaire. À cet égard, il se fonde sur ceci : les faits en cause se sont produits en 1993 et que l’appelant devra engager des frais élevés pour réfuter l’allégation de trompe-l’œil.

 

  • [18] Dans les cas où l’intimée a invoqué un moyen subsidiaire au sujet duquel le ministre n’a pas formulé d’hypothèse lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation, il incombe à l’intimée de présenter des éléments de preuve visant à établir cet autre moyen. Il peut être remédié à tout préjudice que l’appelant peut subir, par les dépens. A l’occasion de l’affaire Canderel Ltd. c. R [3] la Cour d'appel fédérale a observé :

 

10. En ce qui concerne les modifications, on peut dire, à la suite des décisions de cette Cour dans les affaires Northwest Airporter Bus Service Ltd. c. La Reine et Ministre des Transports; (1978), 23 N.R. 49 (C.A.F.). La Reine c. Special Risks Holdings Inc.; [1984] CTC 563 (C.A.F.); conf. [1984] CTC 71 (C.F. 1re inst.). Meyer c. Canada; (1985), 62 N.R. 70 (C.A.F.). Glisic c. Canada [1988] 1 C.F. 731 (C.A.). et Francoeur c. Canada [1992] 2 C.F. 333 (C.A.). , et de la décision de la Chambre des lords dans l'affaire Ketteman v. Hansel Properties Ltd [1988] 1 All ER 38 (H.L.). citée dans l'arrêt Francoeur, que même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

 

  • [19] Les alinéas 152(9)a) et b) de la Loi ne jouent pas dans les circonstances du présent appel, parce que les interrogatoires préalables n’ont pas encore eu lieu.

 


  • [20] La requête est accueillie, les dépens devant suivre l’issue de la cause.

 

 

   Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 1er jour de juin 2009.

 

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai  2018.

 

 

 

François Brunet, réviseur.

 

 

 


Annexe A

 

[traduction]

 

98-1659(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

(PROCÉDURE GÉNÉRALE)

ENTRE :

ALLEN ALLAN MCLARTY

appelant

-et-

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

RÉPONSE MODIFIÉE À L’AVIS D’APPEL

 

 

  En réponse à l’avis d’appel concernant les années d’imposition 1993, 1994 et 1995 de l’appelant, le sous-procureur général du Canada affirme ce qui suit au nom de Sa Majesté la Reine :

 

A.  EXPOSÉ DES FAITS

 

1. Il admet les faits exposés aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 7, 11, 20, 21, 22 et 23 de l’avis d’appel.

 

2. Il nie les faits allégués aux paragraphes 13, 15, 17 et 19 de l’avis d’appel.

 

3. Il n’est nullement au courant des faits allégués aux paragraphes 14, 16 et 18 de l’avis d’appel et remet ces faits en question.

 

4. Il admet les faits exposés au paragraphe 5 de l’avis d’appel, mais précise que l’appelant a déjà interjeté appel de la nouvelle cotisation relative à l’année d’imposition 1994 dans le dossier 97-3628(IT)G.

 

5. En réponse au paragraphe 6 de l’avis d’appel, il admet seulement que l’appelant et d’autres personnes (dont une société) ont conclu une entente de coentreprise le 31 décembre 1993. Il nie les autres faits allégués au paragraphe 6 en question, notamment le fait qu’une entreprise de pétrole et de gaz naturel a été exploitée.

 

6. En réponse au paragraphe 8 de l’avis d’appel, il nie que la contrepartie totale s’élevait à 6,5 millions de dollars et que l’opération a été conclue sans lien de dépendance. Il admet les autres faits exposés dans ce même paragraphe.

 

7. En réponse au paragraphe 9 de l’avis d’appel, il admet seulement que 507326 a obtenu trois évaluations des données sismiques aux termes desquelles la juste valeur marchande de la base des données techniques était la suivante :

 

  Curts Seismic Consultants Ltd.   8 718 546 $

  Solid State Geophysical Inc.  10 343 048 $

  Citidal Engineering Ltd.  10 318 000 $

 

Il n’est nullement au courant des autres faits allégués dans ce même paragraphe et remet ces faits en question.

 

8. En réponse au paragraphe 10 de l’avis d’appel, il nie que la contrepartie totale s’élevait à 6,5 millions de dollars. Il admet les autres faits exposés dans ce même paragraphe.

 

9. En réponse au paragraphe 12 de l’avis d’appel, il nie que la contrepartie s’élevait à 110 000 $ et que le billet à ordre avait été établi en faveur de 507326. Il admet les autres faits exposés dans ce même paragraphe.

 

10. Lorsqu’il a établi les nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 1993, 1994 et 1995 selon la description figurant au paragraphe 23 de l’avis d’appel, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a formulé les hypothèses de fait suivantes :

 

a)  Le 20 avril 1993, Probe Exploration Inc. (« Probe ») a entamé des négociations avec Chevron Canada Resources (« Chevron ») en vue d’acquérir des droits de propriété sur des ensembles de données sismiques couvrant un minimum de 1 000 kilomètres.

 

b)  Probe a proposé de faire évaluer certaines des données sismiques de Chevron (en prenant en considération des critères tels que les frais de remplacement, la qualité, les paramètres techniques et le secteur d’activité), et elle a payé à Chevron une contrepartie en espèces correspondant à 8 p. 100 de la valeur estimative plus 50 p. 100 des revenus tirés de la vente future des copies des données sismiques.

 

c) Dans des opérations antérieures de cette nature, Probe avait eu recours aux services de Citadel [sic] Engineering, de Curtz [sic] Consulting (Brian Curtz) et de Jaskella Resources Consulting pour procéder à l’évaluation des données sismiques.

 

d) Bien que Chevron se soit montrée ouverte à l’idée d’une vente inconditionnelle au comptant d’une partie de ses données sismiques, elle a informé Probe, le 31 mai 1993, qu’elle refusait sa proposition.

 

e)  Le 21 décembre 1993, Carlyle Management (1993) Inc. (« Carlyle ») a présenté une offre à Chevron, aux termes de laquelle Carlyle ou son prête-nom achèterait la totalité de l’intérêt de Chevron dans les droits de propriété sur environ 5 905 kilomètres de données sismiques (les « données sismiques du Manitoba », aussi appelées la « base de données techniques » et les « données de l’entreprise » dans l’avis d’appel) pour la somme de 805 000 $ en espèces.

 

f) Le 23 décembre 1993, Chevron a accepté l’offre de Carlyle.

 

g) Carlyle et Chevron n’avaient aucun lien de dépendance.

 

h) Le 31 décembre 1993, les faits suivants se sont produits :

 

 Chevron a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à Seitel Inc. (« Seitel »), société non résidente et prête-nom de Carlyle, pour la somme de 805 000 $ en espèces;

 

 Seitel a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à Carlyle pour la somme de 6,5 millions de dollars, constituée de 805 000 $ en espèces et d’une débenture avec droit de recours limité de 5 695 000 $;

 

 Carlyle a prétendument vendu les données sismiques du Manitoba à 507326 Alberta Ltd. (« 507326 ») en sa qualité de représentante de 507326 Alberta Ltd. 1993/1994 Oil and Gas Joint Venture (la « coentreprise ») pour 6,5 millions de dollars, somme constituée de 975 000 $ en espèces et d’un billet à ordre avec droit de recours limité de 5 525 000 $;

 

 507326, Carlyle et Seitel ont conclu une convention de gestion et de vente des données par laquelle Seitel se trouvait autorisée à agir à titre de mandataire international pour vendre des copies autorisées des données sismiques du Manitoba Seismic à des tiers;

 

 507326 a conclu une entente de coentreprise avec l’appelant, 30 autres personnes et une société (les « coentrepreneurs individuels ») relativement aux prétendues activités d’acquisition, d’exploration, d’aménagement et de production en matière de pétrole et de gaz naturel.

 

i) L’appelant a prétendument acheté un droit sur la coentreprise pour un montant de 110 000 $, constitué de 20 000 $ en espèces, d’un billet à ordre à recours limité au profit de Carlyle de 85 000 $ (le « billet à ordre »), et d’une dette additionnelle de 5 000 $.

 

j) Le remboursement du billet à ordre devait se faire par la cession de 50 p. 100 des revenus nets provenant de l’octroi de licences qui seraient dus à l’appelant sur les futures ventes de copies autorisées des données sismiques, et de 20% des rentrées d’argent provenant de l’intérêt de l’appelant dans les droits relatifs aux hydrocarbures acquis par la coentreprise, en premier lieu au titre des intérêts et en second lieu au titre du capital.

 

k) Dans le cas où le billet à ordre ne serait pas payé à échéance, Carlyle avait le droit de forcer la vente par un syndic de l’intérêt indivis de l’investisseur dans les données sismiques et de 20 p. 100 des autres intérêts dans la coentreprise, en échange d’espèces uniquement, 50 p. 100 du produit de cette vente revenant à Carlyle et les 50 p. 100 restants à l’appelant, tout manque à gagner étant remis.

 

l) La division du produit de la vente forcée qui a été exposée dans le paragraphe précédent n’est pas conforme à la pratique normale en matière de financement.

 

m)  Le prix que Carlyle a payé à Seitel en échange des données sismiques du Manitoba a été gonflé par le fait qu’on a eu recours à une solution de financement avec droit de recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 805 000 $ plus 50 p. 100 des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

n) Le prix que 507326 a payé à Carlyle pour l’achat des données sismiques du Manitoba a été gonflé du fait qu’on a eu recours à une solution de financement avec droit de recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 975 000 $, plus 50 p. 100 des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

o) Le prix que l’appelant a payé en échange de son intérêt dans la coentreprise a été gonflé du fait qu’on a fait appel à une solution de financement avec droit de recours limité, et la véritable contrepartie s’élevait à 20 000 $, plus 50 p. 100 des revenus nets provenant de l’octroi de licences pendant neuf ans.

 

p) Les parties n’ont jamais eu l’intention de payer le montant du capital de la débenture et des billets à ordre aux détenteurs de la solution de financement avec droit de recours limité.

 

q) L’objectif de la solution de financement avec droit de recours limité était de faire en sorte que les détenteurs reçoivent un flux de rentrées des futures ventes de copies des données sismiques et puissent profiter de déductions fiscales gonflées.

 

r) Il n’est pas nécessaire d’acquérir des droits de propriété sur des données sismiques pour utiliser celles-ci à des fins d’exploration; une copie autorisée est suffisante.

 

s) Le but des frais engagés par 507326 était que les coentrepreneurs individuels obtiennent des déductions fiscales, et non un des buts prévus au sous‑alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

t) 507326 a engagé des frais approximatifs de 123 725 $, de 124 625 $ et de 54 000 $ (la plupart de ces frais étant des frais de gestion relatifs à la vente de copies des données sismiques) en 1994, en 1995 et en 1996 respectivement, dans le but de donner l’impression qu’elle avait fait l’acquisition des données sismiques du Manitoba pour les fins prévues au sous-alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

u) En engageant les frais qu’il a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise, le but de l’appelant était d’obtenir une déduction fiscale, et non un des buts prévus au sous-alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

v) Les frais que l’appelant a engagés dans le cadre de sa participation à la coentreprise n’ont pas excédé 20 000 $.

 

w) Tous les frais excédant la somme de 20 000 $ que l’appelant a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise étaient déraisonnables dans les circonstances.

 

x) Tous les frais excédant la somme de 20 000 $ que l’appelant a engagés dans le contexte de sa participation à la coentreprise étaient un montant au titre d’une éventualité.

 

y) L’appelant avait auparavant investi dans d’autres données sismiques afin d’obtenir des déductions fiscales.

 

z) Les trois évaluations des données sismiques du Manitoba que 507326 a obtenues :

 

  n’étaient pas des évaluations d’experts indépendants;

  étaient fondées sur la valeur de remplacement actualisée des données;

  étaient fondées sur une méthodologie erronée, dont ont découlé des opinions inexactes et exagérées quant à la valeur de ces données.

 

aa) Le 31 décembre 1993, la valeur des données sismiques du Manitoba n’était pas supérieure à 975 000 $.

 

bb) La pratique de l’industrie veut que, pour établir le prix de vente des données sismiques, on applique une ristourne en fonction du volume sur la vente de blocs dépassant 1 000 kilomètres.

 

cc) Ces ristournes varient en fonction de la taille du bloc et du pouvoir de négociation respectif de l’acheteur et du vendeur.

 

dd) Une ristourne de 80 p. 100 sur les données sismiques du Manitoba que 507326 a achetées aurait été conforme aux pratiques de l’industrie et aurait été raisonnable dans les circonstances.

 

11. La juste valeur marchande des données sismiques du Manitoba le 31 décembre 1993 n’est pas pertinente. Si elle est pertinente, cette juste valeur marchande s’établissait à 805 000 $, soit le prix auquel Chevron a vendu ces données.

 

12. Même s’il était censé être partie à un contrat communément appelé entente de coentreprise, l’appelant n’a pas poursuivi d’activités commerciales relatives à la vente des données sismiques en cause ou à l’octroi de licences d’utilisation de celles‑ci, ou encore à l’exploration de pétrole et de gaz. Au cours des années en cause, l’appelant a gagné un revenu professionnel généré par l’exercice de sa profession d’avocat. Les seules « activités » de l’appelant qui étaient liées à sa prétendue participation à la coentreprise étaient le paiement d’un montant de 20 000 $ et la déduction des FEC dans le calcul de son revenu pour les années en cause.

 

13. Selon la convention de gestion et de vente des données, c’est Seitel qui s’occupait de la gestion des données en question et de l’octroi de licences d’utilisation de celles‑ci. Plus précisément, Seitel déterminait les conditions de toutes les licences, se chargeait de la commercialisation, de la vente et de la transmission des données, vérifiait la solvabilité de tous les titulaires de licence, et protégeait et assurait les données.

 

14. La constitution en société de 507326, l’entente conclue entre Chevron et Carlyle relativement à l’achat des données sismiques du Manitoba pour la somme de 805 000 $ le 21 décembre 1993, l’achat par Seitel des données auprès de Chevron en lieu et place ou à titre de mandataire de Carlyle pour la somme de 805 000 $ le 31 décembre 1993, l’achat par Carlyle auprès de Seitel des mêmes données à la même date au prix artificiellement gonflé de 6,5 millions de dollars, la vente par Carlyle à 507326 des mêmes données à la même date pour la somme de 6,5 millions de dollars, la convention de gestion et de vente des données, qui prévoit que Seitel interviendra à titre de mandataire de 507326 pour gérer et octroyer des licences d’utilisation de copies des données en échange d’une commission de 10 p. 100, l’entente de coentreprise conclue entre 507326 et 30 autres personnes ainsi qu’une société et la prétendue acquisition par l’appelant d’un droit sur la coentreprise, constituaient autant de démarches en vue de mettre en place des trompe-l’œil visant à induire le ministre en erreur, en lui faisant croire que les dépenses en cause avaient été engagées en vue de mener des activités d’exploration, plutôt que pour acheter des déductions fiscales.

 

B. POINTS EN LITIGE

 

15. L’intimée rejette la manière dont l’appelant a formulé les points en litige dans le présent appel.

 

16. En réponse au paragraphe 24 de l’avis d’appel, dans lequel l’appelant expose prétendument les points qui ne sont pas controversés, l’intimée affirme qu’elle admet uniquement l’alinéa a).

 

17. Les points en litige dans le présent appel sont les suivantes :

 

a)  Quels frais, le cas échéant, l’appelant a-t-il engagés relativement à l’achat des données sismiques?

 

b)  Les frais que l’appelant a engagés peuvent-ils, en tout ou en partie, être considérés comme des frais d’exploration au Canada (« FEC ») au sens de l’alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi?

 

c)  Si les frais ne constituent pas des FEC, sont-ils déductibles au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi?

 

d)  À titre subsidiaire, convient-il de rejeter l’appel quoi qu’il en soit, étant donné que les déductions que l’appelant a demandées faisaient partie d’un stratagème visant à mettre en place des trompe-l’œil afin d’induire le ministre en erreur?

 

 

 

 

C. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET MESURE SOLLICITÉE

 

12. L’intimée invoque les articles 3, 4 et 9, le paragraphe 14(5), l’alinéa 20(1)b), le paragraphe 66(15), les articles 66.1 et 67 ainsi que le paragraphe 248(1) de la Loi, sous sa version modifiée, pour les années d’imposition 1993 à 1995.

 

13. Elle soutient que l’appelant n’a pas engagé la dépense en question en vue de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’un gisement de pétrole ou de gaz naturel au sens de l’alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi. Par conséquent, l’appelant n’a pas droit à une déduction au titre des FEC, mais il a le droit de déduire un montant de 20 000 $ à titre de dépense en capital admissible.

 

14. La dépense en question n’est pas déductible au titre de l’alinéa 20(1)b) de la Loi, parce qu’elle n’a pas été engagée en vue de tirer un revenu provenant d’une source.

 

15. À titre subsidiaire, l’intimée fait valoir que les opérations sur lesquelles l’appelant se fonde pour demander une déduction au titre des FEC étaient des trompe-l’œil et que, en tout état de cause, l’appel devrait être rejeté.

 

16. Ou encore, à titre subsidiaire, si la Cour canadienne de l’impôt conclut que les frais en question sont déductibles au motif que, en qualité de partie à l’entente de coentreprise, l’appelant exploitait une entreprise et qu’il n’y avait aucun trompe-l’œil, l’appelant a le droit de déduire une dépense en capital admissible dont le montant maximal s’élève à 20 000 $.

 

17. Ou encore, à titre subsidiaire, pour les motifs exposés ci-dessous, l’intimée allègue que la déduction de l’appelant au titre des FEC ne peut dépasser 20 000 $, car tout montant déduit en sus de la somme de 20 000 $ est déraisonnable dans les circonstances, suivant l’article 67 de la Loi.

 

25. Le billet à ordre de 85 000 $ que l’appelant a donné à Carlyle était un montant au titre d’une éventualité et ne constituait pas une dépense engagée par l’appelant au sens du sous-alinéa 66.1(6)a)(i) de la Loi.

 

26. La valeur du billet à ordre n’équivalait pas à la valeur nominale de celui-ci, et l’appelant n’a pas le droit de déduire le montant qu’il a déduit au titre des FEC.

 

27. Le montant de la dépense que l’appelant a engagée n’était pas raisonnable dans les circonstances, et le montant qu’il peut déduire au titre des FEC est limité conformément à l’article 67 de la Loi.

 

25. L’intimée demande que l’appel soit rejeté avec dépens.

 


Fait à l’origine à Ottawa, le 13e jour d’octobre 1998, et modifié le ___ jour de mars 2009.

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour de mai  2018.

 

 

 

François Brunet, réviseur.

 


RÉFÉRENCE :  2009CCI294

 

N° DU DOSSIER DE LA COUR :  98-1659(IT)G

 

INTITULÉ :  ALLAN MCLARTY ET LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa, Canada

 

DATE L’AUDIENCE :  Le 11 mai 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DE L’ORDONNANCE :  Le 1er juin 2009

 

 

Avocat de l’appelant :

Me Jehad Haymour

 

Avocats de l’intimée :

Me Josée Tremblay

Me Martin Beaudry

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

  Pour l’appelant :

 

  Nom :  Jehad Haymour

 

 

  Cabinet :  Fraser, Milner, Casgrain

 

  Pour l’intimée :  John H. Sims, c.r.

  Sous-procureur général du Canada

  Ottawa, Canada



[1] [1998] 1 C.F. 605 (CAF).

[2] 2007 CAF 222, au paragraphe 18.

[3] [1993] 2 C.T.C. 213 (CAF), au paragraphe 10.

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