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Dossier : 2008-2509(CPP)

ENTRE :

GILPIN FURNITURE AND

FUNERAL SERVICE LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Robert Gilpin (2008-2510(CPP)), le 25 février 2009, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

 

Représentant de Robert Gilpin :

 

M. Ronald Gilpin

 

M. Ronald Gilpin

 

Avocate de l’intimée :

Me Tanis Halpape

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre en date du 18 juillet 2008 est annulée, conformément aux motifs ci-annexés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

Dossier : 2008-2510(CPP)

ENTRE :

ROBERT GILPIN,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Gilpin Furniture and Funeral Service Limited (2008-2509(CPP)), le 25 février 2009, à London (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

 

Représentant de Gilpin Furniture and Funeral Service Limited :

 

M. Ronald Gilpin

 

 

 

M. Ronald Gilpin

Avocate de l’intimée :

Me Tanis Halpape

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté en vertu du Régime de pensions du Canada est accueilli et la décision du ministre en date du 18 juillet 2008 est annulée, conformément aux motifs ci-annexés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


 

 

 

Référence : 2009 CCI 192

Date : 20090409

Dossiers : 2008-2509(CPP)

2008-2510(CPP)

ENTRE :

GILPIN FURNITURE AND

FUNERAL SERVICE LIMITED,

ROBERT GILPIN,

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l’audience le 25 février 2009, à London (Ontario),

et modifiés pour en assurer la clarté et l’exactitude.)

 

Le juge Boyle

 

[1]              Le point soulevé dans ces appels est celui de savoir si Robert Gilpin occupait, de 2006 à 2008, dans l’entreprise de pompes funèbres Gilpin Furniture and Funeral Service Limited, un emploi ouvrant droit à pension, aux fins du Régime de pensions du Canada.

 

[2]              Gilpin Furniture and Funeral Service appartient en totalité à Ron Gilpin, père de Robert Gilpin. La société exploite un commerce de meubles et plusieurs salons funéraires dans des petites localités du sud-ouest de l’Ontario. La société est aussi propriétaire de plusieurs parcelles de terrain. Auparavant, elle avait aussi été la propriétaire-exploitante du service local d’ambulance, avant que ce service ne soit repris par le comté. Robert Gilpin avait travaillé dans le service d’ambulance quand la famille en était propriétaire, et il travaille encore à temps plein pour le comté comme ambulancier paramédical.

 

[3]              Avant d’aller plus loin, et pendant que j’ai encore l’attention de Ron Gilpin, je dois faire deux observations préliminaires : d’abord, vous feriez bien d’accorder à votre comptabilité et à vos comptes davantage d’attention que ce que vous avez indiqué ce matin. Vous gérez avec succès plusieurs entreprises. Vous devriez accorder davantage d’attention que ce que vous dites à la structure et aux écritures. Sinon, je crains fort que vous vous trouviez dans une situation nettement plus difficile avec le fisc que ce n’est le cas aujourd’hui. Si vous ne l’avez pas déjà fait, je vous recommande vivement de vous adresser à un professionnel compétent pour qu’il passe en revue avec vous ce que vous faites et qu’il vous dise la manière de mieux faire les choses, ce qui vous épargnera d’autres difficultés, et peut-être aussi de l’argent.

 

[4]              Deuxièmement, M. Gilpin, je dois dire que vos remarques personnelles à propos de l’avocate du ministère de la Justice, si bien intentionnées et si favorables soient-elles, n’ont pas leur place dans une salle d’audience, et ne l’ont jamais eue. Si j’ai négligé d’exprimer clairement mes doutes sur ce point à ce moment-là, je m’en excuse auprès de Me Halpape.

 

[5]              S’agissant de ce qui nous occupe aujourd’hui, à savoir le RPC, l’entreprise exploite trois salons funéraires, à Forest, Thedford et Grand Bend, en Ontario. Ron Gilpin est âgé de 65 ans et vit à Grand Bend, où il gère le salon funéraire de l’entreprise situé dans cette localité. Il gère aussi un salon funéraire et un commerce de meubles à Thedford. Le principal salon funéraire de l’entreprise est celui de Forest. Selon la preuve, il est géré presque uniquement par son fils, Robert Gilpin, avec l’aide de son épouse.

 

[6]              Ron Gilpin a dit qu’il n’était pas véritablement concerné par le salon funéraire de Forest et que c’est son fils qui s’occupait de tout, y compris de commander les cercueils et de conserver les fournitures requises, de faire connaître l’entreprise de Forest auprès de la collectivité locale, ainsi que de récupérer les corps, nettoyer et embaumer les cadavres, et cetera. Le téléphone du salon funéraire de Forest se trouve au domicile de Robert. Robert décidait des frais qui seraient engagés, et ces frais étaient payés par l’entreprise.

 

[7]              Robert était ambulancier paramédical à temps plein. Bien qu’apparemment prospères, il s’agit de salons funéraires opérant dans de petites localités. Le salon funéraire de Forest devait être géré en même temps que Robert occupait son poste d’ambulancier paramédical. D’autres employés de l’entreprise prenaient les choses en main durant son absence. S’agissant du salon funéraire de Forest, ces employés étaient sous la direction de Robert.

 

[8]              Robert Gilpin recevait de l’entreprise une rémunération mensuelle de 2 000 $ pour s’occuper du salon funéraire de Forest. Il n’y avait pas d’accord écrit, il n’y avait pas d’heures préétablies, pas de nombre maximum d’heures, pas d’heures supplémentaires, pas de rémunération de vacances, et apparemment pas d’obligation d’apporter une aide aux autres salons funéraires de l’entreprise ou à son commerce de meubles lorsque les affaires ralentissaient à Forest. Le nombre minimum d’heures par semaine que devait faire Robert étaient les 15 heures requises par la loi de l’Ontario pour qu’il conserve sa licence d’entrepreneur de pompes funèbres.

 

[9]              Les niveaux d’activité au salon funéraire de Forest dépendaient évidemment du nombre de décès dans la région, ainsi que du niveau de succès qu’obtenait Robert Gilpin dans ses démarches pour faire connaître la maison Gilpin auprès des personnes âgées et auprès des membres survivants des familles de sa collectivité.

 

[10]         Robert avait travaillé de cette façon durant de nombreuses années. Au cours des années 2003 à 2005, l’entreprise avait prélevé à la source l’impôt et les cotisations au RPC et avait délivré des feuillets T4 à Robert. Ron Gilpin a expliqué que cela avait pour seul objet de s’assurer que Robert avait les renseignements exacts pour acquitter ses impôts, mais qu’il était maintenant devenu évident que lui ou son épouse avait employé la mauvaise formule et adopté la mauvaise manière de s’y prendre.

 

[11]         Ron Gilpin a témoigné que lui-même et son fils avaient voulu tous deux que Robert soit un entrepreneur indépendant, non un employé. Robert occupait un emploi à temps plein bien rémunéré, et cet emploi lui assurait une protection complète grâce aux cotisations qu’il versait au RPC, et sans doute aussi à l’assurance-emploi.

 

[12]         Il n’existe aucun accord écrit régissant la relation entre l’entreprise Gilpin et Robert Gilpin. Ron Gilpin a dit qu’il voyait cette relation comme un genre de partenariat, dans lequel son fils prenait la responsabilité du salon funéraire de Forest. Robert Gilpin n’était pas là pour témoigner. Je n’ai pas été invité à tirer de son absence une conclusion défavorable.

 

[13]         Pour régler la question de savoir si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, aux fins de la définition de « emploi ouvrant droit à pension », il faut déterminer si l’intéressé exploite véritablement ou non une entreprise pour son propre compte. Telle était la question posée par la juridiction britannique dans son jugement de 1968, Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.). Ce précédent a été approuvé par notre Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, et adopté par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983. Cette question doit être tranchée compte tenu de toutes les circonstances pertinentes, et compte tenu de plusieurs critères ou lignes directrices, notamment : (1) l’intention des parties; (2) le contrôle exercé sur le travail; (3) la propriété des instruments de travail; (4) les perspectives de profit et les risques de perte; (5) ce que l’on a appelé le critère de l’intégration, de l’association ou de l’entrepreneur.

 

[14]         Des décisions plus récentes de la Cour d'appel fédérale font ressortir l’importance particulière que prennent, dans de telles décisions, l’intention des parties et le contrôle exercé sur le travail. Il s’agit des arrêts suivants : Royal Winnipeg Ballet c. Canada, 2006 CAF 87, [2007] 1 R.C.F. 35, Combined Insurance Co. of America c. Canada, 2007 CAF 60, [2007] A.C.F. n° 124 (QL), et City Water International Inc. c. Canada, 2006 CAF 350, [2006] A.C.F. n° 1653 (QL). La Cour canadienne de l’impôt a elle aussi rendu quelques décisions utiles sur la question : Vida Wellness Corp. (faisant affaire sous la raison sociale Vida Wellness Spa) c. Canada, 2006 CCI 534, [2006] A.C.I. n° 570 (QL), où il est question de l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, ainsi que des motifs prononcés par l’ancien juge en chef dans la décision Lang c. Canada, 2007 CCI 547, 2007 D.T.C. 1754.

 

I. L’intention des parties

 

[15]         J’accepte le témoignage de M. Ron Gilpin selon lequel lui et son fils entendaient que le fils soit, au cours des années en question, un entrepreneur indépendant. Il a donné une explication crédible justifiant l’émission de feuillets T4 au cours des années antérieures à celles visées par l’appel. Dans son argumentation, l’avocate de la Couronne a d’abord admis que les intentions du père et du fils n’étaient pas l’établissement d’une relation employeur-employé. Cependant, elle est plus tard revenue à la position selon laquelle la preuve de l’intention n’était pas tout à fait claire et pouvait être qualifiée d’ambiguë. Je reconnais qu’il ne s’agit pas d’un cas où la preuve sur ce point est parfaitement limpide, mais je suis d’avis, selon la prépondérance de la preuve, que les parties, au cours des années en cause, avaient à l’esprit un contrat d’entreprise, selon lequel Robert Gilpin serait un entrepreneur indépendant, et non un contrat de louage de services, qui ferait de lui un employé.

 

[16]         On ne m’a signalé aucune réglementation provinciale ou autre qui empêcherait un entrepreneur agréé de pompes funèbres de travailler comme entrepreneur indépendant, et non comme employé, et je ne crois pas que les parties aient fait quelque chose qui soit nécessairement incompatible avec le statut d’entrepreneur indépendant conféré à Robert Gilpin.

 

II. Le contrôle exercé sur le travail de Robert Gilpin

 

[17]         L’importance du contrôle exercé sur le travail a été décrit par mon collègue, le juge Webb, dans plusieurs décisions, comme un élément qui fait que, sauf si son application et celle des autres facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la présente affaire militent plus fortement en faveur d’une relation employeur-employé que dans l’espèce Royal Winnipeg Ballet, alors les Gilpin, qui voulaient durant les années en cause que le fils soit considéré comme un entrepreneur indépendant, avaient effectivement conclu un tel arrangement.

 

[18]         En l’occurrence, tout le travail fait par Robert Gilpin pour l’entreprise concernait le salon funéraire de Forest. Robert assumait lui-même la responsabilité totale des activités quotidiennes de cette succursale. Il était responsable de ses activités ainsi que du succès du salon de Forest, qui était le principal salon funéraire de l’entreprise. Il semble qu’il faisait connaître son entreprise dans la collectivité comme bon lui semblait. Il rencontrait d’éventuels clients et répondait aux demandes de renseignements, acceptait ou refusait de possibles nouvelles affaires, fixait les prix et concluait des contrats avec les clients. C’est lui qui décidait de ses heures de travail. Ses activités devaient de toute façon être adaptées à son horaire personnel d’ambulancier paramédical travaillant pour l’administration locale.

 

[19]         Il ressort clairement de la preuve produite ici que le contrôle exercé par l’entreprise sur le travailleur n’atteignait pas le niveau de contrôle que le Royal Winnipeg Ballet exerçait sur ses danseurs, selon ce qu’on peut lire dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet.

 

[20]         Robert Gilpin gérait au quotidien, et d’une manière presque totalement autonome, le salon funéraire de Forest. Après examen du contrôle exercé sur son travail, j’incline à penser qu’il était un entrepreneur indépendant, et non un employé.

 

III. La propriété des instruments de travail

 

[21]         En l’espèce, tous les équipements et objets dont Robert Gilpin avait besoin pour fournir les services étaient fournis par l’entreprise. Ils étaient achetés par Robert, mais ils étaient payés par l’entreprise. Le facteur qui concerne la propriété des instruments de travail milite ici tout à fait en faveur d’une relation employeur-employé. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il est nécessairement incompatible avec le statut d’entrepreneur indépendant.

 

IV. Les perspectives de profit et les risques de perte

 

[22]         En l’espèce, M. Robert Gilpin recevait toujours la même rémunération de 2 000 $ par mois. En revanche, il semble qu’il avait peu de frais à engager, voire pas du tout. Ce constat pourrait s’accorder à la fois avec un statut d’employé et avec un statut d’entrepreneur indépendant. Le cas particulier des Gilpin semble davantage refléter une relation père-fils avec lien de dépendance, au sein d’une entreprise familiale, il ne milite pas véritablement pour ou contre l’existence d’un contrat de louage de services ni pour ou contre l’existence d’un contrat d’entreprise. Je ne crois donc pas que ce facteur soit pertinent ou utile dans la présente affaire.

 

V. Conclusion

 

[23]         Finalement, je suis d’avis que Robert Gilpin n’occupait pas un emploi ouvrant droit à pension dans l’entreprise Gilpin Furniture and Funeral Service, lorsqu’il fournissait à cette entreprise ses services d’entrepreneur de pompes funèbres et ses services de gestion d’un salon funéraire. Le facteur de l’intention des parties et celui du contrôle exercé favorisent l’existence d’un statut d’entrepreneur indépendant. Ce statut n’était pas interdit, et les parties n’ont rien fait d’incompatible pouvant faire obstacle à ce statut, qui était celui qu’elles souhaitaient.

 

[24]         Pour ces motifs, j’accueillerai les appels et annulerai les décisions du ministre.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour d’avril 2009.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 192

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2008-2509(CPP), 2008-2510(CPP)

 

INTITULÉ :                                       GILPIN FURNITURE AND FUNERAL SERVICE LIMITED c. SA MAJESTÉ LA REINE , ROBERT GILPIN c. SA MAJESTÉ LA REINE 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 9 avril 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de Gilpin Furniture and Funeral Service Limited :

 

Représentant de Robert Gilpin :

 

 

 

M. Ronald Gilpin

 

M. Ronald Gilpin

 

Avocate de l’intimée :

Me Tanis Halpape

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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