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Référence : 2009 CCI 257

Date : 20090521

Dossiers : 2006-705(IT)G

2006-841(IT)G

ENTRE :

 

VIALINK INC.,

HUBERT WATT,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS CONCERNANT LES OBSERVATIONS AU SUJET DES DÉPENS

 

 

La juge Campbell

 

[1]              Les parties n’étant pas parvenues à s’entendre sur la question des dépens, elles ont présenté, en application du paragraphe 70 des motifs du jugement que j’ai rendu dans la présente affaire, des observations écrites qui exposent leur position respective.

 

[2]              L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a établi une cotisation de valeur nette à l’égard de Hubert Watt et a conclu qu’il avait omis de déclarer un revenu s’élevant à 45 767,27 $, à 76 878,56 $ et à 234 580,97 $ pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002, respectivement. Une analyse des dépôts bancaires a été effectuée à l’égard de la société de M. Watt, Vialink Inc. (ci‑après « Vialink »), et il a été conclu que la société avait eu un revenu d’entreprise non déclaré de 122 197 $ et de 5 878 $ pour les années d’imposition 2001 et 2002, respectivement. Des pénalités pour faute lourde ont également été imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

[3]              Les appels ont été accueillis de façon à admettre le montant additionnel de 25 302,17 $ au titre des dépenses d’entreprise de Vialink pour l’année d’imposition 2001, à permettre le rajustement des pénalités qui n’avait pas été fait lorsque des modifications avaient été apportées aux montants que l’actionnaire s’était attribués et à accorder un allégement des intérêts en raison du délai de six mois de la part du ministre du Revenu national (le « ministre ») dans le traitement de l’affaire. Autrement, les nouvelles cotisations du ministre ont été ratifiées. Dans l’ensemble, les nouvelles cotisations n’ont pas été rajustées principalement en raison de questions de crédibilité à l’égard des appelants, comme l’attestent les documents falsifiés, les renseignements trompeurs et l’indifférence dont avait fait preuve M. Watt.

 

[4]              Les appelants soutiennent que des frais s’élevant à 54 700 $, compte tenu des débours, ont été engagés, même s’ils ne font pas état d’une répartition des services dans leurs observations. Cependant, les appelants suggèrent une adjudication des dépens d’au moins 30 000 $, laquelle est fondée sur l’admission de dépenses additionnelles dans la déclaration de revenus de la société et sur le fait, comme le prétendent les appelants, que l’intimée a continué d’insister pour que la Cour soit saisie des appels alors qu’il y avait possibilité de règlement.

 

[5]              L’intimée sollicite des dépens entre parties selon le tarif B de l’annexe II, conformément au paragraphe 147(4) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (les « Règles ») en invoquant comme argument que, de façon générale, elle avait obtenu gain de cause pour les deux appels.

 

[6]              L’intimée affirme que, même si des concessions ont été faites concernant les dépenses de Vialink pour l’année d’imposition 2001, la somme de ces concessions ne représentait qu’une petite partie du revenu imposé des deux appelants et les concessions étaient fondées sur le dépôt tardif de documents pendant l’audience alors que ces documents auraient dus être déposés lors de l’enquête préalable. De plus, deux autres rajustements ont été faits concernant les pénalités et les intérêts, mais il s’agit de sommes minimes par rapport au total des sommes en litige.

 

[7]              Dans son mémoire de frais, l’intimée demande 10 134,05 $ au titre des honoraires et des débours à l’égard de l’appel de M. Watt et 10 134,06 $ au titre des honoraires et des débours à l’égard de l’appel de Vialink.

 

[8]              La Cour possède un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’adjudication des dépens selon l’article 147 des Règles. Dans la décision Merchant v. The Queen, 98 DTC 1734, le juge Bowman (tel était alors son titre) a mentionné ce qui suit au paragraphe 58 :

 

[…] En général, le plaideur qui l'emporte a droit aux frais et dépens entre parties. Lorsque le succès est partagé, il arrive souvent qu’aucune ordonnance ne soit rendue à l’égard des frais et dépens. […]

 

[9]              Comme il a été mentionné dans la décision Merchant, déroger à la règle exige des circonstances inhabituelles. Pour qu’un plaideur qui a en totalité ou en partie gain de cause :

 

a)       soit privé des frais,

 

b)      soit tenu de payer les frais et dépens entre parties,

 

c)       soit tenu de verser des frais à l’autre partie sur la base procureur‑client,

 

il faut que sa conduite soit dans une certaine mesure répréhensible.

 

[10]         Les appelants ont réussi à obtenir la déduction de sommes additionnelles qui s’élèvent à 25 302,17 $ ainsi qu’un rajustement des pénalités et des intérêts, mais c’est l’intimée qui a eu gain de cause dans l’ensemble. Il convient également de noter que les éléments de preuve documentaire à l’appui des dépenses n’ont été fournis à l’intimée que pendant l’audience, et l’intimée craignait qu’il y ait chevauchement de certaines dépenses. De plus, il n’a pas été tenu de compte de ces dépenses particulières au cours des discussions concernant le règlement ou pendant la conférence préparatoire à l’audience et, si les documents avaient été présentés plus tôt, l’audience n’aurait pas été retardée pour permettre le traitement de ces documents à l’appui des dépenses (transcription, le 27 novembre 2007, pages 83-85). L’intimée affirme donc que, pour l’établissement des dépens, il faut tenir compte de la façon dont les appelants ont agi et ne pas les récompenser pour avoir agi de la sorte.

 

[11]         Le paragraphe 18.26(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt donne à la Cour, sous réserve des Règles, le pouvoir discrétionnaire d’allouer les dépens aux appelants si le jugement réduit de plus de la moitié le total de tous les montants en cause. En l’espèce, la somme de 25 302,17 $ accordée à l’égard des dépenses de Vialink ainsi que les deux autres rajustements effectués au titre des pénalités et des intérêts ne constituaient que des sommes minimes comparativement au total des sommes en litige. Cela ne devrait pas autoriser les appelants à se voir adjuger les dépens. On ne m’a pas fourni les chiffres relatifs au rajustement des pénalités et des intérêts, mais la présomption selon laquelle les montants des rajustements ne totaliseraient pas plus de la moitié du total des sommes dues pour chacune des années d’imposition visées n’est pas irréaliste. Par conséquent, aucun des arguments des appelants n’appuie une adjudication des dépens en leur faveur dans les présents appels.

 

[12]         Même si les appelants ont eu gain de cause en partie pour les appels, la Cour peut refuser de leur adjuger les dépens ou bien les condamner aux dépens en fonction de la mesure dans laquelle les actes de M. Watt étaient répréhensibles. M. Watt a été très peu coopératif tout au long de la procédure. À certains moments, il a refusé de fournir des renseignements à la vérificatrice ou a donné des renseignements vagues ou insuffisants, il n’a pas répondu à la correspondance qui lui avait été envoyée et il a fourni certains documents qui avaient été complètement falsifiés. Cela a miné la crédibilité de l’ensemble de son témoignage. Si M. Watt avait fourni les documents appropriés avec honnêteté et franchise lorsqu’on les lui avait demandés, un grand nombre des questions en cause auraient pu être réglés.

 

[13]         Même si, à mon avis, il se peut fort bien que M. Watt ait agit de façon répréhensible, l’intimée n’a pas demandé que des dépens lui soient accordés sur la base procureur‑client. La Cour peut toutefois en imposer le paiement, même si l’intimée n’en a pas fait la demande. Dans l’arrêt Hassanali Estate v. The Queen, 96 DTC 6414, le juge MacGuigan a mentionné ce qui suit au paragraphe 10 :

 

Nous ne considérons pas que le fait que l’avocat de l’intimée n’ait pas demandé de dépens sur la base procureur‑client comme néfaste en tant que tel pour la décision de les accorder, puisque, selon nous, les tribunaux doivent avoir le pouvoir discrétionnaire de les imposer de leur propre chef lorsqu’ils se justifient, mais seulement après avoir averti l’avocat que cette éventualité est envisagé et avoir laissé la possibilité aux parties de présenter leurs arguments. Nous renvoyons donc cette question à la Cour de l’impôt pour audition des arguments à cet égard.

 

[14]         Dans leurs observations, les appelants n’ont pas mentionné pourquoi ils ne devraient pas payer de dépens sur la base procureur‑client. Les appelants semblent plutôt suggérer que la décision devrait faire l’objet d’un examen et que les dépens devraient être adjugés en leur faveur. Selon l’arrêt Hassanali Estate, il semble que, si je devais étudier la possibilité d’adjuger les dépens sur la base procureur‑client, il faudrait que je demande aux deux parties de me fournir d’autres observations. Comme l’intimée n’a pas demandé que des dépens lui soient alloués sur la base procureur‑client, je n’étudierai pas une telle adjudication des dépens, même si, dans les circonstances, je l’aurais fait si l’intimée en avait fait la demande.

 

[15]         Le paragraphe 147(3) des Règles énonce plusieurs facteurs que je dois analyser aux fins de l’adjudication des dépens :

 

a)      Le résultat de l’instance

 

[16]         Même si les appels ont été accueillis en partie pour admettre la déduction de dépenses additionnelles s’élevant à 25 302,17 $ et permettre des rajustements minimes aux pénalités et aux intérêts, c’est l’intimée qui a eu gain de cause dans l’ensemble. De plus, les documents à l’appui des postes de dépense n’ont été fournis qu’après le début de l’audience.

 

b)      Les sommes en cause

 

[17]         M. Watt avait déclaré un revenu total de 10 273 $, de 5 495 $ et de 4 729 $ pour les années 2000, 2001 et 2002, respectivement. Dans les cotisations de valeur nette, il avait été établi que son revenu total était de 56 040 $, de 82 374 $ et de 239 310 $ pour les périodes respectives. De la même façon, pour Vialink, les T2 modifiées faisaient état d’un revenu d’entreprise total de 64 995 $ et de 1 890 $ pour les années 2000 et 2001, respectivement, alors que selon l’analyse des dépôts bancaires, les montants s’élevaient à 187 192 $ et à 7 768 $. Les écarts entre les montants sont importants, et les répercussions fiscales en découlant peuvent avoir une forte incidence sur le total de l’impôt à payer.

 

c)       L’importance des questions en litige

 

[18]         Selon les appelants, les sommes calculées au moyen de l’analyse de la valeur nette et de l’analyse des dépôts bancaires sont susceptibles d’avoir des répercussions importantes pour les appelants.

 

d)      Toute offre de règlement présentée par écrit

 

[19]         Après l’interrogatoire préalable, les appelants ont présenté une offre de règlement dans une lettre datée du 16 février 2007. Les appelants étaient prêts à concéder un revenu additionnel de 26 000 $, de 28 000 $ et de 30 000 $ pour les années 2000, 2001 et 2002, respectivement, et avaient demandé que les pénalités soient annulées. L’intimée a rejeté l’offre. La décision de la Cour d’accueillir les appels n’a pas vraiment été plus avantageuse pour les appelants. Les montants de l’intimée n’ont plutôt presque pas changé.

 

e)       La charge de travail

 

[20]         Si M. Watt avait répondu aux demandes de l’ARC en fournissant rapidement des renseignements dignes de foi et fiables, la vérificatrice n’aurait pas été obligée de procéder autrement pour établir les cotisations.

 

f)       La complexité des questions en litige

 

[21]         Tout au long de la procédure, les appelants étaient les mieux placés pour prouver que les sommes étaient inexactes en fournissant des renseignements appropriés pour réfuter les hypothèses de l’intimée.

 

g)      La conduite d’une partie qui aurait abrégé ou prolongé inutilement la durée de l’instance

 

[22]         La conduite de M. Watt a prolongé la durée de l’instance.

 

h)      La dénégation d’un fait par une partie ou sa négligence ou son refus de l’admettre, lorsque ce fait aurait dû être admis

 

[23]         Sans objet.

 

i)       La question de savoir si une étape de l’instance :

 

          (1) était inappropriée, vexatoire ou inutile

 

[24]         Si l’appelant avait fourni les réponses et les documents rapidement et honnêtement lorsqu’on les lui avait demandés, certaines des questions auraient pu être réglées, ce qui aurait pu abréger la durée de l’audience ou peut‑être même en éviter la tenue. L’intimée a fait de nombreuses demandes pendant la vérification, mais la façon dont l’appelant s’est conduit lorsqu’il a fourni des documents comprenant des renseignements insuffisants, trompeurs ou falsifiés a fait obstacle à la procédure.

 

(2) a été accomplie de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection

 

[25]         Sans objet.

 

j)       Toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens

 

[26]         À la page 4 des observations des appelants, l’avocat semble demander que je réexamine ma décision pour éviter une erreur de justice, parce que la preuve documentaire fournissait des explications valables et plausibles à l’appui du fait que les sommes d’argent provenaient de sources non imposables. L’avocat croit qu’un « réexamen » de la cause peut être effectué sur le fondement du facteur prévu à l’alinéa 147(3)j). Je ne suis pas convaincue que le facteur de l’alinéa j) prévoit un tel examen, je crois que j’ai expliqué de façon claire et explicite dans les motifs de mon jugement pourquoi la conduite et les actes de M. Watt avaient non seulement fait obstacle au déroulement de toute la procédure, mais avaient fait de lui un témoin très peu fiable, ce qui avait nuit à la fiabilité de la preuve documentaire qu’il avait présentée. Certains des éléments de preuve documentaire comportaient des renseignements qui n’étaient pas assez détaillés ou bien insuffisants, et M. Watt reconnaît que certains avaient été falsifiés. Si les appelants ne souscrivaient pas aux motifs, ils pouvaient faire appel de ma décision devant la Cour d’appel fédérale.

 

Conclusion

 

[27]         Compte tenu de ce qui précède et, notamment, de l’examen des facteurs énumérés au paragraphe 147(3) des Règles, je conclus qu’il est raisonnable en l’espèce que les dépens soient fixés en application du paragraphe 147(4) des Règles, conformément au mémoire de frais joint aux observations de l’intimée et établi selon le tarif B de l’annexe II. Par conséquent, l’intimée a droit à des dépens pour services rendus de 8 575 $ à l’égard de M. Watt et à des débours de 1 559,05 $, ce qui donne un total de 10 134,05 $, de même qu’à des dépens pour services rendus de 8 575 $ à l’égard de Vialink et à des débours de 1 559,06 $, ce qui donne un total de 10 134,06 $.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2009.

 

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour juin de 2009.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :

2009 CCI 257

 

Nos DES DOSSIERS

DE LA COUR :

2006-705(IT)G et

2006-841(IT)G

 

INTITULÉ :

Vialink Inc. et Hubert Watt c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 26 et 27 novembre 2007 et les 22 et 23 avril 2008

 

MOTIFS CONCERNANT LES OBSERVATIONS AU SUJET DES DÉPENS :

L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 février 2009

 

DATE DES MOTIFS CONCERNANT LES OBSERVATIONS AU SUJET DES DÉPENS :

Le 21 mai 2009

 

OBSERVATIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Osborne G. Barnwell

 

Avocats de l’intimée :

Me Nimanthika Kaneira et

Me Laurent Bartleman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelants :

 

Nom :

Osborne G. Barnwell

 

Cabinet :

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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