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Dossier : 2006-3611(GST)I

ENTRE :

MARVIN ANSORGER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 25 novembre 2008, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

 

Avocate de l’intimée :

MeDeborah McGuire

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’égard de la cotisation établie sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 13 janvier 2006 et porte le numéro 10BT0300028, est accueilli conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          La Cour ordonne que les frais de 100 $ engagés au titre du dépôt de l’avis d’appel soient remboursés à l’appelant.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6ejour de février 2009.

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

 

D. Laberge, LL.L.


 

 

Référence : 2009CCI073

Date : 20090206

Dossier : 2006-3611(GST)I

ENTRE :

MARVIN ANSORGER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]  Il s’agit en l’espèce de décider si l’appelant était tenu de percevoir et de remettre une TPS de 11 585 $ sur la vente d’un terrain en 2003.

 

[2]  Selon la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), la vente d’un terrain constitue une fourniture taxable qui est assujettie à la TPS, à moins que cette fourniture ne soit expressément exonérée. Les fournitures exonérées sont énumérées à l’annexe V de la Loi, et les fournitures d’immeuble qui sont exonérées figurent à la partie I de cette annexe.

 

[3]  Dans le cadre du présent appel, la portion pertinente de la partie I de l’annexe V se trouve au sous‑alinéa 9(2)a)(i), lequel est ainsi rédigé :

 

Annexe V : Fournitures exonérées

Partie I : Immeubles

 

            […]

 

9(2) La fourniture par vente d’un immeuble, effectuée par un particulier ou une fiducie personnelle, à l’exclusion des fournitures suivantes :

 

a) la fourniture d’un immeuble qui est, immédiatement avant le transfert de sa propriété ou de sa possession à l’acquéreur aux termes de la convention concernant la fourniture, une immobilisation utilisée principalement :

 

(i) soit dans une entreprise que le particulier ou la fiducie exploite dans une attente raisonnable de profit,

 

                        […]

 

[4]  L’intimée affirme que, avant sa vente, l’immeuble dont l’appelant a disposé était une immobilisation que ce dernier utilisait principalement dans une entreprise agricole exploitée dans une attente raisonnable de profit. Elle soutient donc que l’exception prévue au sous‑alinéa 9(2)a)(i) s’applique et que la vente faite par l’appelant ne constituait pas une fourniture exonérée.

 

[5]  L’appelant fait valoir qu’il n’utilisait pas le terrain dans une entreprise agricole avant la vente de cet immeuble et que la vente est donc exonérée en application du paragraphe 9(2) de la partie I de l’annexe V.

 

Faits

 

[6]  L’appelant a hérité de son père, qui est décédé en 1995, deux parcelles de terrain diagonalement adjacentes. La première parcelle est officiellement décrite ainsi : [traduction] « SE ¼, section 5, canton 50, rang 23 W4M (la « SE ¼ »). Elle se composait d’environ 160 acres. La maison familiale et quelques bâtiments agricoles se trouvaient sur cette parcelle. La seconde parcelle est officiellement décrite comme suit : [traduction] « NW ¼, section 5, canton 50, rang 23 W4M » (la « NW ¼ »). Elle se composait d’environ 151 acres. Les deux parcelles ont été transférées à l’appelant le 17 décembre 2001.

 

[7]  En 2003, l’appelant a subdivisé la NW ¼ en deux lots sensiblement égaux, lesquels ont été désignés comme le [traduction] « lot nord » et le [traduction] « lot sud ». Il a vendu le lot nord le 7 octobre 2003 pour une somme de 165 500 $ et il n’a perçu aucune TPS des acquéreurs. Le ministre a subséquemment établi à l’égard de l’appelant une cotisation visant la TPS relative à cette vente. (Bien que le lot sud ait également été vendu et qu’aucune TPS n’ait été perçue, cette vente n’est pas en litige parce que l’immeuble a été vendu à un inscrit pour la TPS.)

 

[8]  Dans son témoignage, l’appelant a mentionné qu’il n’exploitait pas [traduction] « d’une façon rentable » les lots nord et sud avant leur vente et que seule la SE ¼, qu’il appelait le [traduction] « quadrant domiciliaire », était exploitée [traduction] « comme une ferme ». Il a ajouté que, pour rendre service à son cousin, il avait autorisé ce dernier à récolter et à conserver le foin de la NW ¼. Il a agi ainsi parce que son cousin lui avait prêté de l’argent pour payer certains impôts fonciers en souffrance. L’appelant a affirmé qu’il avait peut‑être reçu une partie du foin récolté sur la NW ¼, mais que cette activité n’était pas réellement exercée dans une attente de profit. Selon son témoignage, il avait en outre laissé son cousin conserver le foin du NW ¼ afin d’éviter que le comté n’arrose le terrain pour empêcher la propagation des mauvaises herbes.

 

[9]  Quant à la SE ¼, l’appelant a déclaré qu’il avait conclu une autre entente avec son cousin par laquelle ce dernier récoltait et conservait le foin de cette parcelle en contrepartie de 20 à 40 pour 100 du foin. Apparemment, son cousin vendait le foin de l’appelant pour le compte de celui‑ci et lui en remettait le produit en espèces. Certains éléments de preuve permettent de penser que l’appelant élevait également quelques têtes de bétail sur la SW ¼.

 

[10]         Dans chacune de ses déclarations de revenus produites relativement aux années d’imposition 2000 à 2004, l’appelant a déclaré un revenu tiré de l’agriculture et il a produit avec chaque déclaration un état des résultats des activités d’une entreprise agricole relatif à chacune des années en cause. Selon ces états, un revenu de 7 000 $ a été tiré de la vente des récoltes en 2000, en 2001, en 2002 et en 2003. Ils montrent aussi que l’appelant était propriétaire de 320 acres et qu’il en cultivait 270 en 2000, en 2001 et en 2002, tandis qu’il était propriétaire de 160 acres et en cultivait 155 en 2003.

 

[11]         Dans son témoignage, l’appelant a affirmé que le montant du revenu tiré de l’agriculture inscrit dans les déclarations de revenus (7 000 $ par année) n’était qu’une approximation ou une [traduction] « estimation grossière » et qu’il n’avait pas noté ce qu’il avait reçu de son cousin. En ce qui concerne la SE ¼, il a mentionné que son cousin et lui avaient estimé que la part du produit de la vente du foin revenant à l’appelant s’élevait à 3 500 $ et que son expert‑comptable avait probablement déduit, à tort, de cette estimation qu’il avait tiré un revenu total de 7 000 $ de la vente du foin récolté sur l’ensemble des parcelles SE ¼ et NW ¼. Or, à un autre moment pendant son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il avait lui‑même demandé à l’expert‑comptable d’utiliser une [traduction] « estimation grossière » du revenu tiré de l’agriculture de 7 000 $. L’appelant soutient toutefois qu’il n’a reçu aucune somme au titre du foin récolté sur la NW ¼.

 

[12]         En ce qui a trait à 2004, l’appelant, après avoir transféré la moitié de la parcelle SE ¼ à sa fille, a déclaré un revenu de 1 750 $ provenant de la vente de foin. À chacune des années en cause, l’appelant a tiré un profit de son entreprise agricole une fois ses dépenses déduites.

 

[13]         L’appelant a également déclaré un revenu gagné dans le cadre d’une entreprise de soudage. À chacune des années, à l’exception de 2002, l’appelant a tiré du soudage un revenu moindre que celui de son entreprise agricole.

 

[14]         Dans sa déclaration de revenus relative à 2003, l’appelant a déclaré un gain en capital imposable de 53 390 $ découlant de la vente des lots nord et sud, mais il a annulé ce gain en demandant une déduction pour gains en capital sur le fondement que les lots étaient des « biens agricoles admissibles » au sens du paragraphe 110.6(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[15]         L’appelant a affirmé que son expert‑comptable avait préparé ses déclarations de revenus et qu’il ne les avait pas lues avant de les signer. Il a ajouté qu’il ne savait pas que les lots avaient été déclarés comme des biens agricoles admissibles pour les besoins de l’impôt.

 

Thèses des parties

 

[16]         L’appelant a soutenu que la vente du lot nord n’avait pas donné lieu à une TPS parce qu’il n’avait pas principalement utilisé l’immeuble dans une entreprise avant la vente.

 

[17]         L’avocate de l’intimée a fait valoir qu’avant la vente du lot nord, l’appelant avait utilisé la NW ¼ (y compris le lot nord) dans le cadre d’activités commerciales en raison de l’entente de métayage qu’il avait conclue avec son cousin. Selon l’avocate, la preuve a établi que l’appelant avait tiré un revenu de l’entente de métayage et qu’il avait déclaré que ce revenu était tiré d’une entreprise agricole. Elle a en outre signalé que l’appelant avait déclaré un profit tiré de l’agriculture pour chacune de ses années d’imposition 2000, 2001 et 2002. Par conséquent, avant la vente du lot nord, le bien constituait une immobilisation utilisée dans une entreprise exploitée par l’appelant dans une attente raisonnable de profit et le sous‑alinéa 9(2)a)(i) de la partie I de l’annexe V de la Loi soustrayait la vente du bien à l’exonération de TPS que l’annexe V accorde en matière de vente d’immeuble.

 

Analyse

 

[18]         À la lumière de l’ensemble de la preuve, je conclus que l’appelant n’exploitait pas une entreprise agricole sur le lot nord avant la vente de celui‑ci et qu’il n’était donc pas tenu de percevoir et de remettre la TPS relativement à cette vente.

 

[19]         J’accepte le témoignage de l’appelant voulant qu’il ait autorisé son cousin à récolter le foin sur la NW ¼ en contrepartie d’une portion du foin produit. Chacune des parties a qualifié cette entente de « métayage », lequel peut être assimilé à la location du bien, le loyer étant payé au moyen des récoltes obtenues.

 

[20]         La preuve établit que l’appelant n’a fourni ni main‑d’œuvre ni effort pour obtenir sa part du foin récolté sur la terre et qu’aucune partie de son équipement agricole n’a été utilisée par son cousin pour la récolte. Tout ce que l’appelant avait à faire se résumait à fournir la terre. À mon avis, le revenu, quel qu’il soit, reçu par l’appelant dans le cadre de cette entente constituerait un revenu tiré d’un bien plutôt qu’un revenu tiré d’une entreprise.

 

[21]         Je reconnais que l’appelant a déclaré la valeur du foin qu’il a reçu comme un revenu tiré d’une entreprise agricole mais, pour les raisons susmentionnées, j’estime que cette qualification était erronée. L’inclusion du revenu reçu par l’appelant au titre du métayage visant la NW ¼ dans les revenus déclarés dans l’état des résultats des activités d’une entreprise agricole joints à ses déclarations de revenus ne peut avoir pour effet de convertir le revenu tiré du métayage en revenu d’entreprise. Les seules dépenses que l’appelant a déduites du revenu agricole total déclaré consistaient en les impôts fonciers pour chaque année et en certaines déductions pour amortissement en 2001 et en 2002 relativement à du matériel et à des bâtiments situés et utilisés sur la SW ¼. Le fait qu’aucune dépense autre que l’impôt foncier n’a été déduite au titre de la NW ¼ étaye selon moi la conclusion voulant que l’appelant n’ait pas utilisé le bien dans le cadre d’une entreprise.

 

[22]         Je conviens aussi que la thèse avancée par l’appelant en l’espèce est incompatible avec l’allégation qu’il a faite dans sa déclaration de revenus relative à 2003 selon laquelle les lots nord et sur constituaient des « biens agricoles admissibles » lorsqu’ils ont été vendus en 2003. Suivant le paragraphe 110.6(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, un « bien agricole admissible » est un bien qui est « utilisé principalement dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise agricole au Canada ». L’intimée n’a toutefois pas avancé que l’appelant était préclus de faire valoir qu’il n’utilisait pas la NW ¼ dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise agricole, et la preuve dont je suis saisi me convainc que le bien n’était pas, dans les faits, utilisé de cette façon par l’appelant.

 

[23]         Cette conclusion est suffisante pour trancher l’appel en faveur de l’appelant.

 

[24]         Je suis conscient qu’on aurait également pu alléguer que la vente du lot nord ne constituait pas une fourniture exonérée au sens du sous‑alinéa 9(2)a)(ii) de la partie I de l’annexe V. En effet, cette disposition prévoit que, lorsque le vendeur d’un immeuble est un inscrit et qu’avant la vente l’immeuble est utilisé principalement pour effectuer des fournitures taxables par bail, licence ou accord semblable, la vente de l’immeuble ne constitue pas une fourniture exonérée. Vraisemblablement, selon l’entente de métayage visant la NW ¼ qu’il a conclue avec son cousin, l’appelant a effectué une fourniture taxable du terrain au moyen d’une licence. Cependant, cet argument n’a pas été soulevé par l’intimée, et il serait injuste pour l’appelant que la Cour l’examine sans avoir reçu des observations sur ce point de la part des parties (voir la décision Canada c. Nunn, 2006 CAF 403).

 

[25]         Pour tous les motifs énoncés, l’appel est accueilli.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de février 2009.

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de mars 2009.

 

D. Laberge, LL.L.


 

RÉFÉRENCE :                                  2009CCI073

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-3611(GST)I

 

INTITULÉ :                                       Marvin Ansorger et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 25 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge B. Paris

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 6 février 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

 

Avocate de l’intimée :

MDeborah McGuire

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

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