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Dossier : 2007-1742(IT)G

ENTRE :

GIUSEPPE AGOSTINI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 12 janvier 2009, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelant :

Me John David Buote

Me Stella Kyriacou

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Paolo Torchetti

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Les appels des cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2002 et 2003 sont accueillis avec dépens, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait qu’il faut réduire les montants additionnels à inclure dans le revenu de l’appelant d’un montant de 53 755 $ pour l’année 2002 et d’un montant de 52 000 $ pour l’année 2003. Le revenu additionnel pour l’année 2002 sera de 18 245 $ au lieu de 72 000 $. Le revenu additionnel pour l’année 2003 sera de 25 154 $ au lieu de 77 154 $. Les pénalités imposées aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées.

 

Signé à Montréal (Québec), ce 16e jour de février 2009.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2009.

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


 

 

 

 

Référence : 2009CCI87

Date : 20090216

Dossier : 2007-1742(IT)G

ENTRE :

 

GIUSEPPE AGOSTINI,

appelant,

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

 

[1]              Pour les années d’imposition 2002 et 2003, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’égard de l’appelant une cotisation concernant les montants de 72 000 $ et de 77 154 $ respectivement que celui‑ci avait reçus et qu’il n’avait pas déclarés au titre du revenu.

 

[2]              L’appelant, un ingénieur civil, avait été embauché par Yukon Construction Inc. (« Yukon ») aux termes d’un contrat de travail daté du 1er mars 2001 pour travailler, dans la région de Collingwood, en Ontario, à un projet de construction du groupe Intrawest. Il s’agissait de construire de nouvelles habitations à Blue Mountains, dans le comté de Grey.

 

[3]              Le contrat, qui a été produit sous la cote A‑1, onglet 1, donne une description des tâches de l’appelant, qui avait expressément été embauché à titre de contremaître, coffrage à béton. Les tâches de l’appelant, telles qu’elles sont énumérées dans le contrat, ainsi que son salaire et ses frais de déplacement sont énoncés ci‑dessous :

 

          [traduction]

 

YUKON Construction Inc.

 

Le 1er mars 2001

 

Poste :                                     Contremaître, coffrage à béton

 

Description de tâches :          (les tâches ne sont pas limitées à celles qui sont énumérées ci‑dessous)

 

·        Assurer la supervision des employés sur les chantiers assignés, et agir comme premier contact pour les employés

·        Veiller à ce que des procédures de travail sûres soient en tout temps observées et assurer la formation des nouveaux employés à l’égard des risques du travail

·        Signaler tout accident qui survient ou toute situation dangereuse qui existe sur les chantiers assignés et enquêter à ce sujet

·        Superviser l’utilisation de l’équipement loué et veiller à ce que les entrepreneurs achèvent les travaux conformément aux attentes

·        Garder un œil sur le budget disponible, et assurer la planification concernant les matériaux et l’équipement nécessaires

·        Choisir les outils et les matériaux et veiller à ce qu’ils soient utilisés de la façon appropriée

·        Surveiller les ressources nécessaires sur le chantier et recruter au besoin des ressources additionnelles afin d’assurer l’exécution efficace des ordres de travail

·        Veiller à ce que l’état du projet soit communiqué au client et aux supérieurs d’une façon efficiente et exacte

·        Assurer la liaison entre le syndicat et les nouveaux employés ou les employés existants

·        Exécuter les tâches se rattachant à l’emploi sur tout chantier assigné, ces chantiers pouvant être à l’extérieur de la ville

·        Assister au besoin à des salons professionnels, au Canada et à l’étranger

·        Assister à des séminaires de formation professionnelle au Canada et à l’étranger

 

Traitement; salaire; frais de déplacement

 

·        Salaire de base de 1 000 $ par semaine

·        Kilométrage : 0,50 $ le kilomètre

·        Hébergement : 150 $ par jour (à l’extérieur de la ville)

·        Salons professionnels annuels : 150 $ par semaine

 

N.B. :  Les frais qui sont payés seront rajustés sur une base annuelle.

 

[4]              M. Loreto Perruzza, directeur général de Yukon, a témoigné; il a confirmé les conditions du contrat susmentionné qu’il avait signé pour le compte de Yukon et que l’appelant avait signé. Ce contrat était en vigueur pendant toute l’année 2002 et pendant toute l’année 2003. L’appelant a affirmé que, selon ce qui était prévu, le contrat attribué à Yukon par Intrawest devait durer de six à neuf mois. Toutefois, la durée du contrat a été prorogée, et l’appelant a travaillé, dans le cadre de ce contrat, pendant une période de deux ans, c’est‑à‑dire en 2002 et en 2003.

 

[5]              L’appelant avait, et a encore, sa résidence principale, à Woodridge, en Ontario, à environ 125 kilomètres du chantier de construction, à Collingwood. L’appelant devait être sur les lieux cinq jours par semaine. Il quittait la maison tôt le lundi matin et il revenait le mercredi pour faire rapport au siège social de Yukon, à Woodridge, et pour aller chercher les chèques de paie des employés de Yukon qui travaillaient sur le chantier de construction. Il retournait au chantier le jeudi matin et il revenait à la maison le vendredi soir, ou parfois le samedi matin.

 

[6]              Une allocation de déplacement, de 0,50 $ le kilomètre, était accordée à l’appelant. L’appelant a reçu de Yukon 13 000 $ par année pour se rendre de sa maison au chantier de construction, à Collingwood (125 km x 2, deux fois par semaine, pendant 52 semaines, à 0,50 $ le kilomètre = 13 000 $). Dans le formulaire Déclaration d’exemption – Emploi sur un chantier particulier (pièce A‑1, onglets 23 et 28), Yukon a déclaré que ce montant avait été versé à l’appelant pour le transport. Cette allocation était versée selon un taux fixe et l’appelant n’avait pas à fournir de pièces justificatives ou à tenir un carnet de route.

 

[7]              L’appelant a témoigné que, lorsqu’il était à Collingwood pendant l’été, il dormait dans son camion, dans lequel cinq passagers pouvaient prendre place. En hiver, il partageait une chambre avec un autre travailleur. L’appelant n’a pas produit de pièces justificatives. Il a déclaré avoir payé son compagnon de chambre en espèces. L’appelant a reçu de Yukon l’allocation de logement de 150 $ par jour, pour laquelle il n’avait pas à soumettre de pièces justificatives. Le montant de 150 $ par jour a été établi conformément à la convention collective conclue avec le syndicat. Le montant global reçu pour l’hébergement, en 2002 et en 2003, s’élevait à 39 000 $ par année (150 $ x cinq jours par semaine x 52 semaines par année).

 

[8]              L’appelant a également reçu 7 800 $ par année de Yukon afin d’assister à des salons professionnels (150 $ par semaine x 52 semaines). L’appelant a déclaré avoir assisté à cinq salons en tout en 2002 et en 2003. Un salon avait eu lieu à la Nouvelle‑Orléans, un autre à Hawaii, et les autres en Italie. Sauf pour un salon, l’appelant a effectué tous ces voyages avec sa femme, Angela Agostini, qui a confirmé la chose. M. Perruzza a déclaré que l’appelant avait reçu cette allocation pour assister, une ou deux fois par année, à des salons professionnels traitant de questions afférentes aux coffrages à béton et qu’il n’était pas nécessaire de fournir des pièces justificatives. Je crois comprendre que, dans la mesure où l’appelant revenait avec de nouvelles idées ou dans la mesure où il achetait pour l’entreprise de l’équipement neuf qui devait aider Yukon à être plus rentable, aucune question ne lui serait posée au sujet de la façon dont il avait utilisé l’allocation. M. Perruzza a affirmé qu’il est fort commun, dans l’industrie, d’assister à des salons professionnels.

 

[9]              L’appelant a également reçu de Yukon une allocation pour les déplacements qu’il effectuait à Collingwood et dans les environs afin d’assister à des réunions syndicales d’employés ou de rencontrer des fournisseurs ou des clients éventuels une fois ou deux par semaine. Cette allocation était incluse dans le montant de 14 000 $ figurant sous la rubrique : « Autre » dans le formulaire TD4 (Déclaration d’exemption – Emploi sur un chantier particulier) qui a été produit pour l’année 2002 (pièce A‑1, onglet 23), ainsi que dans le montant de 25 800 $ figurant dans le formulaire TD4 qui a été produit pour l’année 2003 (pièce A‑1, onglet 28).

 

[10]         En préparant ses déclarations de revenus, l’appelant a initialement déclaré un revenu d’emploi de 37 000 $ pour l’année 2002, selon le feuillet T4 délivré par Yukon pour cette année‑là (pièce R‑1, onglet 4). En ce qui concerne le montant global des allocations versées à l’appelant en 2002, Yukon a initialement délivré un état des paiements contractuels (formulaire T5018) indiquant des paiements de 72 000 $ au sous‑traitant de la construction (pièce R-1, onglet 5). L’appelant a témoigné n’avoir jamais reçu ce formulaire, qui avait apparemment été envoyé à sa résidence, à Woodbridge. L’appelant n’a pas inclus ce montant dans son revenu, parce qu’il estimait qu’il s’agissait d’une allocation raisonnable que son employeur lui avait remise afin de le rembourser des frais qu’il avait engagés personnellement au profit de son employeur. L’employeur a par la suite produit un état modifié des paiements contractuels (T5018), ramenant à zéro les paiements au sous‑traitant effectués en faveur de l’appelant en 2002 (pièce R‑1, onglet 7). À ce moment‑là, Yukon a délivré à l’appelant un feuillet T4 modifié indiquant un revenu d’emploi de 109 000 $ pour l’année 2002 (de sorte que l’allocation de 72 000 $ était incluse dans le revenu d’emploi, mais ce montant étant également inscrit à titre d’allocation non imposable (pièce R‑1, onglet 6, cases 14 et 40)).

 

[11]         Un formulaire de déclaration des conditions de travail (formulaire T2200) a par la suite été déposé pour l’année 2002, indiquant que l’appelant avait reçu une allocation fixe et qu’il était obligé de payer ses propres dépenses (pièce R‑1, onglet 9).

 

[12]         Pour l’année 2003, l’appelant a déclaré un revenu d’emploi de 52 000 $, selon le feuillet T4 délivré par Yukon (pièce R‑1, onglet 12). Yukon avait initialement délivré un formulaire T5018, indiquant des paiements au sous‑traitant de 77 154,27 $ (pièce R‑1, onglet 13). Ce formulaire a par la suite été modifié en vue de ramener ce montant à zéro (pièce R‑1, onglet 15) et un feuillet T4 modifié a été délivré, indiquant un revenu d’emploi de 129 154,27 $, et incluant une allocation non imposable de 77 154,27 $ (pièce R‑1, onglet 14, cases 14 et 40). Un formulaire de déclaration des conditions de travail semblable à celui qui avait été produit pour l’année 2002 a également été produit pour l’année 2003 (pièce R‑1, onglet 17).

 

[13]         Mme Phyllis McLeod, vérificatrice à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a témoigné. Elle a déclaré que les allocations qui avaient été reçues étaient imposables, étant donné que l’appelant n’avait pas prouvé qu’il avait engagé des dépenses associées à son emploi auprès de Yukon. L’appelant n’avait pas fourni de pièces justificatives pour les dépenses qu’il avait censément engagées à Collingwood. Il n’avait pas fourni de preuves montrant qu’il avait réellement assisté aux salons professionnels. Mme McLeod a également parlé à Mme Maria Pizzuti, chez Yukon, qui lui a dit que Yukon fournissait la pension et le logement, à Collingwood, et qu’un véhicule et une carte pour l’essence avaient également été fournis à l’appelant, ce que l’appelant a nié. Selon M. Perruzza, Mme Pizzuti considérait erronément l’appelant comme un sous‑traitant. En fin de compte, Mme McLeod a inclus dans le revenu le montant des allocations reçues par l’appelant sans accorder de déductions à cet égard et elle a imposé une pénalité aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

 

Analyse

 

[14]         Les avocats de l’appelant ont rangé les allocations reçues en quatre catégories différentes.  

 

1. Allocation se rattachant aux salons professionnels : 7 800 $ par année

 

[15]         Les avocats de l’appelant ont d’abord soutenu qu’aucun avantage n’était conféré aux termes de l’alinéa 6(1)a) de la LIR à cet égard. Le passage pertinent de l’alinéa 6(1)a) est libellé comme suit :

 

(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

a) Valeur des avantages – La valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu’il a reçus ou dont il a joui au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi, [...]

 

[16]         Les avocats ont soutenu que l’objet prédominant de l’allocation que l’appelant avait reçue pour assister aux salons professionnels était de promouvoir l’entreprise de l’employeur et que la jouissance personnelle était simplement accessoire. Ils ont donc conclu que cette allocation n’était pas imposable (Lowe v. The Queen, 96 DTC 6226 (C.A.F.), décision mentionnée dans McGoldrick c. la Reine, 2003 CCI 427, paragraphe 17). Cela serait vrai si l’appelant pouvait établir qu’il assistait aux salons professionnels pour l’employeur et que l’avantage personnel qu’il en retirait n’était en fait qu’accessoire. L’appelant a témoigné avoir effectué trois voyages en 2002, un à la Nouvelle‑Orléans, un à Hawaii et un à Bari, en Italie. En 2003, il est allé à Milan et à Bari en Italie. Selon la pièce A‑1, onglet 32, le voyage à la Nouvelle‑Orléans, au mois de janvier 2002, a coûté 1 755 $. Une facture d’hôtel montre que l’appelant y a passé trois nuits, du 9 janvier au 12 janvier 2002 (pièce R‑1, onglet 22, 3e page). L’appelant a également produit une carte dite « ExpoCard » indiquant qu’il avait assisté à un congrès, à la Nouvelle‑Orléans, au cours de la période allant du 9 au 12 janvier 2002 (pièce A‑2). La preuve indique clairement que l’appelant a assisté à un salon professionnel, à la Nouvelle‑Orléans, au mois de janvier 2002.

 

[17]         Toutefois, en ce qui concerne Hawaii et l’Italie, la preuve est loin d’être claire. Selon une facture d’hôtel qui a été produite, onglet 22 de la pièce R‑1, 4e à 7e pages, l’appelant a logé au Hilton Waikoloa Village, à Hawaii, du 26 janvier au 1er février 2002, c’est‑à‑dire pendant une semaine entière. Il n’existe aucune preuve documentaire montrant qu’il a assisté à un salon professionnel à cet endroit.

 

[18]         Quant au voyage à Bari, Italie, une facture de billet d’avion a été produite, laquelle indiquait que l’appelant et sa femme étaient allés en avion à Bari le 8 septembre 2002 et qu’ils étaient revenus le 26 septembre 2002, après avoir passé deux semaines et demie à cet endroit (pièce R‑1, onglet 22, 18e page).

 

[19]         En 2003, l’appelant s’est rendu en avion à Milan avec sa femme le 12 novembre et est revenu le 26 novembre, le voyage ayant duré deux semaines (pièce R‑1, onglet 22, huitième page à partir de la fin). Mme Angela Agostini a témoigné qu’elle n’avait pas accompagné son mari pour ce voyage, mais la facture relative au billet d’avion indiquait le contraire. L’appelant n’a pas pu fournir de documents montrant qu’il avait assisté à des salons professionnels lorsqu’il était à Milan. Quant au voyage à Bari, en 2003, je n’ai rien trouvé à ce sujet dans les documents qui ont été produits en preuve.

 

[20]         Je conclus donc que, sauf pour le voyage à la Nouvelle‑Orléans, tous les voyages étaient avant tout des voyages d’agrément plutôt que des voyages d’affaires. L’allocation annuelle de 7 800 $ que l’appelant a reçue est donc imposable, à l’exception d’un montant de 1 755 $ pour le voyage à la Nouvelle‑Orléans en 2002, selon les chiffres fournis par l’appelant, pièce A‑1, onglet 32, et confirmés par un relevé de carte de crédit Visa (pièce R‑1, onglet 22).

 

2. L’allocation pour la pension et le logement : 39 000 $ par année

 

[21]         Les avocats de l’appelant se fondent sur l’alinéa 6(6)a) de la LIR pour affirmer que cette allocation n’est pas imposable. Cette disposition est libellée comme suit :

 

6(6) Emploi sur un chantier particulier ou en un endroit éloigné – Malgré le paragraphe (1), un contribuable n’inclut, dans le calcul de son revenu tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, aucun montant qu’il a reçu, ou dont il a joui, au titre, dans l’occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi et qui représente la valeur des frais – ou une allocation (n’excédant pas un montant raisonnable) se rapportant aux frais – qu’il a supportés pour :

 

a)  sa pension et son logement, pendant une période donnée;

 

(i) soit sur un chantier particulier qui est un endroit où le travail accompli par lui était un travail de nature temporaire, alors qu’il tenait ailleurs et comme lieu principal de résidence, un établissement domestique autonome :

 

(A)                     d’une part, qui est resté à sa disposition pendant toute la période et qu’il n’a pas loué à une autre personne,

(B)                      d’autre part, où on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il retourne quotidiennement étant donné la distance entre l’établissement et le chantier,

 

(ii) soit à un endroit où on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il établisse et tienne un établissement domestique autonome, étant donné l’éloignement de cet endroit de toute agglomération,

 

si la période au cours de laquelle son travail l’a obligé à s’absenter de son lieu principal de résidence ou à être sur ce chantier ou à cet endroit était d’au moins 36 heures [...]

 

[22]         Je ne crois pas qu’il soit contesté que l’appelant a reçu une allocation pour la pension et le logement. L’allocation est définie comme suit dans l’arrêt Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264, paragraphe 21 :

 

21.       Selon la définition de l’arrêt Pascoe, il faut, pour que l’on puisse qualifier une somme d’argent d’« allocation », qu’elle satisfasse à trois conditions : (1) la somme doit être limitée et déterminée à l’avance; (2) la somme doit être versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à un certain type de dépenses; (3) cette somme doit être à l’entière disposition de celui qui la touche sans qu’il ait de comptes à rendre à personne.

 

[23]         En l’espèce, l’allocation qui a été reçue était une somme limitée et déterminée à l’avance (150 $ par jour passé à l’extérieur de la ville); cette allocation était versée afin de permettre le paiement d’un certain type de dépenses (à savoir le logement, ce qui comprend de toute évidence, la pension; voir Transport Baie‑Comeau Inc. v. R., 2006 CarswellNat 4412). La somme versée doit être à l’entière disposition de celui qui la touche sans qu’il ait de comptes à rendre à personne, ce qui est ici le cas.

 

[24]         L’allocation en question était d’un montant raisonnable puisqu’elle était basée sur ce qu’il fallait payer aux termes de la convention collective. L’allocation a été versée pendant la période où l’appelant devait travailler sur un chantier particulier (à Collingwood), ce que l’intimée ne conteste pas. Sur ce chantier, l’appelant devait accomplir un travail d’une nature temporaire (l’appelant a été affecté à un contrat qui devait durer de six à neuf mois, mais qui a finalement duré deux ans). L’appelant a également conservé sa résidence principale, à Woodbridge, où il retournait deux fois par semaine. La seule condition qui intéresse l’intimée, lorsqu’il s’agit d’appliquer l’alinéa 6(6)a) en l’espèce, se rapporte à l’allocation que le contribuable doit recevoir pour les frais qu’il a supportés au titre de la pension et du logement. De toute évidence, l’appelant devait manger pendant qu’il travaillait à Collingwood, mais la preuve est plutôt contradictoire et nébuleuse pour ce qui est du logement. L’appelant n’a pas fourni de pièces justificatives à cet égard. Il a affirmé qu’il dormait dans son camion pendant l’été et qu’en hiver, il partageait une chambre avec un compagnon de travail. Il a également affirmé avoir payé son compagnon de travail en espèces. D’autre part, le vérificateur disposait de renseignements d’une représentante de Yukon, Maria Pizzuti, qui avait déclaré que c’était l’employeur qui payait le logement de l’appelant.

 

[25]         M. Perruzza, directeur général de Yukon, a témoigné qu’il y avait un genre de chalet dans lequel plusieurs employés pouvaient loger. Toutefois, il a déclaré que le contrat prévoyait le paiement d’une allocation en faveur de l’appelant pour couvrir les frais de logement de celui‑ci. L’appelant a affirmé qu’à cause de certains problèmes de santé, il ne pouvait pas partager une seule chambre avec d’autres personnes. Pendant l’été, il préférait dormir dans son camion. En hiver, il était bien obligé de partager une chambre avec un compagnon de travail.

 

[26]         L’alinéa 6(6)a) renferme les mots « se rapportant aux frais qu’il a supportés ». De toute évidence, l’appelant supportait les frais associés à son camion, dans lequel il dormait pendant l’été. Cependant, il devait dormir ailleurs en hiver. Il ne pouvait pas utiliser le logement fourni par l’employeur, s’il y en avait un, à cause de ses problèmes de santé. Une allocation de logement était expressément prévue dans ce contrat, et je conclus que l’allocation que l’appelant a reçue se rapportait à des frais qu’il avait supportés pour la pension et le logement. En outre, la preuve révèle que l’appelant passait chaque semaine trois nuits (et parfois quatre) dans la région de Collingwood. Je suis donc d’avis que toutes les conditions nécessaires, selon l’alinéa 6(6)a), ont été remplies. Par conséquent, cette allocation n’est pas imposable.

 

3. L’allocation de transport entre la résidence de l’appelant et le chantier : 13 000 $ par année

 

[27]         Selon les avocats de l’appelant, cette allocation n’est pas imposable en vertu de l’alinéa 6(6)b), qui est libellé comme suit :

 

6(6) Emploi sur un chantier particulier ou un endroit éloigné. Malgré le paragraphe (1), un contribuable n’inclut, dans le calcul de son revenu tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, aucun montant qu’il a reçu, ou dont il a joui, au titre, dans l’occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi et qui représente la valeur des frais – ou une allocation (n’excédant pas un montant raisonnable) se rapportant aux frais – qu’il a supportés pour

 

[...]

 

b) le transport, au titre d’une période visée à l’alinéa a) pendant laquelle il a reçu de son employeur la pension et le logement ou une allocation raisonnable au titre de la pension et du logement, entre :

 

(i) soit son lieu principal de résidence et le chantier particulier visés au sous‑alinéa a)(i),

 

(ii) soit l’endroit mentionné au sous‑alinéa a)(ii) et un endroit au Canada ou un endroit dans un pays où le contribuable est employé.

 

[28]         L’allocation de transport est de fait une allocation selon les critères énoncés dans l’arrêt Gagnon, précité. Cette allocation était de 0,50 $ le kilomètre pour le transport entre le lieu principal de résidence de l’appelant, à Woodridge, et le chantier particulier (Collingwood). L’avocat de l’intimée fait valoir que l’appelant n’a pas prouvé qu’il utilisait son propre véhicule. Toutefois, M. Perruzza, qui témoignait pour le compte de l’employeur, n’a pas contredit l’appelant sur ce point et son témoignage n’a pas été contesté au cours du contre‑interrogatoire. Je conclus donc que l’allocation de transport de 13 000 $ satisfait au critère énoncé à l’alinéa 6(6)b) de la LIR et qu’elle n’est pas imposable.

 

4. Le reste de l’allocation pour frais de déplacement : 12 200 $ en 2002 et 17 354 $ en 2003

 

[29]         Les avocats de l’appelant déclarent que les frais se rattachant aux déplacements locaux de l’appelant à Collingwood étaient payés. L’appelant était obligé de se rendre dans les environs pour trouver de nouveaux fournisseurs ou pour assister à des réunions syndicales. Ces déplacements se rattachaient aux activités commerciales de Yukon, ce que le directeur général a confirmé. Selon les avocats de l’appelant, l’allocation était une allocation raisonnable liée à la négociation de contrats pour l’employeur, et cette allocation n’est pas imposable aux termes du sous‑alinéa 6(1)b)(v), qui est rédigé comme suit :

 

6(1) Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi – Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

[. . .]

 

b) Frais personnels ou de subsistance – les sommes qu’il a reçues au cours de l’année à titre d’allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d’allocations à toute autre fin, sauf :

 

            [. . .]

 

            (v) les allocations raisonnables pour frais de déplacement reçues de son employeur par un employé et afférentes à une période pendant laquelle son emploi était lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur,

 

            [. . .]

 

[30]         L’avocat de l’intimée affirme que rien ne montre que des déplacements aient été effectués à quelque fin de ce genre. L’appelant ne tenait pas de carnet de route. Certains déplacements, dans la région de Collingwood, étaient de toute évidence exigés par l’employeur. Toutefois, nous ne savons pas si l’appelant tirait personnellement profit de l’allocation qu’il recevait. Selon les feuillets T4 modifiés, l’appelant a reçu en tout des allocations s’élevant à 72 000 $ en 2002 et à 77 154,27 $ en 2003. Si nous faisons abstraction de l’allocation versée pour les salons professionnels (7 800 $), pour le transport entre la résidence de l’appelant et le chantier (13 000 $) et pour la pension et le logement (39 000 $), il reste un montant de 12 200 $ pour l’année 2002 et un montant de 17 354 $ pour l’année 2003, à l’égard des déplacements dans la région de Collingwood. À mon avis, ce montant est beaucoup trop élevé, si nous le comparons avec l’allocation annuelle de 13 000 $ qui était versée à l’appelant pour les déplacements entre sa maison et le chantier. La charge de la preuve incombe à l’appelant sur ce point, et celui‑ci n’a pas réussi à me convaincre que l’allocation qu’il a reçue afin de négocier des contrats pour Yukon était raisonnable et qu’elle était exonérée d’impôt en vertu du sous‑alinéa 6(1)b)(v) de la LIR.

 

Les pénalités

 

[31]         Les pénalités sont annulées, étant donné que j’ai décidé qu’il faut réduire le revenu additionnel qui a été imposé d’un montant d’environ 70 p. 100.

 

Décision

 

[32]         Les appels sont accueillis avec dépens, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait qu’il faut réduire les montants additionnels à inclure dans le revenu de l’appelant d’un montant de 53 755 $ pour l’année 2002 et d’un montant de 52 000 $ pour l’année 2003. Le revenu additionnel pour l’année 2002 sera de 18 245 $ au lieu de 72 000 $. Le revenu additionnel pour l’année 2003 sera de 25 154 $ au lieu de 77 154 $. Les pénalités imposées aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées.

 

 

Signé à Montréal (Québec), ce 16e jour de février 2009.

 

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2009.

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2009CCI87

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2007-1742(IT)G

 

INTITULÉ :                                       GIUSEPPE AGOSTINI

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 12 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 févier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me John David Buote

Me Stella Kyriacou

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Paolo Torchetti

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                             John David Buote

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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